Des rires métalliques retentissaient dans la nuit de pleine lune. Du rouge pétant s'affinait en piques relevées sur le front d'un jeune encapuchonné assis sur le trottoir d'une ruelle. Gare à vous si ses dents en venaient à caresser votre peau, elles étaient taillées comme les canines d'une bête, et fuyez ! J'ai bien dit fuyez s'il s'approche un peu trop près ! Ses étreintes ont la force d'un gorille, il pourrait facilement vous briser quelques cotes ! Dans l'obscurité ses yeux ardents échangeaient de manière complice avec une étincelle, un éclair dangereux qui le suivait dans son enjouement. Un contact avec son corps et c'est la décharge électrique assurée. Il charme d'un sourire et vous embarque dans une tempête de courant magnétique dont vous ne pouvez rechaper. Il manipule sa proie jusqu'à ses rêves telle la créature mythologique Succube. Là où le roux ne goutterait qu'un peu de sang le blond lui réduirait en cendre sa cible sans hésiter.
Il y avait aussi un loup au regard sanglant de rage. Il portait en lui une haine dévastatrice qui le poussaient aux tueries les plus abjectes. Ses pulsions meurtrières inquiétaient même les deux autres pourtant déjà très puissant. Le loup était respecté mais aussi craint par son entourage. Il pouvait détruire tout ce qui l'entravait et c'était le plus déterminé et le plus libre des créatures des ténèbres de la ville.
«Aujourd'hui notre mission est simple.»
Les mèches lisses de l'éclair se balancèrent d'agacement.
«Tu dis ça à chaque fois Kirishima, mais ça ne se passe jamais comme prévu pas vrai Bakugou?»
«Fermez vos gueulent et bougez-vous les taches.»
«Ok ok, on se lance.»
Un mur vola en éclat sous les points de pierre de Kirishima et en une seconde Bakugou avait jailli, frappé et immobilisé deux hommes somnolant en armure.
«Grouille de voler leur butin Kaminari! Les dirigeants vont bientôt se ramener !»
Le blond jetait en masse des trésors dans un sac en toile brune.
«Ça y est! j'ai tout!»
Les hommes meurtris remuèrent au sol.
«Qui êtes-vous? Vous le regretterez !»
«On ne vole pas des chevaliers de l'ordre impérial sans être puni!»
Bakugou écrasa la main du plus musclé en plusieurs coup dur. Sa colère était dissimulée sous un masque sombre.
«Crevez! Bande de salops ! Si je pouvais, je vous torturerai pour le restant de votre vie bande de sous-fifres de cette monarchie de merde!»
«Perds pas ton temps avec eux… Murmura le plus musclé à l'oreille de son camarade.»
Un grognement se fit entendre et le groupe de voleurs s'éclipsa aussi vite qu'entrer dans l'auberge. Ils gravirent un mur rocailleux de liane, sautèrent de toit en toit et se laissèrent glisser le long d'un tunnel boueux. Au bout de ce dernier se trouvait leur refuge, un souterrain vaste dans lequel ils avaient creusé de petites pièces faisant office de chambres ou de salons. Des piliers reconstitués de plusieurs matériaux retenaient le plafond de s'effondrer. Il y avait des tapis et des meubles ainsi que plusieurs objets décoratifs mais rien d'extravagant. Le roux, l'éclair et le loup vivaient humblement dans ce repaire qu'ils avaient pris des années à parfaire avec l'aide de leur compagnon le financier roturier.
«Sero! C'est le gros pactole aujourd'hui, on a déniché des gens hauts placés on a attendu que ces idiots s'endorment et hop! J'aurais droit à quelques sous pour m'amuser demain ?»
Le dénommé Sero avait les cheveux mi-longs brun foncé, un air idiot sur le visage, et des avant-bras anormalement musclés. Il s'approcha de l'éclair qui vidait son sac sur une table basse un grand sourire aux lèvres. Il y avait là des bijoux en or, des chaînes, des bagues, ainsi de des pierres précieuses jaunes, vertes, bleues et rouges, de plusieurs tailles différentes, et des reliques obscures qui leurs étaient inconnues.
«Tu peux prendre une ou deux pierres jaunes, tu l'as bien mérité! C'est une belle prise! Prenez-en aussi tous les deux. »
Ils se tourna vers ses amis, l'un d'eux s'était déjà engouffré dans sa pièce attitrée et l'autre était sur le point de le faire.
«j'ai besoin de rien merci, je vais me reposer à demain.»
Il tira un lourd rideau rougeoyant derrière lui et se décapuchonna, ses cheveux roux flottèrent dans son abri peint d'un noir coloré de bougies aux senteurs exotiques. Il souffla d'épuisement. Un large miroir ovale renvoyait une réflexion marquée de cernes, l'ombre ferma les yeux et se dirigea vers son lit. Elle avait une épée en main, appartenant à l'une des deux victimes qu'elle avait agressées, elle la dissimula sous son oreiller et s'assoupit.
«Tamaki… Tamaki!»
Ce nom peuplait toujours ses rêves, il n'y avait pas de corps net qui lui était lié, juste une masse difforme et changeante, mais ce nom ne se séparait pas d'une époque lointaine et d'un sentiment lourd de nostalgie.
«Si tu pars laisse moi t'accompagner.»
« Non reste où tu es ! »
Il se réveilla soudain. Les abdos du garçon se gonflèrent dans un effort vif pour se redresser, mais on l'en empêcha. Sa vue trouble se précisa sur la grimace terrifiante d'un Bakugou énervé qui le dominait de son torse large. Une petite goutte de sueur coula sur sa tempe.
«Je vais te briser !»
L'assujetti tenta de se libérer de l'emprise du loup qui lui tenait les poignets mais ne parvint pas à s'en défaire.
«Bakugou! Calme toi !»
«Pauvre tache! Tu crois que j'avais pas remarqué ! Les trouvailles des missions ne sont pas personnelles ! Apportes cette épée à Sero où je te les brise! Si toi aussi tu te mets à enfreindre nos lois comme l'autre femmelette je t'explose.»
La lame au pommeau incrusté de rubis emmagasinait l'éclairage pour illuminer la férocité du canidé. Kirishima la serrait contre lui en plissant les yeux.
«Elle me rappelle quelque chose de vague… Je pensais qu'en la gardant près de moi...»
«Ce n'est pas mon problème c'est avec la tête d'ahurie que tu dois voir pour les gains, je fais mon boulot, fais le tient ou t'es mort.
Cela faisait maintenant cinq ans que le rouquin avait rejoint la bande. Les règles étaient simples, la vie personnelle de devait pas affecter les missions, on ne devait rien faire qui puisse mettre en danger ses camarades, tous les trésors gagnés devaient être présentés à Sero et enfin, on ne devait pas se mêler des affaires des autres. Cette dernière avait évidemment été dicté par Bakugou. Il était certain pour le roux que la vie de ses camarades avant leurs rencontres n'avait pas été simple, ils mettaient tout en œuvre pour ne pas la révéler aux autres. Mais pour lui, c'était simple, il ne pouvait tout simplement rien dire sur son passé, le noir absolu. Quand on l'avait trouvé évanoui hors des murailles de la ville il avait perdu la mémoire. Le canidé était le seul au courant.
« Cette épée n'a rien de spéciale, elles sont toutes comme ça chez eux… dit ce dernier en partant. »
Il se retira d'un air sérieux en violentant le rideau dans son dos. Puis les traits courroucés et les dents serrés il traversa le demi-jour. Le faciès de sa hantise lui revenait en tête. C'était la cause de tous ces maux, le démon de toutes ses pensées.
«Je le buterai!»
XXXX
Le haut des tours d'un château à l'horizon, épée à la taille, je gravissais une colline aux routes zigzagantes. D'immenses buissons se perdaient dans le ciel brûlant d'un début d'après midi étouffant, ils longeaient la paroi infranchissable derrière laquelle seule la noblesse et les plus puissants guerriers pouvaient se trouver. Après trois-quarts d'heure à grimper j'arrivai devant le portail aux grilles fortifiées et gardées par deux géants. Cuirasses, casques, et lances argentées qui scintillaient comme du cristal. Pris dans mon émerveillement je me retournais et me courbais le poing serré sur la poitrine.
« Woawwww ! J'y suis enfin ! Respire un bon coup, Midoriya Izuku, tu es à un cheveu de réaliser ton rêve ! »
J'allai à la rencontre d'un portier.
« Euh... Bonjour, je m'appelle Midoriya Izuku et je suis venu de Bourguoclosh pour passer l'examen qui permet d'entrer dans l'armée impériale ! »
Un silence.
« Monsieur le gardien ? Pourriez-vous m'indiquer le lieu de l'examen ? »
Impossible de croiser son regard. Et pour celui de gauche ? C'était la même chose. Je brandissais mes mains espérant qu'ils abaissent leurs visages sur mon petit mètre soixante-six, jonglant de l'un à l'autre, mais ils restèrent droits comme des piquets sans bouger d'un poil.
« Reste calme, tu portes en toi les ambitions des villageois et les tiens, tu ne vas pas abandonner si facilement… Peut-être devrais-je descendre à l'auberge la plus proche, de nombreux challengers doivent déjà être à la capitale, cela dit l'examen est dans un moi d'après mes infos. Il se peut que je me sois hâté. Mais gravir cette colline m'a pris du temps, si j'attends un peu je vais peut-être avoir la chance d'apercevoir mon idole. »
Assis sur le sol sec dans lequel de petites plantes vertes poussaient difficilement je partais dans une de ces longues réflexions qui m'étaient propres.
« Personne ne peut rivaliser avec sa force, ceux qui le voit parle d'une puissance divine ! Ce serait lui qui aurait gouverné les troupes au-delà des frontières et agrandi le territoire du royaume de trois pays !»
Je tenais fièrement mon menton le sourire aux lèvres, puis épris d'enthousiasme je me levais d'un coup, brandissant devant moi ma lame toujours rangée dans son fourreau.
« Vous n'avez plus rien à craindre et vous savez pourquoi ? Car la cavalerie est là ! »
Mes yeux étoilés se vidèrent soudain à l'entente du bruit métallique qu'émit l'ouverture du portail. Je me dégageais de la voie à présent calme comme de l'eau de roche, et détaillais la sortie d'une dizaine de soldats devancés d'un homme charismatique et au visage froid. Ses cheveux étaient teintés de blanc et de rouge et une partie de son visage était abîmé pas le feu. Il me dévisagea.
« Qui êtes-vous ? Que venez-vous faire ici ?»
Une voix grave mais légère.
« Midoriya Izuku ! Je suis venue de Bourguoclosh pour passer l'examen d'entrée de l'armée impériale ! »
« On ne vous a pas prévenu ? L'examen est reporté à la saison prochaine. Si vous voulez plus d'information allez au bureau des gardes portiers là-bas. Ne faites pas comme tous ces voyageurs stupides qui parlent aux statues. »
Il continuait sa marche sans me prendre en compte alors que je le suivais de près. Je compris mon erreur, les géants de part et d'autre de la porte n'étaient faits que de pierre. Une fine larme au coin de l'œil coula pour ma naïveté.
« Attendez ! Pourquoi reporter un évènement si important ? Ce n'est pas arrivé depuis l'attaque ennemi d'il y a trois siècles. »
Un soldat sans caractéristique particulière prit la parole pour son chef.
« Tout le monde en parle ici, des attaques de sorciers sévissent en ville. »
Je me stoppai, remerciai poliment le soldat et étudiai la métropole en contrebas. Riche de par ses nombreux marchands d'armes, de produits bestiales et d'agricultures, j'ai pourtant entendu mainte fois que des actes de violences et des trafics illégaux s'y déroulaient sans que rien ne soit officiel pour autant. Des légendes où des dissimulations gouvernementales ? Personne ne savait vraiment. Mais si des sorciers s'y étaient introduits cela changeait tout. Ils étaient la plus grande menace pour ce monde, violents, aux pouvoirs incontrôlables et inconnues. La population courrait un grave danger. Ces profanations, comme on les appelait, étaient traquées, chassées, vendues à la science, torturées et même exécutées publiquement pour calmer et distraire la population… Bien sûr ses agissements sont intolérables, mais personne ne pourrait prétendre vouloir une paix entre les hommes et les sorciers. La haine était ancrée dans tous les cœurs de cette époque. Deux types d'êtres qui se battaient pour le pouvoir.
Je gagnais d'une marche contrariée l'auberge la moins chère de la ville. Demain je chercherai de quoi gagner de l'argent. Ce ne sera sûrement pas facile mais les prix étaient multipliés par dix ici et avec ma petite bourse je ne pouvais y survivre qu'une semaine tout au plus.
«Kacchan… est-ce que tu serais ici...? »
Non. Je ne voulais et ne devais pas y penser. J'avais décidé d'enfouir en moi toutes les douleurs vécues et d'aller de l'avant. Je deviendrais soldat de l'armée impériale et je me battrai pour mon rêve.
