Cette fic précède La terre de sang qu'il y a sur mon blog, avec cependant une fin différente. À iloveharlock qui l'a lue en premier.
-Je suis certain qu'on vous remarquera, nous dit Chase. Ça fait des mois que j'assiste à vos répétions, je vous ai entendus lors des essais, et je sais que vous êtes les meilleurs. Vous êtes fantastiques, les filles.
Nous étions tous les cinq dans les coulisses, dans le petit espace qui nous était réservé. Élie râla un instant, mais s'inclina, comme d'habitude. Avec Ayano, Aénor et moi, ca fait trois filles pour un gars, arguait Carina à chaque fois. Le féminin l'emporte. Nous sommes donc un groupe de filles. Chase ne faisait pas partie du groupe et venait juste d'arriver. Il tenta d'obtenir la place d'Ayano, juste à côté de moi sur la banquette: pour toute réponse elle indiqua à mon ex une chaise vacante avec une moue boudeuse digne d'une enfant de cinq ans. Il ne protesta même pas. Nous étions tous un peu spéciaux, mais Ayano était unique. Je lui adressai un petit signe, un peu gênée. Il me renvoya un sourire.
-Tu nous a vraiment aimés? demandai-je.
-Bien sûr, se moqua gentiment Ayano, passant un bras sur mes épaules, envahissant un peu plus mon espace vital. Nous étions formidables, tu l'as entendu, Aénor.
Je lui ai souri, en retour à son excitation. Je la comprenais parfaitement. C'était elle et moi qui avions créé The humming, sur le nom d'une vieille chanson, Carina qui jouait de la batterie et Élie qui possédait un synthétiseur nous avaient rejoint plus tard. D'habitude nous jouions dans des restaurants ou des bars. C'était la première chance que nous avions de se faire remarquer.
-Aénor...? interrompit Chase, hésitant.
-Oui?
Il m'a tendu une petite boite vers moi.
-C'est un cadeau, a-t-il précisé, malhabilement.
Me sentant dévisagée, j'ai ouvert la boite. Elle contenait un médiator, pour les guitares. En argent, percée au sommet et attachée avec une chainette probablement en argent aussi, gravée du même symbole d'infini, un huit allongé, que j'avais sur le poignet, qui surplombait mes initiales: A. M. C. C'était très joli. Et disproportionné, pour un cadeau d'un gars à son ex-redevenue-seulement-son-amie. Voulait-il revenir avec moi? C'était pourtant lui qui m'avait laissée. Je m'obligeai à penser que je me faisais des idées.
-Merci, murmurai-je avant de le mettre.
C'était vraiment un joli bijou.
-C'est un beau cadeau, fit Ayano. Moi, j'ai choisi cette date exprès pour elle.
-C'est ta fête? comprit Carina.
-Ouais.
-Alors, tu as dix-neuf ans?
-Oui.
-Pourquoi tu ne l'a pas dit? s'est enquit Élie.
-Parce que, ai-je commencé, jetant un regard noir à Ayano, vous êtes mes amis, mais je préfère que ma fête soit privée. En famille. Et elle le sait.
Je ne donnais que rarement la date de mon anniversaire parce que me faire offrir des cadeaux sous ce prétexte me mettait mal à l'aise. J'aimais en avoir et en offrir, mais spécifiquement ce jour, je trouvais ça un peu forcé. Ma meilleure amie s'est contenté d'hausser les épaules. Elle était un peu comme ma sœur, depuis le temps qu'on se connaissait. On avait toutes deux les cheveux très noirs, et ca arrivait, de temps à autre, qu'on passe vraiment pour des sœurs. Nous ne le disions pas, mais ne démentions pas non plus.
Je suis parvenue à convaincre Élie et Carina de changer de sujet, mais je sentais bien qu'ils n'oublieraient pas. La tension n'est vraiment tombée qu'au moment où un technicien est venu nous avertir que c'était à notre tour. Chase nous a souhaité ''Merde'' conformément à la tradition. Nous avons grimpé l'escalier menant à la scène dans une certaine appréhension.
-The humming, a annoncé le présentateur d'une vois forte au moment où nous avons passé le rideau et nous sommes installés derrière nos instruments. Ayano Shiori...
Ayano a posé les mains sur le support de son micro. Elle se dandinait un peu sous l'effet de la nervosité.
-Aénor Callaghan...
J'ai soulevé ma guitare. Il s'agissait de nos instruments. J'ai reconnu sous mes doigts les fines égratignures zébrant le bois du manche, et dans le noir, j'ai souri. Un bête accident du temps où je n'avais pas compris que la housse était utile à son transport.
-Carina Alario...
J'ai surpris, brièvement, le regard inquiet de Carina, assise derrière sa batterie.
-Et Élie Lefevre.
Même Élie, ordinairement si calme, cachait mal sa nervosité. J'ai préféré regarder là où se trouvait le public, caché de nous par l'obscurité.
Des applaudissements ont retentis. L'animateur est sorti par le côté, en passant devant moi.
-Bonne chance, Aénor, m'a-t-il soufflé discrètement.
La lumière a baissé, et nous avons enfin aperçus le public. Une seconde le silence a régné des deux côtés. Une longue seconde. Puis nous nous sommes lancés.
...
Je suis rentré chez moi dans un état d'euphorie. Tout s'était parfaitement déroulé. Nous avions joués, comme d'habitude. Devant un public, ca a quelque chose de plus grisant, parce qu'on sait alors que nos efforts ont aboutis. À la fin de la soirée, nous avions reçu je ne sais combien de félicitations.
Mon père se trouvait dans le salon. Par conflit d'horaire, ni lui ni ma mère n'avaient pu venir, et il essaya encore de se faire pardonner, alors que je lui avais dit que nous avions été filmés. C'était un peu triste qu'il n'ai pas été présent, mais au moins il me verrait. Il semblait vraiment désolé. Avec le recul, peut-être qu'il se doutait que... Je ne sais pas. J'ai repassé ce dernier moment des dizaines, peut-être des centaines de fois dans ma tête pour l'analyser sous toutes les coutures, et même avec les explications de ma mère il y a encore beaucoup de choses que j'ignore.
-Papa, c'est bon, ai-je déclaré avant de le prendre dans mes bras- je le dépassais d'une bonne tête.
-D'accord. Ce n'est pas le moment de se disputer. C'est un jour important.
Il m'a souri, effaçant toute la tension.
-Je vais aller voir ce que ta mère fait.
-Je vais aller me changer, je lui ai promis, toujours dans mon costume de scène, un peu gothique, mais surtout davantage masculin- je suis une femme à cent pour cent, mais dans les bons vêtements ma minceur prêtait à confusion, et j'étais amusée à l'idée de faire douter les gens quand à mon identité sexuelle.
Ils avaient fermés les yeux sur mes tatouages, et ils ne disaient rien sur ça non plus, mais je savais qu'ils n'aimaient pas tellement.
-Merci.
J'ai grimpé l'escalier. Une fois rendue dans ma chambre, j'ai enlevé mes vêtements pour en essayer d'autres, des féminins. Il m'a fallu un bon moment avant de choisir: je me suis décidé pour ma chemise préférée, tenté de trouver une jupe agencée, de me contenter d'un jean noir. Je me suis maquillé, une fine ligne d'eye-liner au dessus de mes yeux verts, j'ai mis une paire de ballerine. Même pas besoin de me coiffer, c'est l'avantage de les garder si courts.
Je suis redescendue au rez-de-chaussée. J'ai pensé à la réaction de mes parents, imaginé la fierté de mon père, le sourire ravi de ma mère, et une certaine mélancolie, malgré tout. Ils n'avaient jamais pu avoir d'autres enfants, j'étais leur seule fille. Je savais qu'ils avaient du mal à me voir grandir. Ma mère, surtout.
Seul le silence m'a accueilli. Personne dans le salon. En entrant dans la cuisine, j'ai été surprise de constater qu'elle était vide aussi. Sur le comptoir, il y avait un mémo.
Partie chercher ton cadeau, Mikara. Je reviens vite. Maman. =)
Ma mère s'entêtait à m'appeler Mikara. Mon père, lui, préférait Aénor, plus commun. Elle n'avait jamais voulu nous dire d'où elle avait pris ce prénom si étrange. Moi, je l'aimais bien.
J'ai redéposé le bout de papier sur le comptoir. Il me semblait que vu le temps écoulé entre le moment où j'étais entrée et actuellement, ma mère aurait largement eu le temps d'aller chercher son paquet, de revenir et de jeter son mémo, comme à chaque année. Et mon père serait ici à m'attendre, juste pour être certain que je n'aille pas chercher ma mère, pour ne pas gâcher la surprise. D'un coup, j'ai ressenti un malaise inexplicable. Lentement, pour ne pas faire de bruit, j'ai ouvert un tiroir, pris le couteau à steak que j'ai empoigné pour le dissimuler derrière mon avant-bras- ca peut paraître vraiment, mais vraiment paranoïaque mais je sentais en avoir besoin. Je me suis dirigée à pas légers vers la chambre de mes parents.
Quand j'ai entendu un hurlement, je me suis mise à courir. C'était la voix de ma mère.
À partir de là, je ne revois pas tout. L'ordre des choses m'échappe. Une femme, grande, belle, aux cheveux bleus, au yeux violets. Un ange aux mains couvertes de sang. Le regard vide de mon père, du sang. Les cris de ma mère, et une détonation. J'aurais voulu hurler mais aucun son ne sortait de ma gorge, je ne pouvait pas admettre que ma mère est morte, je ne pouvait pas admettre que mes parents n'étaient plus là. J'avais mal, j'avais terriblement mal. Mes mains étaient rouges, peut-être à cause du couteau, mes manches étaient trempées d'eau. Le monde était sombre, je ne voyais rien, je ne savais plus rien, mais je parvenais à comprendre à travers le voile que la douleur que je ressentais n'était pas qu'intérieure. Si je brûlais, ce n'était pas parce que je venais de perdre ma famille.
J'ai eu le temps de voir quelqu'un se pencher sur moi avant, enfin, de perdre conscience.
...
Je suis revenue à moi dans une salle d'hôpital, de toute évidence. Même les paupières closes, j'ai su que des néons éclairaient la pièce. Une douleur sourde me traversait l'épaule. J'ai regretté la douce, belle et silencieuse noirceur, qui elle, au moins, avait le mérité de m'épargner la souffrance.
Ouvrir les yeux et me redresser a été une épreuve supplémentaire.
On avait découpé la manche gauche de mon chemisier, par ailleurs tâché de sang, de façon à pouvoir me mettre un bandage sans l'enlever. Sur la table de chevet se trouvait un haut noir plié avec soin: un t-shirt uniforme, à manches courtes, qui était à ma taille. Pour vous, indiquait un morceau de papier.
Un homme est entré. Ses traits m'étaient curieusement familiers, derrière la cicatrice qui lui barrait la joue et le bandeau qu'il avait sur l'œil- choses qui m'ont d'ailleurs attristée. J'ai au contraire failli rire en voyant comment il était habillé. Une cape, un chandail avec un Jolly Roger, si mes cours d'histoires étaient exacts, le tout en noir et en rouge, à l'exception de son pantalon gris. Ce qui m'a retenu a surtout été son arme.
Il m'a souri.
-Bonjour, Mikara.
-Euh, bonjour. Est-ce qu'on se connaît?
-Je ne crois pas, non.
-Il n'y a que ceux qui me connaissent qui m'appellent par mon deuxième prénom, ai-je insisté.
Il m'a tendu une lettre. Du papier, jauni par le temps. Sur l'enveloppe, il était inscrit Mikara Lasie d'une écriture en pattes de mouches, difficile à lire. Papa et moi plaisantions souvent sur le fait que maman était médecin. L'évidence m'a frappée d'un coup: je ne les reverrais plus jamais. Je me suis efforcé d'oublier les dernières images que j'avais d'eux, de me concentrer sur des choses positives avant de me remettre à pleurer.
J'ai ouvert la lettre.
-Où l'avez-vous prise?
-Abigaël Lehmann l'avait en main au moment de sa mort. J'ai présumé que c'était vous.
Ca m'a fait un effet étrange, d'entendre prononcer son nom. D'habitude, devant moi, on disait plutôt '' Ta mère'' ou encore '' Votre mère'' pour ceux qui ne me connaissaient pas.
J'ai commencé à lire, sans m'arrêter. Ainsi les effets de ses mots ne m'ont frappée qu'après ma lecture.
Bonjour, Mikara.
J'ignore complètement quel âge tu a aujourd'hui. Je sais, cependant, vu l'adolescente que j'ai sous les yeux, que tu est une belle jeune femme. J'espère que tu a une belle vie, même si je ne suis plus là. Jason est-il toujours vivant?
Je sais que tu dois te questionner sur le '' pourquoi?''. Je comprend très bien. Sache que tout cette histoire remonte il y a longtemps. Je m'étais préparée à tout, même à mourir, même si je désirais par dessus tout que ca n'arrive jamais. Cependant, si tu a cette lettre entre les mains, c'est parce que je suis morte.
Je m'excuse de t'avoir menti, Mikara. Nous voulions te le dire, sans jamais en avoir trouvé l'occasion. Tu n'est pas notre fille.
Jason et moi voulions tant avoir un enfant, mais n'y sommes jamais parvenus. Un jour, j'ai croisé par hasard le chemin d'une femme, une criminelle. Juste avant d'être tuée, elle m'a confié son bébé en me suppliant de m'en occuper. Jason et moi t'avons enregistrée comme notre fille. Mais, Mikara, ton père n'a jamais su d'où tu venais vraiment.
Alizé Seldon n'était pas humaine. C'était une humanoïde d'une race que j'ignore, qui vivait parmi nous sous un faux nom. Voilà quel était son crime. Son vrai nom était Mikara Lasie. Ton père, par contre, était un humain. Tu est hybride. Si ca n'a jamais été découvert, c'est grâce à moi.
Si tu te pose la question, Mikara Lasie est ton nom de naissance. Aénor Mikara Callaghan est celui que nous t'avons donné. Selon ta mère, Mikara signifie cadeau dans sa langue. Sache que tu a été le nôtre.
Je t'aime,
Ta mère, Abigaël L.
J'ai replié la feuille avec des gestes lents. Même en faisant ca, je ne pouvais pas effacer toute la portée des mots de ma mère... D'Abigaël...
J'ai relevé les yeux, regardé cet homme. Sans un mot, il m'a repris la lettre, l'a déposée hors de portée de ma vue.
Il n'a rien dit non plus quand je me suis mise à pleurer. Il a attendu patiemment que la crise soit passée avant de m'offrir une boite de mouchoirs. J'en ai pris un, embarrassée, me suis essuyé les yeux, mouché.
Le pire était que tout ce que je n'avais jamais compris dans ma vie se mettait en place. Je savais bien que je ne ressemblais pas à mes parents. J'étais simplement née avec des caractéristiques qui n'étaient pas les leurs. En ce moment, je me demandais bien comment j'avais pu croire que j'étais née d'eux. J'avais eu droit à des cheveux noirs là où les leurs étaient clairs. J'étais grande, je dépassais ma mère d'une bonne tête depuis que j'avais quatorze ans, et j'étais extrêmement mince, même si je mangeais bien- ma mère en faisait une obsession-, si bien que certains de mes professeurs s'étaient posés la question. Mon père prenait facilement du poids et faisait du sport tous les jours.
Je m'étais persuadée que j'avais hérité tout ca d'un ancêtre. Je comprenais maintenant qu'ils m'avaient mentis, que je devais bien ressembler à mes vrais parents.
-Êtes-vous sûr que je ne vous dit rien? j'ai demandé.
-Oui.
-J'ai l'impression de vous connaître, pourtant.
Un sourire est apparu sur ses lèvres.
-Vous devez m'avoir déjà vu.
Il m'a tendu la main.
-Je suis Albator.
Pour donner une idée de la chronologie, Mikara arrive à bord de l'Atlantis pendant l'épisode 7 de la série de 78, puisqu'il y a des sylvidres. Aussi, dans cette fic (contrairement à L'enfant des étoiles), il peut y avoir des hybrides humains-sylvidres, notamment comme la fille de Marisse/ Machi, qui est ici bel et bien sa fille biologique.
