Bleach est à Tite Kubo, qui devrait faire des chapitres biens, et de l'IchiRuki, au lieu de faire son n'importe quoi actuel, d'abord. La chanson, elle, est à Ben Ricour. Et j'espère, accessoirement, que cela va vous plaire ! -Clewilan
La nuit tapissée d'étoiles était malgré tout sombre, animée seulement par un réverbère défaillant qui clignotait sans but.
Ichigo ne s'était pas réveillé.
Il ne dormait pas.
J'essaye encore de t'oublier
J'sais bien que c'est le moment de l'année
Où tu reviens précisément
Reprendre mon corps et mes pensées
Il jeta un coup d'œil à son réveil qui n'était même pas certain de ce qu'il affichait. 2:09, le monde appartenait à une heure qui n'existait pas.
Ichigo pouvait la voir, assise sur son bureau, demandant d'un simple froncement de sourcils à quoi rimait un changement d'heure.
Encore une question à laquelle il n'avait pas réponse. S'il avait su en donner au bon moment, ils n'en seraient sans doute pas là.
Il se leva, passant à côté du placard qu'il se força à ne pas ouvrir. Malgré l'envie, le réflexe, son bras prêt à refaire un geste accompli des millions de fois.
Je te cherche par ici
Je nous revois par là
A chaque fois on remet ça
Ici et là
Quand il traversa le couloir, sortant de sa chambre qui en devenait étouffante de souvenirs, il crut sentir l'odeur de son shampooing. C'était généralement là qu'elle sortait, en serviette et faussement choquée de le trouver devant la porte alors qu'il ne faisait jamais que passer et qu'elle le savait pertinemment.
Ichigo la retrouva dans la cuisine, négligemment installée à la table, apparemment indifférente à tout, imperceptiblement accueillante. Avec une tasse de thé - quand il n'était pas le seul à avoir des insomnies - ou écoutant les informations au petit-déjeuner avec cette curiosité insatiable qui lui allait si bien.
Il revit son sourire quand elle le croisait pour la première fois le matin. Dire bonjour semble étrangement futile, quand on a dormi deux mois dans le placard de quelqu'un.
(Douce torture.)
Eh oh sors de moi
Laisse-moi vivre
Rentre chez toi
Et restons-en là
Ichigo sortit doucement de la clinique endormie. Sans oser s'avouer qu'il tentait de fuir. Elle, eux, les souvenirs.
Il arrivait à oublier. Quelques fois. Pas assez longtemps.
La rue était déserte.
Elle le précédait, marchant sur la pointe des pieds ou faisant tournoyer sa robe juste pour voir l'effet que ça faisait. Elle releva la tête, croisa son regard douloureux, sourit tristement comme pour s'excuser et disparut.
Combien de fois avait-il souhaité que ce soit aussi simple ?
Fermer les yeux et oublier. Sa présence, son absence.
Eh oh reviens vite
Chatouiller le ciel gris
Et mes sombres pensées
Ichigo se retourna. Elle avançait prudemment sur un muret voisin, une mimique surprise aux lèvres quand elle se sut repérée.
Il ne put s'empêcher de sourire d'un air las, continuant son chemin. Il savait qu'où qu'il regarde, il la verrait encore.
En particulier aujourd'hui.
Et même si vivre avec un fantôme était plus que mauvais, il aimait à croire, une fois par an, que rien n'avait changé.
(Presque.)
Je passe à l'heure d'hiver
Ca change mon caractère
Je sens le vent derrière
Je la sens dans l'air
Il se demandait parfois comment on pouvait aimer et détester un même jour. Ou une heure, à proprement parler. Cette heure entre deux et trois qui n'existe plus quand elle s'achève. Un morceau de vie qui a eu lieu mais pas officiellement.
(Eux.)
Frontière entre le monde réel et quoi ?
Pourquoi avoir choisi ce moment-là, ce jour-là, cette heure-là, pour partir ?
Le vent se leva en guise de réponse et, l'espace d'une fugitive et cruelle seconde, il crut l'entendre l'appeler.
Je suis absent c'est sûrement vrai
J'ai débranché de la vie courante
J'écris ces mots pour ne pas te perdre
Avec le temps tout fout le camp
Ichigo était arrivé plus loin qu'il ne l'aurait cru, refaisant le chemin familier du lycée.
Qu'il quitterait bientôt.
Effilochant de plus en plus ce qu'il lui restait de sa quinzième année.
Ils avaient cru - il avait laissé croire - que les mois passant tout s'arrangeait pour lui.
Il suffisait d'une seconde. Une seconde de blanc, une seconde de vide, une seconde de trop, une seconde amère où elle effleurait son esprit.
Il se savait stupide, peut-être fou, mais cela allait bientôt devenir nécessaire.
Il commençait à oublier sa voix.
Et j'essaie de m'raccrocher
J'préfèrerais t'oublier
En même temps je l'aime vraiment
Ce moment tout blanc
Ichigo voulait sincèrement passer à autre chose. Mais à chaque fois les projets d'avenir le ramenaient à ceux avortés du passé.
Il parlait au présent, planifiait au conditionnel, pensait au futur antérieur.
Il savait pourtant que cela finirait par se tasser, qu'il pourrait envisager un nouveau départ.
(Ou pas.)
Sans pour autant oublier ce qui s'était et ne s'était pas passé. Parce que ce serait un affront. Pour lui, pour elle, pour eux.
Aussi ce jour particulier lui donnait un moyen de se souvenir. De continuer d'avancer. Il l'avait promis.
Elle l'avait fait promettre.
Je passe à l'heure d'hiver
Ca change mon caractère
Je sens le vent derrière
Je la sens dans l'air
Les rues étaient toujours aussi vide. Pas de salarié ayant trop fêté une quelconque promotion, ni d'étudiant ayant oublié d'acheter un truc et filant au combini.
Personne à part Ichigo et deux fantômes.
(Dont le sien.)
Il la vit se pencher sur ce petit garçon, bien réel, lui, comme elle l'avait fait si souvent, s'efforçant de réconforter ceux qui en avaient besoin. Il savait qu'elle aurait sans doute souhaité la même chose.
- Pourquoi tu ne m'en as jamais parlé, hein ?
C'était un de ses regrets. Ne pas avoir appris plus de choses sur elle.
- Mais à qui tu parles, monsieur ? demanda le garçon surpris pour plusieurs raisons.
- A personne, petit. A personne.
D'un point de vue fascinant
Quand je repense à toi
T'amènes du swing dans mes tympans
Quand le papillon d'envola, Ichigo se repris à se remémorer son parcours. Ponctué par les morceaux avec lesquels elle aurait voulu accompagner tous les évènements importants.
Elle s'arrêtait parfois, se mordant la lèvre avant de donner le titre de chanson qui aurait convenu et de retourner à ce qu'elle faisait.
Comme maintenant.
Il croyait aspirer au silence, mais le silence signifiait l'oubli.
D'un point de vue réjouissant
Le swing que tu ramènes
Il est en moi pendant longtemps
Il replongeait ensuite dans une période d'expectation.
Un peu comme au début, quand il n'y avait pas cru.
Quand il croyait que tout s'arrangerait.
Quand il croyait que le monde lui appartenait.
(Que le monde leur appartenait.)
Il appréciait ce goût sucré qui lui restait quand le monde changeait enfin d'heure et se remettait à tourner.
Parce qu'Ichigo tournait un peu avec lui.
Je passe à l'heure d'hiver
Y'a du swing dans l'air
Je sens le vent derrière
Je la sens dans l'air
Le ciel s'était couvert de pâles nuages étrangement bas. Il sut qu'il n'allait pas tarder à neiger. Après tout, ne passait-on pas à la deuxième moitié de l'année ?
Ichigo frissonna.
La fatigue ?
Le froid ?
Cette petite décharge électrique à l'approche de la neige ?
Ou la pression spirituelle qui venait d'augmenter du côté du parc ?
Etes-vous prêts
Pour l'heure d'hiver
Plus il rapprochait, intrigué, plus il discernait la cause du phénomène. Mettant en application les leçons qu'elle lui avait apprises, il s'efforça d'observer.
Il étaient... trois, dont une énergie qu'il connaissait, sans plus. Ichigo fit jouer sa mémoire mais ne parvint pas à mettre un nom sur le visage tatoué d'un 69.
Pourquoi avoir envoyé un vice-capitaine ici ?
Etes-vous prêts
Pour l'heure d'hiver
Ichigo arrêta de bouger quand il fut parvenu à portée de voix, ayant réussi à dissimuler sa présence.
Le mec tatoué lisait ce qui était visiblement un verdict de tribunal, dans les termes fleuris qui ont cours partout, la Soul Society ne faisant pas exception. La lecture terminé, le vice-capitaine demanda au concerné dont Ichigo n'avait pu saisir le nom s'il avait une dernière déclaration à faire.
Aucune réponse.
Les trois Shinigami s'en allèrent.
Ce n'est qu'alors qu'Ichigo sentit l'énergie familière de la personne qui était restée.
Je passe à l'hure d'hiver
Y'a du swing dans l'air
Je sens le vent derrière
Je la sens dans l'air
Il avance, fasciné et incrédule, vers la fine silhouette qui marche doucement entre les arbres, la tête levée vers le ciel. Elle cueille avec délicatesse le premier flocon dans sa main. Et elle se tourne vers lui.
Cela fait deux ans aujourd'hui. Deux ans qu'elle est partie en lui assurant qu'elle ne reviendrait pas. Deux ans qu'elle a disparu de sa vie dans l'urgence, en des adieux trébuchants. Deux ans qu'il s'est convaincu qu'il ne devait pas l'attendre.
Il a fallu une seconde d'espoir pour anéantir deux ans de certitudes.
(Mais il doute.)
Elle est là, belle, lumineuse, grelottante.
Il se dit qu'il doit encore se trouver dans un de ses souvenirs.
C'est trop beau pour être vrai.
Il essaie de le croire. Parce qu'il sait que cette fois il a atteint son point de non-retour.
2:59, le monde va repartir une heure en arrière. Et elle va disparaître dans ce retour dans le temps, comme l'année dernière et celle d'avant.
Cette fois il ne pourra pas le supporter.
Cette fois il va vraiment y laisser la raison.
Cette fois...
3:00.
2:00, désormais.
L'heure d'hiver
Cette fois Rukia n'a pas disparu comme tout les fantômes qu'Ichigo s'était créés pour ne pas sombrer.
Un vide se referme.
- Tu es réelle.
- Crétin, tu connais beaucoup d'illusions qui meurent de froid ?
Rukia sourit de son petit air exaspéré et Ichigo reconnaît que toutes ses mirages ne rendaient pas justice à l'original. Il la rejoint en deux pas, approchant sa main pour frôler sa joue. N'osant croire ses yeux, il essaie les autres sens. Hésitant, du bout des doigts, il sent à nouveau le grain de sa peau. Il n'aurait jamais cru qu'un manque puisse se ressentir aussi physiquement.
- J'ai envie de t'embrasser.
Sa demande incongrue la fait rire sans qu'elle ne paraisse surprise.
- S'il n'y a que ça pour te convaincre.
Les lèvres de Rukia sont gelées mais ont gardé leur goût sucré, incomparable à celui qu'il avait gardé. Elle se blottit contre lui, voulant donner des explications.
- Tu es là. Le reste du monde attendra, il n'a pas besoin de nous pour l'instant.
Il a tout son temps, désormais.
Il ne la laissera plus partir.
Et la nuit leur appartient encore un peu.
(Ils comptent bien en profiter.)
