Le réveil des Héros (Partie I)
Il y avait dix ans de notre époque, au Japon dans la ville de Fuyuki, faisait rage une guerre entre plusieurs héros de légendes. Ils s'affrontaient pour obtenir une entité suprême toute puissante capable d'exaucer des vœux : le Saint-Graal. Cette guerre, nul ne sait comment elle s'est terminée. Peu de participants y avaient survécu et l'arbitre en charge avait disparu, sûrement mort. La dernière trace de la guerre était un grand éclat de lumière venant de la forêt aux alentours de la ville. Si un vœu avait bien été exaucé, cela n'aurait rien changé à l'état du monde. Même pas l'association des mages, qui était un conseil qui suivait de près tout ce qui avait attrait à la magie et donc à la guerre du Saint-Graal, ne savait ce qui s'était passé.
Mais qu'est vraiment cette guerre ? En quoi cela consiste ? Nombre de mages en rêvent. Qu'un membre de leur famille la gagne serait un des plus grands prestiges au monde. Qui ne rêverait pas qu'un vœu, quel qu'il soit, soit exaucé ?
Dans l'église de la ville de Fuyuki, les grandes portes battantes s'ouvrirent et un homme approchant la soixantaine entra dans le lieu divin. Il avait les cheveux gris, courts, un visage ridé et portait les vêtements d'un prêtre. Les bancs sur les côtés étaient renversés et l'ambiance lugubre. Il était plus qu'évident qu'on s'était battu dans ce lieu de culte. L'homme soupira et regarda derrière lui. Un autre homme entra.
- Voyez Lord Cherville… tout a été dévasté, vous ne savez vraiment rien de ce qui a pu se dérouler ici ?
- Absolument pas, mon Père… j'ai… enfin vous savez, j'ai connu une défaite cuisante lors de cette guerre… j'ai eu la chance d'y survivre…
L'homme mit sa main sur sa joue où se trouvait un gros pansement. Le prêtre se tourna vers lui et le dévisagea. Son interlocuteur avait une barbe mal taillée et des favoris poussant sur ses joues. Ses cheveux noirs étaient en bataille, l'on voyait bien que l'homme ne se coiffait pas beaucoup. Il portait un costume noir par contre impeccable, c'était la seule chose qui permettait de dire qu'il devait être assez aisé.
- Ce n'est pas grave… l'Eglise et l'Association des Mages m'ont envoyé pour enquêter et me charger des lieux… la guerre du Saint-Graal provoque toujours des dégâts. Il s'agissait de la sixième n'est-ce pas ?
- En effet mon Père. Il vous faudra de l'aide pour remettre le lieu en état… je tiens à vous aider ! Je vous donnerai de l'argent !
- C'est généreux de votre part Lord Cherville mais l'Eglise fera ce qu'il faut ! N'ayez pas d'inquiétudes ! Pour l'heure j'ai demandé à vous voir d'urgence avant que vous ne quittiez Japon avec votre famille…
- Vous désirez que je fasse un rapport n'est-ce pas ?
- Exactement. Je veux savoir ce que vous avez vu, toutes les informations dont vous disposez. Il s'est passé quelque chose et je veux savoir quoi !
- Très bien mon Père… alors je vous écoute ! Que voulez-vous savoir ?
Neuf ans plus tard, dans la région de Cornouailles en Angleterre, du côté de Land's End qui était un coin très proche du bord de mer, se situait un grand manoir appartenant à la famille Cherville. L'endroit était mystique et baigné d'histoire car il paraitrait que le Roi Arthur s'était installé sur ces terres. Ce n'était pas connu de tous mais c'était aussi un lieu très propice pour le mana, il était bon d'y pratiquer la magie car elle était bien plus facile à maîtriser.
Cela tombait bien car la famille Cherville était une grande famille Anglaise assez noble, et surtout une longue lignée de mages. Elle comportait beaucoup d'ancêtres assez prestigieux dans le monde de la magie mais les membres actuels n'avaient jamais rien fait d'exceptionnel. Le père était un membre de l'association des mages.
Ainsi, Uster Cherville, le père de famille entra dans le grand salon du manoir. Combattant de la sixième guerre du Saint-Graal, il en gardait une cicatrice sur la joue. Depuis ses cheveux sont devenus un peu grisonnants sur les côtés. L'homme était cerné, l'air fatigué. Sa femme était assise sur un fauteuil devant la cheminée éteinte et se retourna pour lui sourire.
- Bonjour mon chéri, tu as fait bon voyage ?
- Bonjour. Oui… le décalage horaire est violent mais c'était agréable. Je suis content d'être rentré en tout cas. Comment allez-vous, toi et les enfants ?
- Moi je vais bien… les enfants aussi mais…mon chéri il faut que je te parle c'est important… assieds-toi s'il te plait.
Uster haussa un sourcil et s'assit dans le fauteuil à côté de celui de son épouse, toujours devant la cheminée. Il joignit ses mains et fixa la femme droit dans les yeux.
- Je t'écoute…
- Mon chéri c'est à propos de Louana…
- Oh non… que s'est-il passé ? Elle est tombée ? Son cas s'est aggravé ? Je fais des recherches je ne veux pas que tout tombe à l'eau…
- Calme-toi… je t'ai dit que les enfants allaient bien… en vérité… mon chéri, Louana a reçu un sceau de commande…
L'homme fut estomaqué. Il mit sa main à la joue par réflexe. Le sceau de commande signifiait qu'on était choisi pour la guerre du Saint-Graal. L'objet divin devait choisir sept personnes dans le monde entier et leur remettre un sceau leur permettant d'invoquer et de commander un être totalement à leur service pour combattre. Il prenait différentes formes, toujours changeantes en fonction de ce que la personne pouvait invoquer.
Uster se leva.
- Où se trouve-t-elle ?
- Ne te précipite pas mon chéri… Louana est dans la pièce à côté avec son frère… ils regardent la télévision…
L'homme se précipita vers la porte et l'ouvrit. Derrière se trouvait une pièce assez petite avec une bibliothèque remplie de bande-dessinés, plusieurs poufs. Sur l'un d'eux se trouvait un petit garçon aux cheveux courts et bruns, il regarda son père avec un sourire. A côté il y avait une adolescente aux longs cheveux noirs sur un fauteuil roulant. Elle sourit également. Derrière eux une télévision diffusant un film. La fille éteignit en saisissant la télécommande. Le père commença à avancer mais le petit garçon l'interrompit en saisissant ses jambes.
- Bonjour papa ! T'es rentré !
- Oui Gaspard… je suis content de te voir moi aussi !
- T'as fait bon voyage ? Raconte tout !
- Après ! Pour le moment je dois parler à ta sœur…
- Oh c'est pas juste c'toujours pour Lou qu'il y en a…
Il se retourna vers sa sœur et se mit à rire. Louana ricana aussi et regarda son père. Elle avança un peu son fauteuil roulant vers lui.
- C'est à propos du sceau de commande papa, n'est-ce pas ? C'est maman qui t'en as parlé je suppose…
- Oui… montre-moi cela Louana…
La fille tendit sa main droite à son père. Ce dernier la prit et vit un symbole rouge, ressemblant à une rune ancienne. Il s'arrêta de parler quelques secondes, caressant le symbole sur la main de sa fille avec un regard dépité.
- L… Louana… c'est un vrai… oh mon Dieu non…
- Je sais papa… ça veut dire que je suis choisie pour la guerre du Saint-Graal… comme toi tu l'as été avant…
Uster se laissa tomber sur un pouf et s'enfouit le visage dans la main. Gaspard regarda sa sœur l'air inquiet. Louana avait l'air aussi perturbée sur le coup. Il y eut un silence très lourd pendant un moment jusqu'à ce que la mère vienne le briser.
- Mon chéri… ah je vois… Louana tu lui as montré…
- Oui maman… ça l'a un peu coupé net à vrai dire… mais il a raison… moi aussi j'ai peur si j'ai été choisie pour une bataille aussi dangereuse avec ma… euh… ma condition physique…
- Parce que tu peux pas marcher ? demanda son petit frère.
- … oui Gaspard parce que je ne peux pas marcher… c'est toujours touchant de voir avec quel tact tu prends ça…
La femme passa sa main dans le dos de son mari et lui frictionna un moment. Uster releva finalement la tête vers sa famille.
- Louana tu dois refuser ce sceau ! Je… Je ne veux pas que tu risques ta vie là-dedans c'est beaucoup trop dangereux !
- Mais papa… c'est… quand même une occasion unique !
- Je suis bien placé pour savoir à quel point tu es en danger avec ce sceau… et tu es tellement jeune… tu n'as que seize ans… comment le Saint-Graal a pu déterminer que tu étais apte à participer alors que tu n'as même pas pu profiter de la vie ?
- Euh… peut être que…
Louana regarda son père un peu tremblotante, elle hésita à finir. Gaspard mit la main sur celle de sa sœur avec un sourire. Cette dernière lui rendit.
- … peut être qu'il veut justement que je profite de ma vie… si je souhaite être guérie de mon handicap alors…
- Mon Dieu tu espères gagner…
- C'est possible papa ! Je sais que tu peux y croire aussi !
- Mais si tu deviens une Master… tu devras combattre toi aussi… j'ai à peine commencé à te former ! Tu as encore tellement à apprendre…
- Uster !
L'homme se tourna vers sa femme qui avait un peu haussé la voix. La femme avança vers lui avec un petit sourire et le prit dans ses bras.
- Ta fille a été choisie par le Saint-Graal… c'est une nouvelle occasion de faire honneur à ta famille et tu le sais… moi aussi j'ai peur pour elle ! Mais elle veut le faire et je sais qu'elle peut le faire !
- Mais… elle a encore…
- Tu as un an pour la perfectionner dans l'art magique mon chéri ! Je sais que tu peux l'aider à devenir forte car toi-même tu es certainement le plus grand mage que j'ai jamais vu !
Uster sentit la main de sa femme caresser son visage et passer sur sa cicatrice. Il la regarda et les deux se sourirent.
- Peu importe ce qui t'est arrivé, tu peux aider ta fille à faire mieux encore ! Tu seras derrière elle pendant la guerre… et moi je serais là aussi. Nous sommes une famille Uster, je t'aime et j'aime nos enfants, je veux participer pour leur bien !
- … d'accord… je vais le faire…
- C'est mignon ! ricana Gaspard.
Uster se leva et regarda Louana.
- Bien ! Louana, je vais parfaire ton éducation magique ! Dans un an tu seras devenue une des Master les plus puissants sur le terrains ! Et aucun mage ne pourra te faire face, je te le garantis !
- Merci papa… je suis contente que tu m'aides comme ça ! Merci beaucoup… je suis prête !
- Alors commençons dès aujourd'hui ! Suis-moi !
Loin de tout ça, dans un village Italien non loin de Naples, un camion de livraison s'arrêta devant une maison de quartier résidentiel. Le livreur descendit et alla chercher un colis à l'arrière. L'objet en main il alla toquer à la porte de la maison et attendit en sifflotant. Finalement, la porte s'ouvrit.
Derrière se trouvait une fille assez mûre d'une vingtaine d'année. Les cheveux longs et blonds lui arrivant au milieu du dos, elle était habillé d'un débardeur noir et d'un jean. Son air décontracté était appuyé par un chewing-gum qu'elle avait en bouche. Le livreur haussa les sourcils en la voyant.
- Je suis bien chez madame Neils ?
- Hm… c'est pour quoi ?
- J'ai ce colis qui est adressé à Mademoiselle Chimène Neils ! C'est vous ?
- Mouais ! Donnez-moi ça !
- Signez ici alors s'il vous plait…
Le livreur tendit le bon de livraison à la femme qui le signa immédiatement. L'homme lui remit le colis et repartit. La blonde eut un léger sourire en regardant le carton en se demandant bien ce qui pouvait bien se cacher à l'intérieur. Elle ferma la porte et commença à avancer dans le couloir. Soudain elle entendit un bruit venant des escaliers.
- Tressy ! C'était qui ?
- Euh… c'était un type qui livrait un colis…
- Ah c'est sûrement ce que j'attendais ! Donne !
- Pff…
La dénommée Tressy tendit donc le colis à celle qui n'était autre que sa sœur jumelle. Elle lui ressemblait trait pour trait sauf dans le style. Sa sœur avait les cheveux attachés en chignon et portait des lunettes. Elle avait un style beaucoup moins décontracté : un tailleur et une jupe. Même dans son maintien, on sentait une éducation plus poussée chez la seconde femme que la première.
- C'est quoi ton truc Chimène ?
- Ca ne t'intéresse pas Tressy ! C'est en rapport avec la magie et l'événement le plus important de toute ma vie !
- Ah oui bah forcément j'en ai rien à faire… Je vais me chercher quelque chose à manger…
- Ne te gêne pas surtout… je te rappelle que tu es chez moi hein…
- Et maman et papa t'ont demandé de m'héberger le temps que je trouve du travail ! Tu as accepté alors maintenant assume !
Chimène remonta ses lunettes et soupira en se rendant dans le salon. Là, elle posa le colis sur la table et le déballa en découpant le scotch avec un coupe-papier. Elle en sortit une boîte noire qui avait l'air très ancienne. Elle l'ouvrit et découvrit un bocal en verre avec à l'intérieur un liquide rouge qui était sûrement du sang. Tressy arriva derrière avec un yaourt à la main.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? C'est vachement glauque…
- Ca t'intéresse alors ?
- Ouais vite fait ! Allez dis fais pas ta radine !
- Il s'agit là d'une relique appartenant à une personne du passé… je ne sais pas qui mais papa me l'a envoyée pour que je puisse participer à la Guerre du Saint-Graal ! Avec ça je suis sûre d'y aller !
- La quoi ? Encore un truc magique c'est ça ?
- Oui c'est ça… évidemment tu n'en as jamais entendu parler étant donné que tu ne t'y intéresses absolument pas…
- C'est surtout que j'ai pas le talent de mademoiselle Chimène qui est si forte, si cool et tout ça ! On le saura…
Tressy prit une cuillère de yaourt et se l'enfonça dans la bouche avec l'air contrarié. Chimène regarda sa sœur jumelle et rangea le bocal dans la boîte noire. Elle prit un livre dans la grande bibliothèque qui se trouvait contre un mur du salon et posa l'ouvrage juste à côté de sa boîte. Elle se mit à réfléchir un moment puis se tourna vers sa sœur.
- Bon ! Maintenant que je suis sûre d'y participer, il faut que j'aille préparer tout ça ! Il me reste un an et il faut que je sois parée à aborder cette guerre !
- C'est bien… mais en attendant il est dix heures et tu vas manquer ta conférence…
- Quoi ? Déjà dix heures ? Oh non… je fonce ! Tressy tu fais très attention à ça ! Surtout garde-le bien en sécurité !
Chimène se dépêcha d'aller dans le couloir, d'enfiler un manteau puis de sortir. Tressy haussa un sourcil et posa son yaourt vide sur la table. Elle s'assit et regarda le livre.
- La Guerre du Saint-Graal… Bon… je suppose que ça ne coûte rien de se documenter là-dessus…
Tressy saisit donc l'ouvrage et l'ouvrit. Par réflexe elle commença à lire à voix haute, comme elle en avait toujours l'habitude.
- La guerre du Saint-Graal existe depuis plus de deux cents ans. Trois mages avaient œuvré pour invoquer une entité toute puissante qui pourrait exaucer leurs vœux… le Saint-Graal… mais cette entité n'avait répondu qu'à une prière… une seule… ce qui avait alors déclenché un conflit entre les mages et déclenché une guerre sans pitié… Le début des Guerres du Saint-Graal… Woh…
Tressy tourna la page et plissa les yeux pour lire. L'écriture était assez ancienne et en langue magique, qu'elle savait parfaitement comprendre à cause de l'éducation de ses parents.
- Le Saint-Graal met un certain temps à se recharger en mana pour déclencher la guerre… Depuis la sixième guerre, il s'est fixé une période de 10 ans… Lorsque vient le moment, l'entité toute puissante apparait dans la ville de Fuyuki, au Japon… Oulà encore un coin paumé…
Elle feuilleta les pages qui parlait des termes techniques et de l'historique de la ville de Fuyuki et arriva au chapitre parlant du déroulement de la guerre.
- Ah ! Le Graal sélectionne sept mages qu'il choisit méticuleusement en fonction de leurs possibilités de participation et leur accorde le grand pouvoir d'invoquer des Esprits de Héros connus de l'histoire en tant que Servants. Ah des illustrations ! Ce sont les noms des Servant hein… voyons ça…
Elle prit le livre et regarda les noms et descriptions en dessous des images.
- Le chevalier maître de l'épée, Saber… Le chevalier maître de la lance, Lancer… Le chevalier maître de l'arc, Archer… Le guerrier monté, Rider… Le guerrier de l'ombre, Assassin… Le mage, Caster... et le guerrier fou, Berserker… franchement les illustrations sont pas modernes… berk…
Tressy avait l'air beaucoup plus intéressée par sa lecture d'un coup et reprit la suite avec la voix forte.
- Ces Servant, divisés donc en sept classes, se combattent à mort afin de déterminer le plus digne de remporter le Saint-Graal. Afin d'invoquer son Servant, le Master a besoin d'une relique appartenant au héros afin de servir de catalyseur.
La blonde jeta un coup d'œil à la boîte noire à côté d'elle et hocha la tête, comprenant ce que voulait dire sa sœur.
- C'est un combat de compétence pur où les mages, en leur titre de Master, s'affrontent également pour avoir leur vœu de réaliser. Cependant, il se peut que si le Saint-Graal décide d'accorder à un être sans pouvoir la puissance pour invoquer un Servant, s'il le trouve digne. Ah un peu de justice dans ce monde !
Elle se mit à ricaner toute seule et posa le livre. Elle entreprit d'aller jeter son yaourt et le colis par la même occasion et regarda la table avec la boîte noire. La blonde se stoppa un moment et se mit à se pincer les lèvres.
- Un vœu à réaliser…
Elle tourna finalement les talons et jeta son yaourt et le colis. Elle saisit ensuite son portable et composa un numéro. Elle attendit un moment puis…
- Allo papa ? C'est Tressy ! Oui… ça va oui… non j'ai pas encore de travail je cherche, je cherche… je voulais te demander est-ce tu es encore dans tes recherches ? Parce que Chimène a reçu un cadeau et j'aimerais bien en avoir un aussi ! De quoi ? … si ça m'intéresse ! Ah ! Merci papa !
Elle raccrocha avec un sourire satisfait et rangea son portable.
- Et maintenant j'ai un an pour trouver comment me rendre au Japon…
Quelques mois plus tard, dans une chambre d'hôtel se situant à Fuyuki, au Japon, un jeune homme tapait à l'ordinateur dans le noir. C'était très silencieux, le seul bruit audible était les touches du clavier qui s'enfonçaient sous la pression des doigts maigrichon du jeune homme. Son visage était éclairé par l'ordinateur : ses cheveux étaient noirs et longs, ils lui arrivaient un peu en-dessous du cou et sur le devant, un peu devant les yeux. C'était un homme assez mûr, de 27 ans, on pouvait voir un début de pilosité sur son menton. Il était vêtu d'un tee-shirt blanc et d'un pantalon bleu.
L'homme regarda sa main droite sur laquelle se trouvait un symbole rouge : le sceau de commande qui le désignait comme Master. Cela le fit sourire et il continua à tapoter sur son clavier. Il déplaça quelques fenêtres, sur son ordinateur il y avait des symboles étranges qui s'entremêlaient, rien qui ne ressemblait à une écriture informatique traditionnelle. L'homme semblait cependant maîtriser cela avec perfection et semblait aussi beaucoup s'amuser. Il pouvait continuer comme cela pendant des heures.
Soudain, quelqu'un toqua à la porte. Le garçon fronça les sourcils.
- Entrez…
- Ah bonjour Monsieur !
Il s'agissait d'une femme, petite et aux cheveux d'un blond presque blanc. Elle était vêtue d'un manteau bleu foncé et d'une toque bleue sur la tête. Ses yeux étaient rouges.
- Euh… qui êtes-vous ?
- Vous… vous avez demandé à me voir…
- Ah oui ! C'est vous Ivana Einzbern ? La dernière de la famille !
- … oui en effet… je viens d'arriver au Japon… à propos de l'alliance que vous aviez demandé avec n…
- Je sais, je sais ce que j'ai demandé ! Bien, asseyez-vous quelque part et taisez-vous !
La jeune fille pencha la tête, semblant ne pas bien comprendre mais n'insista pas. Dans le noir elle n'arrivait pas à se repérer alors elle alluma la lumière. Cela fit grimacer le garçon. L'endroit était bien sale, par terre se trouvait pas mal de vêtements, d'outils informatiques de toutes sortes mais aussi des fioles, servant probablement à la magie. On pouvait voir des restes de repas, des paquets de chips, une vraie chambre de célibataire qui n'avait aucun soucis de ménage. Ivana trouva cependant un fauteuil avec une place pas trop sale et s'assit là. Elle fixa l'homme qui continua de travailler sur son ordinateur. Mais son sourire avait disparu, il semblait gêné par la lumière et par la présence de la femme. Il continua son travail pendant bien vingt minutes. Au bout d'un moment, la femme se décida à parler.
- Excusez-moi… vous savez que je suis là ?
- Hm…
- Mais Monsieur Ogier ! Votre famille a demandé à la mienne une alliance étant donné votre position de Master ! Je suis là pour vous aider et vous savez que c'est un avantage de taille… mais vous ne semblez pas intéressé…
- Pff… dans trois mois commencera la Guerre du Saint-Graal, on a tout le temps…
- Vous préparez une stratégie au moins ?
- Oui ! Je sais qui vous êtes et ce que vous représentez ! Je sais que j'ai de la chance de vous avoir mais si vous êtes à mes côtés j'aimerais bien avoir un peu de calme, ça me serait utile pour travailler ! Il n'y a que comme ça que j'aurais le Graal… pas comme votre famille qui a littéralement été déchue…
La jeune fille baissa la tête. Les Einzbern participaient aux guerres du Saint-Graal depuis la toute première. Mais à la cinquième, il y a 50 ans, cela s'est arrêté, car l'entité divine a cessé de sélectionner leur famille comme digne. La famille produisait pourtant de puissants mages mais leur honneur tari leur a beaucoup coûté et elle a périclité. Si bien qu'Ivana en était la dernière héritière et le dernier espoir de remporter une guerre du Graal. Même si ce n'était qu'en aide.
- Est-ce que je peux au moins faire quelque chose pour vous aider en ce moment ?
- Oui ! Après tout pourquoi pas ! Voyez-vous je développe une nouvelle sorte de magie, la magie informatique ! Se servir du pouvoir d'internet pour diffuser des pulsions magique est très efficace ! Ce n'est encore qu'au stade expérimental mais pour moi ça a déjà fait des preuves ! J'ai déjà repéré quelques adversaires ou potentiels adversaires pour le Graal !
- Oui ?
- Eh bien vous allez me récupérer des informations sur eux ! Je veux gagner cette guerre ! Je la prépare depuis longtemps ! Il faut que ce soit fait dans les moindres détails !
- Très bien Monsieur euh… vous voulez que je vous appelle comment d'ailleurs ?
- Appelez-moi Victor, ça nous épargnera du temps. Venez ici !
La jeune fille s'approcha de Victor qui prit quelques papiers se trouvant à côté de l'imprimante. Il les tendit à sa nouvelle assistante.
- La première fait parti de la famille Cherville qui a participé à la précédente guerre ! D'après mes informations c'est une jeune mage encore trop précoce… de plus elle est handicapée, elle ne présente pas une grande menace en elle-même ! Mais sa famille est une lignée de mages assez forts donc ne la sous-estimons pas !
- Bien… Louana Cherville… j'ai déjà entendu parler de son père ! Il est membre de l'association des mages !
- Tout à fait… ensuite nous avons une autre famille assez puissante, c'est la famille Neils ! Chimène Neils, que j'ai déjà rencontré d'ailleurs, a déjà son sceau de commande ! Elle se prépare en ce moment à participer, c'est sans doute une adversaire redoutable, il faudra s'en méfier !
- Très bien je vais enquêter… il y a aussi un dossier avec sa sœur jumelle !
- Oui ! C'est là l'avantage que je tire d'internet, c'est que j'ai commencé à surveiller les activités de sa famille et sa sœur, Tressy, recherche des vieilles reliques avec l'aide de ses parents ! Il est donc tout à fait possible qu'elle participe à la guerre du Graal !
Ivana hocha la tête et regarda la quatrième feuille. Elle haussa un sourcil.
- Victor Ogier… vous voulez que j'enquête sur vous également ?
- Je veux savoir quelles informations vous réussiriez à tirer sur moi… c'est important que je sache aussi les données auxquelles ont accès mes adversaires donc ne vous privez pas, je veux tout savoir sur moi !
- Comme vous voulez…
- Une parfaite petite esclave n'est-ce pas ? Votre famille est tombée bien bas…
La jeune fille serra les feuilles avec plus de force pour se retenir de contredire et hocha la tête. Elle jeta un coup d'œil à la cinquième et dernière feuille.
- Balthazar Callaghan… oh ! C'est une lignée de mages très puissante là aussi ! Je crois même que ce Balthazar fait partie de l'association des mages !
- Correct, c'est l'adversaire le plus puissant auquel nous risquons de nous confronter… il a reçu récemment sa relique et ne tardera pas à recevoir son sceau de commande… enquêtez sur lui de toute urgence !
- D'accord… je vais faire tout mon possible… il me reste trois mois pour le faire donc… vous n'avez rien sur les deux autres ?
- Non ! Il est possible que ce soit de parfaits inconnus à la magie ou autre… dans ce cas ils seront faibles mais quand nous saurons leur identité, nous ferons notre enquête…
Ivana acquiesça d'un mouvement de tête. Elle regarda quelques secondes les feuilles puis ensuite Victor qui s'était replongé dans ses activités informatiques. Ne voulant pas rester plus longtemps dans la pièce dégoûtante, elle commença à partir.
- Bien, je vais m'occuper de tout ça, au revoir !
- C'est cela… éteignez la lumière en partant !
La jeune fille fronça les sourcils et éteignit puis sortit en fermant doucement la porte. Victor saisit une chips dans son paquet à côté de l'ordinateur et se l'enfila dans la bouche. Il eut un large sourire.
- Cette guerre est à moi !
- NON ! Pitié ! S'il vous plait pas ça ! TOUT MAIS PAS CA…
Un homme aux cheveux grisonnants, frisant la cinquantaine et habillé d'une toge rouge était à genoux sur le sol de sa maison. Pour cause, des hommes habillés en noirs commençaient à saisir tout ce qui se trouvait autour de lui. Ils emmenaient là sa bibliothèque.
- Des ouvrages uniques de la bibliothèque d'Alexandrie ! VOUS NE POUVEZ PAS FAIRE CA !
- On est engagé pour ça, Monsieur, laissez-nous faire notre travail.
- BON SANG… AH NON PAS LES JOYAUX !
- Le patron a dit tout ! Poussez-vous !
L'homme se recroquevilla sur lui-même et se mit à avoir les larmes aux yeux. Il avait tout perdu… ou presque. Il approcha d'un meuble qui n'avait pas encore été vidé et prit une boîte et un livre qu'il glissa dans sa toge. Content que cela marche, il alla vers une autre armoire pour saisir des artefacts magiques, mais sur le coup, il avait été trop gourmand. Un des hommes en noir lui attrapa le poignet.
- Hey ! Qu'est-ce que vous faites ?
- J… Je…
- Hé les mecs, il essaye de resquiller ! Fouillez-le !
- Pff… les gens peuvent pas se résigner…
Les hommes approchèrent. Le pauvre vieil homme serra le poing. Il la mit dans sa poche et sortit des petites pierres parfaitement rondes. Il ferma les yeux et les éclata, ce qui lui permit de lancer une rafale de projectiles lumineux sur les hommes. Tous touchés, ils tombèrent à terre, inconscient.
- Les flashs de lumière ça marche à tous les coups ! Il faut que je me dépêche maintenant sinon je n'y arriverai pas ! Je dois protéger ma boîte !
Il prit une besace et mit tout ce qu'il pu dedans. Livres, objets magiques, joyaux, il se hâta de peur que les hommes se réveillent et commença à filer. Il ouvrit la porte et se heurta à un torse massif qui le fit tomber en arrière. A terre sur les fesses, il leva la tête et contempla un homme aux épaules carrés, une musculature assez imposante. Ses cheveux étaient courts et bruns mais gominés. Ses yeux bleus profonds fixaient le vieil homme, et il arborait un large sourire duquel dépassait un gros cigare encore fumant.
- Monsieur Callaghan, Monsieur Callaghan… vous essayez donc de fuir… ce n'est vraiment pas raisonnable…
- Non… pas vous… je ne peux pas tout perdre maintenant ! JAMAIS !
Il mit sa main dans sa besace mais se retrouva avec deux pistolets pointés sur la tempe. Deux gardes du corps l'avaient en joue.
- Oh non, pas de violence, Monsieur Callaghan. Vous savez que je ne désire pas cela. S'il faut y arriver nous y arriverons, mais ce sera à vos dépends.
- P… Pitié… PITIE…
- Oh ne pleurez pas, je pourrais presque me sentir coupable… allez je ne vous tuerai pas, vous savez que je n'aime pas ça ! Mais il faut que vous soyez responsable de vos actes à présent ! Messieurs, raccompagnez Monsieur Callaghan à l'intérieur !
Les gardes du corps empoignèrent Balthazar Callaghan et le reconduisirent à l'intérieur. L'homme était en larmes alors que celui au cigare continuait de sourire. Ils arrivèrent dans le salon où les hommes étaient encore assommés.
- Ca alors… pour un homme de cinquante ans vous vous défendez bien… mes chers, montrez à Monsieur Callaghan que nous n'apprécions pas ce genre de comportement !
Un des gardes du corps prit le vieil homme devant lui et lui mit un coup de poing en plein ventre. Le souffle coupé, il se plia en deux et se prit un autre coup dans la figure qui l'envoya à terre. Il commença à saigner de la lèvre. Sa besace tomba et l'homme au cigare la saisit. Callaghan tenta de la récupérer mais les gardes du corps le retinrent.
- Vous tenez véritablement à vos biens… quelle fougue… voyons cela… ah oui des jolies pierres… hm… on peut les revendre à bon prix… des livres… des objets sans aucun sens… pff… vous teniez vraiment à emporter cela avec vous ?
- LAISSEZ-MOI AU MOINS CA… VOUS ME PRENEZ TOUT…
- Et c'est normal ! Je ne sais pas si cela suffira à rembourser votre dette ! Mais quand vous empruntez une grande somme à moi, Arthur Banks, un des hommes les plus riches des Etats-Unis, il faut vous attendre à des intérêts ! Cela fait des mois que je vous laisse du temps pour réunir une somme, vous en payez le prix !
- M… Bon… très bien… j… je me résigne… laissez-moi au moins m'en aller… je ne veux pas voir ça…
- Oh vous reprenez votre calme… hm…
Le dénommé Arthur regarda l'intérieur de la besace. Il enleva le cigare de sa bouche pour cracher un peu de fumée puis leva la tête vers Balthazar. Soudain, il ricana et fit signe à ses gardes du corps de lâcher son débiteur.
- Merci Monsieur Ban…
- Fouillez-le. Il cache quelque chose j'en suis sûr. Prenez-lui immédiatement !
- Q… NON ! NON !
Les gardes du corps commencèrent à fouiller Callaghan qui tenta de se défendre en mordant et frappant mais face aux gardes du corps bien musclés, il fut vite maitrisé. Finalement, les hommes trouvèrent la boîte et le livre. Ils tendirent tout cela à Arthur.
- Oh… dites-moi… que peut bien contenir cette boîte ? Un trésor ? Une fortune ? Voyons tous cela ! Je suis bien curieux !
L'homme ouvrit la boîte et découvrit une plume rouge à l'intérieur. Sans rien d'autre. Il fronça les sourcils et vérifia s'il n'y avait pas de mécanisme caché… mais rien. Balthazar baissa la tête.
- C'est juste la plume de mon dernier oiseau, j'y tenais tellement… c'est tout ce qui me reste de lui ! C'était mon seul ami !
- Vous mentez très mal, Monsieur Callaghan. Voyez-vous, je ne suis pas dupe, je sais que vous maîtrisez des sciences occultes… de la magie en d'autres termes… je me doute que ce que vous voulez cacher a un rapport avec ça…
- M… MAIS…
- Je vais donc la garder… et vous savez quoi ? Je pense que ce livre que vous teniez à emporter avec vous m'aidera à trouver les réponses ! Voyons cela… oh… « La légende du Saint-Graal » ! Comme c'est attrayant !
Les hommes à terre commencèrent à se relever. Arthur hocha la tête et fit demi-tour.
- Messieurs, terminez de charger les affaires dans le camion, moi j'ai récupéré quelque chose d'intéressant, je compte bien savoir ce que c'est !
- MONSIEUR BANKS…
- Hm ?
- C… C'EST L'ŒUVRE DE TOUTE UNE VIE QUE VOUS EMPORTEZ… J'y ai tellement travaillé… c'est le but unique que je me suis fixé dans mon existence… LAISSEZ-MOI CETTE PLUME… PAR PITIE… Juste ça… Emportez tout… TOUT… MAIS PAS CA… Je vous en supplie…
Balthazar Callaghan était à genoux et en larmes. Il frappait le sol, ne se contrôlant plus. Arthur soupira et s'agenouilla à la hauteur de l'homme qu'il venait de dépouiller.
- Si cela a autant de valeur que vous me le dites, alors vraiment, je pense que je considèrerais votre dette comme intégralement remboursé. C'est une bonne compensation, Monsieur Callaghan. Sur ce, je vous souhaite une bonne fin de journée.
Il souffla sa fumée de cigare dans la figure du vieil homme et se releva pour partir, malgré les cris de Callaghan qui était retenu par trois hommes pour l'empêcher de sauter sur Arthur Banks. Le milliardaire monta dans sa limousine.
- Où allons-nous, Monsieur ?
- A la villa, mon cher. Immédiatement !
- Bien, Monsieur !
Arthur commença à tourner les pages du livres.
- Le Saint-Graal… quelle fourberie vous nous cachez là, Monsieur Callaghan… ?
La limousine roula pendant un bon moment jusqu'à arriver devant une grande propriété entourée de barrières. Devant la grille, un homme contrôla la voiture et la laissa entrer. Le jardin était très tape à l'œil avec plusieurs fontaines et des buissons taillés. Finalement le chauffeur s'arrêta devant la porte de la villa. Il descendit et alla ouvrir la porte à son maître qui lisait sur la banquette arrière.
- Nous sommes arrivés Monsieur… vous descendez ? Il faut que j'aille garer la limousine après…
- Hm… Ah oui…
Arthur descendit de la voiture et monta l'escalier blanc nécessaire à passer pour atteindre la grande porte. Un majordome attendait devant et s'inclina en ouvrant.
- Bienvenue Monsieur !
- Bien, bien…
- Vous avez le nez plongé dans votre livre, Monsieur. Tout va bien ?
- Oh oui… c'est vraiment inespéré… quel fourbe ce Callaghan d'avoir voulu me cacher une chose pareille…
- … Monsieur ?
- Prenez cette boîte et mettez-la en sécurité ! Dépêchez-vous ! Ensuite vous me dépêcherez un jet privé en direction du Japon !
- Ah ? Euh… très bien Monsieur.
- Et louez-moi une propriété là-bas immédiatement, que je n'arrive dans un bazar !
- Très bien… et… euh…
Arthur leva la tête vers le Majordome qui semblait gêné. Le milliardaire fronça les sourcils et ferma le livre.
- Quel est le problème ?
- Voilà… Mademoiselle votre fille m'a dit qu'il fallait que vous l'emmeniez dans votre prochain voyage à l'étranger… elle veut absolument voir du pays…
- D… Justine ? Elle n'a que 8 ans… d'ailleurs que fait-elle en ce moment ?
- Elle suit ses cours avec le précepteur, Monsieur !
- Ah oui… hm… bon si elle le demande… d'accord mais en ce cas, engagez deux ou trois gardes du corps en plus pour elle !
- Bien Monsieur ! Elle sera ravie j'en suis sûr !
Arthur hocha la tête et posa son cigare sur un cendrier à côté de la porte d'entrée. Le Majordome commença à s'éloigner.
- En fait… il ne me faudra pas que trois gardes du corps…
- … oui Monsieur ?
- Je vais avoir besoin de beaucoup de moyen mon cher ! Vous allez les envoyer au Japon avec moi ! Des hommes, des véhicules… et des armes !
- Des armes, Monsieur ? Rien de grave j'espère…
- Non ne vous inquiétez pas ! Ce sera nécessaire si je veux mener mon plan à bien ! Tout doit être prêt… j'aurais alors tout ce que je voudrais.
Arthur regarda le livre qu'il avait scrupuleusement lu avec un grand sourire.
