La nuit était froide. La lune illuminait le ciel. Le vent piquait son visage. John se sentait vivant. Ses bras étaient ouverts en croix. Il pouvait voir les centaines de petites lumières éclairer les rues de Londres. Aucun de ses muscles ne tremblait, pourtant il avait peur. Il regarda ses pieds. Un pas de plus et il tombait dans le vide. Il prit une grande inspiration et leva la tête pour observer les étoiles.
« Et s'il ne venait pas ? ».
John ne pouvait s'empêcher de compter le temps qui passait. Cela faisait plus d'un quart d'heure qu'il était debout sur le parapet du toit de l'hôpital St Barts. Personne ne l'avait remarqué. Il était 4 h du matin, un mardi du mois de novembre. Il n'y avait plus personne dans les rues, John n'avait pas choisi son moment par hasard. La dernière chose dont il avait besoin était que quelqu'un appelle la police et fasse capoter son plan.
« Et s'il s'était trompé ? »
Il y pensait depuis des semaines. Il fallait que cela marche. Il fallait qu'il vienne. John était persuadé que Sherlock n'était pas mort. Il était convaincu que son meilleur ami ne pouvait s'être suicider. Il était inconcevable que l'homme qui avait partagé son quotidien, cet homme qui considérait que la vie n'était qu'un jeu grandeur nature, ait décidé d'abandonner la partie. Il devait s'agir d'un coup monté.
« Mais s'il était en vie, il lui aurait fait signe. Non ? »
John avait tenté de rassembler les morceaux du puzzle. Il avait mené son enquête. Il avait sondé discrètement son entourage. Mais personne ne lui avait donné raison. Lestrade, Molly et madame Hudson faisaient leur deuil docilement. Deuil qui semblait particulièrement compliqué pour Molly qui refusait totalement de parler de Sherlock, comme s'il n'avait jamais existé. John avait même parlé à Mycroft. Mais cet homme était un requin. Il était impossible de lire la moindre émotion sur son visage et donc de dire s'il mentait ou non.
« Peut-être devenait-il fou ? »
Il avait ratissé l'appartement, il avait analysé tous les éléments en rapport avec la mort de Sherlock et celle de Moriarty. Durant des mois. Il n'avait rien trouvé. Mais ce sentiment, cette certitude infondée ne le quittait pas. Il ne dormait plus, ou très peu. Il rêvait du visage déformé de Sherlock sur le trottoir à chaque fois qu'il sombrait dans le sommeil. Il allait venir. Il fallait qu'il vienne. Qu'il apparaisse et qu'il avoue sa ruse. Il fallait qu'il ne soit pas mort.
« Il ne viendra pas »
Cela faisait un peu plus d'un an que Sherlock avait sauté dans le vide. Un peu plus d'un an que la main de John s'était mise à trembler. Étrange ce tremblement d'ailleurs. C'était la première fois que la blessure de guerre qu'il avait à l'épaule faisait parler d'elle. Il n'avait jamais eut le moindre symptôme mis à part une petite raideur les jours de grand froid. Était-ce psychosomatique ? Peut-être. Peut-être était-il devenu fou après tout.
« Parce que qu'il est mort »
Cela faisait trente minutes. John commençait à fatiguer. Il regarda à nouveau ses pieds. Il était incapable de les bouger. Incapable de faire demi-tour. Parce que faire demi tour cela voulait dire accepter l'évidence. Ce que tout le monde semblait avoir compris depuis très longtemps. Sherlock était parti définitivement et même si son suicide n'avait rien à voir avec les raisons énoncées durant leur dernière conversation téléphonique, Sherlock n'en était pas moins mort et enterré.
« Définitivement »
John baissa ses bras. Une larme brûlante coulait le long de sa joue. Tout doucement, il bougea ses pieds et se retourna de façon à pouvoir admirer la pleine lune. Il était dos au vide. Toujours sur le parapet. La nuit était magnifique. Il avait l'impression de voler. Un petit pas en arrière et tout serait fini. Il n'aurait pas à descendre du toit, il n'aurait pas à prendre un taxi, il n'aurait pas à rentrer chez lui, il n'aurait plus à affronter la souffrance qui avait pris possession de son existence. Sa main se remit à trembler légèrement. Il n'avait pas vraiment envie de mourir mais il ne voulait plus évoluer dans ce simulacre de vie.
« Tant pis »
Un, deux...
La sonnerie de son téléphone retentit. Numéro inconnu. Il décrocha.
- John, ne sois pas stupide.
