Bonjour.
Étant donné que j'ai eu de bons échos sur le premier tome de la Passeuse, je vous poste le second volet qui se déroule dans l'univers de...Dracula.
Bonne Lecture !
P.S: n'hésitez pas à venir lire mes autres fics : Dessine-moi comme une de tes françaises, L'esprit de la montagne, De retour pour vous jouer un mauvais tour et Femme de l'ombre.
La BNF, c'est la bibliothèque nationale française. Il y a deux sites : le site historique fondé par Richelieu (c'est là que travaille Odile) et le nouveau site crée sous Mitterrand et qu'on appelle Tolbiac. Votre humble servante les a tous les deux visités et c'est juste...ENORME.
Chapitre I
Odile Valincourt, vingt-cinq ans, ferma la porte de son office. Nous étions le vingt-deux octobre deux mille treize. Il était dix-huit heure, elle était en congés. Dans les couloirs de l'ancien site de la BNF, elle salua quelques collègues. L'un deux, Jean-Michel Letellier la retint un moment pour l'inviter à la sortie organisée par leur équipe. Elle déclina poliment son invitation.
"Mais Odile ! C'est l'occasion de sortir un peu de ces bouquins et de voir d'autres personnes que tous ces thésards imbus de leur personne !"
"Écoute, ça fait deux mois que je n'ai pas arrêté. Je voudrai juste pouvoir passer un peu de temps avec ma famille. Mon père et ma soeur ont besoin de moi en ce moment, tu peux comprendre ?"
Odile avait parlé calmement, sans élever la voix ou montrer de déplaisir. Mais ses mots avaient su toucher son collègue :
"Bien sûr. Désolé, je ne voulais pas être trop insistant. Mais tu sais, tu m'es vraiment sympathique et ça me fait de la peine de te voir fonctionner comme un robot."
"Mais je ne fonctionne pas comme un robot..."
"Odile ! Franchement, tu ouvres à peine la bouche pour dire "bonjour" ou "bonsoir". On ne peut pas discuter avec toi d'autres choses que le boulot. Et quand tu n'es pas dans la rhotonde, tu es enfermée dans ton bureau ou dans la réserve pendant des heures. Avoue qu'il y a quand même plus social comme comportement !"
"Bon..." Odile enfila son écharpe "Je vais faire un effort quand je reviendrai."
"Profite de tes vacances, pense à toi et reviens nous avec le sourire."
Odile acquiesça. Le seul qui avait su lui arracher un sourire jusque là, c'était Loki.
Tandis qu'elle descendait les escaliers, elle fouilla son sac et sa main et se referma sur le livre que Loki lui avait offert. Elle avait vraiment hâte de pouvoir l'attaquer. Si Loki lui avait vraiment fait peur quand il avait débarqué il y avait deux ans, elle l'appréciait maintenant à sa juste valeur. Et sa visite lui avait vraiment fait plaisir. Cela lui avait donné l'impression d'être normale (même si un visiteur qui apparaît et disparaît à volonté était un concept assez éloigné de la notion de normalité.).
Dehors la neige vint lui chatouiller le nez et fit fleurir sur ses lèvres un petit sourire.
Elle se mit en route pour le métro. Chemin faisant, elle regarda sa montre ; il lui restait trois heures pour retourner à son appartement, prendre sa valise puis se rendre à la gare. Une fois à bord de la ligne 14 ligne C, elle se calla comme elle put contre une barre métallique et sortit son livre. Tout en refermant soigneusement son sac, elle chercha du coin de l'oeil d'éventuels pickpockets. Mais tout semblait dégagé. Pour une fois, la rame n'était pas trop engorgée. Un miracle qui ne durerait pas. Toutes les places assisses étaient cependant prises par des gens grelottants et probablement malades. Alors qu'elle englobait du regard la voiture, un homme se leva et lui fit signe de prendre sa place. Étonnée d'un tel geste, elle refusa d'un signe de tête, le remercia d'un sourire et se plongea dans son livre sans plus attendre. L'inconnu sortait plutôt du lot, pensa-t-elle avant d'être happée par les mots.
Elle venait de terminer le premier chapitre quand la voix féminines impersonnelle et horripilante de la RATP annonça son arrêt. Odile se contorsionna entre les nouveaux arrivants et parvint à s'extraire de la masse humaine fatiguée qui s'agglutinait dans la rame comme du cholestérol dans les artères. Quelqu'un lui fit par inadvertance un croche-pied.
"Tu ne peux pas faire attention, Connasse !" l'agressa une voix anonyme.
Elle trébucha. pourquoi vivait-elle à Paris déjà ? Ah oui, la BNF. Ça valait bien tous ses désagréments.
Une main secourable l'aida à se remettre debout. Elle allait le remercier et s'excuser quand elle se rendit compte que son livre était tombé. Paniquée, elle refit le chemin inverse. Il était là, sur le sol, à quelques pas. Au moment où elle se penchait pour le ramasser, un pied le percuta, l'envoyant sous un banc tandis qu'on la bousculait et que de nouveaux noms d'oiseaux pleuvaient sur sa tête.
Un homme se pencha alors vers elle, la redressa, puis très rapidement li ramena son précieux présent. Il prit même la peine de le lui épousseter avant de le lui rendre. Elle reconnut l'inconnu qui avait voulu lui céder sa place. odile récupéra avec soulagement son bien et le serra contre elle à la manière d'un enfant.
"Je vous remercie, Monsieur." déclara-t-elle avec sincérité.
Dans le métro parisien, il était courant de voir toute sorte de gens : des sans-abris dépareillés qui venaient trouver un peu de chaleur dans les passages sous-terrains, des cadres en costume affairés avec le regard soucieux et absent, des mères de famille dépassées, des asiatiques identiques dans leur perfection glacée, des jeunes relâchés et désabusés, des étudiants avec des écouteurs rivés aux oreilles... Mais jamais, elle n'avait encore vu quelqu'un comme son interlocuteur. Il était...décalé. Et décalé n'était jamais bon signe, du moins dans son univers. Elle recula instinctivement quand elle prit conscience de cela. mais ses yeux restaient attachés à l'opulente chevelure aux boucles d'ébènes striées de nacre, à la peau blafarde, aux yeux noirs injectés de sang et aux grandes mains blanches, si grandes qu'une seule aurait pu sans souci lui broyer le cou.
Là, tout de suite, même si elle avait survécu à Loki, Odile rêvait d'échanger sa place avec Anna Karenine et de se jeter sous la prochaine trame de métro. Parce que, si Loki avait tout de même eut la bonté de vouloir échapper à tout regard humain, ce n'était pas forcément le cas de celui-là. A vrai dire, semer la panique ne le dérangerait pas et Odile était sûre que l'idée de la tuer était loin pour lui d'être une option désagréable. Après tout, le sang n'avait jamais donné de nausée au très célèbre...Dracula. Loin de là.
Sur son front devait être marqué Pigeon, saignez-moi.
Il avait dû percevoir son tremblement, car c'est avec un sourire moqueur qu'il lui fit un baise-main.
"Ou comment attirer l'attention." marmonna d'une manière perceptible Odile
Le comte se redressa. Il la dépassait de plus d'une tête et demie et sa puissance était presque palpable. Elle n'avait aucun moyen de lui échapper.
"Je crois que nous ferions mieux de sortir de ce souterrain avant de nous faire piétiner." proposa-t-il avec un accent qui faisait rouler les "r" et donnait l'impression de changer les mots en gouttes de pluie.
Odile acquiesça toujours aussi tendue. Elle s'engouffra dans les escaliers, horriblement consciente de la dangereuse présence derrière elle.
Le comte Dracula s'amusait terriblement de cette situation. Enfin, depuis trois ans ! Trois années qu'il avait vécu comme un martyre...si ça ne lui permettait pas d'être gracié le jour du jugement dernier, personne ne le serait. Cette petite créature avait tout intérêt à lui rendre ce service si elle tenait à garder son précieux et odorant A+ dans ses veines.
A suivre...
Voilà, je publie donc cette histoire qui date d'il y a trois ans et qui traînait en format papier dans mes tiroirs. J'attends vos impressions.
