L'Antichambre
Disclaimer : Kingdom Hearts, ses personnages ne m'appartiennent pas, mais sont à Square Enix et Disney.
Bonjour ! Bon je n'ai plus le temps d'écrire en ce moment, mais voici ce qui était à l'origine le premier OS de la Semaine de l'OS du 24 août au 30 août et hm... il est devenu beaucoup plus important que je ne le pensais, aussi je l'ai transformé en une fic de quelques chapitres. Désolée de cette absence... je n'arrive pas à me mettre à écrire en période scolaire.
Donc il s'agit d'un UA centré sur le personnage de Kairi comme l'indique le résumé. J'aimerais bien tout écrire pendant les vacances, mais je doute fortement que j'y arriverai, alors c'est à oublier je pense.
Bonne lecture !
Le Premier Jour : Crépuscule vermeil
Son corps heurta une surface dure. Elle gémit de douleur, mais déjà elle était emportée et l'eau envahit sa bouche tandis qu'elle s'enfonçait sous la surface. La main glacée du courant la happa, l'entraînant par les jambes, la taille puis la gorge vers les profondeurs glacées qu'elle n'avait nullement envie de visiter. Étourdie, elle ne réagit pas tout de suite. Des formes sombres s'agitaient devant ses yeux, sans qu'elle parvienne à les identifier. Elle avait mal et quelque chose lui comprimait la poitrine, et quand elle tenta de tousser, cela ne fit qu'empirer.
La panique la submergea brièvement. Ballottée en tous sens par le courant noir, elle tenta de bouger ses bras, mais une vive douleur seulement lui répondit. Quelques fluides rougeâtres se mêlèrent aux eaux qui l'aveuglaient. Était-ce son sang ?
Ses paupières lourdes s'abaissèrent lentement tandis que la douleur affluait davantage. Tout cela avait été si rapide... comment était-ce seulement arrivé ?
« Kairi ? Kairi ? »
Une voix douce l'arracha soudainement au sommeil. Elle redressa la tête et écarta ses cheveux de son visage pour jeter un regard confus à sa mère qui l'observait par le rétroviseur central.
« Tu as bien dormi ? s'enquit-elle avec un sourire taquin. Tu peux te réveiller maintenant, on est arrivés. »
Kairi bâilla sans se gêner.
« On est où ? » marmonna-t-elle, la bouche sèche et la tête lourde de sommeil.
La voiture cahota quand elle entama la montée d'une pente bordée d'arbres qui filtraient les rayons insistants du soleil par intermittence.
Son père éclata de rire et se retourna brièvement.
« Tu n'es pas encore réveillée, à ce que je vois. Voyons, ne me dis pas que tu as déjà oublié où on avait prévu d'aller, hm ? »
Kairi mit quelques instants à comprendre ce qu'il voulait dire, puis se redressa d'un coup, les yeux écarquillés.
« On comptait te réveiller quand on a pris le bateau, mais tu avais l'air de faire de beaux rêves. On t'a laissée dormir, j'espère que tu n'es pas trop déçue. »
Mais Kairi ne répondit pas. Par la fenêtre, le paysage auquel elle avait si souvent pensé ces dernières années s'étendait sous ses yeux dans toute sa beauté.
S'il y avait un lieu au monde que Kairi ne pourrait jamais oublier, à part sa ville natale, c'était celui-là. Les Îles du Destin. C'était ici qu'elle était venue pour la première fois quand elle n'avait que six ans, avec ses parents qui souhaitaient des vacances ensoleillées, et ils y avaient découvert un paysage enchanteur, un trésor niché entre terre et mer, un coin tranquille, dont la renommée était montante mais encore assez méconnu pour n'attirer que des connaisseurs. Ravis de leur séjour, ils étaient revenus l'année d'après, et celle d'après.
Maintenant, Kairi avait seize ans, et pour la quatrième fois revenait sur les lieux. Elle avait conservé des souvenirs frais des Îles : elle se rappelait avec nostalgie les rues pavées de dalles jaunes de la ville de l'Île principale, ses maisons qui escaladaient la pente du volcan éteint, le sourire des habitants ravis de la saison des touristes, le coucher de soleil sur les eaux limpides de la mer, l'odeur du sel, les murmures des promeneurs qui longeaient la grève le soir, l'arôme des glaces et du poisson fraîchement pêché...
Ainsi songeait-elle, le cœur gonflé de béatitude et d'un début d'excitation en contemplant la mer du haut de la colline. Comme lors de leurs visites précédentes, ses parents avaient loué un petit logement dans une résidence de vacances placée stratégiquement en hauteur : sous ses pieds s'étendait la ville bordée des eaux scintillantes qui l'appelaient depuis même qu'elle était descendue de la voiture.
Vraiment, quel bonheur d'avoir suggéré de revenir une fois encore.
Elle avait hâte de retourner sur la petite île.
Elle se demanda si Sora y allait toujours. Vivait-il encore dans les Îles ? Un sourire plein d'espoir s'esquissa à son insu.
« Kairi ! »
La jeune fille se retourna, arrachée malgré elle à ses souvenirs. Devant la voiture familiale garée près de la porte de la résidence qui allait les accueillir pendant leur semaine de vacances, sa mère lui faisait de grands signes impatients, attendant manifestement d'elle qu'elle vienne aider au déchargement et récupérer sa valise. Son père était déjà à l'intérieur, transportant les sacs contenant les restes des pique-niques du déjeuner qu'ils avaient achetés sur la longue route menant aux Îles. Réprimant un soupir, elle descendit du petit amoncellement de pierres gisant à quelques pas de leur porte, près de la clôture délimitant la résidence et alla rejoindre sa mère, une main sur son chapeau de paille qui paraissait prêt à s'envoler à la moindre brise de vent.
« J'arrive, j'arrive... »
Voyant qu'elle avait obtenu l'attention de sa fille, sa mère ouvrit le coffre de la voiture et farfouilla à l'intérieur.
« Tiens, va ranger ça, lui dit-elle en lui tendant la valise bleue qu'elle emportait toujours lors des vacances depuis qu'elle avait eu l'âge de faire ses propres valises. Il y a deux chambres, au premier étage. Tu prends celle avec les lits superposés. »
Ravie, Kairi ne se le fit pas dire deux fois. Elle avait toujours adoré les lits superposés, surtout quand elle obtenait de coucher dans celui du haut, ce dont elle n'avait que rarement à se soucier : elle était fille unique et ses parents dormaient dans le lit double de la seconde chambre.
Leur logement était fort simple : une petite pièce occupant l'essentiel du rez-de-chaussée servait de salle à manger, mais également de salon (ils avaient droit à une télévision) et possédait un petit coin cuisine qui rassemblait un évier, une plaque de cuisson et un four. Une porte donnait sur les toilettes et un cabinet de douche et derrière la télévision, un escalier de bois montait à l'étage où s'ouvraient deux chambres. Et elle retrouvait avec bonheur l'ambiance sereine diffusée par les murs couleur crème percés d'une double baie vitrée qui laissait en journée la lumière entrer à flots.
« C'est la deuxième porte », lui indiqua son père qui redescendait les escaliers.
La seconde porte du premier étage ouvrait sur une petite chambre très simple : deux lits superposés, une armoire dans le renfoncement du mur et une minuscule table de chevet de la taille d'une chaise. Kairi se dirigea vers la fenêtre : en contrebas, elle apercevait ses parents discuter en déchargeant le véhicule, ce qui signifiait que la fenêtre donnait sur le même paysage que tout à l'heure : elle bénéficiait d'une vue imprenable sur la mer et la petite ville tranquille de Destin.
Elle entreprit de déballer et de ranger consciencieusement ses affaires, tâche à laquelle elle prenait toujours autant de plaisir. En ouvrant la porte de l'armoire, elle tressaillit en croisant son reflet dans la glace au dos de la porte, qui lui renvoya l'image d'une fille pâlotte aux yeux bleus hérités de son père et aux cheveux rouge vif maternels, qu'elle avait décidé de laisser pousser au lieu de les garder impitoyablement courts et qui atteignaient désormais ses épaules. Un simple chapeau, des vêtements d'été tout ce qu'il y avait de plus banal – un short gris et un T-shirt rose vaporeux –, et une paire de sandales venaient compléter son apparence. Elle n'avait pas vraiment l'impression d'avoir changé depuis ses huit ans... mais Sora la reconnaîtra-t-il ? Et elle, le reconnaîtra-t-elle ?
Kairi esquissa un sourire à la pensée d'un scénario des plus absurdes de leurs retrouvailles, tout en empilant ses vêtements dans l'armoire, envoyant voler son chapeau en travers de la pièce. Elle ne sentait pas très bon – la route sous le soleil brûlant avait été longue – et elle était heureuse que la salle de bain soit à proximité.
Essuyant la sueur de son front, elle referma sa valise désormais vide du bout du pied, satisfaite. Les mains sur les hanches, elle observa sa nouvelle chambre, tandis que du rez-de-chaussée lui parvenait la voix de ses parents qui achevaient le rangement, énervés et pressés d'en finir. Mais elle avait achevé sa part.
Quoique... Il manquait quelque chose. Elle fronça les sourcils en consultant la petite feuille arrachée à son agenda où elle avait noté avec soin tout ce qu'elle avait emporté. Il y avait cependant un élément qui manquait à l'appel, et elle savait qu'elle n'aurait pu le manquer. Ennuyée, elle sortit de sa chambre et passa la tête par l'embrasure de la porte du rez-de-chaussée où ses parents s'affairaient.
« Maman ! Où est-ce que tu as mis mon album photo ?
-Quelle photo ? fit distraitement sa mère.
-L'album photo des vacances... Tu sais bien, je t'avais dit que je voulais l'emporter.
-Je ne l'ai pas pris. Tu as regardé dans ta valise ?
-Oui, et il n'y est pas. Pourtant je suis sûre de l'avoir emmené... T'es sûre de pas l'avoir pris ?
-Écoute, je finis de ranger ça et je chercherai dans ma valise, d'accord ? » l'interrompit sa mère.
Kairi se retira dans sa chambre et vérifia une dernière fois ses affaires. Peine perdue, l'album n'était pas là. Elle réprima un soupir agacé : c'était un ouvrage important à ses yeux. Toutes les photos de ses dernières vacances sur cette île y étaient conservées. Elle était pourtant certaine de l'avoir emporté avec elle... Voilà qui blessait son sens de l'organisation.
Elle n'avait donc plus avec elle qu'une unique photo, sa plus précieuse, qu'elle conservait toujours dans son portefeuille.
« Je vais faire un tour ! » annonça-t-elle à la cantonade en redescendant les escaliers.
Ses parents ne lui répondirent pas, occupés à vérifier la paperasse afin de s'assurer que le mobilier était bien conforme à ce qui était annoncé. De toute manière, Kairi était une grande fille et tous deux savaient qu'elle n'avait nul besoin d'être chaperonnée.
Ce fut donc sous les premières lueurs du crépuscule que la jeune fille quitta la résidence.
La résidence, juchée sur une des petites collines de la ville, représentait un complexe d'une cinquantaine de logements. Devant l'afflux croissant des touristes, la construction de nouveaux appartements avait été lancée, bien que seulement la moitié des logements construits paraisse occupée à cette heure. A cela s'ajoutaient quelques aménagements d'utilisation commune : l'accueil, un terrain de basket, un terrain de pétanque, une aire de jeux pour les enfants, des douches publiques pour les locataires des logements les moins onéreux qui ne disposaient pas de salle de bain, une laverie, mais aussi une piscine en construction, chose qu'elle avait du mal à comprendre pour du tourisme en bord de mer, une minuscule infirmerie pour les premiers soins, et une salle de sport.
Kairi descendit la rue bordée de résidences, s'attirant les regards distraits de quelques vacanciers qui se prélassaient dans des chaises à l'extérieur de leur logement, et atteignit bien vite le portail de la résidence, passant sans s'arrêter devant le petit bâtiment gris de l'accueil. De là, une route bordée d'arbres et de quelques habitations éparses descendait vers la ville en contrebas.
Il n'y avait personne et elle s'autorisa à faire quelques pas le long de la route. Un léger vent frais venait secouer ses mèches. Elle s'étira. Elle se sentait bien. Quelle bonne idée, vraiment, de revenir ici.
Elle fit une pause entre deux arbres pour observer la mer au loin. De là, elle apercevait la petite île où elle s'était liée d'amitié avec Sora dix ans plus tôt. Elle semblait déserte, quoiqu'elle soit trop loin pour en être certaine.
« J'aimerais bien y retourner, songea-t-elle. Je me demande si ... »
Elle fut brutalement arrachée de ses pensées quand un choc violent dans le dos la jeta au sol. Elle poussa un cri étranglé, s'écharpant les paumes sur le goudron de la route.
« Aïe ! »
Kairi se redressa en fronçant les sourcils. Celui qui avait osé agir de la sorte allait le regretter ! Mais elle resta bouche bée en posant le regard sur son agresseur.
Était sortie de nulle part une créature étrange, vaguement humanoïde, comme drapée dans un manteau noir et dont le visage lui était invisible. Mais elle sentait sur elle un regard brûlant de noirceur et de haine. Curieusement, la créature, ou du moins, lui soufflait son esprit rationnel, le voyou qui s'était accoutré de la sorte, ne s'approcha pas, mais se contenta de ramasser un petit objet gris et de prendre la fuite, s'engouffrant dans un petit sentier qui s'éloignait de la route pour s'enfoncer dans le petit bois qui recouvrait la pente de la colline.
Son portefeuille ! C'était son portefeuille qui s'était échappé de sa poche quand elle était tombée !
« Attends ! » cria-t-elle avant de se jeter sans hésitation aux trousses du pickpocket.
Elle n'avait nullement l'intention de laisser ses vacances commencer dans de si mauvais auspices. Elle allait lui montrer qu'elle n'était pas aussi nulle à la course que beaucoup de ses camarades le pensaient.
A sa grande surprise, elle découvrit son portefeuille gisant sur le sol, abandonné quelques mètres plus loin. Kairi s'en saisit avec méfiance ; le voleur n'avait quand même pas déjà abandonné ? Un rapide coup d'œil à l'intérieur lui confirma la présence de sa carte d'identité et même de son argent. En fait, il ne manquait qu'une seule chose : une unique photographie. Elle fronça les sourcils, tiraillée entre abandonner la poursuite (après tout, Dieu seul savait à quels risques elle s'exposait) et continuer pour exiger son dû. Était-il au moins certain que le voleur se soit emparé de la photo ? Pour quelle raison l'aurait-il fait ? Peut-être était-elle seulement tombée du portefeuille et gisait-elle sur la route derrière elle en ce moment-même...
Kairi secoua la tête.
« Je ne le laisserai pas s'en tirer comme ça », murmura-t-elle.
Elle reprit sa course, son portefeuille à la main, sans se soucier que le voleur puisse avoir pris assez d'avance pour être désormais hors d'atteinte.
En réalité, elle fut surprise et perplexe de constater qu'il n'en était rien. A peine eut-elle tourné à l'angle du sentier qu'elle pénétra dans une minuscule clairière au centre de laquelle l'individu mystérieux lui faisait face. Il l'avait attendue. Curieux. Mais il ne lui échappa pas qu'en le suivant elle s'était considérablement éloignée de la route et des habitations. Personne ne les verrait ici. Pourtant elle fit face, courageusement.
« Toi ! Je peux savoir ce que tu me veux ? »
L'individu ne lui répondit pas. Elle avait enfin l'occasion d'avoir une meilleur aperçu de son ennemi : un individu aussi haut qu'elle, entièrement drapé dans une étoffe noire dont elle ne parvenait pas à deviner la nature. Impossible de dire s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. L'étoffe recouvrait sa tête, comme une sorte de capuche, plongeant dans l'ombre les traits de son visage.
Elle ne réalisa pas à quel point tout dans la situation dans laquelle elle s'était retrouvée était étrange, irréaliste, comme si une brume imperceptible recouvrait son cerveau et ses sens.
« Tu m'a pris quelque chose qui m'appartient, insista Kairi. Pourquoi ? »
L'étrange individu n'esquissa pas le moindre mouvement, mais quelques mots prononcés d'une voix étrange, désincarnée, comme vide d'intonation, lui parvinrent.
« Bienvenue, maîtresse. »
Maîtresse ? Parlait-il à elle ? Sur la défensive, elle jeta un regard soupçonneux autour d'elle tout en gardant l'ennemi dans son champ de vision.
« Qu'est-ce que tu racontes ? lança-t-elle d'une voix faussement assurée. Je veux simplement récupérer ce que tu m'a pris. »
Malgré elle, elle fit un pas en arrière : tout lui criait qu'elle s'était montrée très imprudente de s'être laissée conduite à l'écart par un individu aussi louche.
Mais Kairi, même si elle ne se qualifiait pas elle-même d'inconsciente, n'était pas du genre à laisser les autres lui marcher sur les pieds sans répliquer. Avisant un bâton, bout arraché d'une branche probablement suite à une quelconque tempête – qui n'étaient pas si rares dans les Îles –, elle s'en empara et s'approcha de son adversaire, brandissant hardiment son arme de fortune.
« Maintenant rends-moi ça et on en restera là », ordonna-t-elle d'une voix qui se voulait menaçante.
L'individu ne bougea pas.
Puis...
Une unique pièce de papier flotta dans les airs en virevoltant jusqu'au sol. Surprise, Kairi en lâcha son bâton avant de regarder avec étonnement le carré de papier se poser en douceur sur l'herbe.
« Oh, il était donc là ? » murmura-t-elle.
Elle s'approcha et s'accroupit, s'en emparant. Pas de doute, c'était bien celui-là. Sur le papier froissé par les ans, son elle d'il y avait dix ans souriait avec gêne tout en tentant d'aplatir ses cheveux courts qu'un garçon brun venait de lui ébouriffer, sans doute pour copier sa propre coiffure. Elle se souvenait vaguement de cette journée. Elle avait attendu avec impatience que son père se soit éloigné une fois satisfait de sa prise pour faire passer à Sora l'envie de se moquer d'elle. Ce n'était qu'une photo de vacances parmi tant d'autres aux yeux de sa famille mais c'était la première photo qu'elle avait eu de lui et elle était heureuse d'avoir retrouvé ce précieux souvenir qui ne la quittait jamais, emporté par un coup de vent quand elle était tombée sottement tout à l'heure.
Le soleil, presque couché, était masqué par les hauts arbres de la forêt, et Kairi se redressa avec inquiétude. Cet endroit isolé, désert et plongé dans la pénombre, ne lui disait rien de bon. Mieux valait ne pas s'y attarder, aussi se hâta-t-elle de revenir sur ses pas et ne fut pleinement soulagée que lorsqu'elle émergea sur la route où l'attendait un spectacle magnifique.
Le soleil couchant effleurait les eaux lointaines de la mer, changeant cette dernière en une vallée d'or et de vermeil. Le ciel lui-même semblait tout droit sorti d'un de ces magnifiques tableaux qu'on leur faisait sans cesse étudier en histoire des arts. Émerveillée, elle-même éblouie et plongée, enveloppée dans cette lumière bienfaisante qui recouvrait la ville et le monde, Kairi demeura quelques instants immobile, comme si elle voulait se perdre tout entière dans cette chaleur, qui lui apparaissait comme une promesse de grâce, un espoir et une conviction que ses peines, ses souffrances et ses erreurs disparaissent à jamais.
Elle ne prit le chemin du retour que lorsque l'ombre eut finalement recouvert les lieux, les yeux brillant de cette lumière convoitée et promise, les joues rosies, un sourire serein aux lèvres, son souvenir retrouvé serré contre sa poitrine.
Ses parents l'attendaient bien évidemment avec un mélange d'inquiétude et d'impatience. Le repas était prêt depuis longtemps – il s'agissait en réalité d'un recyclage des pique-niques du midi –, et trônait sur la minuscule table de leur logement. Kairi s'excusa avec un sourire contrit, et l'affaire fut laissée de côté.
Durant le repas, tout en mâchonnant sa salade de pommes de terre tiède mêlée à des restes de jambon, Kairi écouta d'une oreille distraite sa mère lancer la conversation sur le programme du lendemain.
« Levée à sept heures, c'est décidé, se convainquit-elle en hochant la tête. Je dois prendre une douche – la flemme de le faire ce soir. Kairi, tu pourras aller faire les courses, s'il te plaît ?
-Hm, répondit celle-ci pour marquer son assentiment.
-Il faudra aussi passer à l'accueil pour la paperasse. Et voyons... ah oui, il y a un magasin que j'aimerais aller voir – un magasin d'herbes médicinales, très réputé apparemment. Je ne savais pas qu'il y en avait un depuis tout ce temps – heureusement que j'ai pensé à aller voir sur Internet. Et vous, que comptez-vous faire ?
-Oh rien de spécial, répliqua son père en haussant les épaules. Peut-être me balader autour de la ville.
-Et toi Kairi ? » la pressa sa mère quand Kairi ne répondit pas, occupée avec un morceau de jambon plus résistant que prévu.
Cette dernière avala sa bouchée avant de lever un regard distrait vers sa mère.
« Je ne sais pas encore. »
En fait, elle avait quelques projets, mais curieusement, elle appréhendait légèrement de revoir les lieux qui avaient illuminé les vacances de son enfance. Elle n'était pourtant pas particulièrement timide...
« Tu ne veux pas aller revoir... comment il s'appelait déjà ? insista son père.
-Sora ? hasarda Kairi.
-Oui, ça doit être ça...
-Hm... Si, si. Bien sûr.
-Tu as peur qu'il t'aie oubliée depuis tout ce temps ? » la taquina encore son père.
Kairi fronça les sourcils et ne répondit pas. Elle devait reconnaître que c'était une de ses petites peurs qui expliquaient ses hésitations à retrouver tout ce qu'elle avait laissé derrière elle plusieurs années auparavant. Sa mère s'empara d'une affichette qui traînait sur la table, une parmi tant d'autres qu'on leur avait données à l'accueil.
« Vous saviez qu'il y a bientôt un tournoi de Struggle ? observa-t-elle. C'est une fête très populaire ici. On n'y avait jamais assisté, non ?
-On était jamais venus aux bonnes dates pour ça. D'habitude, on était toujours là au mois de juillet. Il est mi-août.
-Hm... Tu veux y participer, Kairi ? Vous faites du Struggle en sport à l'école non ? Tu as des bonnes notes, il me semble ? Qui sait ? Peut-être que Sora participe ? »
Kairi se contenta de bâiller en repoussant son assiette, rattrapée par la fatigue. Dehors, la nuit venait de se refermer sur les eaux sombres de la mer.
Après s'être retirée dans sa chambre, la jeune fille demeura de longues minutes éveillée, assise en haut de sa couchette, pensive. La lune s'était levée et éclairait le paysage de sa lueur argentée, belle et douce, mais qui manquait de la bienveillance pleine d'espoir de la lumière du soleil.
