Pour le résumé un peu plus approfondi :

Que se passerait-il si six têtes colorées, toutes inculpées pour crime, se retrouvaient en prison et se liaient d'amitié ?

Kuroko Tetsuya se retrouve en prison, où il est contraint de partager la cellule d'un certain rouquin qui vient tout juste de mettre les pieds dans ce lieu mais qui n'a pas l'air très commode. Pourtant, il apprendra à le connaitre en profondeur et s'en suivra une douce romance de prisonniers, avec des conflits et des problèmes qui ne seront pas des moindres entre l'un des plus dangereux prisonniers qui tombe en amour sur le jeune fantôme, et les autres qui sont tous aussi déments les uns que les autres.

AKAKURO - AOKISE - MIDOTAKA

UA / YAOI / CRIME / ROMANCE / AMITIÉ / HUMOUR

Immense merci à ma bêta : Kirango-Kin qui assure la qualité de cette fiction avec son super travail !

Agréable lecture vous soit-elle !


Située dans l'un des centres américain en Caroline du Nord, cette prison est réputée pour accueillir les détenus du monde entier. Elle était autrefois reconnue pour son système carcéral qui donnait aux prisonniers l'avantage - ou le désavantage - d'une indépendance et d'une liberté qui multipliait cependant le risque de dangers entre les codétenus, mais qui empêchait ainsi la surpopulation au sein du pénitencier. Cette mesure barbare avait considérablement réduit le nombre d'incarcérés, au profit de l'état et au détriments desdits incarcérés. Cela dit, ce système indépendant a rapidement été abandonné suite aux nombreuses plaintes et aux multiples scandales qu'il avait engendré pour optimiser leur façon de procéder, menant à un système pénale plus répressif et plus stricte, assurant ainsi la sécurité de chaque détenu.

Aujourd'hui dotée d'une haute sécurité, les gardiens qui y travaillent doivent s'assurer que tous les prisonniers répondent à l'appel chaque jours et qu'aucun meurtre n'a été commit, au risque de quoi le coupable se retrouve "au trou", dans une cellule isolée sur une aile à part de celle principale où le prisonnier dormait. Les cellules sont toute connectées entre elles en un grand rectangle et s'étendent sur trois petits étages, se comptant une trentaine par aile avec des cellules pouvant accueillir entre deux et quatre personnes. La prison est vaste, et aucune échappatoire n'est possible. De plus, si un détenu tente de s'en échapper, il est fort probable qu'il finisse sur une chaise électrique ou bien passe un sale quart d'heure en compagnie de la directrice de la prison, elle-même réputée pour sa fermeté et son caractère sans pitié.

Des clôtures électriques parsemaient ces murs de bétons qui ne laissaient aucune chance à quiconque d'accéder au monde extérieur lorsque l'on s'y trouvait. L'ambiance des alentours demeurait perpétuellement morne, une sorte d'aura peu avenante entourait les lieux. Quatre tours avaient élu domicile sur chaque extrémité du territoire, et l'on pouvait remarquer un maton dans chaque qui zieutaient de temps à autres en direction de la cour. Une allée, propice aux camions et aux prisonniers, logeait devant une grande porte : l'accueil.

Bienvenue au Pénitencier Kagetora.

...

« Détenu n°481, avancez. »

Un jeune homme de petite taille s'avança, le visage dénué d'une quelconque émotion. Ses iris azuréennes détaillaient avec attention le lieu dans lequel il se trouvait, les lèvres légèrement repliées témoignant de son appréhension. Sa coiffure négligée, en parfait accord avec ses yeux, se confondait avec son teint de pêche. Il était désormais vêtu d'un uniforme beige horriblement laid.

Kuroko Tetsuya venait de se retrouver en prison.

Ce n'était en aucun cas un criminel similaire à ceux qu'il s'attendait à trouver dans cet endroit. Son corps frêle, presque squelettique, faisait peine à voir. Son état déplorable était probablement capable d'attirer la pitié d'un meurtrier d'envergure tant c'était flagrant. Cela dit, il était réjoui à l'idée d'avoir présentement l'occasion de se nourrir et de se désaltérer convenablement.

Il suffisait de voir les choses d'un point de vue relatif.

Un soupir vint franchir la barrière de ses lèvres alors qu'il enchaînait un pied devant l'autre, le regard maintenant rivé sur la paire de menottes qui liait ses deux poignets. Il s'abstint de le mentionner, mais ces derniers lui semblèrent suffisamment minces pour qu'il puisse se les ôter lui-même. Enfin, à quoi bon ? Le bleuté ne courait pas vite, et son endurance était pitoyable.

De plus, il n'avait aucunement l'intention de partir.

Son bras fut agrippé sans délicatesse par une gardienne qui entreprit de le tirer elle-même afin qu'il avance plus vite. Quelle heure était-il, au juste ? Son ventre grondait famine. Il avait remarqué l'expression médusée de ces personnes lorsqu'elles l'avaient photographié avec son numéro de détenu et qu'elles avaient dû mesurer son poids ainsi que sa taille. Il en aurait presque rit si la faim ne le tiraillait pas autant.

Pathétique.

Il fut brutalement stoppé lorsque la femme qui l'accompagnait s'arrêta devant une cellule. Ses yeux se portèrent au delà des barreaux, sur la silhouette assise avec une étrange élégance sur son lit, plongée dans sa lecture. Inconsciemment, le bleuté scruta ce nouvel individu, même si son visage restait indistinguable de là où il se trouvait. La première chose chez lui qu'il nota fut cette aura terriblement imposante qui l'entourait, semblable à celle d'un empereur assis sur son trône.

Sans même n'avoir à lui adresser la parole, il sut aussitôt que cet homme était néfaste ; rien chez lui n'inspirait un tant soit peu de bienveillance ou de confort. Son dos parfaitement droit, collé au mur, et ses jambes repliées en tailleur dans une position impeccable laissaient présager qu'il devait sans doute adopter une attitude stricte, certainement peu avenante, avec n'importe qui.

L'ouverture de la cellule l'arracha d'ailleurs de sa lecture, et il daigna relever la tête pour en connaître la raison.

Ses traits étaient fins et gracieux, mais le plus marquant fut sans doute les deux prunelles hétérochromes qui le rendait unique en son genre : cet homme avait un œil doré et un œil d'un rouge vif à l'image de ses cheveux. Ce fut cette même paire d'yeux qui le transperça - dans le sens littéral du terme - du regard lorsqu'il pénétra dans la cellule d'un pas hésitant. Aucun mot ne fut échangé si ce n'est l'ironique « te fais pas manger, surtout » de la gardienne à son attention, avant qu'elle ne s'en aille après lui avoir retiré ses menottes et que la cellule ne se referme définitivement derrière lui.

Un frisson lui parcourra l'échine, sans qu'il ne sache si c'était dû à la froideur de la pièce ou à cause de son voisin, puis il s'avança pour déposer le peu d'affaire qu'il avait emmené - à savoir une couverture fournie par le pénitencier ainsi qu'une ridicule petite brosse à dent - sur le lit posé en face de celui où résidait son tout nouveau colocataire.

D'ailleurs, le silence dans leur cellule le rendit mal à l'aise. Fort heureusement, les prisonniers voisins comblaient ce silence par des râles, des bavardages et autres grognements.

Ce qui le rendait vraiment mal à l'aise était, en fait, le regard insistant de son codétenu sur sa personne.

Alors réticent, le fantôme se tourna face à lui, toujours avec son visage inexpressif qui le caractérisait si bien. Ses lèvres s'entrouvrirent dans le but de parler, mais se refermèrent aussitôt. Il détourna le regard.

« Akashi Seijuro. Tu es Kuroko Tetsuya, n'est-ce pas ? »

Étonné par cette prise de parole, l'interpellé plongea finalement son regard dans celui de son colocataire, si hypnotique. Si effrayant. Si redoutable.

« Comment le savez-vous ? l'interrogea-t-il enfin.

-C'est marqué sur ton badge. »

En disant cela, le rougeâtre avait pointé ledit badge d'un bref geste du menton alors qu'un sourire en coin, moqueur, venait d'étirer ses commissures. Le bleu fronça les sourcils en baissant la tête pour aviser l'objet concerné, avant de s'en désintéresser.

« Depuis quand êtes v-

-Tutoie-moi, le coupa tranquillement ledit Akashi en retournant à sa lecture, tournant l'une des pages de son livre.

-...

-Je suis arrivé ce matin même. »

Sans trop savoir quoi répliquer, Kuroko se contenta de s'asseoir sur son lit, juste à deux mètres de l'autre. Il fut passablement étonné d'apprendre que son codétenu venait d'arriver dans la journée, et cette réflexion fit d'ailleurs renaître son interrogation principale : quelle heure était-il ?

Ou plutôt : dans combien de temps aurait lieu le prochain repas ?

Il soupira silencieusement.

« Quelle heure est-il, s'il v-... te plait ?

-Je n'en sais rien. Ils m'ont retiré ma montre en entrant ici. »

répondit brièvement l'autre, n'empirant que le désespoir du bleuté. Il se souvint qu'il n'avait même pas été fouillé en arrivant, contrairement à ses homologues qui étaient arrivés dans le même bus. De toute façon, qu'était-il possible de cacher avec un simple pull tricoté puis un jean sale et délavé en guise de vêtements ?

« Pourquoi êtes-vous ici, au fait ?»

le questionna subitement le fantôme, la tête légèrement inclinée.

Pour la seconde fois, l'autre releva la tête, dardant ses deux prunelles si singulières sur Kuroko. Il n'y avait pas à dire, Akashi était intimidant, très intimidant.

« Je ne pense pas que cela te regarde, Tetsuya.

-Je veux jus... »

Mais avant que le dénommé puisse répliquer quoique ce soit, les cellules s'ouvrirent toutes dans un bruit grinçant sous les exclamations hystériques des prisonniers aux alentours.

« Sortie de trente minutes dans la cour. »

énonça une voix masculine dans un interphone tandis que tous les détenus sortaient vers l'allée menant sur l'extérieur. Akashi referma son livre puis le posa dans un coin de son lit avant de se lever, toujours avec cette incroyable grâce, pour ensuite sortir de la pièce. Kuroko l'observa faire sans un mot, ne sachant pas s'il devait lui aussi sortir ou non. Au bout du compte il décida de le suivre, estimant qu'un peu d'air frais ne lui serait pas de trop, à défaut de pouvoir manger maintenant.

La cour était vaste, entourée de grillage pour prévenir toute éventuelle fuite. Les détenus se réunissaient par clan, généralement en fonction de leur couleur de peau, comme pu le remarquer le bleuté avec surprise. Il avait déjà été tenu au courant du racisme fréquent dans les prisons, mais il ne s'était pas attendu à ce que cela soit aussi flagrant. En effet, il avait beau chercher du regard, il ne voyait aucun groupe avec des couleurs de peau différentes entre eux.

Surprenant constat.

Son ventre gronda, le rappelant à ses besoins primitifs encore inassouvis. Il observa un banc vide au loin et décida d'aller s'y asseoir, seul. Le froid rendait son visage plus pâle qu'il ne l'était déjà, et il sentait son corps se refroidir à chaque inspiration. Après s'être installé, il enfouit les mains dans les poches de sa veste d'uniforme, regrettant amèrement de ne pas avoir pris l'écharpe qui pendait au porte manteau de l'accueil avant de partir. Son corps commençait à frissonner.

« Ouh, mais regardez-moi ça ! »

Il se redressa brusquement lorsqu'il comprit que cette voix aussi proche s'adressait à personne d'autre que lui, remarquant dès lors un grand baraqué d'un bon mètre quatre vingt-dix, muni d'une tignasse rouge mais pas comme ceux de son colocataire, non. Ceux-là étaient d'une couleur rouge presque sanglante, et cela valait également pour ce regard de braise qui ne lui inspirait rien qui vaille.

Le fantôme tressauta légèrement lorsqu'il s'avança d'un seul coup vers lui, comme un tigre s'apprêtant à se jeter sur sa proie.

« T'as froid, joli minois ? Tu veux peut-être que... »

Sa voix vint effleurer son oreille, il susurra.

« ... je te réchauffe ? »

La réaction du plus petit fut automatique : il se recula vivement, les yeux écarquillés. Son geste fut visiblement hilarant aux yeux de ce pervers détraqué puisqu'il laissa un rire rauque lui échapper, pour son plus grand désarroi, alors qu'il tendait faiblement les bras pour imposer une distance raisonnable entre eux.

« Oï Bakagami, qu'est-ce que tu fous à embêter les nouveaux ? »

s'avança une nouvelle voix, d'un ton grave et traînant. Le baraqué aux cheveux rouges sourcilla à ce surnom puis tourna la tête dans sa direction, les dents serrés. Le fantôme remarqua que le nouvel arrivant devait être tout aussi grand que l'autre homme, et bien que son visage n'en laissait rien paraitre, la panique intérieure commençait à le prendre. Il déglutit puis se recula davantage, méfiant. Des cheveux bleus nuits tout comme cette paire de prunelles qui brillait d'un éclat félin, un sourire carnassier qui s'apparentait à celui d'une bête, une peau bronzée... ce détail qui fit tilt dans la tête du bleuté.

« Je croyais qu'ici, le racisme était courant entre les personnes à la couleur de peau blanche et celles à la couleur de peau foncée, mais... »

Ce ne fut qu'une murmure, mais cela n'échappa pas aux deux autres qui interrompirent leur querelle pour se tourner vers le fantôme, interloqués. Ce fut finalement le bronzé qui prit la parole dans un soupir las, se curant l'oreille avec désinvolture.

« Eh ben faut croire que j'suis exceptionnel...

-Autant que mon cul, ouais, grogna le grand rouge, ironique.

-Va te faire mettre, Bakagami. »

Et leur chamaillerie repartit de plus belle. Bien qu'il n'était pas véritablement satisfait de la réponse du basané, Kuroko profita de leur chahut pour s'éloigner discrètement, pouvant enfin soupirer de soulagement. Sa première journée commençait bien s'il attirait déjà les regards malgré son manque de présence habituel. Il opta pour un coin de la cour en retrait afin d'observer les autres prisonniers avec minutie.

Il trouva par hasard Akashi entrain de disputer une partie d'échec contre un vieillard, et au vu des grimaces que tirait celui-ci - à moins que c'était l'effet donné par ses rides, il ne savait pas trop - son jeune adversaire devait être sur la voie de la victoire.

Curieusement, il n'en fut nullement étonné.

Se détournant de son colocataire, son attention fut rapidement attirée par une foule de prisonniers tous agglutinés autour d'un homme à la tignasse blonde à seulement quelques pas de lui, formant un grand brouhaha qui dut se faire stopper par quelques matons. Il devait être suffisamment important pour que des criminels ne viennent lui demander des autographes. Par ailleurs, lorsqu'il se mit à détailler l'apparence de la starlette de la prison, il eut comme une sensation de déjà-vu vague et lointaine ; mais il était certain que ce visage ne lui était pas inconnu. Si sa méfiance ne l'en empêchait pas, il se serait certainement déjà rapproché pour lui demander son nom et son statut.

Les trente minutes requises défilèrent à une vitesse surprenante, sans même que le bleuté ne s'en rende compte. Des gardiens s'étaient réunis près du grillage qui donnait sur l'allée menant à la prison et ordonnaient que tous se rangent correctement pour le décompte.

C'est avec amertume que Tetsuya se souvint du système similaire en école primaire.

Sa première sortie se conclut en toute solitude, mais il ne s'en plaignit pas. Mieux valait demeurer seul que de côtoyer ces personnes peu recommandables, il en était intimement convaincu. Aussi, lorsqu'il regagna sa cellule en premier, il s'enfouit sous sa petite couverture, les jambes repliées contre son torse. Seuls ses yeux restaient visibles, mais son regard distrait indiquait qu'il était plongé dans ses pensées et que plus rien autour ne pouvait arriver à capter son attention. Les évènements de tantôt lui revinrent en mémoire, et il sentit son cœur se serrer, comme en proie à l'anxiété. Inconsciemment, il resserra sa prise sur la couverture, et son souffle devint tremblant.

Il avait peur.

Cela faisait plusieurs mois que ça durait déjà : il faisait quelques crises de paniques lorsqu'il appréhendait quelque chose. Il y avait souvent tout un tas de chose qui provoquaient son anxiété, son angoisse persistait à lui gâcher sa vie déjà minable. Peut-être était-il dépressif ? Ou peut-être que son état se résumait à une simple phase d'anxiété ? Il n'en savait rien. Il n'avait pas envie de le savoir.

Ses paupières s'étaient closes d'elles-mêmes, sans qu'il n'y fasse attention. Coutumièrement, son angoisse venait aussi vite qu'elle repartait, c'était simplement l'entre-deux qui lui était difficile de supporter, puis quelques fois, il se demandait si le remède à ses maux n'était pas simplement une marque d'affection qu'on lui dévouerait à lui, uniquement lui. Une personne qui tiendrait à lui comme à sa chaire et ses os, une personne qui ferait passer sa vie avant la sienne quoi qu'il en coûte.

C'était un espoir tellement égoïste.

Un ami. C''était ce qu'il désirait, juste un ami.

« Tetsuya. »

Cette voix familière le fit sortir de ses songes, il rouvrit brutalement les yeux pour se retrouver face à ceux hétérochromes dont il ne parvint plus à se détacher et qui venaient de le sortir de ses pensées angoissées.

Akashi, légèrement penché en avant dans sa direction, voulait visiblement s'assurer que tout allait bien. Le moment où le fantôme s'était pris de tremblements soudains l'avait alerté, et bien qu'il se fichait pas mal de ce qu'il pouvait lui arriver, il n'aurait pas été jusqu'à le laisser agoniser. Ainsi, lorsque le concerné montra signe de vie, il s'en éloigna, comme totalement désintéressé, puis retourna voguer à sa lecture, assis sur son lit.

Dès que leur contact visuel fut rompu, le plus petit réprima une moue déçue mais ne releva pas. Au lieu, il se contenta d'observer le livre que tenait son colocataire, tentant vainement d'en discerner la couverture. Après deux essais qui se soldèrent par un échec, il se résigna à toute tentatives puis s'occupa à observer le plafond, avant qu'une phrase ne sorte d'elle-même de ses lèvres.

« Ça fait des mois que je ne n'ai pas adressé la parole à quelqu'un, vous savez. »

Interloqué par cette soudaine confession, l'empereur leva son regard du bouquin pour darder ses deux orbes sur son codétenu, l'air imperturbable.

« Que suis-je censé répondre à cela ? demanda-t-il après plusieurs secondes, le sourcil arqué.

-Je ne demande pas de réponse, Akashi-kun.

-...

-Je suis désolé de vous importuner avec cette question mais... je tiens vraiment à savoir ce que vous avez fait pour finir ici. »

Ce jeune avait de l'audace, l'empereur le concevait parfaitement - à défaut d'être stupide. Habituellement, personne n'osait lui adresser la parole en raison de sa prestance incroyable mais également à cause de ses yeux sans doute aptes à statufier quiconque les regardait un peu trop longtemps. Cette stupide rumeur avait courut dès qu'il avait mis les pieds dans cet endroit, les gens s'écartaient même sur son passage - pour sa plus grande satisfaction. Il n'avait encore rien fait pour mériter le respect qu'il cherchait à imposer auprès de lui.

Pourtant, son voisin de cellule ne semblait pas du même avis.

Jamais le rouge n'avait cherché à engager la conversation avec lui ou ne s'était montré un tant soit peu amical, mais en plus de ne pas sembler effrayé, il osait insister sur des questions dont il ne voulait pas fournir la réponse.

Intéressant.

Contrairement à la réaction à laquelle il s'était attendu, Kuroko remarqua que son colocataire s'était légèrement redressé, comme enclin à lui délivrer les informations qu'il désirait tant. Par formule de politesse, il se redressa à son tour, attentif.

« Tu t'entêtes à me vouvoyer, n'est-ce pas ?

-Je-...

-Tu me rappelles ces imbéciles de domestiques hypocrites travaillant pour mon père. »

Le bleuté fronça les sourcils.

« Et vous, vous vous entêtez à me couper la parole, Akashi-kun.

-C'est exact.

-Et ?

-Et je ne compte pas m'arrêter. »

Lui avoua en toute franchise Akashi après avoir déposé son livre sur le côté, avant qu'un silence ne marque cette déclaration, très vite coupé par le fantôme.

« Je ne vous vouvoie pas parce que je cherche à m'attirer votre sympathie, mais parce que vous êtes encore un inconnu à mes yeux, fit-il, les yeux plissés.

-Je n'ai jamais insinué quoique ce soit, rétorqua sèchement son voisin, agacé.

-En tout cas, vous n'avez toujours pas répondu à ma question... »

Il inspira profondément. Tout d'abord, pourquoi son histoire intéressait tant cet homme alors qu'ils ne s'étaient échangés que quelques mots, qu'ils étaient en prison et qu'en plus, ils ne se connaissaient absolument pas ? Ses sourcils se froncèrent. Il se mit à étudier le comportement de son colocataire, comme pour vérifier qu'il n'était pas une personne malhonnête qui utiliserait ses propos à mauvais escient. Pourtant, lorsque ce visage morne qui lui faisait face commença à grimacer d'impatience, il laissa ses questions de côté.

« Lorsque j'avais encore ma liberté, si nous pouvons l'appeler ainsi, je résidais dans la demeure de mon père, Masaomi Akashi.

-Ce n'est pas celui qui...

-... gère l'une des plus grandes entreprises japonaises ? Si. »

Le bleuté fit la moue.

« Grâce à son influence des plus conséquentes dans la société, notre famille a toujours été lavée des accusations juridiques que l'on lui portait. Chacun de nos faux pas partait aux oubliettes lorsqu'un généreux chèque entrait dans les mains de la justice, c'était amusant au départ, poursuivit-il avec indifférence. Cependant, je n'ai jamais apprécié le fait d'avoir un chemin de vie tout tracé, à savoir rejoindre l'entreprise de mon père pour lui succéder le moment venu. Chaque jours, mes moindres faits et gestes étaient surveillés par un garde du corps, Matsuri, comme nous le nommions.

-Vous êtes le fils d'un des hommes les plus riches du Japon ? le questionna l'autre véritablement étonné par cette révélation.

-Cela n'a pas d'importance, lui répondit-il en balayant sa question d'un geste de la main. Partout où j'allais, Matsuri me suivait, sous ordres de mon père, pour s'assurer que je ne fréquentais pas n'importe qui où que je ne faisais pas n'importe quoi. J'ai toujours essayé de le semer lorsque j'avais besoin de tranquillité, en vain. Cet imbécile trouvait toujours le moyen de me retrouver. Un jour, pendant qu'il montait la garde devant ma chambre, je lui ai demandé de venir me rejoindre pour parler en tête à tête. J'ai profité de sa confusion sur le moment pour...

-Vous ne l'avez quand même pas..., hésita le bleuté, stupéfait. »

Un silence inquiétant chuta sur la cellule. Les battements de cœur de Kuroko ainsi que sa chaleur corporelle augmentèrent crescendo au fur et à mesure que des centaines d'affreuses images défilaient, malgré lui, dans son esprit.

« Si. »

Kuroko retint le hoquet de surprise qui voulait sortir de sa gorge. Son étonnement fit disparaître son masque d'impassibilité pour laisser place à la surprise, et pas des moindres, tandis qu'un rire, léger et clair, s'élevait dans l'air.

« J'admire ta perspicacité, Tetsuya, siffla l'empereur d'un ton sarcastique.

-...

-En effet, je l'ai éliminé d'une balle dans la tempe. Cet homme m'insupportait. J'aurais certainement pu trouver des moyens plus,... disons, légaux, pour m'en débarrasser mais il s'avère que je suis assez impulsif. »

Devant le manque de réaction du bleu, il continua.

« Ça a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Même si mon père a déversé une somme d'argent convenable, l'affaire n'a été suspendue que pendant une semaine avant que la famille du défunt ne porte plainte. Tout comme notre famille, bien qu'à une échelle différente, les proches de cet homme étaient des personnes influentes, et cela compliquait la tâche. Si mon père n'acceptait pas ma sentence définitive, les répercussions auraient sans doute été plus graves que prévues et il aurait pu être démuni de ses fonctions. Je ne lui souhaitais pas cela, bien que je ne l'eus jamais porté dans mon cœur. »

termina-t-il en se levant, s'approchant de Kuroko avec une démarche gracieuse, bien que masculine.

Il se pencha complètement vers lui, jusqu'à ce que leurs souffles se mêlent et que les paroles du rouges soient un murmure suffisamment audible pour que le bleuté les entende.

« Je ne sais pas pourquoi tu es ici, toi. Mais sache que tu devrais te méfier des apparences, Tetsuya. Peu importe les comportements que les gens auront avec toi ici, nous sommes en prison. Ne n'attends pas à te faire des alliés, et encore moins des amis. »

Les yeux ronds comme des billes, Kuroko Tetsuya n'avait probablement jamais été aussi expressif depuis des lustres. Les paroles d'Akashi raisonnèrent dans son esprit comme si il venait de recevoir un coup d'enclume de l'intérieur. Il lui avait ôté ses propres mots de la bouche tant il était surpris. Pantois serait peut-être le terme adéquat, finalement.

Il l'observa se reculer dans le silence complet, sans rompre une seule seconde leur lien visuel. Akashi était une personne incroyablement étrange, incroyablement charismatique, également. Sa personnalité l'effrayait, son regard l'envoûtait dangereusement autant qu'il en frissonnait, mais la personne en elle-même l'intriguait.

Ce fut lui qui détourna son regard du rouge, ses yeux se perdant dans le vide. Son expression était redevenue apathique et indescriptible, celle qu'il abordait généralement.

Akashi eut un rictus satisfait. Il avait pesé ses paroles jusqu'au bout et n'avait, par ailleurs, pas manqué de sincérité dans chacun de ses propos. Tout ce qu'il avait dit jusqu'à présent n'était que la pure véracité des faits, il méritait bel et bien son châtiment. Toutefois, il se demandait désormais pourquoi son colocataire avait atterri dans cet endroit alors que, contrairement à lui, il l'associait facilement à une brebis égarée.

Les minutes défilèrent sans qu'aucun mot de plus ne soit échangé. Akashi, qui avait repris la suite de son roman, zieutait de temps à autres vers son colocataire alors que ce dernier restait plongé dans une profonde réflexion - qui, selon lui, n'avait pas lieu d'être, mais il réprima toute remarque à ce sujet.

Ce fut dans à un moment où c'en fut trop que le rouge réanima la conversation, maudissant sa curiosité naturelle.

« Puis-je savoir pourquoi tu es ici, Tetsuya ? »

l'interpellé planta ses deux orbes d'un bleu azuréen dans les siennes, sorti de sa distraction passagère. Il laissa un moment de suspens avant de répondre d'une voix morne, le visage marqué d'une profonde indifférence :

« J'ai volé une orange. »


Voilà, le premier chapitre s'achève ici !

J'attends vraiment vos avis, positifs ou négatifs.

Momoi-san (~°^°)~