Veuve …
Ce mot résonne à mes oreilles comme un grand coup de gong …
Veuve …
Je prends enfin conscience de la réelle amplitude de ce mot, de la réelle amplitude de ma condition …
Mes larmes affluent en un torrent d'eau salée dévalant mes joues …
Quelques gouttes viennent diluer par endroit l'encre de la lettre … de cette lettre du ministère qui m'avait comme assommée …
Oui je ne vais pas mentir que je le savais … Mais même après la fin il reste toujours de l'espoir … Cette toute petite flamme qui continue de brûler dans votre cœur…
Depuis deux jours je ne me suis pas montrée …
Je ne voulais pas me connecter avec la réalité … Je ne voulais pas que la vérité, celle que je savais, celle que je redoutais, celle que je fuyais, éclate devant moi…
Je voulais me complaire dans mes chimères où tu reviendrais de je ne sais où, où tu me prendrais dans tes bras, où je goutterais à la saveur de tes lèvres …
Sur cette colline je suis assise sous un saule pleureur, celle à côté de chez moi où tu m'as prise dans tes bras l'été dernier, après une séparation douloureuse …
Jamais à cette époque je n'avais cessé d'espérer et tu es revenu, sous cet arbre où je pleurais…
Alors en revenant ici j'espérais renouveler ce miracle … Mais tu n'es pas venu. A la place j'ai reçu ce hibou qui a éteins la flamme d'espoir qui consumait mon cœur …
Le chagrin a ravagé les flammes de ma passion …
Je ne contrôle plus mes sanglots qui deviennent déchirant…
« Pourquoi ??!!??!! Crie-je au ciel en attendant une réponse vaine. »
Mon corps est secoué de tremblements et de spasmes incontrôlés… Une pluie diluvienne s'abat sur moi, comme si elle voulait me laver de mes peines, de mes souffrances …
Mais c'est inutiles … Il y a des blessures qui jamais ne guériront…
Une brèche à mon cœur qui ne se refermera jamais …
Je t'ai donné ma vie … Tu as donné la tienne pour tous nous sauver …
Mais tu n'es pas pour moi un héros tragique … Tu es mon héros tragique …
De ma main je serre mon annulaire gauche … Mon alliance …
Je n'étais pas encore majeure mais tu as voulu m'épouser … Je me demande si tu ne savais pas que tu allais bientôt mourir …
Tu m'as dit que tu voulais profiter de la vie, que tu étais sur de ce que tu voulais …
Alors aujourd'hui, deux jours après la bataille finale, deux jours après sa mort, deux jours après ta mort, cette lettre m'annonce ma nouvelle vie …
Veuve de guerre à dix-sept ans … Triste ironie du sort …
Je me lève et redescend vers ma maison pour me préparé à ton enterrement... ce mot est dur à penser …
Les gens me regardent avec pitié mais je ne veux pas de leur pitié … Ils ont pitié mais ne me connaissaient même pas avant cette bataille … Ils ne connaissaient pas son histoire avant sa mort et maintenant tout le monde fait comme s'ils le connaissaient depuis toujours …
Je suis écœurée …
J'étais parmi les rares à le connaître … parmi les rares à le comprendre … parmi les rares à vouloir partager son fardeau et à ne jamais l'abandonner …
Mais j'étais la seule à partager sa vie … Mais tout je monde s'en fout …
Je suis écœurée …
Et inlassablement le même refrain se répète à mes oreilles …
Veuve de guerre … A dix-sept ans …
