Disclaimer : La Terre du Milieu, son histoire, ses habitants, ses lieux, ses dialectes et autres particularités appartiennent à Tolkien. Seuls quelques personnages sont de mon invention. Les citations de chansons en début de chapitre sont inspirées de l'idée d'Aylala dans sa fic Ce qui aurait pu se passer dans le fandom Harry Potter (il n'y en aura pas à tous les chapitres). Elles ont un but purement décoratif.

Cet U.A. est la réécriture de Silver Dragon. Pour plus d'informations sur ce qui m'a poussée à tout reprendre, consulter le dernier chapitre de La Fin d'un Age. Pour ceux qui ont lu Même les monstres ont un cœur…, certains éléments sont désormais «périmés». Néanmoins, je ne supprime pas l'ancienne version. Enfin je m'adresse à mes nouveaux lecteurs : bienvenue à vous qui vous êtes échoués sur cette histoire, en espérant que ma plume et son produit vous plaisent.

Note : la partie vrai monde se déroule dans les années 2020, dans une ambiance légèrement dystopique. Vous pouvez y voir de la «politique-fiction» si vous voulez. Vous pouvez imaginer le gouvernement en place comme ça vous arrange, même un dictateur écolo si ça vous amuse (même si ça ne colle pas avec certains aspects développés au fil de l'histoire).

Merci à Harley A. Warren , qui m'a aidée pour ce chapitre. Vraiment, merci à toi :)

Chapitre 1

«En tirant sur la foule qui s'écroule

Poings levés, c'est l'armée, ils sont lâches…»

Bérurier Noir, En pensant.

-Emy, tu me passes la confiture, s'il te plaît ?

Assise devant la table recouverte d'une toile cirée blanche, la jeune blonde, qui donnait l'impression de s'endormir dans son bol de céréales, fit glisser le pot en verre en direction d'Adrien qui la remercia et trempa sa cuiller dans la mixture rouge sombre et sucrée. En bout de table, Josh semblait au contraire parfaitement réveillé, mais préférait rester en retrait des deux amoureux.

-Bonjour tout le monde, dit une voix encore alourdie par le sommeil.

Les trois attablés saluèrent Isis qui s'installa avec eux, préparant des tartines et avalant d'un trait un grand verre de lait. La jeune brune était d'habitude la première réveillée, et Josh avait été étonné de ne pas la voir déjà prête dans le salon. Elle paraissait moins froide et plus humaine, dans son short en coton gris et son débardeur blanc lui servant de pyjama.

La jeune femme se racla la gorge, attirant l'attention de ses trois amis.

-Vous savez tous les trois quel jour nous sommes, n'est-ce pas ?

-Mardi, répondit Emily qui commençait à sortir de sa torpeur.

-Mais encore ?

La jeune femme se frotta les yeux, puis comprit :

-Le 16 juin 2026.

-Exactement. Et vous savez aussi ce qui va arriver. Si nous réussissons, ce jour marquera probablement l'histoire du pays. Si nous échouons, la vie quotidienne sera certainement plus difficile, et la nôtre sera écourtée. Dans les deux cas, ce sera un bain de sang, autant voir les choses en face. Il y a même une forte chance qu'au moins l'un de nous disparaisse dans ce massacre. Mais il est hors de question de rester ici sans rien faire.

-Un vrai chef de guerre, ironisa Adrien.

-Tu as le chic pour nous remonter le moral, soupira Josh.

-Si tu veux renoncer, libre à toi, c'est ta vie, après tout.

-Isis, je n'ai pas dit ça…

Une fois le petit-déjeuner terminé, ils se dépêchèrent de se préparer pour les évènements des prochaines heures.

En ce matin de juin, les rues étaient très fréquentées. Il ne faisait pas un grand soleil, pourtant. C'était ce ciel gris mais haut qui recouvrait la ville, cet air doux qui la traversait. Il faisait bon, on pouvait se promener dans des vêtements légers sans frissonner, mais le soleil ne se montrait pas. Il n'y avait aucune humidité dans l'air, aucun vent frais ni de chaleur accablante. Si la plupart des habitants auraient préféré voir les nuages gris perle s'effacer, ce n'était pas le cas d'Isis. La jeune femme aimait ce temps. Elle s'y sentait à l'aise, et sans savoir pourquoi, puissante. Comme si rien ne pouvait l'atteindre. Lorsqu'elle sortit de l'appartement où elle vivait en colocation avec ses trois amis, elle huma l'air avec délice, faisant abstraction de la pollution des transports et de la fumée de cigarette qu'exhalaient les occupants de la terrasse du café devant laquelle les quatre compagnons passèrent. Lorsqu'Emily referma la porte, Isis revint à la réalité. Tous quatre échangèrent un regard décidé. Cette journée ne serait pas de tout repos.

Ils traversèrent plusieurs rues avant d'arriver sur une place où des centaines de personnes portant banderoles et pancartes discutaient en attendant un signal. Les quatre amis les rejoignirent en prenant garde à ne pas se perdre dans la foule. Deux minutes plus tard, les manifestants purent commencer leur procession, criant à pleins poumons leurs revendications et leur mécontentement. Ils prenaient tous un risque énorme en faisant cela. En effet, depuis trois ans, le gouvernement en place avait interdit les manifestations, punissant les participants de dix mois de prison et d'une lourde amende à cinq chiffres. Quant aux organisateurs, ils écopaient de cinq à six ans de prison ferme et d'une amende à sept chiffres. Mais voilà, les gens en avaient ras le bol de ce gouvernement autoritaire qui par des moyens habiles et pour des raisons floues avait peu à peu réduit les libertés et resserré l'étau.

Sept ans que le parti maintenant au pouvoir avait ravivé l'étincelle d'une angoisse que tous pensaient disparue depuis des décennies, croyant auparavant leurs idées dépassées et les groupuscules les soutenant peu nombreux et faibles, repliés sur eux-mêmes. Mais ce n'était qu'une illusion. Isis se souvenait de cette époque, lorsqu'elle avait fait une rencontre douloureuse et humiliante avec Aymeric Treynat, l'un des dignitaires du parti, qui maintenant contrôlait la ville et de facto toute la région.

Un cri la tira de ses pensées. La procession s'était arrêtée, et grâce à Adrien qui était le plus grand des quatre, elle comprit avec horreur que l'armée avait directement été mobilisée. A côté d'elle, Emily était blanche comme un cachet d'aspirine. Une voix venue des rangs en uniforme face aux manifestants s'éleva, amplifiée par un mégaphone :

-Mesdames et messieurs, dispersez-vous dans le calme, rentrez chez vous, et nous serons cléments.

-Hors de question !

Ils étaient plusieurs à avoir crié. Isis avança, bousculant tous ceux qui se trouvaient sur son passage et ignorant les appels de ses amis, afin d'atteindre le premier «rang». Elle vit l'homme qui avait parlé dans le mégaphone : grand, large d'épaules, âgé d'environ cinquante ans, il portait un uniforme bleu foncé, arborant fièrement ses nombreuses médailles sur sa poitrine. Sous son képi, ses courts cheveux auburn commençaient à griser. Ses yeux bleu givre observaient la foule avec colère, son visage taillé exprimait un profond mépris. Le reconnaissant, Isis se sentit mal. Treynat, évidemment. Lentement, elle recula, rejointe par Josh qui la prit doucement mais fermement par les épaules.

-Viens, Isis, il ne faut pas rester là…

-Non ! Je ne veux pas fuir. Je ne veux plus.

-Il te tuera s'il te voit, et tu le sais. Allez, viens.

Isis laissa son ami l'entraîner dans la foule, rejoignant les deux autres qui hésitaient à partir ou à rester ici. Treynat répéta l'ordre de dispersion, mais personne ne voulut obéir. Il eut un air faussement désolé, et son ordre suivant fut adressé à ses hommes. Le drame commença. Comme dans un rêve, Isis entendit les tirs.

-Non, ce n'est pas possible, souffla-t-elle.

Les manifestants hurlèrent de terreur, pendant que les premiers cadavres se vidaient de leur sang sur le goudron de la rue.

-Les enfoirés !

Emily ne fut pas la seule à insulter les soldats qui continuaient à vider leurs armes dans la chair des civils. Les quatre amis se dépêchèrent de quitter les lieux pendant que les militaires tiraient sur tout ce qui se trouvait sur leur chemin.

Isis, Emily, Adrien et Josh entrèrent dans le café près de chez eux avec d'autres manifestants. Le patron renvoya tous les clients et ferma les stores pendant que les organisateurs sortaient des armes de sous les dalles derrière le comptoir.

-Je ne pensais pas qu'on aurait à en arriver là, avoua Adrien en armant son fusil d'assaut.

-Quelle ironie, ajouta Isis. Cinq ans que nous avons fini le service militaire pour finalement prendre les armes dans une émeute.

-Ce n'est pas comme ça que je me voyais finir mes jours, souffla Josh.

-On y arrivera, lança Emily sans grande conviction en calant derrière son oreille une mèche blonde qui s'était échappée de sa queue de cheval.

-Quand tu marches vers l'ennemi, reste droit. Si tu trébuches, mets-en à terre à ta place. Si tu tombes, entraîne-les tous dans ta chute.

Les garçons et Emily regardèrent Isis d'un air interrogateur, étonnés d'entendre un tel discours sortir de la bouche de la brune.

-D'où tu sors ça ? demanda Josh.

-Aucune idée, ça m'est venu comme ça…

Elle fut coupée dans sa phrase par les tirs de l'armée qui avaient brisé les vitres. Vite, elle arma son fusil d'assaut et riposta avec les autres. Ce n'était plus un simple affrontement, ça devenait une vraie bataille.

Plusieurs personnes furent touchées dans les deux camps. Les quatre amis s'apprêtèrent à sortir par une autre porte pour ne pas se faire remarquer et ainsi attaquer les soldats sur plusieurs côtés, lorsqu'Adrien tomba. En voyant ses cheveux châtain se colorer de rouge, Isis comprit que c'était trop tard. Emily hurla et s'accrocha au corps encore chaud de son petit ami, mais Isis et Josh la forcèrent à se relever, laissant leurs larmes couler, et tous trois durent se protéger derrière les murs pour ne pas être touchés.

Une explosion retentit. Puis une autre. La fumée, grise, épaisse et étouffante, exhalait des odeurs de chair brûlée, de poussière et de sang. Les militaires lancèrent une troisième grenade, qui atterrit plus près des trois amis survivants. Ce fut comme si le monde entier éclatait. Des murs s'écroulaient, le verre des vitres éclata. Les trois amis furent ensevelis sous les décombres.

Isis se dégagea des débris qui la recouvraient, aidée de Josh, et remarqua sous les décombres une chevelure d'or pâle attachée par un élastique noir effiloché. Vite, elle se précipita pour dégager Emily, mais la jeune femme était inerte. Ses yeux étaient clos, son visage clair recouvert d'une fine pellicule de poussière blanche. Son abdomen était transpercé d'éclats de verre et meurtri par les pierres.

Le cri d'Isis resta bloqué dans sa gorge. Josh voulut lui prendre la main, mais elle ne l'entendit pas lui crier de fuir. Elle regardait d'un air absent les civils tenter de fuir la sauvagerie des soldats. C'est là qu'elle vit la silhouette de Treynat se découper à quelques dizaines de mètres. Comme une automate, elle s'empara de son arme et avança dans la direction du militaire. Elle n'eut pas le temps de faire quoi que ce soit, de nombreux soldats la tenaient en joue, elle et Josh.

-Rendez-vous, cria l'un d'eux.

De rage, ils jetèrent leurs armes au sol et se laissèrent conduire brutalement vers un mur fissuré où étaient déjà réunis tous les opposants. Treynat arriva à ce moment-là, et Josh eut le réflexe de prendre la main d'Isis pour lui éviter de commettre une erreur.

-Tiens, tiens, dit le militaire en voyant la jeune femme. Isabelle Shilling, comme le monde est petit. Tu as changé, en cinq ans.

-Je ne suis plus la gamine à peine majeure que tu aimais humilier, Treynat.

-Tout ça a l'air très intéressant. J'aurai bien aimé discuter avec toi, ma chère, mais j'ai du travail. Messieurs, finissons-en.

Les soldats tirèrent sur les survivants qui s'effondrèrent comme des pantins dont on aurait coupé les fils. Le mur gris était maintenant rouge. Les exécutés gémissaient de douleur, avant de rendre leur dernier soupir. Isis avait reçu deux balles dans le ventre mais vivait encore. Elle tourna la tête vers Josh, et ignorant sa douleur et le sang envahissant sa gorge, toujours allongée sur le dos, elle essaya de prendre la main de son ami dont les doigts tiquaient encore. La botte noire de Treynat sur sa poitrine la força à détourner le regard de son ami maintenant mort.

-J'ignore pourquoi, mais j'avais la forte intuition que tu survivrais, commença le militaire. Toi et moi, nous avons fini par nous cerner, et comprendre que finalement, tout devait se terminer par la mort de l'un de la main de l'autre. J'avoue avoir un peu d'admiration pour toi. Même en tant qu'ennemi, je ne peux que reconnaître ton courage et ta détermination. Mais tu es trop têtue, justement, et c'est ce qui cause ta perte. Les traîtres et les terroristes comme toi doivent passer au tribunal pour être jugés et condamnés à mort, mais rien que pour toi, je vais faire une exception. Tu n'auras pas à endurer cet ennui, et moi je serai débarrassé d'un gros problème.

Isis toussa, crachant un peu de sang qui constella ses joues. Elle manquait de s'étouffer à chaque respiration. Tournant la tête, elle réessaya d'attraper la main refroidie de Josh, mais Treynat renforça la pression de son pied sur sa cage thoracique, la bloquant dans son difficile et douloureux mouvement. La jeune femme regarda le dignitaire droit dans les yeux. Celui-ci ne se laissa pas impressionner par les prunelles noires qui le fixaient et arma son pistolet dont il pointa le canon vers le front d'Isis.

-Passe le bonjour à Lenka pour moi.

Et il appuya sur la détente.

Oui, j'ai changé le caractère d'Isis par rapport à la version précédente. En effet, je la trouvais une peu vide et fade. Son discours au début du chapitre, et le «proverbe» dans le café vous auront peut-être choqués, mais je ne veux pas en faire une super héroïne sans peur et sans reproche. Elle sera à certains moments d'une grande cruauté, mais rassurez-vous, ses actes ne seront pas excusés style «oh, la pauvre, c'est une incomprise». Ceux qui ont l'habitude de me lire, vous savez que j'aime dépeindre le côté mauvais des personnages considérés comme «bons».

Note : Le cadre spatial ne sera jamais défini par des noms propres. Vous trouverez dans le texte «la ville», ou «la caserne», ou encore «le lycée», mais jamais ils ne seront nommés. Même le pays sera incertain. Si les personnages se rendent dans une ville existante (comme par exemple pour un voyage scolaire), ce ne sera jamais dit si c'est dans un pays étranger pour eux. Mais vous comprendrez très vite pourquoi. Allez, un petit jeu : celui ou celle qui en trouve la raison précise aura droit à un OS sur commande. Peu importe l'intrigue. Simplement, je ne sais pas bien écrire le lemon, alors c'est à vos risques et périls.

Une petite review ?