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Chapitre 1
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— Capitaine Thrace !
Kara sursauta et se retourna. Elle regarda le Colonel Saul Tigh venir à elle, et fronça les sourcils. L'homme borgne semblait de fort mauvaise humeur aussi le laissa-t-elle parler avant d'intervenir.
— Que désirez-vous, au juste, Monsieur ? demanda-t-elle après cinq bonnes minutes de palabres inutiles.
Tigh la regarda avec effarement.
— Ce que je désire ? Mais je viens de vous le dire, petite bécasse ! s'exclama-t-il, rouge.
Kara haussa un sourcil et ses poings se convulsèrent. Tigh tiqua. Il savait parfaitement que la jeune femme n'hésiterait pas à lui coller son poing sur le nez au beau milieu d'un couloir du Galactica s'il l'énervait un peu plus. Il soupira alors profondément puis se répéta.
— Capitaine Thrace, vous partez pour la planète Delta Fox 8, à cinq bonds d'ici, afin de vérifier si elle est encore viable, dit-il plutôt. Nous avons besoin d'eau douce et de végétaux et c'est la seule planète susceptible d'avoir tout cela dans ce coin d'espace.
— Avec quel équipage ? demanda la blonde.
— Vous partirez avec Helo à bord d'un Rapace. Inutile de vous encombrer, vous ne ferez que vérifier la planète et revenir.
— À vos ordres, Monsieur. Ce sera tout ?
— Non, faites attention aux Cylons. Vous partez juste après le dîner.
Kara hocha la tête puis Tigh tourna les talons. La jeune femme se mit alors en quête de Helo pour l'avertir qu'ils partaient dans deux heures, et la nouvelle ne plut pas trop au jeune Capitaine qui, après avoir passé un an d'enfer, venait de retrouver sa petite fille, eue avec Athéna, une Numéro Huit réformée, rencontrée sur Caprica juste après le Grand Exode, alors qu'il y était resté faute de pouvoir partir à temps.
Annoncée mort-née par Roslin et le Dr Cottle, tous deux de mèche, la petite Héra avait été confiée à une jeune mère qui avait elle, réellement accouché du bébé fille mort-né qu'on avait montré au couple en deuil comme étant leur fille...
Peu après, la flotte se posait sur Nouvelle Caprica et bébé Héra commençait sa nouvelle vie sans se douter de rien, jusqu'à ce que les Cylons ne débarquent et mettent la zizanie dans la colonie déjà si pauvrement organisée.
Un an plus tard, lorsque le Galactica et le Pegasus décidèrent de faire cesser l'occupation des Cylons, avec l'aide des Rebelles, la petite Héra, récupérée par miracle sous le cadavre de sa mère adoptive, fut emmenée sur le vaisseau-mère Cylon puis échangée contre Gaius Baltard que voulaient les Cylons.
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— Une mission, maintenant ! Franchement ! Je n'avais pas besoin de ça aujourd'hui...
— Arrête de râler, Carl, on en a pour vingt-quatre heures, même pas, fit Kara avec un sourire.
Elle s'installa à la place du pilote et Helo s'assit sur le siège arrière en vissant son casque sur sa tête. Il grommela encore un peu puis le Rapace fut conduit sur une plate-forme et monté jusqu'au pont d'envol.
— Baie ouverte ! Autorisation de décoller Rapace 781 !
— Bien reçu, Navigateur ! Rapace 781 paré à partir !
— Bonne chasse !
Kara hocha la tête puis décolla et s'éloigna du monstre de métal qu'était le Galactica avant d'effectuer son premier bond PRL.
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Dans l'ombre d'une des huit lunes de Delta Fox 8, cependant, bien loin de la Flotte Coloniale, un vaisseau-mère Cylon se cachait. Lourdement endommagé, il flottait de guingois, tous moteurs coupés, depuis plusieurs semaines, et avait récemment été happé par l'orbite de la lune. Rien ne semblait vivant à bord, sinon les petites étincelles rougeâtres sur sa coque qui témoignaient d'un tort peu de vie. Les parties organiques du vaisseau cherchaient à soigner les blessures infligées par une violente attaque à l'arme atomique et la coque était percée à de nombreux endroits, mais aucune fuite d'air n'était à noter, sans doute parce les salles derrière ces parois étaient déjà vides...
Dans les couloirs plongés dans l'obscurité, un silence oppressant régnait en maître. Pourtant, des Cylons vivaient sur ce vaisseau, des Humanoïdes connus de la Flotte Coloniale. L'attaque contre leur vaisseau en avait anéanti un nombre important de copies et, à plusieurs années-lumière d'un Résurrection ou d'un HUB pour effectuer le transfert de mémoire, leurs programmes étaient donc perdus à jamais. Deux d'entre eux avaient cependant réussi à survivre, ceux qui avaient un « bug », comme disait John Cavil, Numéro Un, ceux qui avaient été mal conçus. Ainsi, le modèle Numéro Six appelé Caprica Six, une magnifique blonde sculpturale au caractère aussi mordant qu'elle était belle, et l'un des trois modèles mâles, le Numéro Deux, Leoben Conoy, une créature un peu dérangée obsédé par Kara. Il y avait également une Huit, à bord, mais ce n'était pas Boomer, le. Lieutenant du Galactica. Celle-ci avait clairement annoncé son camp en restant auprès de Cavil...
Lorsque le DRADIS du Rapace de Starbuck et Helo repéra Delta Fox 8 avant que l'ordinateur ne programme le cinquième et dernier bond PRL, une alarme retentit dans le petit vaisseau.
— Qu'est-ce qu'il se passe, Helo ? demanda la jeune femme.
— Contact DRADIS... Bon sang ! C'est un vaisseau-mère Cylon !
— Empêche le saut, vite !
Le Rapace sauta au même moment et reparut juste sous Delta Fox 8, au grand dam de Kara qui soupira profondément. DRADIS s'agita à nouveau et Helo ajusta les paramètres.
— Le vaisseau ne bouge pas, dit-il. On devrait l'avoir en visuel... maintenant.
Il quitta son siège et s'approcha de sa co-équipière qui se pencha par le pare-brise. L'orbite haute de la planète les poussait vers l'avant avec lenteur et ils découvrirent tous les deux en même temps le gigantesque Basestar Cylon dans l'ombre d'une des huit lunes de la planète.
— Scanne-le, ordonna alors Kara. Je ne vois aucun Bombardier et il est salement endommagé. S'il est abandonné, on pourra peut-être s'en emparer.
Les six bras du vaisseau en forme d'étoile étaient en effet vides alors que d'ordinaire, un tel vaisseau en pleine possession de tous ses moyens était hérissé des ailes de centaines de Bombardiers.
— Aucun signe de vie à bord, il a des trous dans la coque et de sacrées blessures un peu partout, annonça soudain Helo. On fait quoi ? On ne peut pas s'emparer d'un vaisseau-mère Cylon à deux... On n'a même pas d'armes lourdes...
— Vu dans l'état où il est, à mon avis, il n'y a rien à craindre...
— Ouais, mais t'oublie un truc, Starbuck, ce n'est pas parce que je ne vois aucun signe de vie sur le DRADIS qu'il n'y a pas de Grille-pains à bord...
— Ouais... Bon, ben tu sais quoi, dans l'état où il est, il ne va pas aller bien loin, on a mis dix heures pour venir ici, on scanne la planète, on rapporte les infos et on demande des hommes pour revenir. De toute façon, la flotte ne viendra pas ici si un vaisseau-mère Cylon est déjà là, ce serait se jeter dans la gueule du loup.
— Et si on ne dit rien, on risque le blâme, fit Helo. Allez, au boulot ! En plus, si ça se trouve, il y a de la bouffe à récupérer là-dessus...
Starbuck poussa alors le Rapace vers la planète et ils entrèrent dans son atmosphère. Ils passèrent les trois heures suivantes à scanner le plus grand océan d'eau douce qu'ils connaissaient avant de rentrer sur le Galactica.
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— Un vaisseau-mère Cylon ?
L'Amiral William Adama regarda Starbuck et Helo en haussant les sourcils.
— Et vous êtes encore entiers ?
— Monsieur ! fit aussitôt Kara. Nous sommes sérieux, le Basestar est apparemment abandonné. Il n'a plus aucun Bombardier et des trous un peu partout dans sa coque. Selon les instruments du Rapace, il est en train de se soigner, mais sans Cylon Humanoïde à bord, cela va prendre des mois.
— Comment pouvez-vous être sûrs qu'il n'y a personne à bord ? Personne de vivant, je veux dire, demanda Adama.
— Le DRADIS n'a rien détecté, fit Helo. Bien entendu, il peut y avoir des gardes, mais...
— Douze hommes, deux Rapaces, ça vous va ? le coupa l'Amiral.
— De... Quoi ?
Kara ouvrit la bouche.
— Mais... Nous n'avons rien demandé encore, Monsieur ! dit-elle, surprise.
— Je vous connais bien, Capitaine Thrace, et un vaisseau-mère Cylon est une prise non négligeable. Une fois purgé et réarmé, Athéna pourra le piloter et nous auront une force armée supplémentaire sans compter la place de reloger Dogsville tout entière !
Helo tiqua un peu. Il n'avait pas bien envie que sa femme se connecte à une base de données Cylon alors qu'elle ne l'avait pas fait depuis des années.
La dernière fois qu'elle s'était connectée à un ordinateur, c'était à celui du Galactica pour repousser un virus qui avait été lancé par la flotte Cylon. Elle n'était alors enceinte que de quelques semaines, et c'était il y a bientôt deux ans de cela.
— Je dois parler de cela avec Athéna, fit le jeune Capitaine. Je ne suis pas certain qu'elle accepte de piloter un Basestar... surtout tout seule.
— Très bien, Capitaine Agathon. Capitaine Thrace, trouvez le Commandant Adama et préparez-vous à repartir avec deux troupes de Marines. Vous partez en Rapaces.
— À vos ordres, Monsieur !
La jeune femme tourna aussitôt les talons et s'en alla à la recherche de Lee pendant qu'Helo rentrait chez lui pour retrouver sa petite famille et parler avec Athéna.
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— Nous y sommes. DRADIS ?
— Rien, Madame. Aucune activité sur le vaisseau ou la planète.
Le soldat assigné au radar ajusta les paramètres et confirma que le Basestar était toujours au même endroit que la fois dernière. Kara transmit les infos à Lee et l'ancien Commandant du Battlestar Pegasus décida qu'il était temps d'aller jeter un œil là-bas dedans car s'ils ne trouvaient pas un moyen de le déplacer, ou au pire, de le détruire, la flotte coloniale resterait coincée à son point actuel en quasi pénurie d'eau...
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— Déjà que c'est lugubre quand c'est habité, mais là...
Starbuck, pourtant réputée tête brûlée, eut un frisson. Ils venaient de se poser dans le hangar du vaisseau-mère et la porte organique s'était refermée sans un bruit. Personne ne leur était encore tombé dessus, ce qui poussa les militaires à être encore plus prudents.
— Détruisez les Toasters que vous croisez, annonça Lee en armant son pistolet. Si vous croisez un Humanoïde, prévenez-moi. Compris Starbuck ?
— Oui, Monsieur.
— Parfait. On se disperse, deux par deux. Et on s'active, la flotte ne va pas rester immobile pendant dix plombes.
— Oui, Commandant !
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— Pff, c'est trop calme ici...
Starbuck soupira profondément et le Marine avec elle hocha la tête. Ils longeaient un couloir sombre identique aux six précédents qu'ils avaient parcourus et n'avaient rencontré aucune âme vivante ou pas depuis qu'ils avaient posé le pied sur le vaisseau.
Alors qu'ils débouchaient à un croisement, Starbuck grommela.
— La barbe... Bon Sergent, prenez par ici, je vais par là.
— Mais Capitaine, le Commandant a dit que...
— Le Commandant a dit que... singea aussitôt la blonde. Obéissez, c'est tout, et si vous le croisez, dénoncez-moi.
— Bon... Comme vous voudrez.
Le Sergent partit à droite et quand il eut tourné à un autre coin en soupirant de plus belle, totalement découragé de ce dédale qui n'en finissait pas, Kara, elle, partit de son côté et laissa ses pas la guider à travers l'immense vaisseau où seuls les Cylons semblaient capables de se déplacer sans se perdre...
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Au bout de quatre heures d'exploration, les Coloniaux tombèrent enfin sur les premières âmes du vaisseau : deux Toasters appuyés négligemment l'un contre l'autre, tête basse.
— Ils dorment ou quoi ? fit Lee à son co-équipier.
— Ils sont désactivés, répondit celui-ci.
— Vous pensez qu'on peut passer près d'eux sans se faire trouer le cuir ?
— Oui. Mais je ne garantis rien, ils sont peut-être passés en mode veille pour économiser leurs batteries...
— Ok. Bon ben on va tenter alors, on a plus que cette section à explorer... décida Lee.
Il vérifia ses balles puis ils franchirent le coin et s'approchèrent des deux robots immobiles. Le couloir était suffisamment large pour qu'ils puissent garder deux mètres de distance avec eux, mais les fusils mitrailleurs des Toasters se moquaient bien de deux malheureux mètres...
Sans lâcher les gardes des yeux, Lee et son co-équipier passèrent près d'eux rapidement, mais sans bruit. Leurs bottes à semelle de caoutchouc ne faisaient aucun bruit sur le sol de linoléum brillant et ils avaient un peu l'impression de marcher sur un nuage.
Quand ils tournèrent au coin de couloir suivant, les deux hommes soufflèrent longuement en s'adossant contre le mur.
— Bon sang, quel stress !
— Vous l'avez dit, Commandant ! On continue ?
— Oui, allez. On a encore douze heures devant nous avant de faire notre rapport au Galactica donc on continue.
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De son côté, Kara, désormais seule, marchait sans but en explorant les pièces dont les portes étaient ouvertes. Elle avait même baissé son pistolet tellement elle avait l'impression qu'il n'y avait rien à craindre dans cette épave.
Tous les endroits qu'elle avait visités étaient vides, et pour ceux aux portes closes, les indicateurs d'oxygène de Starbuck indiquaient le néant de l'autre côté. Pour celles qui semblaient pressurisées, la jeune femme essaya d'ouvrir les portes, mais peu d'entre elles bougèrent, prévues pour être ouvertes par le contrôle mental des Cylons, et non manuellement, ou alors une fois le vérin hydraulique déverrouillé. Ce que Kara ignorait comment faire...
Au détour d'un énième croisement, cependant, Kara découvrit une porte entrouverte de quelques millimètres. De l'air était aspiré avec vigueur par l'ouverture dans un bruit de ventilateur et la jeune femme en conclut qu'il y avait une brèche dans les parois de la pièce se trouvant de l'autre côté, et de ce fait, encore de l'air sur le vaisseau, ce qui était étonnant, vu son état. Heureusement munie de son casque et d'une réserve d'oxygène suffisante, elle décida d'aller voir et glissa le canon de son pistolet dans l'ouverture. À sa grande surprise, la porte coulissa toute seule sans un bruit et il y eut un violent appel d'air qui attira aussitôt la jeune femme dans la pièce en la faisant trébucher.
Kara s'affala de tout son long sur le sol et quand l'air des environs se fut échappé par la longue brèche dans le mur, la jeune femme pu se relever et ce qu'elle découvrit autour d'elle la laissa sans voix et pétrifiée d'effroi...
