Odalisque

Prologue

Rukia Kuchiki fixa d'un regard dur les minuscules mots sur l'écran de son ordinateur. Son aversion pour ces petites lettres semblait pour le moment insurmontable. Ses doigts serraient les bords de son siège et ses lèvres affichaient une expression sévère, imperceptible. Son regard était aiguisé et elle sentait ses dents s'écraser les unes contre les autres d'une manière lugubre.

Elle refusait de faire cela. Elle allait appeler Momo et lui dire que c'était impossible, qu'elle ne voulait pas le faire, et qu'elle n'avait certainement pas besoin de faire cela, comme Momo l'avait déclaré plus tôt. Elle était Rukia Kuchiki; sa vie n'exigeait pas de mesures aussi désespérées.

Et encore.

Elle ne pouvait honnêtement croire qu'elle s'était laissée entraîner dans cela. Toute sa vie, elle n'avait jamais laissé quiconque lui dire ce qu'elle devait faire. Elle était avocate, nom de Dieu ! Elle passait son temps à donner des ordres autour d'elle, mais elle ne laissait au grand jamais les autres lui retourner la faveur. Elle serra encore plus ses dents en détournant son regard en ronchonnant. Elle faisait de son mieux pour ne pas regarder l'écran illuminé.

C'était humiliant.

Bon, pensa-t-elle avec colère, je vais le commencer doucement, pas besoin de se presser. J'ai tout mon temps. Je vais les faire une par une, c'est le mieux. Je dois juste le faire maintenant.

Elle ramena ses grands iris violets vers l'écran et lut la première ligne.

Quelle est votre profession ?

Ok, se dit-elle avec amertume, ça c'est facile.

Ses doigts se déplaçaient rapidement sur son clavier et elle tapa légèrement 'Avocat d'entreprise'. Elle les prononça à haute voix en même temps que les mots apparaissaient sur l'écran. Elle enleva ses poignets de la tablette de son bureau et accorda une pause à sa tête.

Elle avait décidé…que c'était humiliant. Elle n'avait pas besoin de faire ce questionnaire - si on pouvait appeler ça un questionnaire, c'était plus un jeu d'esprit pénible pour femmes célibataires. Un piège, voilà ce dont il s'agissait, afin qu'elle se sente - elle ou n'importe quelle autre femme - inachevée sans un homme dans sa vie.

Rukia haussa les épaules et passa à la question suivante.

Qu'est-ce que vous aimez faire quand vous ne travaillez pas ?

-Absolument rien. Lâcha-t-elle avec dépit.

Certes, c'était probablement à moitié vrai. Elle ne travaillait pas tout le temps, mais suffisamment pour faire croire aux autres qu'elle travaillait. Elle n'était pas vraiment une accro au boulot. Elle s'assurait toujours de ne jamais faire plus de soixante-cinq heures de travail par semaine. Les dimanches étaient ses jours de repos, et elle allait au cinéma certains vendredis soirs. Il y avait souvent des fêtes de bureau, des spectacles de bienfaisance, et d'élégants bals où elle avait toujours le temps de bavarder avec le prochain pauvre gars conquis par son entreprise en constante expansion. Alors oui, elle avait une vie sociale, pas énorme, pour sûr, mais elle en avait une.

Combien avez-vous d'amis ?

-Un seul. Grogna Rukia en l'écrivant.

Elle se réprimanda avec colère d' aller à la question suivante sans faire de pause, mais elle se contenta de grommeler et continua.

Oui, elle avait un ami. Momo Hinamori, son amie depuis qu'elles avaient été diplômées de l'université et qu'elles travaillaient pour la même entreprise. Elles allaient courir ensemble tous les dimanches matins à huit heures - c'était un fait acquis. Rukia avait invité Momo à courir tous les matins mais elle avait catégoriquement refusé. Apparemment, cinq heures du matin était trop tôt pour que Momo envisage l'idée même de se lever.

Alors oui, elle avait une amie, sans omettre qu'elle avait de nombreuses connaissances, elle connaissait beaucoup de personnes au travail et en ville. L'homme qui s'occupait de l'entretien de ses vêtements, par exemple, s'appelait Peter, et elle le voyait chaque semaine. Il connaissait son nom, son visage, et n'avait jamais abîmé un seul de ses tailleurs.

Mais de vrais amis, des amis honnêtes…elle n'en avait qu'un.

Rukia regarda sur le côté de son ordinateur et saisit son verre de vin. Le verre était au moins aux trois-quarts plein, mais elle le descendit en trois gorgées. La question suivante lui fit lancer des regards noirs de colère.

Sur une échelle de un à dix, combien êtes-vous satisfait de votre vie quotidienne ?

-En ce moment, répondit-elle méchamment au vide qui l'entourait, zéro.

Rukia remua le vin dans son verre et fit la moue. Elle marmonna et repoussa sa chaise en arrière en se levant. Le soudain afflux de sang dans sa tête la fit légèrement chanceler, mais elle parvint tout de même à la cuisine. Elle atteignit la bouteille de vin qu'elle avait laissée sur le comptoir et se servit un autre verre. Une goutte de vin coula du bord et elle l'essuya aussitôt.

Honnêtement, remplir ce truc la déprimait plus que cela ne le devrait. C'était juste un portrait merdique, qui ne possédait ni griffes, ni crocs, ni un tout autre porteur d'un microbe transmetteur de maladie. C'était un simple questionnaire sur un simple site de rencontres.

Elle leva le verre à ses lèvres et but quelques gorgées, se rappelant qu'elle devait y aller avec modération en ce qui concernait l'alcool. Elle passa sa langue sur ses lèvres afin de récolter le reste de vin et émit un claquement de langue satisfait. Puis elle lança un regard aigre à son ordinateur et profita de l'occasion pour se verser plus de vin dans son verre de cristal.

Elle n'arrivait toujours pas à croire que Momo l'avait convaincue à faire un truc pareil. De toutes les choses dans lesquelles elle avait entraînée Rukia, celle-ci était de loin la pire.

Rukia laissa échapper un grognement audible et plissa son nez.

-Allez, Rukia, imita-t-elle d'une voix haut-perchée, c'est juste un petit test. Tu seras pas forcément obligée de sortir avec l'un d'entre eux. Essaye juste, ça va pas te tuer!

Rukia maugréa et ramena son verre - sa bouteille - à son ordinateur. Elle ne devrait pas en vouloir autant à Momo, celle-ci voulait juste l'aider, après tout. Mais, franchement, Rukia n'était pas à ce point un cas désespéré. Elle avait déjà eu des sorties galantes dans le passé, et elle pouvait en avoir autant qu'elle le voudrait. Elle n'avait sûrement pas besoin d'employer les services d'un site de rencontres pour avoir un rendez-vous…ou s'envoyer en l'air.

Elle l'avait dit à Momo d'innombrables fois durant les deux semaines précédentes - ce fut le moment où son plan infâme avait germé dans son esprit - mais Momo n'avait pas cru un seul mot de ce que Rukia avait dit. Ce n'était pas comme si Momo n'avait pas de raison de s'inquiéter: si ses calculs étaient formels, Rukia n'avait pas eu de vrai rencard depuis qu'elle avait près de vingt-six ans.

-Ça fait que deux ans. Marmonna Rukia en se rasseyant devant son ordinateur frustrant. Que deux ans. Je suis encore jeune. Je suis jolie.

C'était à ce moment-là que Momo lui avait fait LA discussion.

La conversation n'avait rien de sexuel. Rukia en savait long sur le sujet- même si cela datait un peu- donc non. C'était plutôt une discussion sibylline.

Rukia ralentit un petit peu pour laisser Momo reprendre son souffle. Elle se sentait si bien dans le confort instable de ses baskets. De la transpiration coulait au bas de son dos et sur ses tempes, mais elle ne l'essuya pas. Ses cheveux étaient rassemblés en une queue de cheval serrée, et son corps était confortablement ajusté dans son short étroit et sa chemise ondoyante. Elle savourait la manière dont son corps se sentait après avoir couru pendant un moment. Ses jambes la picotaient et sa tête était légère d'euphorie. En fait, courir était l'une des choses qui lui donnaient le sentiment de se sentir complètement heureuse. Elle savait que ça avait un rapport avec les endorphines ou quelque chose du genre, mais elle n'y attacha pas davantage d'attention. Elle aimait combien elle se sentait légère et rapide quand elle courait. Elle se sentait indomptable.

Momo, bien sûr, était à la traîne derrière elle. Elle avait veillé tard la nuit précédente et ne se déplaçait pas aussi rapidement que Rukia.

Un couple en survêtements les dépassa - Rukia contemplait le ciel bleu clair et Momo était penchée et respirait péniblement à ses côtés. Les coureurs étaient un homme et une femme portant le même accoutrement. Short bleu et haut noir - très chic, si on considérait le fait qu'il était neuf heures du matin.

Momo avait dû les voir passer puisque, à peine une seconde après, elle avait attrapé le poignet de Rukia et l'avait fortement tiraillé.

-Il était carrément en train de te mater ! S'exclama-t-elle avec un rire idiot et un hoquet.

Rukia jeta un regard courroucé à Momo et secoua la tête:

-J'en doute, il était pas avec sa copine ?

L'autre regarda le couple par-dessus son épaule et vit leur derrières assortis tourner dans le virage.

Momo émit un petit marmonnement et regarda Rukia:

-Ça veut pas dire qu'il peut pas te regarder.

-Au contraire !

-C'est quoi le proverbe? Songea Momo. "Ce n'est pas parce que tu as déjà commandé que tu ne peux pas regarder le menu ?"

Rukia frappa Momo dans les côtes.

-Je doute vraiment que ce soit un vrai proverbe.

Elle soupira et haussa les épaules.

-Et puis, n'est-ce pas ce que dit un engagement ? Rester avec une personne et ne pas regarder les autres ? Je veux dire, regarde, ils portent les mêmes joggings, y'a pas plus 'en couple' que ça.

-Ah… Soupira Momo.

Elle sortit trois dollars de sa poche arrière et se dirigea vers le vendeur de snacks qui leur fournissait habituellement de l'eau. Il y avait dans ce parc beaucoup d'étals, il était donc normal de voir des vendeurs, des escrocs, des promeneurs de chiens, des coureurs, des gamins, et des cyclistes croisant le même sentier. Ce vendeur-là était au même endroit depuis qu'elles venaient courir ici. Il les connaissait suffisamment pour avoir en permanence deux bouteilles d'eau glacée qui les attendaient en contrepartie de leurs trois dollars.

Le soleil cognait dans leur dos et Momo chantonnait presque quand l'homme lui tendit leur bouteilles. Elle passa d'abord le plastique froid sur son visage, puis dans son cou, pendant que Rukia ouvrait la sienne et en but une gorgée. Une autre paire de coureurs passèrent devant elle s- cette fois il s'agissait de deux hommes - et ils envoyèrent tous deux des regards appuyés - ainsi que quelques sifflements - dans leur direction.

Momo se retourna, sourit et les salua. Rukia grogna et les regarda en leur faisant un doigt d'honneur avant de se retourner.

Quand ils furent suffisamment loin, une Momo agacée envoya un coup de poing dans le bras de Rukia et elle gloussa de douleur.

-C'était pour quoi ça ? Demanda-t-elle vivement en frottant de ses doigts l'endroit touché.

-Dis donc, Rukia ! S'exclama Momo en fronçant les sourcils. Tu aurais au moins pu leur dire bonjour !

-J'aurais pu, lâcha Rukia, mais je l'ai pas fait.

-Franchement, râla Momo, des fois, j'ai vraiment l'impression que t'es un cas désespéré !

-Je ne le suis pas. Dit Rukia en reprenant leur marche calme et relaxante.

Elle voulait courir à nouveau, mais savait que Momo allait perdre connaissance si elle devait encore se mettre à accélérer.

-C'est juste que je n'aime pas être fixée, sifflée ou touchée par n'importe quel gars qui pense que je ne suis qu'un morceau de viande sans cervelle.

Momo soupira et secoua la tête.

-Rukia, sérieux, si tu continues à parler comme ça, tu vas finir comme…

Elle se tut et haussa les épaules de manière théâtrale. Rukia lui envoya une œillade rapide.

-Comme quoi ? Je vais finir comment ?

Son intonation était catégorique et dangereux, comme celui qu'elle utilisait pour convaincre ses clients.

Momo se tourna vers Rukia et la fixa avec des yeux horrifiés et éloquents. Elle humecta ses lèvres puis murmura avec difficulté:

-Une femme à chats.

Le visage de Rukia se figea.

-Une quoi ? Demanda-t-elle sèchement.

Momo roula théâtralement les yeux.

-Voyons, Rukia, tu regardes jamais de films ?

-Des vieux.

-Une femme à chats ! Une femme folle à chats !

Elle agita ses mains devant le visage de Rukia comme si elle essayait de faire ressurgir un souvenir enfoui depuis longtemps. Rukia la regarda sans comprendre.

-Tu sais, la femme qui n'a jamais pu se trouver un homme - ou du moins en attirer un - et, à la place, elle achète des centaines de chats pour compenser la solitude qu'elle ressent. Elle pue tout le temps le chat et a toujours des poils de chat sur toutes ses fringues.

Momo fit un bond face à son amie et se tourna, de sorte à marcher à reculons. Elle pointa un doigt accusateur vers la poitrine de Rukia et la fixa.

-Toi, jeune femme, tu vas finir par devenir une folle à chats si tu ne commences pas à payer sérieusement attention aux individus du sexe opposé !

Elle haussa les épaules et soupira.

-Ou tu peux payer attention aux personnes du même sexe et vivre heureuse toute ta vie comme tu le fais en ce moment, mais tu as vraiment intérêt à ce que ce soit l'un ou l'autre, mademoiselle.

-Mords-moi. Murmura Rukia d'un ton aigre en finissant sa bouteille d'eau et la jetant dans une poubelle.

-Non merci.

Momo haussa les épaules puis sourit et montra du doigt quelques coureurs masculins les approchant.

-Mais tu peux leur demander, je suis sûre qu'ils seraient ravis de t'aider !

Rukia attrapa la bouteille d'eau de Momo et jeta le liquide froid au visage de son amie. Momo cria d'horreur mais Rukia éclata de rire. Elle tourna les talons et fuit son amie en colère, sachant parfaitement que Momo ne serait pas capable de l'attraper.

Inutile de préciser que Momo avait ressorti la leçon de 'la femme à chats' chaque fois qu'elles étaient ensemble, parlaient au téléphone, ou déjeunaient ensemble. Elle reprochait à Rukia de ne pas être capable de trouver l'homme qu'il lui fallait et Rukia rétorquait qu'elle n'en voulait pas. Momo avait éclaté de rire et lui avait demandé quand elle avait fait l'amour pour la dernière fois. Rukia avait roulé les yeux et demandé si un vibromasseur comptait. Momo lui avait envoyé un morceau de crevette au visage et avait secoué négativement la tête.

Ces derniers temps, Momo avait tout essayé pour trouver un homme à Rukia. Elle avait lu chaque jour l'horoscope de Rukia, lui avait fait passer les adresses mail de certains de ses amis masculins respectables, et avait même organisé des rencontres 'accidentelles' avec des connaissances masculines pendant leur jogging dominical ou leur déjeuners en semaine. Rukia avait ignoré et/ou remballé chacune de ses tentatives. Pour être honnête, Rukia ne savait pas vraiment pourquoi Momo s'acharnait autant à lui trouver un homme respectable. Quand la raison du 'quand as-tu fait l'amour pour la dernière fois' ne fonctionna plus, Rukia força Momo à avouer 'Je veux juste que tu sois heureuse!'.

Étrangement, tout cela avait commencé quelques semaines seulement après que Momo ait commencé à être heureuse avec Hitsugaya Tôshiro.

Deux semaines après leur conversation au sujet de chats, Momo avait annoncé à Rukia qu'elle avait inscrit Rukia à un site de rencontres. Apparemment, Rukia n'avait que trois choix: speed dating, rencard aveugle - les candidats eux-mêmes seraient choisis pas les amis les plus proches de Rukia - ou rendez-vous en ligne.

Après avoir essayé pendant des heures de faire changer Momo d'avis, elle avait finalement approuvé le rendez-vous en ligne. Rukia avait décidé que c'était au moins le plus sûr et le moins humiliant des deux autres.

Voilà où elle en était, à remplir un questionnaire pour un site de rencontres. Rukia tapota de ses doigts les bords de son verre de vin et écouta le délicat tintement que cela produisit. Elle bougea un peu sa souris et vit son économiseur d'écran avec des lapins disparaître. Le questionnaire reparut et elle lança de nouveau un regard noir à l'insultante chose.

Avec quel genre de personnes pensez-vous être compatible ?

Rukia sentit un de ses vaisseaux sanguins du front battre d'agacement. Sa mâchoire était serrée et elle empoignait sa souris avec une telle force qu'elle l'entendit se craqueler. Elle se leva de sa chaise, furieuse, et se dirigea vers son téléphone fixe en tapant du pied. Sa prise était ferme tandis qu'elle composait le numéro de sa meilleure amie et, dans son esprit, elle songeait à tous les jurons qu'elle pourrait caser dans la première phrase de leur discussion.

Cela prit trois sonneries pour qu'on réponde au téléphone et, pendant ce temps, Rukia s'était encore plus énervée - si c'était possible.

Pourtant, la personne au bout du fil n'était pas son amie bienveillante et sur-enjouée, mais le petit-ami de Momo. Il répondit grossièrement d'une voix rauque et grinçante, et Rukia le rembarra comme un chat qu'on privait de sa queue.

-Tôshiro. Marmonna-t-elle.

Elle était suffisamment habituée à l'entendre répondre au téléphone pour s'embarrasser de politesses avec lui.

-Momo, téléphone. Maintenant.

Il ne lui dit rien de plus, Rukia entendit simplement le bruissement des draps et Tôshiro râler à propos de son amie 'considérablement psychotique'. Rukia se nota mentalement de lui en mettre une pour cela, mais trouva que cette définition lui allait étrangement à merveille.

Il y eut un bâillement à l'autre bout du fil et une Momo de mauvais poil lui répondit:

-Rukia ? T'as vu l'heure qu'il est ?

Rukia jeta une œillade à son horloge et grimaça.

-Deux heures dix-sept. Répondit-elle rapidement puis en s'affalant dans sa chaise, sa voix s'affermissant. Mais laisse-moi te poser une question, Momo.

Elle se tut et se redressa pour lire les mots minuscules sur son écran.

-Avec quel genre de personne penses-tu que je sois compatible ?

Il y eut un silence avant qu'une voix derrière Momo ne réponde:

-Des personnes givrées.

-Dis à Tôshiro que je l'ai entendu. Siffla Rukia. Alors ? Tu le sais, Momo, j'espère ? Parce que moi je sais pas !

-Attends… marmonna son amie. Rukia…Tu fais ce questionnaire…maintenant ?

-Oui, répondit-elle. À quel autre moment je pouvais le faire ? Je suis trop occupée la journée !

-Rukia…

Elle entendit Momo s'asseoir.

-Pourquoi tu peux pas répondre à cette question ? Je veux dire, c'est censé te brancher avec quelqu'un d'autre, non ?

-C'est toi qui m'a obligé à le faire ! Accusa Rukia en désignant une personne invisible du doigt. Pourquoi c'est pas toi qui répondrait ?

-Ben, je sais pas, peut-être parce que je pourrais délibérément marquer n'importe quoi et te brancher avec un mec dégueu' de quarante balais qui vit chez sa mère. Énonça Momo en bâillant de nouveau. Rukia, sérieux, je suis crevée, j'ai besoin de dormir, et je sais que toi aussi tu te lèves très tôt.

-Je prendrais un café supplémentaire. Déclara-t-elle rapidement en grinçant des dents. Honnêtement, Momo, ces questions sont ridicules ! Elle positionna le téléphone entre son oreille et son épaule et scruta son ordinateur. Comment je suis censée savoir avec qui je suis compatible ? C'est pas ce que le questionnaire est censé me révéler ?

-Il te f-faut remplir ce q-questionnaire pour qu'il te t-trouve quelqu'un qui te r-ressemble. Répondit-elle lentement, entrecoupant sa phrase de perpétuels bâillements. Bon, toi, tu vas au lit. Je t'aiderai à le faire plus tard.

-Ok, j'ai compris, lâcha Rukia, laisse-moi souffrir toute seule !

-T'as qu'à aller au lit. Fit remarquer Momo. Laisse la souffrance finir avec le sommeil. Allez, Rukia… Va te reposer et hurle-moi dessus demain.

-Tu peux compter sur moi pour ça. Railla Rukia en raccrochant et en le plaquant sur son bureau.

L'ordinateur se moquait d'elle. Rukia se contenta de montrer les dents avant de l'éteindre et finir son vin. Elle se réveillerait avec une satanée migraine le lendemain, mais cela n'avait pas d'importance. Peut-être que si, elle buvait suffisamment ce soir, elle oublierait ce stupide questionnaire.

Rukia repoussa sa bouteille, son verre, et son ordinateur et se leva maladroitement de sa chaise. Elle tituba jusqu'à sa chambre et s'avachit sur son lit excessivement duveteux.

Elle émit un grognement et se trémoussa jusqu'à ses oreillers. Pour qui se prenait Momo pour lui dire qu'elle avait besoin d'un homme dans sa vie ? Elle n'avait accroché que Tôshiro récemment - bien que cela lui semblait une éternité - et elle était même plus âgée que Rukia ! Avoir vingt-six ans ne signifiait pas être un cas désespéré, et ce n'est pas parce qu'elle n'avait pas eu de rencard depuis un moment - deux ans - que c'était sans espoir, loin de là… La vie devait juste la satisfaire au moment opportun. Elle ne devait pas changer pour quoi que ce soit… la vie devait changer pour elle.

Avec cette pensée à l'esprit, Rukia Kuchiki s'écroula d'un sommeil agité.