Aurore Boréale.

Chapitre 1.

Seles.

Un pays de nuit éternelle. Où les étoiles, comme autant de lucioles immobiles, luisent sans fin. Un château, flottant dans le néant avec une infinie lassitude, brave le temps qui passe par sa présence immémoriale. Surplombant l'Immensité, les hautes tours façonnées comme d'antiques cathédrales dominent les alentours. Les arches qui couronnent l'édifice, telles des ailes de dragons surgis du passé, scintillent de l'éclat bleuté des cristaux de glace. Le froid régnant en ces lieux est presque palpable. L'air frissonne. Les murs semblent figés pour toujours, le temps engourdi s'écoule avec lenteur.

La cité semble vide : une ville fantôme où le vent n'ose s'aventurer…Mais la quiétude est absente de ces lieux. L'atmosphère est électrique. Le pays entier retient son souffle… tandis qu'un homme, ombre fugitive dans les rues désertes, se dirige vers les sommets de la cité. Son pas rapide et déterminé résonne sur les marches de pierre qu'il gravit. A chaque expiration, un petit nuage de givre s'échappe de ses lèvres entrouvertes, comme une buée glacée. Malgré son épaisse pelisse doublée de fourrure, il tremble. Son manteau d'un blanc iridescent dissimule son apparence, tout en diffusant une douce chaleur qui irradie tout son corps… Mais cette chape laisse s'échapper ses mèches rebelles, celles de la silhouette qui continue sa progression, en accélérant peu à peu l'allure. Ces cheveux, d'une douce teinte dorée aux reflets de miel, se collent parfois à son visage ; il les repousse d'un geste ample.

Arrivé devant les portes de l'édifice, l'homme soudain se fige. Il lève lentement les yeux vers les cieux en une muette demande impénétrable. Avec une sorte de résignation teintée d'amertume, il ôte sa capuche, ralentissant ses gestes. Le frottement de la fourrure contre sa peau le fait frissonner. Jetant un dernier regard vers l'étendue déserte à ses pieds, l'homme qui n'était qu'une ombre laisse échapper un soupir. Ses iris, teintés ordinairement du bleu limpide des lacs, avaient pris la couleur de la mer houleuse avant la tempête. Une goutte de sueur salée se met à couler de son front, témoignage muet de sa pénible ascension. Comme une larme, elle chemine le long de sa joue, puis le temps semble suspendre son cours… Enfin elle choit, et c'est une perle de glace qui abandonne son visage puis se change en une myriade de cristaux de givre au contact du sol gelé.

Refoulant ses doutes, ses hésitations, ses regrets, ses sentiments et son impression persistante que tout cela n'aurait jamais dû arriver, l'homme pose sa main sur le symbole scellant l'imposante porte. Un murmure. Une seconde d'éternité. Une destinée changée pour toujours. Il retire sa main, brûlante d'énergie magique. Le sceau se défait avec un léger chuintement, comme un refrain sacramentel… Les deux félins enlacés qui maintenaient la porte close, comme des Lynx au long pelage moucheté, se séparent donc et libèrent le passage vers le cœur de la forteresse.

Fye Dragonfly Flowright quitte son univers glacial mais familier pour aller à la rencontre de son destin. Il ne sait pas encore que ses pas se joindront à d'autres aussi perdus et mal assurés que les siens. Pour le moment il ne sait qu'une seule chose : il va devoir se battre, car le Roi n'est pas très accessible…surtout lorsqu'il s'agit de l'enfermer pour une durée disons indéterminée dans un sinistre cercueil au fond d'une fontaine toute aussi lugubre.