"Quand on m'a dit qui avait été capturé, j'ai cru à une mauvaise blague. Tellement mauvaise que j'ai décidé d'étriper le petit plaisantin pour lui arracher la vérité. Tu veux que je te dise ? Les augures ne sont plus ce qu'elles étaient. Ce n'est plus aussi divertissant qu'autrefois. Ça manque de saveur. Je ne nie pas que la mort d'un démon ne m'ait jamais apporté une quelconque satisfaction, mais les humains savent mourir avec classe. Il n'y a rien de tel que de briser un homme, de voir ses espoirs mourir, de voir s'éteindre la lumière dans ses yeux. Et crois-moi, je sais de quoi je parle.
J'en ai brisé des hommes. J'ai arraché leur humanité, corrompu leurs âmes. Quelque part, ils sont un peu comme mes enfants. Oh, je sais ce que tu vas me dire… Un père ne tue pas ses enfants. C'est vrai. Et si j'avais une conscience, peut-être que cela signifierait quelque chose. La seule que j'ai c'est celle de faire correctement mon boulot. C'est pas toi qui viendras me contredire. Ma science est réputée outre-mondes. Vous en faites tous bon usage. En un sens, vous perpétuez mon héritage. Vous me rendez fier. Vous m'honorez. Alors, qui est l'abomination maintenant ?"
Sa main agrippa les cheveux de l'homme et lui tira la tête en arrière. Ils se défièrent du regard, yeux d'obsidienne contre yeux d'un bleu cristallin, sans qu'aucun d'eux ne le détourne.
"J'avoue que tu as du cran. Tu es stupide mais tu as du cran. Mais au fond tu es comme tous les autres. Je trouverai comment te briser. Tu seras ma plus grande œuvre. Oh, tu n'es pas le premier de ton espèce que je rencontre. Loin de là. Bon nombre d'entre vous sont morts de mes mains. Aujourd'hui, j'ai la possibilité de faire plus, j'ai l'occasion de pouvoir m'amuser. Je t'arracherai les réponses. Je t'arracherai les yeux. Je t'arracherai les ailes. Je t'arracherai la grâce. Je t'arracherai le cœur. Je t'arracherai tout ce qui fait de toi un être vivant. Tu préféreras cent fois mourir, mais je t'en empêcherai. Tu voudras la fermer mais je saurai te faire réagir. Parler, hurler, avouer, tout ça n'est qu'une question de sémantique. Une seule chose m'importe, c'est de récupérer ce qui m'appartient. Un élève. Un champion. Un atout. Dean Winchester."
Castiel releva brusquement la tête, quelque peu troublé, la grâce tressaillant. Il fixa le démon, tentant de sonder son esprit et de juger de la véracité de ses propos. En vain. Ses entraves le rendaient aussi hermétique au monde qu'un humain. Il bascula la tête sur le côté tout en fronçant les sourcils.
"Quoi ? Tu pensais que j'avais imaginé tout ceci juste pour tes beaux yeux ? Oh mon pauvre petit séraphin, tu aurais préféré ? Intéressant…" (sourire carnassier) "Oh, on va bien s'amuser toi et moi !"
Il lui donna une petite tape sur la joue qui aurait pu paraître amicale si le principal intéressé n'était pas retenu prisonnier. Des chaînes s'enroulaient autour de ses poignets et de ses chevilles jusqu'à lui en mordre la chair. Mais il ne gémissait pas. Mais il ne se plaignait pas. Il ne voulait pas faire ce plaisir au démon. Après tout, il était un ange de Notre Seigneur.
Si ces abominations n'avaient pas été aussi lâches, elles auraient déjà goûté de son épée et lui ne souffrirait pas cette humiliation. Mais elles l'avaient pris en traître tout autant qu'elles sont et avaient tôt fait de lui passer le carcan autour du cou. Privé de ses pouvoirs, il avait cru un instant qu'il ne serait qu'un damné de plus. Mais à voir les yeux du démon pétiller, il savait désormais qu'il bénéficierait d'un traitement particulier.
"Mais mettons-nous à l'aise !"
D'un claquement de doigts, les chaînes relâchèrent la pression sur ses membres endoloris et Castiel bascula en avant. Sans la chaîne reliée au carcan, il aurait sans doute fini la tête la première. Pour l'heure il se retrouvait paumes et genoux à terre, une position qui n'était pas sans lui rappeler certaines des créations de Père, sans savoir s'il devait s'en trouver offensé. Un coup sec sur la chaîne et une soudaine sensation d'étranglement eurent tôt fait de répondre à sa question muette.
"J'ai toujours rêvé d'avoir un chien céleste…" (tirant sur la chaîne comme sur une laisse)
"Je ne suis pas un chien…" (basculant la tête sur le côté)
"C'est vrai. Tu es bien plus que ça. Un sale clébard. Un oiseau de malheur. Un animal qu'on mène à l'abattoir."
"Je ne…"
Il ne put finir sa phrase. Un coup de chaîne avait suffi à l'étrangler de nouveau, du moins à rendre sa respiration mal aisée.
"Et un animal, ça ne parle pas. Ça reste à sa place. Ça obéit."
Un simple regard vers l'ange suffit au démon pour comprendre que la soumission n'était pas à l'ordre du jour ; non pas qu'il en doutât.
"Et le vilain toutou va me suivre !"
Castiel s'apprêtait à se relever quand il sentit le carcan lui couper la circulation et la respiration.
"A-t-on jamais vu un chien évoluer sur deux pattes !?"
Mais Castiel n'était pas ange à se laisser abattre et il s'obstinait à garder un tant soit peu de dignité. Qu'importe la douleur. Qu'importe s'il devait en mourir.
"Tu veux te la jouer rebelle ? Pas de problème. Un clébard, ça se mate."
Et les coups se mirent à pleuvoir. Des coups de fouets. Des coups de bâtons. Des coups de poings. Des coups de pieds. Des coups de griffes. Et sur lui, des ecchymoses, des lacérations. Des plaies à vif. Des bleus à l'âme. Il aurait voulu se montrer toujours aussi défiant, mais son corps ne supportait plus ces agressions. Affaibli, il n'était plus un ange ; à peine un humain. Il ne pouvait plus ignorer la douleur ; elle était partout. Il ne pouvait plus retenir ses hurlements. Au diable la dignité ! Il fallait que tout s'arrête. Il voulait que tout s'arrête… Quelques larmes vinrent brouiller sa vue et Castiel se laissa aller tout à la fois honteux et résigné.
"Vous pensez qu'il a compris ?" (lui filant un coup de pied dans les côtes)
"T'as compris la leçon, sale cabot ?"
Quand Castiel fixa le sol et ne pipa mot, le démon arbora un sourire satisfait.
"Bien…"
Il tira sur la laisse improvisée et l'ange se laissa guider, docile, à moitié rampant. Les yeux toujours baissés, il s'imaginait Alastair en train de parader. Lui, Ange du Jeudi, abaissé au rang de vulgaire animal par un démon. Il aurait dû se sentir honteux. Au lieu de ça, il se sentait soulagé. Dangereux que ce faux sentiment de sécurité… Mais le cœur a ses raisons que la raison ignore.
Une douleur irradia son flanc et le ramena à la réalité. Un crochet venait d'y être planté.
"Même pas capable d'obéir à un ordre simple ! Mais qu'est-ce qu'on va faire de toi ?"
L'ange resta tétanisé par la peur alors qu'Alastair faisait signe à ses acolytes de le maintenir.
"Je ne pensais pas en arriver là, mais puisqu'il faut sévir… Autant que la punition soit mémorable."
Tout n'était que cinéma – qu'importe les actions de Castiel, il en aurait été de même, mais c'était tellement plus drôle de jouer sur la corde de la culpabilité.
Alastair emprisonna ses poignets et ses chevilles dans des fers et le suspendit par les bras à une poutre. Sa respiration se faisait haletante. Privé à nouveau de sa mobilité, il voyait bien que la situation ne tournait pas à son avantage. Et la panique s'installait peu à peu. Encore une émotion nouvelle dont il se serait bien passé.
"Tu sais ce qui me ferait plaisir, avicula mea…?"
Frappé par l'utilisation du surnom, il ne vit pas la menace.
"Sine viribus deficere ostende alas extendeque !"
Et sans qu'il n'y puisse rien faire, Castiel vit ses ailes se déployer dans son dos. Larges. Puissantes. Et elles se trouvaient désormais à la merci des démons. Ses propres hurlements le sortirent de ses pensées. Ses ailes venaient d'être clouées à la poutre, comme crucifiées.
"Maintenant les choses sérieuses vont pouvoir commencer !"
Alastair s'ouvrit les veines au-dessus d'une timbale et laissa son sang la remplir à ras bords. Puis il s'approcha doucement de son hôte et d'un geste sec lui arracha une plume. Castiel commençait à se demander s'il lui resterait assez de voix pour hurler.
SPN SPN SPN SPN SPN
Dean fixait Uriel d'un air mi-mauvais mi-moqueur.
"C'est rare de te voir sortir sans ta laisse. Où est ton patron ?" (passant inconsciemment sa main sur la marque que celui-ci lui avait laissé)
"Castiel ? Oh… Il est… Il avait affaire. Il a une petite faiblesse, vois-tu. Il t'aime bien."
SPN SPN SPN SPN SPN
Quand Castiel vit le démon tremper la plume dans le sang tout frais, il sut qu'il n'allait pas aimer cette punition, ce jeu, qu'importe le nom que ça porterait.
Le démon arracha ce qui restait de sa chemise puis, armé de la plume, il grava quelques mots sur sa peau. Quelques mots qu'il prit plaisir à lui susurrer avant que son sang teinté n'agisse sur son innocente victime.
"Il t'aime…"
