Disclaimer : Les personnages et l'univers appartiennent à Kōhei Horikoshi.
Pairing : TODODEKU :D :D :D OTP. Aussi moult autres, dont probablement du KiriBaku car why the hell not.
Bêta-Lecture : Antidote 9 lol hahaha. Comment ça ça compte pas
Avertissement : Présence de langage peu fleuri (no joke)
Note : Salut à toi, noble lectrice (et noble lecteur, bien que tu sois probablement très inférieur en nombre). Je m'appelle Crim, et je t'offre ici ma première fanfiction sur le fandom BNHA. Avec du TodoDeku. Car je shippe très fort le TodoDeku.
Il est à noter que ma connaissance de ce fandom n'étant pas aussi encyclopédique que ma connaissance, au hasard, d'Haikyuu!, quelques erreurs pourraient se glisser au cours de l'histoire, même si le wikia BNHA tâche de m'en garder éloignée.
Ceci est un Univers Alternatif post-apo chelou comprenant moult personnages, dont certains de la célèbre classe B ; par conséquent, si tu n'as pas lu l'arc du festival de sport, tu risques de subir quelques petits spoils sur la nature des alters de certains. Même si je pars du principe que quiconque shippe le TodoDeku a lu le festival de sport mdr sinon wtf les gars
Euh voilà. Je sais pas si cette fic rencontrera son public mais je garde la foi :'D Bonne lecture lol.
Aussi casse dédi Rin et Hazazel ! Vous êtes cool.
Midoriya Izuku avait sept ans le jour où, pour la première fois, il avait été avalé par la poussière.
On lui avait souvent demandé de raconter l'histoire et, lorsqu'il cédait avec un sourire timide, il commençait par fermer les yeux, pour oublier — oublier les murs recouverts de posters défraîchis, les regards posés sur lui, la lueur des lanternes et les ombres qui lentement l'encerclaient pour l'emmener huit ans en arrière, fredonnant dans ses oreilles une berceuse dont le sens lui avait toujours échappé.
Le décor familier du QG s'effaçait au profit d'une carcasse de voiture qui, triste stigmate d'une époque depuis longtemps révolue, gisait au travers d'une large route grisâtre et fissurée. Cette dernière s'était affaissée, quelque part à sa droite, et quelques plantes emmêlées s'affrontaient dans chacune de ses lézardes pour atteindre les rayons du soleil encore haut. Il se rappelait bien le ciel pâle, limpide, et la parfaite immobilité de l'air froid de l'automne. Il se rappelait le verre brisé qu'il avait dû enjamber pour traverser la route ; les gros morceaux ne posaient pas de problèmes, mais les plus petits se glissaient parfois dans ses baskets mal protégées et rentraient dans sa peau comme d'invisibles couteaux qui faisaient saigner et trempaient ses chaussettes jusqu'à l'empêcher de marcher. Ça lui était arrivé, une fois, un million d'années plus tôt. Ça avait fait très mal.
Depuis, il faisait attention à la route, aux morceaux de verres et aux clous abandonnés. Ses semelles étaient assez fragiles comme ça.
Il murmurait quelque chose, ou mâchonnait quelque chose, ou pleurait peut-être. Il marchait seul, sans gardien ni protecteur, sans amis et sans frères, sans parents, sans personne. Quelqu'un l'avait élevé, avant ça, l'avait aidé à survivre dans les cendres du monde. Lorsqu'il essayait de se souvenir de son nom, de son visage ou de sa voix, toutefois, il ne rencontrait rien d'autre qu'un vide profond, terrifiant au point de le figer sur place, les yeux écarquillés, dans la gorge une boule douloureuse qu'il rêvait de pouvoir recracher une fois pour toutes au milieu des débris. Quelqu'un l'avait élevé et quelqu'un était parti. Il n'y pensait plus.
Pour l'instant, la faim lui tenaillait si bien l'estomac qu'il avait l'impression de mourir. Il était encore trop petit pour savoir que la douleur n'était rien, que la faim ne le tuerait pas ; la soif le prendrait avant.
Il n'avait plus bu depuis la veille au matin, ou peut-être la veille au soir — malgré toutes les fois où il avait décortiqué les événements, bien des années plus tard, certains détails demeuraient nébuleux, aussi évitait-il simplement de les évoquer. Quelle importance, de toute façon ? Il avait sept ans, divaguait au milieu d'une route et il avait faim ; c'était tout ce qu'il y avait à retenir.
Car là commençait l'histoire, celle que tous attendaient, fascinés, pendus à des lèvres dont ils n'avaient d'ordinaire pas grand-chose à faire. Izuku le savait. C'est pourquoi il se taisait un instant, fronçait les sourcils comme pour tenter de se souvenir, puis se plaquait une main tremblante sur les lèvres, paralysé par la peur.
L'effet était immédiat. Tous retenaient leur souffle — alors seulement Izuku se remettait à parler.
Une feuille sèche se soulevait du sol pour se coller à son bras. Le vent se leva sans un avertissement, d'abord brise légère puis tempête enragée, le repoussant avec tant de force qu'il craignit de s'envoler. Il recula de quelque pas, trébucha sur un morceau de bois humide et tomba durement en arrière, la bouche ouverte sur un cri d'effroi.
Bien loin, à l'horizon, la poussière s'élevait vers le ciel déjà gris, un nuage de ténèbres qui fondait sur lui sans lui laisser une seule chance de l'esquiver. Quelques secondes plus tard, elle l'encerclait de toute part, dense et opaque, et lui remplissait les narines d'une âcre odeur de gaz et de fumée. Il comprit qu'il ne récupérerait jamais la vue ; pas à cause de la poussière, non ; parce qu'il ne serait bientôt plus là pour se servir de ses yeux.
— Quelqu'un m'avait dit qu'être avalé par la poussière revenait à mourir, raconta Izuku en réprimant un frisson qui, cette fois, n'avait rien de feint. Je ne sais plus qui, mais je m'en souvenais assez bien pour comprendre qu'il me fallait partir.
Et il l'avait voulu, il avait essayé, mais ses membres avaient cessé de lui répondre à l'instant où il avait aperçu le nuage, à la seconde même où il avait senti qu'il était condamné.
Izuku avait vécu beaucoup de choses, depuis ce jour-là, avait frôlé la mort plus d'une fois, mais rien, jamais, ne s'approcha du sentiment de pure terreur qui lui transperça le cœur et l'âme à l'instant où il le vit.
— Le golem, murmura une petite fille brune aux yeux écarquillés.
Quelques-uns, dans l'assistance, poussèrent des exclamations ; d'autres, plus sceptiques, préférèrent afficher une moue dubitative.
— Tu as vu un golem ? répéta un adolescent qui ne les avait rejoints que quelques jours plus tôt et dont Izuku n'avait pas retenu le prénom. En chair et en os ?
— Je... je n'ai pas vu grand-chose ! corrigea Izuku d'une petite voix. Sa silhouette, tout au plus. La poussière était trop épaisse pour me permettre de distinguer quoi que ce soit d'autre.
L'adolescent haussa un sourcil. Izuku s'éclaircit la gorge.
— Et puis, je ne suis pas le seul. Uraraka et Kacchan...
— Mais tu es le seul à en avoir vu d'aussi près, intervint Asui.
Izuku sursauta. Il ne l'avait même pas vue rentrer.
— Euh, eh bien... j'étais petit, alors, hum...
— Pourquoi t'es pas mort ? s'étonna la petite fille qui avait déjà parlé en croisant les bras.
Combien de fois avait-il entendu cette question ? Il se passa une main dans la nuque, gêné.
— Je ne sais pas, avoua-t-il. Je crois que je me suis évanoui.
Le silence s'abattit sur la pièce. Il déglutit.
— J'étais petit, dit-il d'un ton mal assuré. Il était devant moi, et j'avais peur, alors je suis juste...
— T'es sûr que tu l'avais pas juste halluciné ? s'enquit l'adolescent.
— Oui.
— Comment tu peux le savoir ?
— Ben, il y avait des traces...
— Des traces de pas ?
— Et de poussière. Et les plantes avaient été écrasées, alors...
Quelqu'un siffla.
— Alors il est juste parti ? Comme ça ?
Izuku acquiesça en silence.
— Je sais que c'est difficile à croire, assura-t-il, mais...
— Carrément, oui ! Mais je te crois, moi, Midoriya ! s'exclama un garçon blond à l'avant.
Izuku s'empourpra. Il se gratta la tempe.
— Merci, Kaminari.
La fillette revint à la charge :
— Mais pourquoi t'es pas mort ? Les golems, ça tue tout le monde !
— Il était peut-être trop petit, imagina une autre fille. Uraraka dit qu'ils n'attaquent pas s'ils ne nous voient pas. C'est pour ça qu'il y a des cachettes partout, non ?
— Oui, peut-être...
— Ou il n'avait pas faim, proposa quelqu'un d'autre.
Izuku eut un sourire embarrassé.
— Ça doit être ça.
— Et après, il s'est passé quoi ?
— Rien du tout. Je me suis réveillé à l'endroit où je m'étais évanoui, et j'ai couru me cacher dans les bâtiments d'en face. Je suis tombé sur quelqu'un, et...
— Ouais, ouais, on connaît l'histoire. C'est pareil pour tout le monde.
Ils tombaient sur quelqu'un qui les amenait à quelqu'un d'autre et, de fil en aiguille, se retrouvaient ici, à écouter les histoires des survivants, à espérer que l'errance, cette fois, touchait définitivement à sa fin.
Un espoir stérile, le plus souvent. Mais pas pour Izuku.
La porte s'ouvrit à la volée, laissant apparaître une jeune fille aux cheveux noirs, deux triangles rouges dessinés sous les yeux.
— Ils sont revenus, annonça Jirou en balayant la pièce du regard.
Kaminari se leva d'un bond.
— Ils ont réussi ?
— Qu'est-ce que j'en sais ? Je les ai vus de loin.
Le cœur d'Izuku se mit à battre à tout rompre.
— Kacchan ? demanda-t-il.
— Revenu avec eux, l'informa Jirou. Il avait l'air content. Et furieux, bien sûr, mais tu sais.
Il savait.
Kaminari, Asui et lui suivirent Jirou à travers les couloirs pour déboucher sur une large cour carrée, cerclée de bâtiments miraculeusement debout. L'endroit, toujours vide, résonnait des rires et conversations qui s'échappaient des fenêtres du complexe. Malgré les efforts des résidents temporaires, les plantes grimpantes assiégeaient les murs et le sol, donnant à la cour intérieure des airs de jungle colorée. Izuku aimait s'y perdre, parfois. Regarder le ciel et écouter les bâtiments vivre. Les plantes ne le dérangeaient pas tant que ça — mieux valait ça que les vastes zones désertiques qui grignotaient le reste du pays.
Katsuki, lui, les avait en horreur. Comme la plupart des choses et la plupart des gens. Izuku l'entendit pester avant même d'apercevoir sa silhouette à l'intérieur du bâtiment d'en face, qui leur servait la plupart du temps de sas d'entrée. Il déglutit en le voyant avancer d'un pas vif.
— C'est pas vrai que ces merdes ont déjà repoussé !
Jirou soupira. Kaminari, lui, s'élança vers les nouveaux venus.
— Bakugou ! s'écria-t-il. Il s'est passé quoi ? T'étais où ? Qu'est-ce que vous avez...
Il s'arrêta net en distinguant la boule de feu qui brûlait joyeusement au creux de sa paume. Son sourire confus n'attendrit pas le nouvel arrivant le moins du monde.
— Kaminari, prononça Katsuki d'une voix dangereusement basse. T'étais au courant, pas vrai ? Tu savais tout, non ?
Celui-ci leva les mains devant lui en preuve de bonne foi.
— Rien à voir, tenta-t-il, je...
— Te fous pas de moi ! Vous vous êtes bien foutu de ma gueule, vous tous, putain ! Qui a organisé cette connerie ?
Ses yeux se posèrent sur Jirou qui secoua vivement la tête, puis sur Izuku dont le cœur s'était, semblait-il, définitivement arrêté de battre.
— DEKU !
— É-écoute, Kacchan, c'est pas ce que tu... attends une seconde, je peux tout expliq-
Il n'évita l'explosion que de quelques centimètres et se plaqua une main sur la bouche pour retenir une exclamation apeurée.
— C'est toi qui es derrière tout ça, avoue ! C'est quoi, ton putain de problème ? T'as cru que tu pouvais pourrir toute notre organisation avec tes messes basses à la con ?
— J-je suis...
— Ta gueule ! J'vais te crever, t'entends !
Il fit apparaître une nouvelle boule de feu ; cette fois, Jirou s'interposa, les bras écartés, bien vite accompagnée par un Kaminari visiblement peu séduit par l'idée de finir en cendres.
— Vous êtes dans le coup aussi, c'est ça ? gronda Katsuki d'un ton menaçant. Je vais...
— Tu ne vas rien du tout, le coupa Jirou. Ce n'est pas lui. C'est tout le monde.
Katsuki serra les dents, une veine battant dangereusement à sa tempe.
— Qu'est-ce que vous...
— C'est tout le monde. Tu étais le seul à rejeter l'idée en bloc. C'est impossible de te proposer quoi que ce soit, Bakugou. C'était faisable, pourtant.
— Faisable ? Vous vous foutez de moi !
— Varie un peu, dit Kaminari. Et puis, ça a marché, non ?
— C'est pas la question ! Vous auriez dû...
— T'en parler ? termina Jirou. Écoute-toi un peu !
— Vous n'aviez pas le droit de faire ça sans moi !
Jirou soupira. À côté d'elle, un peu plus confiant, Kaminari croisa les bras.
— Et pourquoi ? asséna-t-il. Le groupe était OK. T'étais le seul à crier sur les toits que c'était ridicule.
— Je devais être au courant !
— Tu n'es pas notre leader. Personne ici ne décide pour les autres.
L'espace d'un instant, Izuku crut que Katsuki allait se remettre à hurler ; il finit néanmoins par détourner la tête avec un sifflement irrité.
La tension dans l'air se dissipa soudain, le laissant légèrement désorienté. Il l'avait échappé belle. D'ordinaire, rien que l'idée de faire face à Katsuki lui procurait d'incontrôlables frissons d'angoisse.
— Comme vous voudrez, cracha ce dernier, puis il ajouta, histoire faire bonne mesure : enfoirés.
— Mais t'es content, au fond, avoue ! s'exclama Kaminari. On a réussi, c'est le principal !
— Allez vous faire foutre.
Il fit exploser une plante jusqu'à la racine et entra dans le bâtiment en jurant avec colère. Izuku relâcha sa respiration.
— J'ai bien cru que c'était la fin, cette fois, dit Kaminari avec un rire nerveux. Il est vraiment pas commode.
— Je ne te le fais pas dire, approuva Jirou.
— Le jour où il décidera d'exploser le QG, on sera bien emmerdés.
— Kacchan ne ferait jamais ça ! protesta Izuku.
— Tu parles. Tu l'as vu ?
— Je sais qu'il est un peu impulsif, mais il n'est pas...
— Voilà les autres, l'interrompit Asui en désignant l'entrée.
Elles avaient pris leur temps. Uraraka, tout sourire, discutait gaiement avec la silhouette invisible d'Hagakure, dont on ne distinguait que les vêtements flottant dans les airs. Quelques pas derrière elles, Hatsume, ses lunettes relevées sur le crâne, détaillait un petit objet en poussant des exclamations exaltées.
— Deku ! s'écria Uraraka en courant vers eux.
Elle paraissait aux anges. Comme d'habitude, il s'empourpra — il était incapable de se contrôler, surtout quand on le prenait ainsi par surprise.
— Vous allez bien ? s'inquiéta-t-il en remarquant les quelques coupures qui parsemaient son visage. Comment ça s'est passé ?
Elle semblait se retenir de sautiller sur place. Hagakure répondit :
— Comme sur des roulettes ! Vous ne devinerez jamais ce qu'on a trouvé...
— C'est tellement grand ! s'emballa Uraraka. Immense ! J'en ai encore la tête qui tourne.
— Tu veux te reposer un peu ? proposa Asui. On peut en discuter à l'intérieur. Les autres voudront un rapport, de toute façon.
— Et Bakugou va encore nous faire une scène, si on le prive de ça, releva Kaminari avec justesse.
— Il sait déjà, de toute façon, dit joyeusement Uraraka. Tu crois bien qu'il ne nous aurait pas laissées passer, sans ça. Allez, allez, on se bouge !
Elle poussa Izuku en avant et, bientôt, la troupe s'engouffrait à l'intérieur du bâtiment en riant.
Une heure entière était passée lorsqu'ils se réunirent enfin dans la pièce la plus vaste du complexe, une ancienne salle de conférence dont la plupart des sièges avaient par miracle conservé leurs coussins délavés. Ils avaient l'habitude de s'y retrouver pour discuter des plans à venir ou débattre de la distribution du nouveau matériel, si seulement ils en obtenaient. Kaminari appelait ça « le conseil de village » ; pour Izuku, ça ressemblait plutôt à une étrange réunion de famille, où les alliances se faisaient et se défaisaient, où les invités riaient ensemble ou hurlaient de toute la force de leurs poumons — une spécialité de Katsuki, bien sûr, mais les autres s'y étaient également bien entraînés.
Uraraka, Hagakure et Hatsume, placées sur la petite estrade à la demande d'Asui, levèrent les mains pour réclamer un calme qu'elles n'eurent pas grand mal à obtenir. Si tout le monde n'était pas exactement au courant, tous avaient au moins entendu parler du plan et de son exécution secrète ; leur attention leur était d'ores et déjà acquise, et ce depuis longtemps.
Tous, sauf Katsuki. Ce dernier, assis à l'arrière de la salle, gardait les bras étroitement croisés sur la poitrine, les pieds posés sur le dossier du siège devant lui, et observait la scène d'un regard noir. Pour un peu, Izuku en aurait presque ressenti une once de culpabilité ; son impatience grandissante, cependant, ne lui en laissa guère le loisir, et il préféra se concentrer sur Uraraka, laquelle écoutait ce qu'Hatsume lui glissait à l'oreille en hochant régulièrement la tête.
Enfin, elle se frappa dans les mains, réduisant les derniers murmures qui agitaient l'assistance à un silence profond.
— Merci, dit-elle. Alors, euh, par où commencer...
— Le plan, lui souffla Hagakure, assez fort pour que les premières rangées l'entendent.
— Ah, oui. Le plan. Comme vous le saviez probablement déjà, Deku...
Celui-ci s'enfonça dans son siège pour s'extraire au regard curieux des autres résidents.
— Je veux dire, reprit Uraraka, nous avons récemment décidé qu'il était temps de mettre en pratique l'une des quelques stratégies développées au cours de ces derniers mois pour la mission... comment s'appelait-elle, déjà ?
— « Annihilation totale des fouteurs de merde d'à côté » ? proposa une voix dans la salle.
— Ah... oui, c'est vrai.
Nul n'avait besoin de poser la question pour savoir qui avait choisi cette dénomination. Izuku vit Kaminari sourire à côté de lui. Quelques gloussements résonnèrent tout autour d'eux, pour disparaître à l'instant où Uraraka reprit la parole :
— Nous avions discuté, en comité restreint, de la faisabilité de ces plans au cours de la dernière réunion. La dangerosité de la situation ayant été jugée trop élevée, il était prévu que ceux-ci ne soient pas mis en pratiques dans l'immédiat.
Katsuki grogna si fort que plusieurs têtes se tournèrent vers lui.
— L'un d'entre eux, néanmoins, nous a semblé suffisamment sûr pour subir un test en bonne et due forme sur le terrain. Malgré les objections de certaines personnes...
— Tu comptes en venir au sujet un jour ou tu vas continuer à nous endormir avec ton introduction de trois heures ? cracha Katsuki en se levant. J'ai pas toute la journée, putain !
Jirou leva les yeux au ciel. Izuku, lui, se tassa un peu plus sur son siège.
— Puisque t'insistes, dit Hatsume avec un dangereux sourire. Ochako, Tooru et moi avons réussi à nous infiltrer au sein de la forteresse de nos chers copains de l'humanité !
Quelques sifflements impressionnés résonnèrent dans l'assistance ; quelqu'un, dans le fond, se mit même à applaudir.
— C'est les Piliers de l'humanité, Hatsume ! la corrigea Kaminari en haussant la voix. Pourquoi est-elle incapable de le retenir ? C'est quand même pas si compliqué, si ?
Jirou haussa les épaules, son attention fixée sur la jeune fille, et Kaminari laissa échapper un léger soupir.
— Voilà, reprit Uraraka. Pour faire simple, il s'agissait avant tout d'une mission d'infiltration-test consistant à y entrer sans nous faire repérer, ce qui a été, je dois dire...
— Un éclatant succès ! termina Hatsume.
— Vous vous y êtes pris comment, exactement ? demanda Jirou.
— Tu étais là quand on en a parlé, remarqua Kaminari.
— J'ai juste envie d'avoir quelques détails.
— Nous nous sommes simplement servies de nos alters respectifs pour entrer sans faire sonner les détecteurs ! expliqua Hagakure d'un ton joyeux.
— Comme l'avait deviné Hatsume, ajouta Uraraka, ils se fondent avant tout sur une perception visuelle combinée à quelques détecteurs de mouvement. De cette façon, la présence d'Hagakure leur est indétectable — pour autant qu'elle soit complètement invisible, bien entendu...
Jirou ne le regardait pas, mais Izuku aurait juré l'avoir vue rougir. Kaminari s'éclaircit bruyamment la gorge.
— J'ai utilisé mon alter pour la faire passer au-dessus du mur d'enceinte, poursuivit Uraraka, et elle s'est servie de la dernière invention d'Hatsume pour brouiller les détecteurs sur cette partie du mur, ce qui nous a permis de rentrer avec elle, conclut-elle dans un souffle.
Elle aussi avait pris des couleurs. Parler en public n'avait jamais été son fort, mais elle paraissait bien gérer la situation. Elle échangea un regard avec Hatsume qui hocha la tête.
— Succès retentissant, donc, déclara cette dernière. Malheureusement, mes bébés n'étant pas exactement au point, leur durée de vie reste plutôt limitée.
— Combien de temps ? demanda Tokoyami, qu'Izuku n'avait pas encore aperçu de la journée.
— Oh, eh bien, c'est un peu aléatoire. Cinq à dix minutes en moyenne.
Katsuki bondit de son siège.
— Dix minutes ? s'écria-t-il. Tu te fous de moi !
— Impossible de les améliorer si je ne suis pas certaine de leur efficacité, répliqua Hatsume. Je veux dire, je pourrais essayer, mais avec nos moyens, ce serait une perte de temps. J'ai autre chose à faire, au cas où, et les pièces ne sont pas toutes réutilisables.
— Vous êtes dingues, commenta quelqu'un dans la salle, mais Hatsume balaya les critiques d'un revers de la main.
— Quoi qu'il en soit, le dispositif fonctionne parfaitement, dit elle avec fierté. Et ce n'est pas tout ! En plus d'avoir confirmé notre capacité à entrer chez ces pliés ou quel que soit leur nom, nous avons eu l'occasion de nous infiltrer dans un de leurs bureaux de maintenance...
— En dix minutes ? répéta Kaminari, incrédule.
— ... et j'ai l'immense honneur de vous annoncer que nous sommes désormais en possession du plan complet de leurs installations intérieures, cent fois plus précis que la... chose... qui nous servait de référence jusqu'ici !
D'un geste triomphant, elle tira de sa poche un petit objet carré qu'elle montra à la salle, les yeux brillants.
— Le destin est en marche ! s'exclama-t-elle en jetant à la clé de stockage un regard éperdument amoureux. Ils ne pourront pas nous empêcher d'entrer plus longtemps !
Des exclamations de joie résonnèrent tout autour d'eux, et Izuku lui-même se sentit réchauffé par une vague d'allégresse. Il n'avait pas de raison de se retenir. Hatsume y avait travaillé d'arrache-pied pendant des semaines ; que ses efforts portent enfin leurs fruits avait de quoi être dignement célébré.
Quelques minutes plus tard, alors que les spectateurs retournaient peu à peu à leurs tâches respectives, Katsuki traversa la salle pour rejoindre le petit groupe sans se soucier des quelques résidents qu'il bousculait au passage. Izuku analysa son visage dès qu'il fut assez proche de lui. Il fronçait les sourcils, ce qui, dans son cas, ne voulait pas dire grand-chose. À vrai dire, il paraissait avoir retrouvé son calme. Enfin, relativement.
— Les plans des lieux, dit-il en fixant Hatsume droit dans les yeux. En volant par-dessus la clôture.
— Il faut croire qu'ils ne sont pas aussi malins qu'ils le pensent, dit Kaminari.
— Ils ne pouvaient pas savoir qu'on disposait de quelqu'un d'invisible, nota Uraraka. Et puis, pour être franche, c'était surtout une histoire de chance. Il n'y avait personne dans le coin. On aurait pu être surprises à n'importe quel moment.
— J'avais dit que c'était leur pause déjeuner, dit Hatsume. Réglés comme des horloges. Mais ils auraient pu sécuriser un peu plus leurs fichiers, les imbéciles. N'importe quel enfant de douze ans aurait pu les craquer en quelques minutes.
Izuku en doutait, mais jugea préférable de se taire.
— Et ils n'ont pas remarqué votre présence ? demanda Tokoyami.
— Bien sûr que non, répliqua Hatsume. Pour qui tu nous prends ?
— Je posais juste la question.
— Aah, les garçons. Vous vous inquiétez pour rien. Leurs alarmes résonnent assez fort pour alerter la Terre entière, au cas où vous l'auriez oublié.
Elle n'avait pas tort. À ce jour, personne n'était parvenu à entrer dans la forteresse sans les déclencher au passage.
— Sur ce, je meurs de faim, ajouta-t-elle. J'espère que vous avez prévu de quoi fêter ça !
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Ils n'avaient pas prévu grand-chose, aussi se contentèrent-ils des quelques bouillons de plantes grimpantes rescapés de la veille qui frémissaient dans la cuisine — ce qui y ressemblait, du moins.
Mina, qui n'avait pas assisté à la séance, écoutait les dernières nouvelles en remplissant les bols que chacun lui tendait en attendant d'être servi. Lorsque vint le tour d'Izuku, elle lui adressa un sourire d'excuse.
— Je n'ai rien trouvé d'autre, cette fois, dit-elle en remplissant son assiette. Nos réserves commencent à baisser. J'espère que ça passera quand même.
Izuku s'empourpra légèrement.
— Ça ne fait rien, dit-il. Merci d'y avoir pensé.
Elle se retourna pour remplir son propre bol puis partit rejoindre les filles déjà installées dans la pièce d'à côté. Izuku la suivit sans mot dire.
Le bouillon, finalement, n'était pas aussi désagréable que dans ses souvenirs. La plupart des gens d'ici, quand les vivres venaient à manquer, se nourrissaient des feuilles et des racines des plantes qui pullulaient en ville malgré leur goût amer et peu appétissant. Ils s'en plaignaient souvent, mais le rationnement imposé par la forteresse qui, dans les temps de grande générosité, leur fournissait de quoi survivre, ne leur permettait pas de faire la fine bouche. Les plantes étaient partout, après tout ; c'était une ressource dont ils ne manqueraient jamais. Elles faisaient partie de leur régime à tous, qu'ils s'en satisfassent ou non.
Ce qui n'était pas le cas d'Izuku.
Ce n'était pas tant le goût que la sensation de nausée et de maladie qui l'envahissaient une fois sur deux lorsqu'il avait le malheur d'y goûter. Il se souvenait d'un hiver, quelques années plus tôt, durant lequel les vivres avaient été annihilés par une querelle qui avait mal tourné, et où ils n'avaient rien pu manger d'autre que ces feuilles et racines pendant des semaines entières.
Izuku n'en avait pas tenu deux. Il avait passé le reste de la saison alité, à boire de l'eau et à vider des boîtes de conserves dont il n'osait imaginer l'âge et que personne d'autre ne s'était risqué à tester. Plus personne n'avait douté de son intolérance, après ça. Katsuki se plaisait même à la remettre sans cesse sur le tapis. Encore un truc de sans-alter, ça, crachait-il en passant. Incapable de s'adapter. T'es pire qu'inutile, Deku. Tu me fais pitié.
Izuku n'y répondait rien.
— C'est incroyablement propre, racontait Uraraka lorsqu'il reprit enfin ses esprits. Pas une seule liane, nulle part. Ils doivent avoir trouvé une parade.
Ils avaient tous fini de manger, aussi Izuku se dépêcha-t-il de vider son assiette afin de l'empiler avec les autres sur la table.
— Ça m'étonnerait, objecta Mina. Ils doivent juste s'en débarrasser tous les jours, non ?
— En tout cas, c'était impressionnant. Et les bâtiments ! On les aperçoit d'ici, mais de près, c'est quelque chose ! Tu savais qu'ils avaient un terrain de sport ?
Katsuki ricana.
— De sport ? Pour quoi faire ? Ils peuvent à peine sortir leur gros cul de leurs fauteuils de velours.
— Je la ramènerais pas trop, à ta place, dit Jirou. Ils t'avaient pas mis la pâtée, la dernière fois ?
— J'étais malade, bordel. Combien de fois il va falloir que je vous le répète ?
— Ouais, bien sûr, dit Kaminari.
Par chance, il s'était installé suffisamment loin pour ne pas subir les conséquences directes de son insolence. Uraraka étouffa un rire.
— Tu as vu leurs écoles ? demanda Asui avec plus de sérieux.
Uraraka se tourna vers elle.
— Juste des bâtiments qui tenaient droit. Je ne sais pas à quoi ils servaient, alors je suppose que j'ai dû en apercevoir en passant...
— J'ai entendu dire qu'ils avaient des serres immenses, soupira Ojiro.
— Et des bibliothèques souterraines, ajouta Izuku, les yeux rêveurs. Vous saviez que près de 90 % des connaissances humaines restantes sont conservées dans leurs bibliothèques ? Je parie que ça leur a pris des années.
— 90 % des connaissances restantes, ça ne vaut rien, le coupa Jirou en croisant les jambes. On ne sait même pas ce qui reste.
— De quoi construire de bons systèmes de sécurité, apparemment, répondit Kaminari.
— Pas si bons que ça, répliqua-t-elle. Et, à ma connaissance, Hatsume n'a pas eu besoin d'une bibliothèque pour développer ses petits...
Elle n'eut pas l'occasion de terminer sa phrase ; une seconde plus tard, la porte explosa.
— Bordel de m... !
Les intrus, trois adolescents qui n'avaient à vue de nez pas plus de leur âge, n'avaient pas l'intention d'écouter Katsuki jurer plus avant. La tête du groupe exécuta un geste qu'Izuku n'eut pas le temps de décrypter. À peine avait-il esquissé un mouvement pour se lever qu'il se retrouva paralysé, enfermé dans un morceau de glace d'une dureté effrayante, comme tout le reste de la pièce, ses camarades compris.
Izuku connaissait cet alter. Ils le connaissaient tous.
Todoroki Shouto.
Ils nous ont repérés.
Le silence s'abattit sur le groupe, tranchant comme un rasoir, puis un des adolescents, un garçon blond dont le visage lui était inconnu, s'approcha de Katsuki avec un sourire faussement jovial.
— Toujours les mêmes, soupira-t-il en lui tapotant le front. Incroyable.
Katsuki tenta de se dégager, sans succès. La glace courait de ses pieds à sa bouche, sans doute pour le faire taire.
— Vous vous êtes bien amusés, j'espère ? continua l'inconnu. Que pensez-vous de notre monde ? J'espère que vous ne comptez pas y passer les vacances. Les conditions d'accès sont plutôt restrictives, à ce qu'on dit — quelque chose comme « ne pas avoir une tête à vomir. » Oh, mais attendez voir...
— Monoma, soupira la troisième personne, une fille rousse qui l'observait en haussant les sourcils.
— Quoi ?
— On n'est pas là pour ça.
Ils se tournèrent vers Todoroki. Ce dernier dévisageait ses victimes une à une, parfaitement inexpressif, comme s'il cherchait à savoir quelque chose que lui seul était capable d'apprendre. Enfin, son regard s'arrêta sur Izuku. Il plissa les yeux.
— Toi, dit-il d'une voix grave.
Izuku déglutit — il essaya, du moins, mais la glace autour de son cou ne lui facilitait pas le travail.
Todoroki traversa la pièce pour s'immobiliser devant lui, puis il tendit la main et frôla l'étrange sculpture gelée du bout des doigts. Elle fondit instantanément.
Izuku reprit sa respiration, le cœur battant, trempé comme une soupe, et il tâcha de regarder l'intrus droit dans les yeux. Il frissonna.
— Toi et les tiens nous avez volé quelque chose, déclara Todoroki. Et vous allez nous le rendre.
Izuku avait la bouche sèche. Il répondit d'un ton mal assuré :
— Je ne vois pas de quoi vous...
Les yeux de l'adolescent se plissèrent dangereusement ; Izuku sentit son dos se couvrir de sueurs froides. Il connaissait Todoroki, grâce aux rumeurs et aux récits rapportés par ceux qui participaient aux quelques inévitables « conflits de voisinage », comme ils les appelaient avec sarcasme, et il savait que, si le garçon décidait de passer à l'attaque, il n'aurait pas la moindre chance de s'en sortir indemne.
Surtout pas lui.
Todoroki l'attrapa par le col de son t-shirt.
— Je n'ai pas de temps à perdre avec vous, prévint-il. Rendez-nous ce qui nous appartient, ou tes amis resteront ainsi jusqu'à ce que la glace fonde.
Izuku n'avait pas besoin de regarder pour savoir qu'il ne plaisantait pas. Il tourna la tête vers Uraraka, assise à sa gauche, dont les yeux brillaient sans qu'il puisse en deviner la cause.
Alors il céda.
— Hatsume...
Celle-ci ferma les paupières.
— Debout, ordonna Todoroki, et Izuku obéit. Va le chercher.
Il s'exécuta, malgré le manque de stabilité de ses jambes, et attendit que Todoroki ait fait fondre la glace autour de la jeune fille pour plonger la main dans sa poche et en sortir la clé de stockage, une boule au ventre.
— Je suis désolé, lui murmura-t-il en serrant les dents.
Désolé de ne pas pouvoir nous défendre. De réduire tout notre travail à néant.
Todoroki tendit la main. Izuku déposa l'objet au creux de sa paume, son souffle coincé quelque part dans sa gorge, l'estomac au bord des lèvres.
Le garçon ne le remercia pas. Il se détourna et, alors que ses deux compagnons sortaient de la pièce, la glace s'évanouit.
Puis il ferma la porte et disparut.
— Ce fils de pute ! cracha Katsuki en claquant des dents. Merde !
— Ce n'est rien, le calma Hatsume. Ça va.
Comme les autres, elle se frottait énergiquement les bras pour récupérer un peu de sa chaleur perdue. Uraraka lui jeta un regard inquiet.
— Tu es sûre ? dit-elle. Les plans...
— Oh, ça ? Je les ai copiés il y a quelques heures. Il nous prend vraiment pour de profonds imbéciles, celui-là.
Izuku laissa échapper un soupir de soulagement. Hatsume lui tapa dans le dos avec un grand sourire.
— Pas de quoi s'en faire, tu vois ? Et puis, même s'ils nous les avaient pris, mes bébés sont toujours bien cachés et parfaitement fonctionnels. Rien ne nous empêcherait de retourner y faire un tour.
— Tu avais dit qu'ils ne vous avaient pas vues, nota Jirou. Ils étaient là, pourtant. Ils savent peut-être comment vous vous y êtes prises.
— Aucune chance, objecta-t-elle derechef. Ils ont dû remarquer quelque chose de bizarre à la maintenance, c'est tout. Je suis sûre que leur programme a simplement conservé une trace du piratage, si on peut appeler ça comme ça. C'était de l'improvisation totale, après tout. J'arrangerai ça pour la prochaine fois, vous verrez !
Kaminari s'approcha de la fenêtre et posa les mains sur la vitre.
— Il est quand même sacrément surpuissant, commenta-t-il. Comment on peut naître avec un alter pareil ? Putain d'injustice !
Puis, se rendant compte de ce qu'il venait de dire, il adressa à Izuku un sourire gêné.
— Enfin, ajouta-t-il, tu vois ce que je veux dire. Il est à des kilomètres au-dessus de nous, là. Je pouvais plus rien faire.
— C'est le fils de leur espèce de gouverneur, non ? rappela Mina. Ce n'est pas si étonnant que ça, quand on y pense.
Tous hochèrent la tête.
— J'ai entendu dire qu'ils sélectionnaient leur population, ajouta Hagakure.
— Comment ça, ils sélectionnent ? demanda Kaminari.
— Bah, tu sais, ces trucs sur la survie de l'espèce... ils s'arrangent pour que les alters s'améliorent au fil des générations.
— Et comment tu fais ça, exactement ? Par lobotomie ? Ça expliquerait pas mal de trucs, note.
— Régulation des naissances, intervint Tokoyami. Ils calculent les mélanges les plus avantageux et se marient en conséquence. Si ce type est hiérarchiquement haut placé, il y a fort à parier que ses gènes aient été sélectionnés depuis plusieurs générations, si pas depuis la fin de la guerre.
— Ça ne m'étonne pas d'eux, dit Kaminari. Tiens, les revoilà. Ils ne sont pas pressés !
Katsuki sauta par-dessus le canapé pour regarder par la fenêtre, bientôt rejoint par Izuku et les autres. En bas, les trois intrus traversaient la cour, les mains dans les poches.
— Je vais exploser ces piliers de mon cul ! rugit Katsuki.
— Laisse tomber, Baku...
Mais la porte claquait déjà.
— ...gou..., termina Jirou. Il est infernal.
— J'espère qu'il les éclatera, déclara Uraraka en tapant du poing sur le creux de sa main.
— Quoi, tout seul ? s'exclama Kaminari. Aucune chance.
— Oui, t'as raison. Qui vient avec moi ?
Quelques instants plus tard, Tokoyami, Jirou, Mina et Izuku suivaient Uraraka dans les couloirs du complexe, tandis que Kaminari, un peu en arrière, appelait les résidents à se joindre à eux à grands bruits.
Ils rattrapèrent Katsuki à quelques centaines de mètres des bâtiments. Celui-ci, accroupi près d'une maison au coin de la rue, avait les yeux rivés sur un point invisible depuis leur angle de vue.
— Pas trop tôt, siffla-t-il en constatant leur arrivée.
Ils étaient sept, Sero s'étant ajouté au groupe en passant, et ne répondirent que par un sourire entendu.
— Ils sont là-bas, les informa Katsuki en désignant trois silhouettes du doigt. Mieux vaut les attaquer avant qu'ils n'atteignent leur territoire.
— Quelle prudence, Bakugou ! se moqua Uraraka.
Il claqua la langue et se redressa.
— On devrait s'en sortir si on parvient à éviter ses attaques, fit Tokoyami. Vous connaissez les alters des deux autres ?
Comme personne ne répondait, il soupira :
— On les découvrira au passage, alors.
Et, d'un même mouvement, ils se mirent à courir.
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Le crâne d'Izuku cogna durement contre l'asphalte. Il retint le cri de douleur qui lui montait dans la gorge, lui griffait la langue et tentait de forcer la barrière de ses lèvres comme un monstre aux longs doigts crochus.
L'espace d'une seconde, il se rappela ce jour où, petit, il avait chuté dans une crevasse au bord de la route, et où il avait eu si mal qu'il avait cru mourir.
Il se souvenait du sang qui coulait de son front à sa gorge, des larmes qui lui brûlaient les yeux comme les feux de l'enfer ; il se souvenait avoir regardé en haut, où disparaissait déjà la lumière du soleil, et avoir pensé : il ne reviendra pas.
Mais il était revenu. Il revenait toujours.
Comme Izuku.
Il serra la mâchoire, passa le poing sur les larmes qui coulaient sur ses joues maculées de poussière, et se remit debout en titubant.
Todoroki le regarda faire sans bouger, conscient de ce qui arriverait ensuite, ce qui était arrivé trop de fois déjà.
Izuku perdrait, Izuku tomberait, et il le regarderait avec la rage commune à tous ceux du dehors, celle qui naissait de l'expérience de l'injustice, du danger et de la peur ; Izuku se relèverait, jusqu'à ce que son corps l'abandonne, et il tenterait de l'arrêter par tous les moyens, une fois de plus, sans jamais flancher.
Izuku pouvait tomber mille fois, il se relèverait mille fois encore, et ne cesserait que le jour où le soleil lui-même se fatiguerait de la planète qu'il observait de son grand œil d'or.
— Renonce ! hurla Todoroki pour couvrir les bruits des combats qui se multipliaient autour d'eux.
Izuku se jeta sur lui. Pris par surprise, Todoroki ne répliqua pas ; il s'effondra, les mains sur les épaules de son assaillant pour l'empêcher d'approcher, puis le repoussa de toutes ses forces avant de bondir sur ses jambes, le souffle court.
Izuku resta au sol quelques instants. Se redressa.
— Tu n'as aucune chance !
Izuku s'en fichait. Il expira.
— Je sais.
Il l'avait toujours su. La chance n'existait plus, quand on naissait sans-alter. Seulement la volonté de survivre.
— Je sais, dit-il à nouveau, et à nouveau il se jeta en avant, hurlant, cette fois, pour que ce qui lui restait de courage ne s'efface pas avec le vent.
Cette fois, Todoroki l'attendait ; au dernier instant, il s'écarta d'un bond, cueillit Izuku d'un coup de poing en plein ventre et le regarda tomber sur les genoux, le souffle coupé.
— Quel genre de personne permettrait à un sans-alter de s'embarquer dans ce genre de combat ? demanda Todoroki. Quel genre de personne...
Quelqu'un l'appela, quelques mètres plus loin, et il jura entre ses dents.
— Ça me rend malade, lâcha-t-il.
Puis il frappa la route du pied, emprisonnant les mains et les jambes d'Izuku dans un bloc de glace, et disparut dans la cohue.
Les combats avaient pris une ampleur inquiétante quelques minutes seulement après leur commencement. Trop proches de la forteresse, Todoroki et les autres avaient rapidement reçu assistance de ceux qui attendaient leur retour. Les événements auraient pu s'arrêter là, si une nuée de gamins errants n'avaient pas pris la décision soudaine de prêter main-forte à leurs ennemis, sans doute alertés par les cris de Kaminari. Quelques vagabonds du coin, de ceux que répugnait la vie en groupe et qui se terraient la plupart du temps dans les derniers immeubles en bon état de la ville, s'étaient même joints à la bataille, sans doute pour le plaisir de remettre les « piliers de l'humanité » à leur place — leur mépris mutuel n'avait rien d'un secret.
Ainsi, la querelle s'était transformée en chaos monstrueux — quant à savoir quand celui-ci prendrait fin, c'était une autre histoire.
Izuku ne put se relever que lorsque Mina, qui l'avait vu à terre, vint l'aider à se dégager de ses entraves. Il voulut la remercier, mais elle s'était déjà jetée dans la mêlée. Il se massa les poignets en grimaçant, puis chercha ses compagnons du regard, trop conscient du fait qu'il ne pourrait probablement pas leur venir en aide, quand bien réussirait-il à les atteindre de là où il était.
Il aperçut Uraraka, aux prises avec une femme de quelques années son aînée, puis Katsuki et Kaminari qui, de leur côté, se battaient avec le garçon blond — Monoma ? — ainsi qu'une jeune fille qu'il connaissait sous le nom de Yaoyorozu et dont l'alter permettait de créer des objets à partir de rien. Un talent dangereux, lorsqu'on savait comment s'en servir — et Yaoyorozu le maîtrisait à la perfection.
Il songea un moment à leur venir en aide quand son regard fut attiré par un homme à sa droite, un vagabond dont le nom, bien qu'il l'eût croisé plus d'une fois, lui restait inconnu. Tokoyami l'avait appelé Eraserhead, un jour, mais il était courant pour les habitants isolés d'utiliser un alias auprès des étrangers, aussi Izuku ne pouvait-il connaître sa véritable identité. Pas plus que son alter, dont le secret était jalousement gardé par son détenteur.
Son cerveau se mit à tourner à toute allure.
C'est l'occasion ou jamais. Puisque tu ne peux pas te battre, récolte des informations. Réfléchis. Ta survie en dépend.
C'est ta dernière chance de te rendre utile, Izuku.
Alors il observa, les yeux grands ouverts, le combat qui opposait l'homme à un Todoroki manifestement épuisé et chancelant. Izuku retint son souffle.
Que lui est-il arrivé ?
Quelle que fût la nature de l'alter d'Eraserhead, Todoroki aurait dû être assez puissant pour lui donner du fil à retordre. Le garçon, cependant, ne répliquait qu'à peine aux coups qui pleuvaient de toute part ; il se défendait bien, certes, mais refusait visiblement de se servir d'un alter qui, d'ordinaire, aurait dû lui assurer une victoire aisée.
J'ai besoin de savoir. Fais quelque chose, Todoroki. Montre-moi ce dont il est capable.
Nulle trace d'explosion glacée, pourtant, lorsque Eraserhead le repoussa violemment contre un mur de briques sèches ni quand il perdit l'équilibre et se laissa tomber au sol, la respiration hachée, pour se protéger le visage d'un vain mouvement du bras.
Pourquoi ne se défend-il pas ?
Une limite à son alter ? Il l'a utilisé plusieurs fois, aujourd'hui. Un peu trop ? Mais il ne se serait pas à nouveau jeté dans la bataille s'il connaissait ses limites, Izuku. Et il les connaît. Il doit y avoir autre chose.
Se pourrait-il qu'Eraserhead...
Ses pensées s'interrompirent brusquement, comme les détonations et les éclats de voix, et le silence le frappa d'un coup, une claque dans la figure, une seconde de vertige.
L'alarme se déclencha à nouveau. Izuku frémit.
Tout se passa très vite.
Un cri d'alerte, et l'animosité qui régnait encore quelques instants plus tôt se mua en un sentiment d'urgence partagé ; une première personne se mit en mouvement, puis une autre, et bientôt chacun courait à toutes jambes, les habitants de la forteresse cherchant à retrouver la sécurité de leur citadelle imprenable, ceux de la ville se dirigeant vers les abris les plus proches, déjà trop éloignés.
Le cœur d'Izuku se décrocha de sa poitrine pour s'écraser quelque part entre ses côtes meurtries.
Il arrive. Tu dois fuir.
Tu dois fuir.
Tout de suite !
Une feuille sèche se souleva du sol pour se coller à son bras. Le vent se leva sans avertissement, d'abord brise légère, puis tempête enragée, le repoussant avec tant de force qu'il craignit un instant de s'envoler.
La poussière, au loin, prenait possession des nuages et du ciel. Il ne tomba pas, cette fois.
Il fit un pas en arrière, prêt à s'enfuir, quand son regard glissa jusqu'au mur contre lequel Todoroki s'était effondré à peine une minute plus tôt, contre lequel il gisait encore, peut-être trop mal en point pour bouger, trop mal en point pour comprendre.
Tu ne peux pas le laisser comme ça.
Fuir, fuir, fuir —
Tu ne peux pas le laisser.
C'est l'un d'entre eux. Ils vous pourrissent la vie —
Tu ne peux pas.
Va-t'en ! MAINTENANT !
Lorsque la poussière abattit sur eux ses ténèbres et sa peur, Izuku était déjà parti. Quelqu'un cria son nom, quelque part dans l'obscurité, mais il ne se retourna pas ; les bras sous les épaules de Todoroki, il se traîna le long du trottoir, malgré la terreur, l'absence de lumière, l'odeur de gaz et de fumée, si proche, beaucoup trop proche...
Tu n'y arriveras pas.
Laisse-le et va-t'en !
Abandonne.
Il est fini, Izuku, mais pas toi. Pas toi.
Barre-toi d'ici, barre-toi, dégage, dégage, dégage...
Ses mains s'accrochaient pourtant.
C'est fini.
C'est trop tard.
Tu vas mourir. Vous allez mourir, vous allez...
Il y eut un grondement sourd. Le sol se mit à trembler.
Une cachette, quelque part, tout près, tu l'as vue en arrivant, tu l'as vue, Izuku, tu l'as enregistrée, où est-elle, où, où est... où est...
Son pied buta sur un objet lourd. Son cœur tambourinait si fort qu'il entendait à peine le chant lancinant de ses pensées. Sa main, dans le noir, se posa sur une surface métallique et tranchante.
Ça y est.
— Grimpe ! cria-t-il à Todoroki par-dessus les hurlements du vent.
Il lui fit la courte échelle, supporta son poids tant bien que mal, puis se retourna vers le vide béant derrière lui.
Les tremblements s'arrêtèrent.
Quelque part loin, très loin au-dessus de lui, deux yeux rouges se détachèrent des ténèbres. Il sentit son cœur cesser de battre. Sut que tout était terminé.
Le voilà. Le golem.
Désolé, tout le monde. J'ai fait ce que j'ai pu.
Uraraka, Kacchan...
Puis Todoroki l'attrapa par le bras, le tira de force à l'intérieur du camion, et les yeux rouges disparurent derrière un rideau de fer, perdus dans la tempête, la poussière et l'obscurité.
Merci d'avoir lu ce long premier chapitre :D erhmmm
Les reviews sont toujours bienvenues, puisqu'elles sont à peu près la seule chose qui me permette de ne pas ramper au sol de désespoir quand mon cerveau a décidé que tout ce que je faisais était une sombre merde :3 De même, un avis sur ce début me permettra de savoir où aller pour la suite, donc voilà.
On se retrouve bientôt (relativement) pour la suite ! Bye bye :D
