Becoming Pride
Devenir Fierté
Bonjour à tous !
Ceci est une traduction d'une fanfiction anglaise de Dragon Age. Sur , elle existe sous le nom de Pride, de l'auteur Elaine de Feu. Sur AoO, il y a la première version nommée Pride et la réécriture, dont la première partie se nomme Becoming Pride, et le nom de l'auteur sur ce site est Kazia0002. Cette traduction est le premier chapitre de la version réécrite, et je vais continuer à suivre cette version, tout en encourageant fortement les lecteurs, s'ils peuvent, à se régaler de la version anglaise.
J'ai, bien entendu, l'autorisation de l'auteur, que je lui ai demandé avant de commencer à traduire, avant de publier ce chapitre, et que je redemanderai à chaque nouveau chapitre. C'est important que vous sachiez que cette histoire ne m'appartient en rien, et que toute cette histoire merveilleuse est l'œuvre d'Elaine de Feu.
Je traduirai, aussi régulièrement que possible, chaque chapitre de sa nouvelle version. Je traduirai non seulement l'histoire, mais toutes les notes qu'elle met en début et en fin de chapitre (mes propres notes sont en italiques, ainsi que vous pouvez le voir).Important également, sachez que je traduirai toutes vos reviews et les lui enverrai, sans exceptions possibles.
Pour le courant de l'histoire, je mettrai régulièrement des notes pour vous informer de changements, d'avertissements et autres. Pour le moment, sachez que la Note, marquée avant le titre du chapitre, est une chanson qu'elle a probablement écoutée en écrivant.
Evidemment, au-delà des reviews adressées à Elaine, si vous voulez me faire part de la moindre remarque, critique et appréciation de mon travail de traduction, faites-vous plaisir. On ne progresse pas en restant borné.
Je vous souhaite d'apprécier cette histoire autant que je l'ai appréciée.
Joanne est à première vue une étudiante normale. Elle balance entre le travail, les études et son petit ami avec un succès minime. Ce qui la rend spéciale sont ses rêves, qui l'emmènent au travers de royaume fantastique, lui permettant d'assister à des merveilles et des splendeurs au-delà de toute comparaison. Jusqu'à ce qu'un jour, elle capte l'attention qui est plus que ce qu'il semble.
Une idée originale d'une fille des temps moderne dans Thédas, à travers les âges. Thédas est un autre monde, pas un jeu.
Avertissement : angoissant, lent, viol : non consentement, rien d'explicite toutefois. AU. Coutumes et événements principalement respectés, avec des rebondissements et des changements, principalement dans la partie Inquisition.
Ce travail est le résultat de nombreuses heures d'écriture, et encore plus d'heures de réflexions et de considérations sur la trame. J'ai passé beaucoup de temps à écrire chaque scène. J'accueille et encourage tous les commentaires. J'adore les lire, ils sont une motivation importante pour continuer d'écrire. Donc, s'il-vous-plaît, n'hésiter par à me laisser vos impressions.
Notes : Infinite Legends – Two Steps from Hell
Chapitre 1 : Rêveuse
Ouvrant la porte, je titube sans grâce dans mon appartement, trébuchant presque sur des chaussures éparpillées sur le sol. Je me débarrasse de mon manteau trempé et le jette sur une chaise dans un coin, tout en maudissant bruyamment le monde en général, et le temps en particulier. Je me dirige droit vers la salle de bain, éparpillant mes habits en chemin, et commence immédiatement à faire couler un bain brûlant. Tout en surveillant la température, je retrace les événements de cette malheureuse journée qui ont contribués à mon état pitoyable.
Je déteste les Lundis dans le meilleur des cas. La perspective des cinq jours de travail et d'études en continus provoque la partie grognon de mon être. Ce lundi-là, toutefois, vient d'établir une nouvelle définition de mauvais, arrivant tout droit du purgatoire.
Quand je me suis réveillée, j'ai regardé à travers la fenêtre au-dessus de mon lit et ai senti mon humeur s'assombrir. Des cieux grisâtres et de fortes rafales de vent, faisant danser les feuilles sur les trottoirs, étaient deux déprimants signes du plein élan de l'automne. C'était une petite bruine quand j'ai quitté mon immeuble, mais le temps d'arriver à l'arrêt de bus, la pluie s'était transformée en véritable déluge. Mon parapluie s'était révélé une défense complètement inefficace contre l'intensité de l'orage, et j'étais ruisselante de la tête aux pieds en arrivant au travail.
Frissonnante et les lèvres bleuies, j'ai fait face au regard sévère de la réceptionniste de l'hôtel. Elle a lancé un regard dédaigneux vers les gouttes d'eau tombant de mes vêtements sur le tapis inestimable, et reniflant avec une claire désapprobation, m'a chassé vers les vestiaires.
J'ai simplement suivi les directives, avec l'impression d'être une enfant prise en faute. Restant loin du regard des clients, afin de ne pas les choquer par mon imitation de rat noyé, je me suis demandé si emprunter discrètement des serviettes dans le meuble était possible. Et s'il restait le moindre mouchoir après l'inondation désastre de Martha la semaine dernière.
Je suis parvenue à me rendre présentable, et ai espéré que le pire était d'ors et déjà derrière moi. Espoirs rapidement écrasés, lorsque je dû me farcir un client particulièrement pénible. J'ai reçu un interminable et houleux sermon d'un homme au visage rubicond, l'un des influents et fréquents visiteurs, malheureusement. Son statut signifiait que je devais supporter silencieusement ses éclats de voix, au lieu de parler de son mécontentement à propos du service, tandis qu'il agitait virulemment ses mains devant mon visage. Je ne comprenais pas quel était le réel problème, puisque selon ses propres mots absolument tout était d'une qualité inférieure, en deçà des attentes. Evidemment, jugeant la régularité de ses apparitions, ses allégations étaient peu plausibles. A la fin, j'étais plutôt certaine qu'il vidait juste son sac, et que le problème qui l'avait tant enragé n'était en rien lié à mon travail. Par malheur, cela ne me donnait pas le droit de me retirer. J'ai dû serrer les dents, faussement sourire et hocher poliment la tête jusqu'à ce qu'il ait fini. Oh, les joies de faire partie du service de chambre.
A la fin de mon service, j'ai dû me précipiter à l'université. Quitter mon uniforme pour mes vêtements toujours trempés a été une nouvelle forme de torture. Bien que la pluie se soit calmée, le vent demeurait soutenu, et avec le tissu humide collé à ma peau, mes dents se sont rapidement mises à claquer. Sinistre, j'ai commencé à constituer les excuses que j'allais devoir donner pour l'inévitable congé-maladie des prochains jours.
Le désagrément de ma tenue et le froid suintant dans mes os présentaient des conditions difficilement favorables à l'apprentissage. Rien de surprenant à ce que mon esprit n'ait pas été concentré sur les rigoureuses questions de mon professeur d'économie, m'attirant une humiliation amplement méritée devant tout le monde. Inutile de dire que cela n'a pas amélioré mon humeur déjà mauvaise.
Enfin, sur le chemin du retour, je me suis retrouvée aux prises d'une vaine querelle avec une vieille dame clairement aguerrie et convaincue que je l'avais poussé intentionnellement. La simple idée me révulsait. J'ai perdu le contrôle de mes nerfs, et j'ai répliqué vertement au lieu de simplement l'ignorer. Bien sûr, cela n'a fait que l'encourager, et la femme a piaillé railleusement au cours des dix minutes restantes du trajet. J'étais soulagée d'en être libérée, même si cela signifiait que je devais marcher dans le froid une nouvelle fois.
Jetant un œil au niveau de l'eau, je ferme le robinet. Avec un léger sifflement quand la température mord ma peau, je m'immerge dans la chaleur. Mes muscles se relâchent, et le stress de ma désastreuse journée fuie mes os. C'est un pur bonheur, et ça me prend un certain temps de me convaincre de sortir du bain. Mon téléphone sonne pour la troisième fois d'affilée avant que je me sente suffisamment prête. Gouttant partout sur le sol, recouverte de ma serviette, j'allume mon téléphone d'une pichenette et prends l'appel.
Puis je passe cinq minutes à expliquer avec passion à Tim qu'aujourd'hui n'est pas le bon jour pour sortir. Mon meilleur ami tourne autour de mon autre copine Lisa depuis des années, et malgré tout ce temps, l'inviter directement à sortir avec lui semble au-delà de ses capacités. Habituellement, cela ne me dérange pas de tenir la chandelle de leur timide idylle, mais aujourd'hui je n'ai pas envie de jouer la troisième roue du carrosse de leur relation naissante. Surtout que mon propre petit ami et compagnon lors de ces sorties est à l'étranger, et subir de perpétuelles piqûres de rappel n'est pas la manière dont j'imaginais passer ma soirée après ce cauchemardesque début de semaine.
Je ne mâche pas mes mots, disant à Tim de faire avec et de me lâcher la grappe, et j'ajoute quelques cinglantes remarques sur le temps et sa santé mentale douteuse avant de couper la conversation. Je me prépare un rapide repas à partir des restes d'hier, et laissant la vaisselle pour le lendemain, j'attrape mon livre du moment sur la table. Je pousse un soupir de contentement, tranquillement roulée en boule dans les couvertures. Moins de trente minutes découlent avant que le livre ne s'échappe de mes doigts endormis. Ma respiration devient régulière et mes paupières s'alourdissent, somnolente dans la douce chaleur.
Mes yeux s'ouvrent sur une verte clairière, entourée d'une forêt dense. Sous mes pieds s'étend une herbe grasse et des fleurs colorées. De majestueux arbres offrent une ombre agréable, s'étendant fièrement vers les cieux, si grands que je peux à peine voir leur sommet. Un ruisseau traverse la clairière, ses eaux cristallines brillant telles des écailles argentées. Son cours n'est pas droit, mais prend de nombreuses courbes, vives et adoucies, serpentant aléatoirement dans l'herbe. A la bordure de la clairière où le sol s'abaisse brusquement, une petite formation rocheuse crée une petite cascade. Les rayons du soleil chatoient d'une myriade de couleurs tandis qu'ils caressent les gouttelettes, formant un arc-en-ciel.
Je m'immerge entièrement dans la beauté originale des environs, cela me prend un certain temps pour remarquer que l'image possède quelque peu d'étrangeté. Les arbres diffèrent de ceux que je connais, la forme des feuilles est dissemblable, les couleurs plus variées et plus vives. Les petites fleurs et les buissons sont complètement méconnaissables, modelés dans une multitude d'étranges aspects.
Comme je lève les yeux, je pousse une exclamation stupéfaire. Les cieux sont si hauts, leurs teintes si vives ! Je me protège les yeux du soleil, admirant l'étrange aspect vert de l'air, contraste facilement remarqué par rapport au bleu pâle auquel je suis habituée.
Il n'y a pas le moindre doute dans mon esprit : je ne suis plus sur Terre.
Je suis tellement perdue dans mon exploration des merveilles alentour que je ne remarque pas la présence de quelqu'un d'autre à proximité avant qu'une voix vraiment jeune m'interpelle de derrière.
« Ahn elgar ma ? »
Je me retourne et regarde fixement, frappée de mutisme. Quand je pensais que plus rien ne pouvait me surprendre dans mes rêves désormais… Jamais auparavant ai-je contemplé une beauté si parfaite chez un humain. L'enfant en face de moi – pas un humain, me corrige-je, remarquant les oreilles fortement pointues – est chatoyant de nuances d'or, mis en valeur par la lumière solaire. Des cheveux blonds pâles, une peau lumineuse, des yeux d'ambre sombre aux paillettes pétillantes. Une forme de dignité émane de son être même, une qualité indéfinissable qui me donne envie de m'approcher, de le toucher et de ne jamais le laisser partir. Fascinant. Un petit elfling doré.
« Ahn elgar ma ? » Il répète avec une pointe d'impatience grandissante, et je sors de ma stupeur. Mon manque de réponse a été extrêmement malpoli, je réalise avec peine. Mais que puis-je dire ?
« Je ne comprends pas ce que tu dis. » Est ma réponse, et je prends soin de garder ma voix calme et paisible.
Ses yeux s'écarquillent un instant, et je peux facilement lire son intérêt. Il me fait signe de le suivre et me mène à l'orée de la forêt par un sentier la traversant. Je peux apercevoir un édifice assez grand, que je juge être une sorte d'atelier une fois entrée. Il y a des esquisses et des diagrammes sur la table, et de nombreux projets à moitié achevés traînent un peu partout. Le sol est jonché de morceaux de matériel brillant étrangement. Il m'est impossible d'imaginer d'où tout cela vient, et encore moins ce que pourrait être leur utilité.
Le désordre est presque aussi intéressant que l'elfe lui-même, et je regrette profondément mon incapacité à toucher – puisqu'il apparait que je suis complètement immatérielle. J'aurais adoré examiner ces objets avec précision, enquêter sur l'aura lumineuse, et découvrir leur fonction. La barrière linguistique devient plus ennuyeuse encore alors que je regarde partout avec curiosité, débordant de questions sans réponses. Qui est-il ? Comment peut-il avoir un tel endroit à sa disposition – et comment peut-il être le principal inventeur ? Quel est cet endroit exactement ?
Heureusement, il semble que l'elfling est aussi frustré que moi de nos problèmes de communication. Mon enthousiasme se traduit en attention, et le laborieux processus d'apprentissage commence. Nous entamons par les rudiments : je pointe du doigt les objets autour de nous, et patiemment il les prononce pour que je le comprenne. Je suppose que j'aurais dû être surprise, une telle patience est si atypique pour son âge. Les enfants sont aisément découragés, mais avant que je ne réalise que son comportement est inhabituel, je le prends déjà comme allant de soi.
Répétition après répétition, mot après mot. Je lutte avec l'accent et l'intonation, mais en dépit des difficultés mes progrès sont réguliers. Plus j'apprends, plus je suis captivée par la beauté de son langage et me sens poussée à faire des efforts.
Le temps passe, et je commence à apprécier les avantages de mon corps immatériel, ne nécessitant ni repos ni nourriture. Le petit elfling a besoin de dormir cependant, et des gens – des serviteurs je suppose – lui apportent ses repas. Je trouve toujours cela étonnant que ses parents, ou ses gardiens, lui autorisent une telle indépendance sans supervision. Mais je n'ose les condamner sans en apprendre plus de la situation et des coutumes locales. D'autant plus que l'enfant – June, puisque nous avons finalement dépassé les introductions – semble extrêmement débrouillard.
Quand le soleil se couche et que ses mouvements deviennent endormis, je l'exhorte de quelques gestes clairs de ne pas hésiter à cause de moi et de se reposer. Avec une pointe de malaise il finit par m'obliger, tandis que je passe la nuit à me promener dans les alentours. J'admire les étoiles de constellations inconnues, et deux lunes illuminent les ténèbres. La forêt est silencieuse autour de moi, et cela plus n'importe quoi d'autre me convainc que nous sommes véritablement en pleine nature. Il n'y a rien du remue-ménage de la civilisation à proximité, et aucune lumière citadine de perturbent la nuit.
De manière impromptu, cela me fait m'interroger sur les moyens des serviteurs de venir apporter les repas de l'enfant. Et comment ils repartent, également. Mais consciente que c'est un sujet bien trop compliqué pour de simples gestes, je garde cette question pour plus tard.
Au petit matin, je retourne à l'abri-atelier, où le petit doré est déjà debout et tape du pied sur le sol, bras croisés avec irritation et une adorable moue sur le visage. Je souris d'un air désolé, et nous retournons immédiatement à mes leçons.
Les jours s'écoulent comme du sable à travers mes doigts, innombrables et inaperçus. Ce n'est qu'après un moment que je remarque qu'il a négligé – le mot est faible, l'expression juste serait abandonné – son travail pour moi. Je ressens un élan de culpabilité, et en conséquence une poussée de motivation, lançant un coup d'œil oblique en direction des nombreux, sans aucun doute fantastiques, projets alentour. Ce serait faire preuve d'une profonde ingratitude de ne pas lui offrir mon maximum.
Nous finissons par atteindre le stade des premiers échanges, de phrases quelque peu cohérentes, quand un son retentissant m'assaille les oreilles. Je ne comprends pas ce qui passe au début, me redressant en un soubresaut et regardant autour de moi frénétiquement. La source du son semble être proche, et pourtant je ne peux pas la voir. Puis une sensation d'une rapide chute, et je vois un éclat soudain de lumière.
Haletante, mes yeux s'ouvrent brutalement et je cligne rapidement des paupières pour m'habituer à la lumière sombre du matin automnale.
Je suis hébétée en premier lieu, et cogne ma main contre le coin de la table en cherchant à atteindre le bouton pour éteindre l'alarme du réveil. La douleur soudaine et inattendue me rappelle durement que je suis matérielle. Je suis stupéfaite : toutes ces journées passées dans mon rêve ne s'avèrent être qu'un moment. Mais rapidement, étudiant la situation calmement, je suis forcée d'admettre qu'il n'y a rien d'inattendu là-dedans. Ce n'est honnêtement pas la première fois que cela arrive.
L'alarme se remet à sonner. Avec un agacement grandissant, je jette sans grande conviction un coussin dans sa direction, ne voulant pas risquer un autre bleu en tendant encore mes membres. Un grand fracas, et le son incriminé s'achève. Impassible, je jette un œil à la triste épave au pied du lit – yep, pas moyen d'y échapper, je vais devoir en acheter un autre. Cela non plus n'est pas particulièrement étonnant. Mes réveils ont une courte espérance de vie.
Cette journée se passe dans un brouillard agité, tandis que les mots de June occupent tout mon esprit : clairs, mélodieux et impossibles à oublier. J'ai la tête dans les nuages, me rappelant les merveilles du nouveau monde que je vais explorer, attirée par mes crayons comme un papillon par la lumière. Je finis par gribouiller des croquis décousus sur des morceaux de papier perdus, et obtiens un sermon de mon patron pour ça. Je n'en fais que peu de cas – je l'ai mérité, mais je ne prétends jamais être contrite. Je ne suis pas une bonne menteuse.
Mes collègues échanges des coups d'œil connaisseurs, et me donnent un travail demandant moins d'investissement. Je suppose que ce n'est pas la première fois que je suis inspirée, et ils savent déjà que dire quoi que soit est inutile. J'ignorerais juste leurs conseils plein de reproches, et continuerais ainsi. Heureusement pour moi, je suis une employée très assidue, et les léthargies causées par mes peintures sont tolérées.
Cela ne diminue pas ma gratitude pour leur légère interférence. J'adore peindre, mais j'ai besoin de ce travail pour m'entretenir également. Je détesterais devoir choisir entre les deux.
Je commande à manger en rentrant, ne voyant pas l'intérêt à cuisiner quand je suis seule à la maison. Sans m'arrêter, je cours presque à mon bureau, échangeant rapidement mon uniforme contre un survêtement confortable et tablier usé couvert de tâches de peinture. Mordillant ma lèvre de concentration, je tente de rendre justice par des lignes fluides et expérimentées à l'elfling aux cheveux d'or que j'ai vu dans mon rêve, créant la vie sur la toile. Ce qui en ressort est très éloigné de ce que j'ai vu – les formes trop épaisses et les proportions faussées – mais j'ai réussi à capturer la curiosité de son regard, donc ce n'est pas si terrible pour une première tentative. Je fais un pas en arrière et observe le résultat, fronçant les sourcils pensivement. Je décide que j'ai trop voulu suivre une apparence humaine, je jette le croquis et recommence. L'elfe était bien plus élancé, sa poitrine clairement plus étroite. Il avait une fragilité éthérée, et pourtant restait fermement enraciné dans la réalité l'environnant. Je veux capter cela, et grâce à sa douce voix résonnant dans ma tête, j'ai une bouffée d'inspiration.
Je me demande si tenter de dépeindre ses rêves sur une toile est si inhabituel. Si représenter les sons, les odeurs et les illusions est impossible. Je n'ai jamais eu d'entrainement formel, je ne suis jamais allée en Ecole d'Art et je n'ai jamais eu aucunes leçons. Mes parents désapprouvaient mon loisir, et le temps qu'il nécessitait – j'ai à peine réussi à les convaincre de m'envoyer à un camp de peinture de deux semaines, et ce n'est arrivé qu'une seule fois. Je suis donc principalement une autodidacte, mes connaissances des ombres, des perspectives et des techniques ne peuvent être comparées à celles d'autres artistes. Mais ce qui me manque en entrainement, je le compense par mon imagination sans limite et mon entêtement.
Je sais que je vais essayer, encore et encore, jusqu'à ce que ce soit parfait.
Enfin, mes mains déclarent forfait, et je dois poser les pinceaux et nettoyer les bavures. M'observant dans un miroir, je remarque que j'ai réussi à me peindre une joue avec un fusain. Je secoue la tête avec autodérision et m'essuie la figure. Attrapant mon manuel sur l'étagère, je traverse le couloir et me jette sur mon lit. J'essaie de me concentrer sur les lois des taxes devant moi, me rappelant fermement que les examens se rapprochent. Mais, en dépit de mes meilleures intentions, je m'assoupis à la fin du second chapitre.
Une vue familière m'accueille lorsque j'ouvre les yeux. En connaisseuse expérimentée, je trouve le sentier dissimulé menant à travers les bois. Sautillant légèrement, j'avance vers l'atelier de l'elfling, tendant les mains pour toucher les feuilles des buissons que je passe. Je ne me préoccupe pas du fait qu'au lieu de les agiter, ma main passe au travers – c'est ainsi que je suis, ici.
Mes progrès de langage sont considérables, mais je reste partiellement frustrée. Je ne parviens pas à produire les mêmes notes musicales que June en parlant, peu importe à quel point j'essaie. Nous parvenons quand même à avoir quelques conversations décousues. Il me dit qu'il est nommé June – et j'estime cela approprié. June, l'enfant doré au talent incomparable.
Il me raconte qu'il vient ici pour sa paix et son silence, qu'il peut s'y concentrer. Contrite à l'idée de troubler son sanctuaire, j'essaie de m'excuser, mais il les écarte d'un signe de la main impatient.
« Si ta présence me gênait, je t'aurais faite partir. » Me dit-il, et pour certaines raisons je ne doute pas qu'il l'aurait pu.
June est quelqu'un d'important, je l'ai toujours su, mais il écarte mes questions maladroites sans me répondre directement. Il me demande mon nom, un jour.
« Je m'interroge, quel genre d'esprit es-tu ? » Il prend une expression sérieuse, me détaillant des pieds à la tête. J'ai l'impression de rougir, et si je n'avais pas été une brume blanchâtre à forme humanoïde, plutôt qu'un être corporel, j'aurais rougi. Je peux seulement hausser les épaules en réponse.
« Sais pas. » Je réponds ingénument. Pour commencer, je ne comprends pas entièrement sa question.
« As-tu un nom ? » Me demande-t-il soudainement, abandonnant sa première manière de me définir. Je suis encore plus déboussolée par ça – pourquoi n'aurais-je pas de nom ? Il m'a donné le sien des semaines auparavant. Les esprits sont-ils anonymes habituellement ? Ressentant un besoin de prudence, je réfléchis soigneusement avant de répliquer.
« Appelle-moi Fean'Na. » Pour des raisons incertaines, je ne souhaite pas dire mon véritable nom. De trop nombreux livres, peut-être, où donner son véritable nom signifie renoncer à se contrôler ? Je l'ignore. Je me sens quelque peu ridicule, à m'inquiéter à ce propos – c'est uniquement un rêve, après tout. Cela se finit par un mélange bizarre entre mon nom et les sonorités de sa langue. Pourtant, surprenamment, j'éprouve un étrange sentiment de libération, d'être capable de créer mon personnage à partir de rien. Je peux être qui je veux ici, je ne suis pas restreinte par des notions préconçues. Tout mon être se résume simplement à une forme mousseuse blanche vaguement humanoïde, douée d'une voix et d'une personnalité.
« Viens, Fean'Na. Tu seras mon assistante à partir de maintenant. » Le ton autoritaire sonne bizarrement dans la voix d'un enfant si jeune. Mais je suis désarmée par le pétillement espiègle de ses yeux, et j'hoche la tête, impuissante.
Ma soi-disant position d'assistante n'est, évidemment, que poudre aux yeux. Je suis inutile à June, avec mes mains immatérielles incapables d'accomplir la moindre œuvre physique, et mon incompréhension du fonctionnement de son monde, qui interdit toute aide intellectuelle. Mais mon inefficacité générale ne gêne pas June, qui apprécie seulement ma compagnie. Et j'aime le regarder travailler.
Les rayons du soleil tombent sur sa tête, traversant l'épaisse canopée de la forêt et créant une auréole féerique d'or étincelant. Ses yeux sont écarquillés tandis qu'il observe sans ciller un flux d'énergie dorée pulsant de sa main vers l'objet arrondi devant lui. Il manœuvre avec concentration, manipulant les brins ambrés en différentes formes avant de les sceller dans l'artefact. Une pellicule de sueur couvre son front, mais June ne se rend compte de rien pendant plusieurs heures. Je regarde le processus par-dessus son épaule, jusqu'à ce que l'enfant finisse par soupirer et me sourire avec une satisfaction triomphante.
Perplexe, je le regarde sans comprendre. La balle, semblable à du verre, ne paraît pas différente du commencement, si ce n'est pour la brillance résiduelle de sa magie. C'est alors qu'il la prend de la table, et me regardant de manière significative, la lâche. Et je suis bouche-bée, parce que la balle ne tombe pas, flottant dans les airs grâce au pouvoir qu'il y a infusé.
« Incroyable, June, incroyable ! » Je le loue avec des applaudissements silencieux. Mon vocabulaire est malheureusement trop limité pour exprimer mon émerveillement face à son exploit, mais il peut lire mon admiration dans mon regard impressionné, et se rengorge fièrement.
June salue avec sagesse, et j'étouffe mon rire devant le ridicule de son visage si sérieux.
« Je me suis attendu à ce que ce le soit. » Dit-il avec orgueil, sans la moindre trace de doute, inconscient de mon amusement dissimulé. Il devait avoir été assuré du résultat, et brusquement, je réalise que June pourrait être plus insolite encore que je l'ai cru.
Les semaines suivantes s'écoulent de la même manière. Je peux converser de sujets de plus en plus complexes avec June. Il m'informe qu'en réalité, il a plus de deux cent ans, et devient boudeur face à ma réaction incrédule. Je l'observe avec attention à la suite de cette discussion, cherchant des signes de son âge. Bien sûr, il semble trop sérieux pour un enfant, mais… Deux siècles ? Vraiment ? La moue adorable de ses lèvres et ses joues rondes ressemblent fortement à celles de mon petit cousin, qui a eu onze ans le mois dernier.
June agit comme un chat curieux, qui vient de découvrir un nouveau jouet. Il me pose d'innombrable questions, à la fois sur ce que je vois tous les jours et ce que j'ai vu dans mes rêves. C'est rafraichissant qu'il ne cherche pas à me démontrer que beaucoup de ce que j'ai observé, comme les portails de téléportation ou l'invocation d'énormes créatures, est impossible. A la place il spécule sur les manières dont il pourrait les faire fonctionner dans sa réalité. C'est une approche très différente de celle de mes amis, qui préfèrent juste écouter mes histoires. June étudie tout d'un point technologique, si l'on peut dire. Comment quelque chose peut fonctionner, quelles règles doivent être pliées. Il absorbe tout comme une éponge, toujours avide d'en apprendre plus. Après nos discussions, d'innombrables diagrammes sont dessinés et analysés, puis il les place sur son étagère, ainsi qu'il l'appelle, de projets futurs.
Le temps dans mes rêves passe considérablement plus vite qu'en réalité, et j'ai ainsi passé deux mois à observer le travail June, alors que des petites semaines se sont à peine écouler dans ma vie. J'ai progressé dans mes portraits de lui, commençant seulement à rendre justice à sa renversante beauté. Bien sûr, avec cette nouvelle partie de moi perdue dans mon inspiration, je dois lui trouver du temps. Puisque l'université et le travail ont la priorité, ma vie sociale en prend forcément un coup. Par bonheur, mes amis me connaissent depuis des années, et ne prennent pas personnellement mes refus répétés de se voir. Ils savent, par habitude, qu'une fois la nouveauté de mon inspiration dépassée je pourrais leur montrer mes créations.
Il y a des jours où concilier les particularités du monde de June et du mien est ardu. Après avoir passé des jours en flottant sans efforts et sans besoins, je n'accueille pas bien le rude réveil. Le rythme léthargique de mes rêves contraste énormément avec le style de vie trépident et accéléré de mes journées. Ca a tendance à me bousculer, et ça se voit. Mes amis commencent à s'inquiéter, ne serait-ce qu'un peu – normalement la fascination initiale de ma nouvelle verve aurait dû être passée maintenant. Pourtant, je n'en montre aucun signe, autant impliquée dans le monde de June qu'au tout début de cette aventure.
Ce que l'enfant génie me montre est si fascinant que je ne supporte pas de regarder ailleurs pendant un instant. J'abhorre et déteste les réveils, qui me jettent hors du monde baigné de vert, car j'ai vu bien des merveilles dans ma vie mais jamais la manipulation d'une telle magie. June est incroyablement habile. Et maintenant que je lui ai donné tant de nouvelles idées à considérer, sa magie se pare de nouvelles formes et brille de nombreuses couleurs, tandis qu'il teste, joue et crée.
Je suis sans voix quand le miroir en face de lui cesse de nous refléter et montre un chemin gris à la place. Cependant, quand June lève la tête, l'image vacille et explose en une surcharge magique qui détruit le cadre métallique et éclate la surface réfléchissante en morceaux. Le contrecoup nous envoie tous deux contre le mur, mais tandis que je demeure intouchée, June tombe inconscient. Un éclat tranchant du miroir coupe profondément la poitrine de June, qui se met à saigner.
Jamais auparavant je ne m'étais senti aussi impuissante. Je crie, supplie et implore, tentant de le réveiller. J'essaie de m'emparer de bandages, de vêtements, n'importe quoi pour arrêter le saignement, mais tous mes efforts sont évidemment vains. Tout tombe au travers de mon corps sans substance.
Pourtant, une sorte d'alarme devait être installée car rapidement, certains des serviteurs que j'avais déjà aperçus se précipitent à l'intérieur. Ils récupèrent June et le transportent à l'extérieur. Je les suis un certain temps, mais j'abandonne quand ils montent des griffons et s'envolent. Je n'ai aucun moyen de suivre les créatures ailées.
Je m'attarde dans l'atelier avec une certaine apathie, inquiète. June revient après quelques jours, entièrement guéri. Je respire plus facilement, soulagée, tandis qu'il s'excuse ave profusion de son erreur.
« J'aurais dû être plus prudent. Les dégâts semblent t'avoir amoindrie. » Ses yeux parcours ma forme avec regrets.
Je baisse les yeux et constate qu'en effet, le nuage blanc qui compose mon corps est plus vaporeux qu'avant. Je n'avais rien ressenti du tout – s'il ne l'avait pas mentionné, je ne l'aurais pas remarqué. Je me demande, mon existence est-elle si fugace que je n'aurais rien vu avant ma dissipation totale ? C'est possible. Sans indications claires, sans besoins à combler, sans douleur – je n'ai aucun moyen de comparaison.
Que serait l'effet de ma mort dans le monde des rêves sur ma vie réelle ? Ma négligence m'effraie soudainement. Serais-je capable de revenir ?
Ces considérations m'accompagnent jusqu'à mon réveil. Je passe la journée plus perdue dans mes pensées que d'habitude. Heureusement que nous sommes Samedi, sinon la patience de mon patron aurait atteint ses limites. Le regard vide, je fixe la toile, et une image à moitié achevée de June me rend mon regard. Puis-je mourir dans un rêve ? Je n'avais encore jamais imaginé ma mort. A quoi ressemblerait-elle ?
« Joanne. Joanne ! » Une main masculine se pose sur mon épaule, me faisant sursauter. Je me retourne, et fais face au visage souriant de mon petit ami.
« Jeff ! Tu m'as foutu la frousse ! » Je l'accueille d'une étreinte. « Je croyais que tu ne devais revenir que dans une semaine. »
« On a réussi à achever le projet plus tôt, et j'ai décidé d'en profiter pour te faire une surprise. » Ses yeux s'illuminent, et je souris automatiquement en réponse. « Tu étais complètement distraite. » Jeff regarde derrière moi, vers les peintures, et se raidit, sa bonne humeur s'évaporant d'un coup.
Jeff s'écarte de moi avec une désapprobation apparente, et quitter la pièce en claquant la porte derrière lui.
Je ne peux pas retenir le soupir tendu. D'un côté, je suis ravie de le retrouver. Mais de l'autre…
