Drago Malefoy était assis à la table des Serpentards, un café à la main. Il passa l'autre dans ses cheveux pour se recoiffer tout en baillant. C'était un samedi matin et il était neuf heures. Il n'avait pas réussi à se rendormir, ses pensées étant trop occupées... Il observa ses Gryffondors "préférés" rentrer dans la Grande Salle et se diriger vers leur table. Il avait une de ces envies de s'approcher d'eux, juste pour elle...pour être plus près d'elle. Il finit tranquillement son café, refusant de se presser un matin de week-end. Il fut vite rejoint par les autres Serpentard. Pansy s'assit à côté de lui et s'accrocha à son bras.
-Drago ! Tu es parti tôt de la Salle Commune, je te cherchais !
Il ne répondit rien, exaspéré. Il préférait réfléchir à quel coup faire aux Rouges et Or. La Serpentarde continuait de parler, mais dans le vide, car Drago ne faisait même pas semblant de l'écouter. Il ne savait pas si elle s'en rendait compte et il s'en fichait. Son meilleur ami, Blaise, s'assit à sa gauche.
-Bien dormi, Drago ? demanda-t-il, coupant la parole à Pansy.
La brune lui jeta un regard outré. Drago articula silencieusement :
"Putain qu'elle est chiante" tout en le remerciant d'un regard. Le métisse leva les deux pouces en l'air, comme pour dire 'de rien', en étouffant un fou rire. Puis le blond reporta son attention sur les Gryffondors. Ils avaient fini de déjeuner. Les deux garçons étaient assis à côté, la seule fille du groupe en face d'Harry. Drago posa sa tasse sur la table et se leva. Il partit vers ses ennemis sans un regard vers les amis de sa maison. Les trois lui lancèrent un regard noir dès qu'il arriva. Il s'assit à côté d'Hermione d'un air détendu -s'asseoir à la table des Gryffondors l'horrifiait mais il fallait bien qu'ils les embêtes- et lança à Harry :
-Hey, le balafré ! Tu t'amuses bien avec tes copines ?
Il gratifia Ron d'un coup d'oeil tout en prononçant le dernier mot. Ce dernier rougit furieusement.
-Dégage, Malefoy, dit le Survivant.
-Tu crois vraiment que je vais t'obéir ?
Il ricana. Pour qui se prenait-il, ce Potter ? Il le haïssait depuis leur rentrée en 1ère année. Depuis qu'il avait refusé son amitié et n'avait pas serrer sa main.
-On veut pas te voir ici, la fouine, cracha Ron.
-Du calme, la belette. Qui refuserait d'être en ma si belle compagnie ?
-Bon, Malefoy, intervint Harry. Un petit pari, ça te dit ?
-Ah ! En voilà un qui veut bien faire affaire avec moi. Dis-moi.
-Tu joues avec nous à Action et Vérité. S'il y a une question à laquelle tu refuses de répondre, ou une action que tu refuses de faire, ton gage sera de ne plus venir nous voir.
Alors c'était ça ? Il devait jouer à un jeu moldu ? Il posa le coude sur la table et posa sa joue dans le creux de sa main et scruta son ennemi de toujours.
Un Malefoy ne refuse pas un pari.
-Mhh. Et si je fais tout, je peux continuer autant que je veux ?
-On verra ça...
La voix d'Harry vibrait de colère : il allait le lui faire regretter. Et je gagnerai ce pari coûte que coûte, pensa le Survivant. Si cela peut nous faire gagner le calme pendant le reste de nos années à Poudlard...il suffit de trouver un de ses points faibles...
Drago esquissa un sourire narquois. Il avait hâte de voir comment Potter allait se venger.
-Action ou vérité ?
De toute façon, il ne trouvera rien qui pourra m'humilier ou m'énerver au point qu'il le souhaite, se dit Drago, très enthousiaste à l'idée de faire perdre la face à Potter et ses amis.
Il fit mine de réfléchir puis s'exclama :
-Vérité.
-Est-ce que tu sors avec Pansy ?
-Non.
Facile. Ce n'était pas avec ça qu'il allait lui faire peur. Il était déjà sorti avec Pansy, mais pas longtemps. Elle était trop collante pour lui. D'ailleurs, elle continuait de le coller.
Harry fulminait. Il commençait par des questions pas trop embarrassantes, pour mieux surprendre le serpent plus tard. Drago regarda Ron, en face de lui.
-Action ou vérité, Weasmoche?
-Vérité.
-Tu es déjà sorti avec une fille ?
Le roux rougit encore plus, si cela était possible. Drago ricana, content qu'une simple question comme celle-ci l'énervait.
-Non.
-Ça ne m'étonne pas, répliqua Drago.
L'autre ne répondit pas, trop occupé à le foudroyer du regard. Drago avait remarqué que Lavande s'intéressait beaucoup à Weasley, en ce moment... Granger aussi avait remarqué et elle paraissait plutôt jalouse. Bien évidemment, il n'y voyait que du feu.
Les tours passèrent. La partie était ennuyante, trop calme pour Drago. Ils posaient des questions qu'il ne trouvait pas embarrassante du tout, donnaient des actions qui ne le faisait même pas rire.
Quand ce fut une nouvelle fois son tour, il décida d'ajouter un peu de piquant dans la partie.
-Potter. Action ou vérité ?
-Action.
Le Serpentard avait prévu son coup. C'est avec un sourire moqueur qu'il dit :
-Bois cela et réponds à une de mes questions.
Il sortit une petite fiole contenant du liquide transparent. Harry l'examina, l'air méfiant. Ses amis paraissaient désapprouver, mais c'était le jeu et il voulait gagner, pour avoir la paix. Il la prit et avala le contenu. Drago ouvrit la bouche, s'apprêtant à poser une question mais le brun le devança :
-Je suis amoureux de toi depuis que je t'ai rencontré. Tu es tellement beau, tellement courageux...je t'admire. Tu es mon héros.
Harry grimaça, après avoir prononcé ses phrases d'une seule traite.
Drago sentit les larmes perler au coin de ses yeux. Allongé sur le banc, il était mort de rire. Il essaya de se redresser en s'accrochant au rebord de la table, mais impossible : il riait trop. Même, il pleurait de rire. Ses épaules étaient secouées par le rire et son visage rouge. Il dégringola sur le sol, sans faire attention aux regards des autres élèves tournés vers lui. Les deux amis d'Harry étaient figés, les yeux écarquillés. Ils tournèrent la tête vers Harry, qui semblait un peu bizarre, et Drago, qui se roulait par terre. Ce dernier finit par se rasseoir et sécher les larmes qui coulaient sur ses joues.
-Malefoy ! rugit Harry.
Il semblait avoir reprit ses esprits. Il lui lança un regard noir, le rouge aux joues. De colère ou de gène ? Harry se demandait ce qu'il lui avait-il fait boire, pour raconter des conneries pareilles.
Ah, si les regards pouvaient tuer...songea Drago.
-Je suis ravi que mes charmes marchent, mais désolé, tu n'es pas mon genre.
-Qu'est-ce que c'était ?
-Détends-toi, le binoclard, c'était une potion pour raconter n'importe quoi. Enfin, j'espère que ce n'était pas du serum de vérité...
Il examina la fiole et en sortit une autre.
-Je ne pense pas m'être trompé.
En effet, sur l'autre figurait un papier où était inscrit en grosse lettre "VERITASERUM". Il entendit Hermione dire que c'était interdit, mais l'ignora superbement.
-Tant que personne n'a changé l'étiquette de fiole.
Il afficha son sourire en coin, que le Golden Trio trouvait si insupportable. Ron et Hermione pouffèrent. Weasley a l'air un peu furieux contre moi...mais Granger rigole dans sa barbe, la traîtresse. En effet, Hermione avait plaqué sa main sur sa bouche et faisait mine de tousser. Drago dissimula à peine un sourire espiègle.
-À toi ! dit-il, un air innocent plaqué sur le visage.
-Action ou vérité, Malefoy ?
-Tu es censé choisir une autre personne.
-Je m'en fou, ce n'est pas dans les règles.
-Bon, comme tu préfères. Action.
Harry lui prit des mains la fiole et l'indiqua à son ennemi.
-Tu vas boire cette potion. Et nous raconter ta vie.
Drago pâlit. Boire du veritaserum ? Sûrement pas...
-Alors, tu as des choses à cacher ? demanda Harry
-Non, répliqua Drago.
Cependant, il ne semblait pas sûr de lui. Avait-il peur ? Drago soupira. Pourquoi avait-il commencé cette partie d'Action et Vérité avec le trio d'or, déjà ? Il avait fait ça juste pour impressionner Potter et ses amis. Et aussi pour... il chassa cette pensée. Le garçon se fit un masque d'impassibilité : hors de question qu'ils voient ses doutes.
-Allez...tu n'es pas un Gryffondor, donc tu n'es pas courageux. Mais tu es quand même un Malefoy. Et les Malefoy n'ont pas peur des défis. Tu es obligé, de toute façon.
Le Serpentard grogna et arracha la fiole des mains de son ennemi. Il ferma les yeux et ouvrit la fiole. Redoutant le pire, il avala lentement trois goutes du sérum de vérité. Avec un peu de chance, Potter lui poserait des questions sur Voldemort et ses acolytes. Il ouvrit les yeux et Harry sourit d'une façon cruelle, digne d'un Serpentard.
-Es-tu un Mangemort ?
Il en était sûr. Il allait forcément poser cette question. Il fut un peu soulagé. Ce n'était pas ça qu'il refusait d'avouer.
-Non.
Il ne voulut pas continuer pourtant ses lèvres bougèrent toute seule.
-J'ai refusé. Je ne voulais pas à cause de...
Oh non.
Il essaya de résister, mais c'était tellement compliqué. Il ne voulait pas le dire, non il ne voulait pas qu'ils soient au courant. Maintenant, il allait devoir leur avouer et ça le tuait rien que de l'imaginer.
Une voix cria dans sa tête : Ne dis rien ! Il ne faut pas qu'ils sachent !
-A cause de quoi, Malefoy ?
Cette fois-ci, ce fut Hermione qui lui demanda. Il tourna la tête vers elle. Il voulut lui balancer un "La ferme, sang-de-bourbe. " mais ne réussit pas. Ses yeux se remplirent de larmes à cause de l'effort et il les ferma. Ses ennemis furent surpris de voir cette expression de douleur sur lui. Il tenait tant à son secret... qu'avait-il à cacher ?
Il continua de lutter mais les mots sortirent quand même contre son gré :
-A cause d'elle...
Il n'ouvrit pas les yeux, il ne voulait pas la regarder sinon ils comprendraient de qui il s'agissait. Il voulut s'empêcher de poursuivre mais impossible.
-Parce que je l'aime.
Les trois furent surpris mais il ne le vit pas. Non ! vociféra la voix dans sa tête. S'il l'avouait, il ne pourrait plus jamais s'approcher d'elle. Et ça le ferait souffrir.
Drago pensa à s'enfuir. Le Veritaserum lui faisait dire la vérité mais il ne l'empêchait pas de fuir. Je ne suis pas un lâche. Mais ils ne doivent pas savoir. Il ouvrit les yeux et se leva, mais Ron le prit par la manche et l'empêcha de partir.
-Interdit de partir, la fouine ! Qui aimes-tu ?
Drago tourna la tête, les larmes coulant à présent sur ses joues.
-Personne...
Sa voix n'était qu'un murmure et il avait dû faire beaucoup d'effort pour prononcer ce seul mot. Mais ça ne servirait à rien de toute façon. Le trio continua de le fixer et il serra les dents. Ron le tira pour qu'il s'assoie mais il dégaga son bras. Il allait être obligé d'avouer. La potion l'obligerait à répondre. Il s'étonnait de ne pas l'avoir dit depuis le début. Il est très dur de résister au Veritaserum mais il résistait tellement fort...
Putain mais pourquoi avait-il accepté ? Pourquoi il n'avait pas fermé sa gueule ? Pourquoi il n'était pas resté à sa place sans les approcher ? Maintenant qu'il en était là, il ne pouvait pas faire contrôle Z. Aucun retour en arrière possible. Il aurait dû refuser cette action. Il enjamba le banc mais Ron le rattrapa une nouvelle fois par le bras. Tu vas abimer ma chemise, siffla le blond dans sa tête. Mais les larmes striaient son visage, la douleur déformait ses traits, la souffrance compressait son coeur. Il était incapable de prononcer une seule insulte, incapable de faire du sarcasme. Il ne voulait pas qu'elle le voie comme ça, il ne voulait pas avouer. Surtout pas.
Voilà, regardes ce que tu as fais, Malefoy. T'as sorti ta fierté, comme d'habitude, et t'as fais que des conneries. La prochaine fois tu fermeras ta grande gueule. Sauf qu'il y aura pas de prochaines fois. Tu l'approcheras plus, c'est fini, pensa-t-il amèrement.
-Ron, lâche-le, ordonna Harry.
-Oui, c'est sa vie privée, dit Hermione. Lâche-le.
Le rouquin n'obéit pas.
-Tu les a entendus, lâche-moi... dit Drago, la voix faible.
Il n'en fit rien. Je suis prêt à te supplier, Weasley, lâche-moi, pitié...
Elle allait le savoir, elle le saurait mais rien ne changerait. Peut-être qu'elle aurait pitié de lui, mais jamais elle ne l'aimerait. Elle se contenterait de le détester toujours plus, parce qu'après tout c'est ce qu'elle faisait depuis le début. Tout ça à cause de lui, sa putain de fierté, son obéissance à son père et son éducation qui l'interdisait d'être ami avec des sorciers qui n'ont pas le sang-pur.
-Dis-le nous, ordonna Ron.
-Tu veux que je te le dise ? Ok !
Il tourna furieusement la tête vers Ron. L'effet de la potion paraissait ne jamais s'arrêter. Il ne résisterait jamais assez longtemps, de toute façon. Il passa les jambes de l'autre côté du banc, prêt à partir, desserra les poings, étendit ses doigts. Puis il leva la main vers la jeune fille brune près de lui.
-Elle. Ça te va ?
Ils écarquillèrent tous les yeux. Hermione le regarda, étonnée et très gênée.
-Tu voulais savoir de qui je suis amoureux, c'est bon t'es content ? Oui, c'est Granger que j'aime.
Il baissa la main et avant même que l'un d'eux disent quelque chose, il s'enfuit en courant. Au diable le pari, ils avaient gagné. Plus jamais il ne les approcherait. Il avait trop honte.
Il courut jusqu'au parc où il s'assit dans l'herbe encore mouillée.
-Merde ! hurla-t-il.
Le vent soufflait dans ses oreilles, représentant sa haine, la tempête qui se déchaînait dans sa poitrine, dans son coeur, dans tout son corps.
Il se maudit de l'aimer, il se détesta pour être un Malefoy. Il sortit un parchemin et une plume et écrivit. Bientôt, l'encre coulait sur le papier, la plume bougeait presque toute seule, il écrivit à une vitesse affolante toutes ses pensées, tout ce qui lui passait par la tête.
"Je l'aime. I love her. Je l'aime. I love her. Je l'aime. I love her.
C'est tout ce que je sais. Non, en fait je sais aussi qu'elle ne m'aimera jamais. Que tout le monde dans Poudlard sera bientôt au courant. Mes parents le sauront aussi d'une manière ou d'une autre. Mon père va me tuer. Mon père, qui a toujours tracé mon chemin sans demander mon avis. Mon père, à cause de qui j'ai failli devenir mangemort et qui va me torturer en apprenant pourquoi j'ai refusé. Déjà que ce n'était pas joyeux du tout quand j'ai dis non au "grand seigneur des ténèbres". Il est prêt à tout faire pour lui, même à se traîner à ses pieds. Les Malefoy ont une fierté, quand même. Par Merlin, je ne voulais pas l'aimer ! Je ne voulais pas !
Si seulement je pouvais refuser de l'aimer !
Maintenant c'est fini, elle le sait, qu'est-ce qu'elle va faire ? Sûrement pas m'aimer, je peux vous l'assurer ! Pourquoi Merlin, pourquoi j'ai accepté ce jeu ? Je suis un idiot !
Et pourquoi dès le début je les ai insultés ? J'aurai pu devenir amis avec eux, mais non, Saint Potter a refusé mon amitié et mon égo en a pris un coup. Granger, ou Hermione (je l'aime et je ne sais même pas comment l'appeler) était une Sang-de-bourbe, et comme les Serpentards les détestent, je n'ai pas voulu être ami avec elle ! Puis Weasley était une "famille sans argent, sans fierté" comme disait mon père.
Tout ça à cause de mon père, cette famille ! Si je n'étais pas un Malefoy, je n'aurai pas de problèmes dans ce genre ! Je respecterai les Sangs-purs, comme les Sang-mêlé, les Sang-de-bourbe, les pauvres, mais non, il m'a appris à faire attention au sang, comme si ce n'était que ça qui comptait !
Je le déteste !
Tout ça à cause de mon père ! À cause de ma famille ! De ma lignée ! Même de ma maison !
Pourquoi les Serpentards sont si mauvais ?
Pourquoi je suis tombé amoureux d'elle ?"
Quand il écrivit la dernière phrase, une larme coula sur le papier et Drago le déchira. Il lâcha les deux morceaux dans le vent féroce et les regarda s'envoler à travers le parc de Poudlard. Puis à bout de force, il se laissa tomber sur le dos.
Seul, il resta allongé là et pleura de rage et de tristesse, attendant que tout s'apaise.
