Intro :
Dans toutes les guerres, il y a le bon camp et le mauvais camp. Les guerres sont un fléau pour tous. Que l'on soit bon ou méchant, une victime ou un coupable. Les guerres n'ont pas de pitié. Mais il y a un camp où il est mieux vu de mourir que dans l'autre. Mourir du bon côté de l'histoire, c'est devenir un héros aux yeux des badauds. Mourir dans l'autre, c'est n'être qu'un monstre de plus dont on s'est enfin débarrassé et dont personne ne parlera plus jamais.
Mon nom est Élise Duchesnes-Rosier, et vous n'avez probablement jamais entendu parler de moi. Pourquoi ? J'étais dans le mauvais camp.
Chapitre 1 : La pauvre petite princesse en exil
«Mais il fait quoi bon sang ! Ça fait deux heures que j'attends ! Saletés d'anglais qui se croient tout permis, non mais j'vous jure, il va en entendre parler de la française.» Oui, j'avoue que je m'étais légèrement laissée emportée dans le flot de mes paroles, mais il était midi et demie (heure française), j'avais une faim de loup, un mec qui s'appelle Sirius (et c'est franchement bizarre) était supposé venir me chercher à onze heures et demie. Et, pour couronner le tout, je me trouvais à King's Cross, entourée de centaines d'anglais, qui, par définition, ne parlent pas français, à attendre vainement un imbécile de cousin germain. Comment j'en suis arrivée là ? Bonne question, longue explication.
Bon, j'avoue que c'est peut être partiellement à cause de moi… Mais j'y peux rien si j'ai malencontreusement couché avec un Moldu ! Tout à commencé à la fin du mois de juin, je fêtais mes seize ans en compagnie de quelques amies chez moi, dans ce charmant manoir dans lequel j'ai passé toute ma vie. On avait peut-être un tout petit peu trop bu, et on avait peut-être légèrement oublié qu'on était des sorcières respectables et dignes de ce nom, qu'on était des sangs-purs, pas de pauvres petites sangs-de-bourbe. Soit, et on n'a peut-être pas pensé que si on sortait, on risquait de tomber sur des Moldus, et que vu dans l'état dans lequel nous étions, nous nous fichions pas mal de savoir si il avait une baguette dans la poche. (Celle dans son slip était bien plus intéressante à ce niveau d'ébriété.)
J'admets que je n'ai pas très bien compris le lendemain matin quand je me suis réveillée dans un appartement qui ne m'était pas familier, et que j'ai légèrement paniqué en voyant les trucs bizarres que les Moldus possèdent, (quelqu'un veut bien se dévouer et m'expliquer à quoi sert la grosse boite noire avec un côté en verre ?) et peut-être que je n'aurais pas dû me mettre à lancer des sorts à l'aveuglette quand j'ai vu le Moldu sortir à moitié nu de sa salle de bain. Soit, ça m'aurait évité bien des désagréments. Oui, parce que ce n'est que le début de l'histoire.
Ma famille est très respecté au Ministère de la Magie, c'est un fait établi depuis des générations. Dans la famille, on donne des sous au Ministère, et il nous récompense en nous soutenant lorsque l'on en a besoin. Alors quand la brigade d'Oubliators est venue pour réparer les dégâts, ils ont informé mon cher et tendre paternel qu'ils m'avaient découverte en compagnie d'un Moldu tétanisé, avec la moitié de mes vêtements disparus et une gueule de bois du tonnerre. Et ils ont gentiment acceptés « d'oublier » ce « petit incident ». Je ne vous raconte même pas la journée que j'ai passée… Je ne dis pas que ça ne m'est jamais arrivé de me saouler avec des amies, je ne dis pas que je n'ai jamais atterri dans un lit que je ne connaissais pas avec pas grand-chose sur moi… Mais avec un Moldu…
Mes parents ne s'en sont pas franchement bien remis. Ma mère était en larme, s'imaginant le pire à mon sujet et marmonnant des choses incompréhensibles, mon père m'a menacée de me déshériter (chose peu probable vu que je suis la seule héritière, mais ça lui donne de l'autorité.), il a crié, ma mère chouinait toujours, m'insultant de traitre-à-mon-sang entre deux sanglots, mon père a cherché une punition, ma mère s'est aperçue que si j'avais couché avec quelqu'un, cela voulait dire que je n'étais plus vierge, et qu'elle pouvait dire adieu à son rêve de me voir attendre jusqu'à mon mariage pour tirer un coup… Ce qui l'a fait pleurnicher encore plus. Mon père a trouvé une punition. Ma mère lui a donné quelques conseils pour améliorer le plan, ses couinements et son hoquet l'interrompant toutes les dix secondes. Ils ont préparé le tout pendant quelques jours. J'ai fait mes bagages… Et voilà là où j'en étais arrivée, moi, le deux Juillet 1976, Élise Duchesnes-Rosier, seize ans et exilée en Angleterre.
Ma vie venait alors de devenir un enfer. Plus cliché tu meurs, certes, mais c'était le cas.
Non, je n'exagérais pas du tout… d'accord, peut-être un peu. Mais franchement, je venais de partir à des centaines de kilomètres de mes amies, mes parents venaient de se débarrasser de moi en m'envoyant chez des gens que je ne connais pas, j'avais couché avec un Moldu… on ne fait pas pire. Non, en toute honnêteté je croyais réellement que je venais de ruiner ma vie.
Les Moldus me regardaient bizarrement tout autour de moi. La gare en était remplie, à croire qu'on ne croise des sorciers dans les trains que les jours de rentrée et de fin d'année. Quoi, vous n'avez jamais vu une sorcière française énervée, qui tourne en rond, en attendant quelqu'un ? Ou alors c'est peut-être le fait que j'avais une dizaine de valises autour de moi (Et encore, elles ont été magiquement agrandies) et que je portais une robe de sorcier. Oui, les Moldus ont de bien drôles façons de s'habiller, les hommes portent des costumes gris ou noirs, les femmes se baladent en… comment on appelle ça ? Un veilleur ? Un tailleur ? Oui, voilà, c'est ça. Les enfants, se contentent de porter des pantalons d'un bleu sombre et un p'tit sheurt. J'ai du mal à m'imaginer qu'on puisse se sentir à l'aise dans ces choses qui vous serrent les jambes. C'est vrai, ils ont plus l'air de saucissons qu'autre chose… Et c'est quoi toutes ces fleurs et ces couleurs flashantes ? Et ces coiffures ridicules ?
-Élise, c'est toi ? M'interpella une voix dans mon dos.
Je sursautai, sortie trop brusquement de ma rêverie. Franchement, il était temps qu'il arrive celui-là !
-Ouais, c'est moi. T'as pris ton temps, dis-moi ! Répondis-je en me retournant, faisant face à un gamin de quatorze ou quinze ans. Alors comme ça, c'est toi, Sirius Black ? T'es plus jeune que ce que j'avais prévu.
-Non, moi je suis Regulus. Sirius n'a pas pu venir, nous avons eu quelques… Difficultés. Je m'excuse pour le contretemps, c'était légèrement la pagaille à la maison. Son nom est encore pire que celui de son frère, c'est quoi ces parents qui traumatisent leurs gosses dès la naissance ?
-Ouais bon, bref. Maintenant que t'es là, tu vas pouvoir m'aider à embarquer tout ça. J'viens de me taper un voyage hyper long, j'en peux plus. On est loin de chez toi ?
-Pas tellement, nous en avons peut-être pour un quart d'heure si nous nous dépêchons.
-Ouais, bah on va se dépêcher, je crève de faim.
J'avoue que je suis peut-être un peu ce que l'on appelle familièrement une "feignasse", mais le coup du quinze minutes, j'aurais dû le voir venir quand même. J'ai fini en sueur, avec une douleur atroce aux pieds, je mourais de faim, ça devait faire une demie heure qu'on marchait sans s'arrêter. Je HAISSAIS déjà ce débile d'anglais avec ses bonnes manières désuètes et ses politesses inutiles. J'étais certes une sang-pure de haut rang, mais ce n'était pas une raison de se comporter avec moi comme si j'étais une vieille bourgeoise dégarnie.
Et en plus, il insistait pour me raconter sa vie insignifiante... « Je vais à Poudlard... Dumbledore... Serpentard... Déteste les Gryffondors. » Et il semblait dévouer un amour sans faille à sa mère. Et … j'ai déjà oublié son nom... Rébus ? Régugus ? Peu importe, il refusait de me dire pourquoi son frère n'avait pas pu venir.
Je m'en fiche, je finirai bien par le savoir, je suis prête à tout quand je veux quelque chose. La curiosité est certes un vilain défaut, et alors ? Je fais toujours en sorte de ne pas me faire prendre la main dans le sac.
-Tiens, lis ça, sinon tu ne vas pas pouvoir voir la maison. M'annonça-t-il à notre arrivée dans une rue en face d'un parc boisé et duquel des rires d'enfants s'échappaient.
-Merci pour l'info mais je sais encore ce qu'est le charme du Fidelitus, et ça m'aurait étonnée qu'il n'y en ait pas un sur ta maison... C'est quand même risqué de vouloir habiter dans une aussi grande ville lorsque l'on est un sorcier.
-C'est la résidence familiale depuis une demie-douzaine de générations, ce n'est pas par choix si nous y vivons, crois moi, j'ai connu des lieux plus accueillants. M'affirma-t-il en sortant un morceau de parchemin plié qui traînait dans une de ses poches. Et puis, elle est bien cachée, je peux te l'assurer, père a fait le nécessaire. Ma mère ne supporte pas de voir les Moldus s'approcher de chez nous. Et encore moins qu'ils puissent y entrer.
TrucBidule me refourgua le parchemin, ou plutôt il me le tendit gentiment, et je lui arrachai des mains. Je suis peu commode quand j'ai faim, je sais.
« Au 12 Square Grimmaurd, Londres se trouve la noble maison des Black. » Y était inscrit, d'une écriture pompeuse et élégante à la fois. Du genre qui se trouvent sur les invitations aux bals et autres réceptions auxquels je me devais d'assister depuis que je suis gamine. Le genre d'écriture qui sert à montrer à quel point vous êtes éduqués et de bonne famille.
Et comme par magie, une maison pas si noble que ça se dressa devant moi. Bande de prétentieux. Ça n'a absolument rien de classe, c'est juste une maison londonienne tout en hauteur, personnellement, je ne vois pas pourquoi ils en font tout un plat.
-Sois la bienvenue chez nous. Dit-TrucMucheBidule d'un air solennel et sérieux.
S'il-vous-plait, dîtes-moi qu'il plaisante. Je vous en supplie ! Par Merlin, quelle horreur, comment je vais tenir deux mois dans ce trou à rat ? C'est gris, terne et trop sombre pour être réel. Et en plus, il a l'air d'en être vachement fier de son tas de brique, le petit.
Il s'avança vers le portail en fer forgé, mes pas le suivirent mécaniquement, j'étais en pleine panique intérieure. C'était quoi ce plan pourri ? On ne m'avait pas prévenue que ce serait si sinistre et si sombre. Ça avait même l'air plutôt glauque vu d'ici.
Il se dirigea vers le perron, enjamba les quelques marches qui le séparaient de ce qu'il appelait sa «maison». Je le suivais toujours, comme ensorcelée. D'ailleurs, et si c'était le cas ? Et si il m'avait lancée un sort à mon insu ? Jamais je ne le suivrais si j'étais dans mon état normal.
-Tu vas bien ? Tu es toute pâle... C'est le trajet façon Moldu, j'en suis sûr... Tous de la vermine. Marmonna-t-il en se renfrognant un peu.
-Oui, je vais bien. Merci de t'en inquiéter.
-Ou de faire semblant de t'en inquiéter, tu crois quand même pas que je vais te croire comme ça ? Je sais très bien que t'es louche, peut-être même autant que ta baraque !
-Euh, c'est quoi ton délire, là ? C'est un mec de ta famille quand même, et il n'a pas l'air si méchant que ça, tu sais.
-J'ai pas confiance, je te dis. C'est tout sombre, même son nom de famille est sombre.
-Attends, me dis pas que c'est ÇA ta super raison ? O.K. Il a peut-être l'air chiant mais il est plutôt sympa, j'en suis sure. Et en plus, je pense que la seule raison qui fait que tu le suis, c'est qu'il y a de la nourriture à l'intérieur, et tu le sais très bien.
-OK, t'as gagné, je laisse passer pour cette fois.
Il me fallait quelque chose à manger, je commençais à délirer, c'en était finit de moi, mon dieu ! Il tourna la poignée de porte, ignorant totalement le fouillis qui avait pris place dans ma tête.
-Mère ? Hurla-t-il, en explosant mes tympans. Nous sommes arrivés ! Puis il ajouta à mon égard, Allons dans le salon, laisse tes affaires ici, notre elfe de maison s'en occupera.
J'avais une sainte horreur de elfes de maison, c'était comme une phobie, dès que j'en voyais un, je me tétanisais et je me mettais à crier... Chez moi, on en avait deux, et ils ont traumatisé toute mon enfance. Alors il valait mieux que j'évite de m'en approcher, je décidais de l'écouter et d'aller dans le salon.
Je le suivis le long d'un couloir sombre et étriqué, des dizaines de tableaux en recouvraient les murs, les personnages me regardaient fixement, comme pour me jauger. Je leur passais devant fièrement, mon expression la plus hautaine sur le visage et le pas léger, même si mes pieds souffraient le martyre. On ne défie pas du regard Élise Duchesnes-Rosier de la sorte, j'ai des manières tout de même ! Je faillis trébucher sur un porte manteau grotesque en forme de pied de troll, mais peut importe, j'avais l'allure fière et classe.
Le salon était vaste et tout aussi sombre que le reste, une grande armoire remplie de choses diverses se trouvait en face de l'entrée. Le canapé était vert, comme les tapisseries et autres tentures. C'est quoi cette obsession pour cette couleur déprimante ? Parce que ce n'était même pas un joli vert pomme ou citron vert, non c'était un vert olive-périmée-depuis-trois-siècle, et tous les meubles étaient noirs... A croire qu'ils voulaient à tout prix qu'on ait envie de se suicider en sortant de là.
Une femme aussi austère que le reste de la maison était assise sur un fauteuil, ses traits étaient strictes, ses cheveux noirs étaient tirés et attachés dans un chignon compliqué. Son visage était pâle et elle transpirait la froide colère trop longtemps maîtrisée. Le genre de personne que j'évitais à tout prix, je n'ai jamais pu supporter les gens comme elle.
C'est de ma famille, ça ?
