Creusant un fossé dans le matelas moelleux, nichant son visage au creux du coussin accueillant, vienne, oh que vienne, la nuit…
Observant avec délectation, ce simulacre de force tranquille, cet assemblage unique de paix et de sérénité, cette transformation abracadabrante qui opérait, elle ne put que se fondre dans le décor.
La lune, atteignant la suprématie, dominant les étoiles de sa limpidité, surplombant la terre, laissait transparaitre un halo de lumière. Combattant les rideaux de l'homme endormi, elle se faufila, formant une arabesque dansante sur son épaule.
Du rugueux de sa barbe, au doux de ses cheveux, la nuit procédait. Profilant son visage de ses doigts fins, elle gratifiait son sommeil de son touché, à l'abri de son jugement, éloignée de ses yeux.
Vienne, oh que vienne, la nuit…
Les constellations pouvaient se mouvoir, les cieux pouvaient s'abattre, seul son visage savait lui plaire, seul ses traits détendus, l'animait d'une force inconnue. Puissante.
Vienne la nuit des temps, vienne le temps des nuits…
Ses soupirs, réguliers, mourant contre les siens. Son souffle, démunis de désespoir, dépourvus d'affliction. Cette bulle, presque autant fragile qu'un nouveau né, fine et unique, entourant l'âme meurtrie de la spectatrice. Fruit défendu, défense d'y entrer.
La nuit, douce nuit, le temps des hommes endormis, faisait naître en lui, cet élan de sincérité. Elle, mourant de ne pouvoir le toucher, se plongeait dans une contemplation, sourde, mélange de folie et de vérité. Déglutissant, passant sa langue sur ses lèvres endolories, grommelant…
Vienne la nuit devant… Vienne devant la nuit…
Indolent, il ne ferait pas le mal. Amorphe, il ne la blesserait pas. Lui insufflant sa dévotion, bravant l'interdit, balançant ses lèvres de ses paupières closes jusqu'au sommet de son front, elle s'émouvait.
Puisque les hommes, allongés, ne lèveront ni le poing, ni l'armée.
Bourrasque frappante, rien ne dérangeait le sommeil, rien ne dérangeait l'unique plaisir de la femme, admirant l'homme, endormi. Gourmande de son visage apaisé, le délice à sens unique, elle profitait, comme, d'un corps endormi.
L'innocence même, atteignant son paroxysme, bravant la carapace de l'homme, chavirant le cœur de la femme.
Vienne enfin le camp, des hommes endormis….
Flot d'émotion, se frayant un chemin dans le creux de son nez, humectant ses lèvres, elle ne put l'empêcher.
Puisque les hommes endormis ne font pas de mal, à leurs ennemis …
Mouvant sa respiration contre la sienne, cherchant à le rejoindre… Vienne oh que vienne, la nuit… Un peu frêle…
Vienne…
La lune déclina, prenant de court la jeune femme pleine d'aspiration prochaine.
Oh que vienne…
Coulant le long de son épine dorsale, découverte par le manque d'artifice cacheur, se mourant à la pointe de ses pieds, parcourant les murs, la lumière ne fut plus. Sortant de sa léthargie, tressautant au contact si proche du visage féminin, retenant son souffle, reculant. S'extirpant, se démêlant, se débrouillant sans peine, ses pas gravèrent le sol de leur départ. Et lorsque la porte claqua…
La nuit.
FIN
