« Au commencement, il n'y avait rien, et le Souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. »
Il avait été l'une des premières créations, au commencement des temps, quand le temps n'existait pas tout à fait. Lucifer, Celui Qui Porte la Lumière, créé dés les premiers jours de la Création, quand Dieu avait dit : « que la Lumière soit ! », quand Dieu avait séparé la Lumière des Ténèbres, avait appelé la Lumière « jour », et les Ténèbres « nuit ». Premier ange, il n'avait connu d'abord que la Foi, et il acquiesçait quand Dieu disait, contemplant son œuvre à la fin d'une journée de travail : « cela est bon ».
Bientôt, Dieu avait dit : "Que les eaux qui sont sous le ciel s'amassent en un seul endroit et qu'apparaisse le continent" et il en avait été ainsi. Dieu appela le continent "terre" et la masse des eaux "mer". Et alors, du miroir scintillant de la mer qu'il avait aperçu en portant la Lumière à l'Univers en ce troisième jour de la Création, était né l'orgueil : il s'était vu, et il s'était trouvé beau. Il s'était comparé aux autres anges qui naissaient petit à petit de la volonté de Dieu pour soigner sa Création, et il s'était trouvé le plus beau et le plus grand – sans compter qu'il était le premier de tous.
Au quatrième jour, était née de son cœur la jalousie, quand Dieu avait créé les luminaires, Soleil, Lune et étoiles pour éclairer les hommes à venir : désormais, il n'était plus le seul Porteur de la Lumière. Il s'était consolé en pensant qu'il restait celui qui portait la Lumière divine, et qu'il était encore l'un des seuls dépositaires de la Sagesse. Mais la blessure était restée, ouverte et profonde.
La colère n'était venu que le sixième jour, quand Dieu avait créé les animaux et surtout, ces étranges petites créatures appelées « les hommes », nées non de la seule volonté de Dieu, mais de ses mains, et créées à sa ressemblance. A ces créatures chétives, ignorantes et rustres, Dieu avait offert le monde, et alors la colère s'était emparé de Lucifer.
Comment ? Ce monde n'était pas pour lui, premier enfant du Seigneur ? Il était pour ces minuscules bestioles, ces derniers-nés de la Création ? Et il avait compris que depuis le premier jour, Dieu n'avait jamais envisagé de lui offrir sa Création, mais qu'Il l'avait voulue pour servir ces êtres minables. C'est alors qu'il avait perdu la Foi, la confiance en son Créateur et avait fait la connaissance du doute. Rongé par la jalousie et l'orgueil, persuadé d'avoir été spolié de l'héritage qui aurait du lui revenir de droit, en fils aîné, en bras droit qu'il était, il s'était précipité devant Dieu. C'est là qu'il avait compris qu'il s'était fourvoyé : Dieu ne l'avait pas créé pour être son fils, son bras droit, mais uniquement pour être son Serviteur, car de fils, il en avait un, de même nature que Lui.
Fou de colère, il en avait jeté la Lumière qui faisait son orgueil aux pieds de Dieu, et s'était enfui loin, très loin, décidé à s'affranchir de Dieu, à lui montrer qu'il aurait pu, qu'il aurait du être son égal. Mais il était tombé, tombé dans une chute sans fin jusque dans les profondeurs de la terre, entraînant dans sa chute quelques anges éblouis par sa lumière, et beaucoup de jaloux.
Ce ne fut qu'au terme de sa chute qu'il comprit : les grandes ailes de plumes blanches qu'il avait admiré dans le reflet que lui renvoyait le miroir de la mer, ces ailes avaient disparu.
Attributs des messagers de Dieu, c'est auprès de lui qu'elles étaient restées, en mémoire de la Chute, en avertissement pour les autres anges.
Ou peut-être en promesse d'une possible rédemption.
