Hello!
Pour vous remercier de vos messages sur "Un pont vers l'infini" (vraiment merci!), je vous poste une autre fic?
Au niveau de la time-line, l'histoire de passe après le final de la saison 3 (quand Montgomery meurt et que Kate se fait tirer dessus lors de son enterrement) et ne tient pas compte du reste de la série puisqu'elle a été écrite avant le début de la saison 4.
C'est une fic qui est principalement centrée sur Beckett, mais apparaîtront au fur et à mesure d'autres personnages, appartenant ou non à la série. La fic s'appelle « Regards croisés » à la fois parce qu'elle regroupe les différents regards que son entourage porte sur Kate, et pour les regards qui se croisent tout au long de l'histoire.
Vous verrez apparaître un personnage de Bones que j'avais adoré, Gordon Gordon Wyatt, le psy des tous débuts de la série, mais ce n'est pas un cross-over pour autant, et le personnage est suffisamment développé pour que ce ne soit absolument pas un problème pour ceux qui ne connaîtraient pas la série.
Au niveau du genre, on explore ce qui me plaît le plus ,c'est-à-dire les relations entre les personnages, ainsi que le cheminement psychologique de Kate.
Voilà, j'espère que ça vous plaira ! Bonne lecture! Violette
...
Kate appuya son front contre la vitre, observant le paysage New-Yorkais détrempé par une pluie persistante. Son humeur était au diapason de la grisaille du temps.
Au bout de quelques minutes, elle s'éloigna en soupirant, et se dirigea vers la cuisine pour se verser un café. Alors qu'elle aspirait une gorgée du revigorant liquide noir, elle jeta machinalement un coup d'œil à sa montre. 8h56. C'était déjà sa troisième tasse… ou peut-être la quatrième... Elle se mordilla la lèvre inférieure. Hum… elle n'aurait pas dû boire autant de café. Elle avait rendez-vous à l'hôpital à 10h pour une visite de contrôle et s'exposait à des remarques si le médecin la voyait aussi nerveuse.
Peut-être pourrait-elle au moins manger quelque chose pour atténuer les effets de la caféine ? Elle ouvrit son placard, regarda les boîtes de céréales et de préparation pour pancakes et fit la grimace. Les œufs et le bacon qui remplissaient le rayonnage supérieur de son frigo ne lui firent pas plus envie. Une vague nausée lui souleva l'estomac. Il était inutile d'insister, elle mangerait quelque chose plus tard.
A contrecœur, elle vida sa tasse de café dans l'évier, et regarda pensivement le précieux breuvage disparaître en méandre sombres.
Cela faisait presque un mois qu'elle était sortie de l'hôpital. Un mois qu'une balle avait failli lui coûter la vie. Un mois qu'elle prenait consciencieusement ses médicaments, qu'elle laissait Josh soigner sa blessure, qu'elle se reposait, tout cela dans le seul et unique but de retourner le plus tôt possible au commissariat et de retrouver sa routine.
Cela faisait un mois également que Montgomery était mort. Sa respiration s'accéléra légèrement au souvenir de cette nuit-là. Elle posa brusquement la tasse vide sur le plan de travail et secoua la tête pour chasser les images qui se formaient dans son esprit.
Elle s'en était sortie, elle était vivante. Et elle trouvait qu'elle tenait plutôt bien le coup.
Elle aurait pu hurler lorsqu'elle s'était réveillée dans cette chambre, à peine éclairée par les voyants des appareils médicaux. Pourtant la douleur physique n'était rien. Le pire, ça avait été juste après. Quand elle avait repris conscience et que les souvenirs avaient ressurgi, accompagnés par la peur, la violence, la colère, la culpabilité. Elle avait eu l'impression que son esprit se retrouvait enfermé dans une prison de souffrance.
On n'oublie jamais, mais on se réveille un jour et on s'aperçoit que ça ne nous fait plus souffrir… C'était ce qu'elle disait. C'était ce qu'elle croyait. Elle n'avait pas imaginé que lorsque la souffrance revenait, elle vous frappait à nouveau de plein fouet, avec la même force. Elle vous coupait le souffle et vous laissait aussi pantelant de douleur que la première fois. C'était pire même peut-être, car à la surprise s'ajoutait l'impression que tout ce qu'elle avait cru dépasser n'avait été qu'un leurre.
Mais Kate était une battante, elle avait contré la douleur de la manière la plus radicale qui soit : en ne lui laissant pas l'occasion d'exister. A ce jour, elle se sentait totalement détachée, anesthésiée. Comme si rien ne pouvait l'atteindre. Dans un sens, c'était confortable. Elle limitait les conversations, elle éludait les questions, elle refoulait les émotions. Elle évoluait dans un monde cotonneux et aseptisé, sans joie ni peine particulière, simplement attentive à rester debout sur ses pieds.
Si une petite voix dans un coin de son esprit s'alarmait pourtant ce cet état de fait, elle avait pris le parti de l'ignorer. Elle savait ce dont elle avait besoin : travailler. Se plonger dans des cas complexes. Remplir son tableau blanc. Interroger des suspects. Même s'asseoir à son bureau pour faire de la paperasse lui apparaissait comme une perspective réjouissante.
Elle se dirigea à nouveau vers la fenêtre et posa cette fois sa joue contre la fraîcheur du carreau que balafrait la pluie ruisselante. Elle inspira profondément pour se calmer. Plus qu'un quart d'heure, et elle partirait pour l'hôpital.
….
- Ecoutez… votre plaie cicatrise très bien…
Kate, qui était en train de reboutonner sa chemise, suspendit son geste.
- Mais ? interrogea-t-elle sur un ton incisif.
Le docteur Seban prit le temps de s'asseoir derrière son bureau avant de répondre :
- Mais je crois savoir que la balle n'est pas la blessure la plus préoccupante à cette heure-ci.
Tout en prenant place en face de lui, elle darda sur lui des yeux perçants.
- Josh vous a parlé ?
L'homme en blouse blanche s'agita sur sa chaise, visiblement mal à l'aise sous le regard pénétrant de sa patiente.
- Il m'a simplement dit que la fusillade qui a amené votre Capitaine à perdre la vie était liée au meurtre de votre mère. Et que la balle que vous avez prise était sans doute liée à cette affaire.
Le visage de Kate se ferma, elle était visiblement contrariée.
- Ecoutez, il m'a donné quelques éléments en effet, reprit le docteur Seban avant d'ajouter doucement : pas seulement parce que c'est un ami, mais parce que c'est votre chirurgien. Cela fait partie du protocole, nous discutons de tous nos patients communs, dans le but de les comprendre au mieux et de leur prodiguer les meilleurs soins possibles.
- Bien sûr, approuva-t-elle, semblant lâcher le bras de fer. Alors allons-y, que voulez-vous savoir ?
Le médecin marqua une pause, il avait la désagréable impression de ne pas être le maître du jeu dans cet entretien. Mais il avait déjà eu l'occasion d'être confronté à Kate Beckett, il savait qu'elle avait besoin de garder le contrôle, surtout dans une situation comme celle-ci où elle se retrouvait en position vulnérable. De plus, il était convaincu qu'une des qualités principales d'un bon praticien était l'adaptabilité. Il posa donc sa question de bonne grâce :
- Lors de votre séjour ici vous avez eu énormément de cauchemars. Est-ce que ça va mieux maintenant ?
Kate hocha la tête affirmativement avant de répondre.
- Oui. Je dors très bien.
- Vous prenez toujours les somnifères que je vous ai prescrits ?
- Non.
- A cause des effets secondaires ?
- Non… je les ai oubliés un soir et j'ai parfaitement dormi, énormément même, alors j'ai pensé qu'il était inutile de les prendre.
L'homme leva aussitôt son stylo.
- Qu'entendez-vous exactement par « énormément » ?
- J'ai dormi quatorze heures cette nuit-là.
- Et maintenant ?
- Environ douze heures par nuit. Je fais aussi une sieste l'après-midi, et parfois je m'endors le soir devant la télévision.
Le médecin fronça les sourcils. Vu les cernes qui s'étalaient sous yeux, il aurait pourtant parié qu'elle n'avait pas son content de sommeil. Elle lui semblait également amincie, et anormalement nerveuse.
- Vous mangez correctement ?
Elle haussa les épaules :
- J'avoue que je n'ai pas très faim. Mais je m'efforce de manger, ajouta-t-elle précipitamment, je sais que c'est important pour récupérer le plus rapidement possible ma condition physique. D'ailleurs quand pensez-vous que je pourrai à nouveau reprendre l'entraînement ?
Le docteur remonta ses lunettes à fine monture métallique, paraissant peser le pour et le contre. Il parla ensuite d'une voix lente et posée, essayant de laisser transparaître dans sa voix toute l'empathie qu'il ressentait :
- Il n'est pas question pour vous de reprendre une activité sportive pour l'instant. Je ne suis même pas en faveur d'une reprise professionnelle pour tout vous dire Lieutenant Beckett.
Elle eût la sensation de tomber dans un trou noir en entendant ces paroles. Il n'allait pas lui faire ça ! Elle avait besoin de retourner bosser, c'était vital à ses yeux.
- Mais… Pourquoi ? articula-t-elle d'une voix blanche.
- Ecoutez, hypersomnie et appétit restreint, ça ne me plait pas. Et puis vous avez l'air fatigué. Pour tout dire, je vous trouve un peu déprimée.
- Parce que je tourne en rond chez moi ! s'exclama la jeune femme. J'ai besoin de voir autre chose ! J'ai besoin de travailler !
Elle avait prononcé son dernier mot sur un ton presque rageur. Le médecin hocha la tête, la façon désespérée dont elle se raccrochait à son travail avait quelque chose de malsain qui venait confirmer ses soupçons. Kate Beckett avait beau se montrer extrêmement persuasive, il pensait qu'accéder à sa requête ne lui rendrait pas service. Pour aider les gens, il fallait parfois savoir agir malgré eux.
- Vous savez, la plupart des gens seraient ravis de ce congé forcé. Avez-vous pensé que vos repères auront changé lorsque vous retournerez au commissariat ? Vous risquez d'en être affectée plus que vous ne le pensez. Je dois m'assurer que vous serez en mesure de faire face à ces changements avant de vous permettre de retourner travailler.
Kate déglutit. Elle savait tout ça bien entendu, mais elle n'y avait pas vraiment réfléchi, tout ce qu'elle voulait c'était retrouver une vie normale. C'était cette perspective qui lui avait permis de tenir le coup jusqu'ici. Comment allait-elle faire maintenant ? Comme elle restait silencieuse le médecin reprit sur un ton qui se voulait plus léger :
- Quand je vous ai interdit de reprendre le sport, je n'ai jamais dit que vous deviez restée cloîtrée chez vous. Sortez, promenez-vous, allez manger avec vos amis, profitez-en pour aller au théâtre, au musée. D'autre part il me semblerait important que vous puissiez parler avec un psychologue, je serais heureux de vous communiquer une liste de spécialistes qui…
La voix de la jeune femme claqua :
- Non. Non merci.
Elle se leva et tendit la main, lui signifiant que l'entretien était terminé.
Le docteur Seban resta songeur un long moment après que la porte de son bureau se fut refermée. Certains patients bousculent vos certitudes et vous précipitent en dehors de votre zone de confort. Il supposait que priver la jeune femme de ce qu'elle considérait comme sa bouée de sauvetage l'obligerait à plonger dans les eaux troubles qu'elle essayait d'éviter. Avait-il fait le bon choix ? Il espérait sincèrement qu'elle ne sombrerait pas, mais qu'au contraire elle apprendrait à nager.
…
Kate tremblait en entrant dans l'ascenseur. Elle s'accrocha à la main courante en serrant si fort que les jointures de ses doigts blanchirent. Elle ne pouvait pas croire ce qui venait d'arriver. Elle n'avait pas le droit de retourner travailler. Elle était même partie si précipitamment qu'elle n'avait pas pensé à demander au docteur Seban combien de temps elle allait encore devoir attendre.
Ou peut-être savait elle intuitivement que ce n'était pas une question de temps mais d'état d'esprit.
Elle croisa son propre regard dans le miroir lorsqu'elle releva finalement la tête. Elle détailla son visage, et dû admettre qu'elle n'avait pas bonne mine. Quelque chose la rongeait de l'intérieur, elle le savait. Mais aller voir un psy ? C'était comme se retrouver tirée des années en arrière, dans un espace qu'elle avait espéré ne plus jamais avoir à visiter.
Essayant d'ignorer la boule d'angoisse qui se formait dans sa gorge, elle sortit son portable de son sac pour le rallumer. Son père avait tenté de la joindre. Intriguée, car ils s'étaient vus la veille, elle le rappela aussitôt qu'elle fut sortie du bâtiment.
- Allô ? répondit la voix toute proche de Jim Beckett.
Elle tourna brusquement la tête :
- Papa ? Qu'est-ce que tu fais ici ?
