Bonsoir! Je publie à nouveau après une longue absence. Bah, oui, c'est la fic la plus longue que j'aie écrite, et je voulais la terminer avant de poster. Elle sera découpée en 3 ou 4 chapitres et peut-être un bonus. Enfin bon, c'est pas ça qui vous intéresse!

Si je publie ce que j'écris c'est pour avoir des retours. Je suis assez fière du résultat final mais évidemment que mon point de vue n'est pas objectif... Du coup, n'hésitez pas à m'aider à m'améliorer ou dîtes juste bonjour, ça fait tellement chaud au cœur!

Merci à Amelia theFujoshi (j'espère que je n'ai pas écorché ton pseudo...) qui m'a boostée dans la dernière ligne droite.

Une dernière précision, les passages en italique sont dans le présent, les autres dans le passé.

Sur ce, assez blablaté, bonne lecture!

Sur un air de piano

Son cœur se brisa en miettes. Il pensait qu'il ne pouvait pas être encore plus mal que lorsque Sherlock était « mort » mais visiblement, tout peut toujours être pire. Il n'en pouvait plus. Il en avait plus que marre. Il avait survécu à la guerre mais Sherlock l'avait aidé à s'en remettre. Puis c'est Sherlock qui avait disparu, mais quelqu'un d'autre avait été là pour lui. Et puis tout s'était envolé et maintenant, il était plus que seul. Cette-fois ci, il tombait sans filets, sans personne pour ramasser les morceaux. Il ne voyait plus l'intérêt qu'avait sa vie. Il avait décidé d'en finir et c'est ce soir que tout allait se jouer. Il voulait faire ça à Regent's Park, là où tout avait commencé car au fond, s'il n'avait pas rencontré Mike Stamford ce matin-là, il ne lui aurait jamais présenté Sherlock et son cœur n'aurait pas été brisé deux fois. Il avait vu la guerre, des champs de mines, des paysages et des corps dévastés mais jamais il n'aurait pu imaginer vivre pire. À l'intérieur, il était en charpie. Cette-fois-ci, plus personne n'était là pour lui, autant en terminer.

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Pour Mycroft, l'histoire avait commencé deux ans plus tôt. Son frère, le seul détective consultant du monde, était venu le voir au gouvernement pour lui parler du plan qu'il avait pour éliminer l'un des plus dangereux criminels que la Terre ait porté. La première phase, à savoir simuler sa mort et ensuite s'infiltrer dans le réseau de Moriarty pour le détruire de l'intérieur lui sembla tout à fait cohérente et plutôt intelligente. En revanche, la deuxième partie du stratagème l'impliquait personnellement et l'ennuyait au plus haut point. Sherlock soupçonnait que John prendrait mal sa disparition et malgré ce qu'il prétendait, il ne voulait pas voir le médecin malheureux. Mycroft connaissait l'importance qu'avait leur relation pour son frère mais il ne parvenait pas à comprendre pourquoi. L'amour était un désavantage, l'amitié également. Encore, si l'arrangement n'était que pratique il l'aurait compris, John tenait la maison et s'occupait de tout, laissant à son frère plus de loisir que nécessaire, mais il y avait plus que cela ! En tous cas, Sherlock n'accepterait de disparaître que si Mycroft promettait de veiller sur l'ancien militaire. Comme si le politicien n'avait que ça à faire, de jouer les babysitteurs ! Pour être tout à fait honnête, il tenait plus à la sécurité de sa très chère Grande-Bretagne qu'à celle de John et il aurait préféré parcourir le Commonwealth en twingo que de passer une journée auprès du médecin endeuillé. Cependant cette fois-ci, l'un impliquait l'autre, il accepta donc de garder un œil sur lui et d'intervenir si nécessaire, afin que Sherlock ne prenne pas racines sur la moquette. Coincé Moriarty et son réseau était primordial et cela valait bien quelques sacrifices. De toute façon, son équipe lui fournirait des rapports régulièrement et Sherlock serait de retour avant qu'il ait eu le temps de dire ouf. Il ne pouvait pas se douter que cet arrangement avait signé le début de la fin pour lui.

Dès que le jeune Holmes fut parti, Mycroft chargea Anthéa de lancer la procédure habituelle en ce qui concernait les surveillances rapprochées. Il n'avait plus qu'à attendre le faux suicide de son petit frère et les premiers rapports. Il oublia bien vite cette histoire, trop absorbé par une affaire de catégorie neuf en Ouzbékistan.

Les premières semaines de deuil se passèrent le mieux possible dans ce genre de situations pour John. Du moins selon les rapports hebdomadaires classés dans des dossiers bleu marine, la couleur réservée aux affaires personnelles du politicien. Au bout de deux mois, le médecin commença à plonger. Il mangeait de moins en moins, ne sortait plus. Il avait pris un congé sabbatique à la clinique et payait ses factures avec trois semaines de retard en moyenne, lui qui avait veillé à toujours tout régler en temps en en heure. Mycroft ne s'en occupa pas vraiment, trop absorbé par la politique internationale mais Sherlock qui gardait évidemment un œil sur son médecin, lui intima l'ordre d'immédiatement régler la situation. C'est ainsi que l'Homme de glace se trouva à la porte du 221B, révisant son discours dans sa tête. Simple, efficace, précis. Il ne lui faudrait que vingt minutes au plus avant de retourner au bureau.

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C'est à cela que Mycroft pensait lorsqu'il frappa au panneau de chêne. Il s'était trouvé là il y deux ans, bien moins angoissé et bien plus sûr de lui. Il se dit que ça ne faisait pas si longtemps que son histoire avec le médecin avait commencé et pourtant, John ne voulait déjà plus entendre parler de lui. Ce qu'il lui avait fait ? Il n'en avait aucune idée mais était ici pour le savoir. Si à l'époque il avait préféré ignorer totalement le blond, aujourd'hui, il avait absolument besoin de lui à ses côtés. La même boule d'angoisse le tenaillait depuis deux jours. Elle ne le quittait jamais. C'était un poids insupportable sur son estomac, contre lequel il ne pouvait pas lutter. Depuis deux jours où John ne répondait plus à ses appels, à ses messages, à ses mails. Il avait même hésité à lui envoyer un recommandé. Lorsque l'ancien militaire ouvrit la porte, le politicien fit immédiatement un parallèle avec la première fois qu'il avait vu le médecin après la mort de Sherlock. Les mêmes yeux rougis d'avoir pleuré, les mêmes cheveux en batailles et la même barbe de plusieurs jours. Son maintien légendaire avait disparu ainsi que la lumière dans son regard. Dans son pyjama élimé, on aurait pu croire que cela faisait des mois qu'il vivait dans une grotte. Son cœur se serra. Il avait imaginé plus ou moins tous les scénarios possibles mais voir son John dans un état pareil lui fit mal. Ce qui le blessa encore plus fut la lueur de haine qui brillait derrière la tristesse, au fond de ses pupilles. Mycroft eut un frisson d'effroi lorsqu'il réalisa que ce regard lui était directement adressé. Ce qui voulait dire qu'il était probablement la cause de l'état de John mais il ne voulait pas, c'était impossible ! Il l'aimait trop pour cela ! Il espérait tellement se tromper. Il espérait tellement que le regard du médecin s'adoucirait quand il le reconnaîtrait. C'était probablement cela, il n'avait pas encore réalisé que c'était lui. L'espoir fait vivre, comme on dit. Si on avait pu lui promettre que ses prières seraient exaucées, il se serait volontiers converti à n'importe quelle religion. John le fixait, le regard bien trop expressif pour que le politicien trouve la situation tolérable. Et il eut mal, une des plus grandes douleurs qu'il avait connu jusqu'à aujourd'hui. Il n'aurait jamais cru que l'homme qu'il tenait encore dans ses bras il y a une semaine puisse le regarder ainsi. Il en était mortifié. Et son don pour la déduction lui était tout bonnement inutile. Il ne parvenait pas à comprendre les raisons de la colère du docteur.

« John, attends ! »

C'est tout ce qu'il parvint à dire avant que la porte ne se referme violement sur lui. Il entendit ensuite un coup, qui lui aurait certainement brisé la mâchoire si le chêne ne l'avait pas reçu à se place…

« J'ai des cartons à faire, dégage de mon chemin espèce d'enfoiré ! Pourtant je le savais, que t'étais qu'un sale con hypocrite ! Tu crois pas que tu as fait suffisamment de mal comme ça ? Comment avez-vous pu ? Vous vous êtes bien foutus de ma gueule ! »

La déclaration du médecin arracha une grimace au politicien qui cherchait quoi dire mais ne trouvait pas. Il avait l'impression de se noyer dans ses propres pensées. Il se débattait avec son cauchemar, ne sachant comment en sortir. Il ne pouvait pas vivre sans John. C'était lui qui lui avait réappris à utiliser son cœur, comment pourrait-il s'en sortir après cela ? Il ne pouvait pas ne plus l'aimer, c'était purement impossible ! Il resta devant la porte à suffoquer pendant un temps, jusqu'à ce qu'il les sentent arriver, ces vicieuses. Il dévala les escaliers, et cria presque au chauffeur de démarrer. Il respira, se concentra le plus qu'il pouvait. Il les reteints, ses ennemies de toujours. Lorsqu'il fut enfin chez lui, il arrêta de lutter contre elles. Bon Dieu qu'il les haïssait, ces larmes, ces preuves de sa faiblesse ! Pourtant, il avait toujours réussi à les vaincre, et sans trop d'efforts en plus. Il fut d'ailleurs surpris de savoir encore en fabriquer. Cela faisait tellement longtemps qu'il les avaient refoulées au fond de lui qu'il avait même oublié l'effet que ça faisait, de pleurer. Lorsqu'il n'eut plus assez de larmes, il continua de sangloter. Il parvint enfin à se calmer et se mit à réfléchir. Pourquoi son médecin avait-il eut une réaction pareille ? Et de qui parlait-il quand il disait vous ? Puis tout lui parut clair. Il reçut l'évidence comme une claque. La solution était tellement évidente qu'il aurait dû comprendre de suite, avant même d'arriver à Baker street. John avait revu Sherlock et cet imbécile lui avait expliqué toute l'histoire. L'ancien militaire s'était alors sentit trahit par son petit frère mais également par lui-même, car il avait été au courant de tout, depuis le début, ce qui faisait de lui un sale con, il devait l'admettre. Mycroft comprenait pourquoi le médecin était en colère mais il sentit à nouveau l'angoisse l'envahir lorsqu'il se rendit compte qu'il ne savait absolument pas comment arranger la situation. Il devrait expliquer tout l'histoire à John mais celui-ci refusait de lui parler… C'était un problème sans issues. De nouveau, il les senti. Et il ne lutta pas. Il alla se servir un verre d'un whisky extrêmement cher, offert par un président quelconque et se rassit dans son fauteuil préféré, celui où il s'installait avec John, le soir, en rentrant du travail. Il se souvenait que son médecin venait toujours se blottir contre lui. Ils mettaient quelques secondes à s'entremêler et restaient là des heures entières, en regardant les lumières de la ville à travers la baie vitrée. Mycroft passait distraitement sa main dans les cheveux blonds de son amant. Ils ne parlaient pas souvent, se laissant plutôt bercer l'un et l'autre dans la douceur de l'instant. John enfouissait souvent son visage dans son coup. Son souffle l'apaisait. Il se délecta de ce souvenir, sentant sa joue devenir encore plus humide.

De son côté, John réfléchissait en terminant d'emballer ses affaires. Il était hors de question qu'il reste ici une seconde de plus que nécessaire et voulait s'en aller avant que Sherlock ne revienne. Il savait depuis deux jours que son ami était en vie, et pour l'instant, il ne pouvait tout simplement pas s'en réjouir. Le salaud l'avait trahi. Et son frère aussi. Il l'avait pleuré, avait été ravagé de l'intérieur. Il avait fait confiance à Mycroft qui lui avait menti pendant deux ans. Deux ans de relation qui était bâtie sur un mensonge. Hypocrisie, encore et toujours. Tout ce qu'il voulait c'était que son cœur arrête de lui faire si mal. Le trou de sa poitrine s'était réveillé et il se vengeait d'avoir été ignoré pendant tout ce temps. Pourquoi est-ce que Mycroft s'était donné la peine d'être si attentionné avec lui ? Pourquoi s'était-il soucié de lui ainsi ? Pourquoi s'était-il donné autant de mal pour l'aider à faire son deuil alors que lui révéler la vérité aurait été bien plus simple ? Ils avaient joué avec ses sentiments. Il aurait tellement voulu disparaître ! Et que Mycroft ait le culot de se présenter il y a vingt minutes l'avait achevé. Il en était là dans ses réflexions lorsqu'il ouvrit le tiroir dans lequel il rangeait son arme. Elle était là, tentatrice. Il hésita puis la mit simplement dans la poche de sa veste. Il sortit, songeant à pourquoi il était tombé amoureux de Mycroft Holmes, l'Homme de glace.

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C'était deux mois après la disparition de Sherlock. John tentait tant bien que mal de se remettre de la mort de son meilleur ami mais depuis quelques temps, il n'arrivait plus à lutter. Il n'arrivait plus à garder la tête hors de l'eau. Il voulait respirer mais c'était impossible parce que des mètres cubes d'un liquide épais stagnaient au-dessus de se tête. Il avait l'impression de vivre comme dans une bulle. Il ruminait tout cela, allongé sur le canapé de Sherlock, vêtu de la robe de chambre bleue de Sherlock dans cet appartement qui lui rappelait bien trop Sherlock pour qu'il arrive à faire son deuil. Mais pour être honnête, il ne se voyait pas quitter Baker street. Il avait essayé d'emménager à l'hôtel un moment mais l'expérience avait été un désastre. On lui avait prié de quitter les lieux à la deuxième terreur nocturne et dès lors, le 221B était devenu son cocon. Une sorte de carapace ou son meilleur ami était toujours un peu en vie. Un endroit où il avait horriblement mal, mais déjà moins qu'à l'extérieur. Rien n'avait bougé, il n'en était pas capable, pas pour l'instant. Se débarrasser des affaires de Sherlock aurait été pour lui comme de le tuer une deuxième fois. Soudain, on frappa à la porte. Pas Mme Hudson, elle ouvrait et signalait ensuite sa présence. Quelqu'un d'autre donc mais qui ? Cette personne était soit angoissée soit en colère, il ne savait pas trop, ne parvenait pas à se rappeler ce que Sherlock lui avait expliqué. C'était déjà pas mal cela dit. Il se dit qu'il perdrait moins d'énergie en allant voir par lui-même qu'en passant toutes les possibilités en revue. Lorsqu'il ouvrit la porte, ce qu'il vit ne lui plut pas du tout. Mycroft Holmes, le Traître, se tenait sur le palier de son appartement. Il le tenait responsable, au moins à moitié, de la mort de son meilleur ami et ne supportait pas son sourire si faux. Pour autant, ce jour-là, il ne souriait pas. Quelque chose brillait dans ses yeux mais il ne sut dire quoi. De la pitié sûrement. John lui aurait bien envoyé une remarque sur son régime pour qu'il arrête de le regarder comme ça mais se retint. Comme le politicien n'avait toujours pas dit mot, il s'effaça, sa jambe choisissant ce moment précis pour se manifester. Il faut croire que l'absence de douleur allait de pair avec Sherlock. L'aîné des Holmes entré, il proposa du thé, plus par politesse que par réelle envie et surtout pour briser le silence. Il s'en alla à la cuisine pour faire chauffer l'eau. En attendant, appuyé au comptoir, il observait Mycroft à la dérobée. Il n'avait absolument pas changé, il était toujours aussi antipathique. L'eau avait fini par bouillir et l'hôte se présenta au salon chargé d'un plateau. Il y avait ajouté des pavés bretons, juste pour embêter le politicien. S'il avait le culot de se présenter ici comme une fleur deux mois après le décès de son frère, il pouvait bien se permettre cette mauvaise plaisanterie ! Le silence avait repris ses droits et le brun évitait tant bien que mal de poser son regard sur les biscuits dorés. John n'était pas Sherlock mais il voyait bien que Mycroft peinait à démarrer la conversation. Le médecin commença à s'impatienter. Qu'il parle à la fin ! Il n'aurait pas pu lui envoyer un courrier ? Finalement, l'intrus prit une inspiration et se lança.

« Bien, voilà, euh… J'ai été… investit d'une mission avant le terribles accident de Sher-

- Cela n'avait rien d'un accident ! La voix de John s'était faite plus menaçante qu'il ne l'aurait cru.

- Euh, oui, excusez-moi… Enfin, avant la fin, Sherlock m'a contacté. En cas de problème, je devais faire en sorte que vous ne manquiez de rien et je suis donc ici pour que nous discutions. Disons plutôt que je devais m'assurer d'être présent si les choses tournaient mal et au vu de votre jambe qui vous fait à nouveau souffrir et que vous ayez repris contact avec votre psychologue, je pense que le moment est venu que je m'inquiète de votre cas…

- Vous vous prenez pour qui ? Vous pensez vraiment que j'ai besoin de votre aide ? Vous en avez déjà assez fait ! Et, une dernière chose, ma vie me regarde, vous n'avez pas à vous permettre ce genre de remarques ! Sur ce, adieu, sortez d'ici avant que je vous frappe ! »

Le médecin était hors de lui. Lorsque Sherlock déduisait sa vie en quelques secondes, il trouvait cela fascinant. Lorsque c'était Mycroft, c'était juste incroyablement insultant. Tellement qu'il en venait même à comprendre Anderson et le sergent Donovan. En plus, si le Traître connaissait les dernières volontés de Sherlock, il devait savoir que son frère était en danger ! Et il n'avait rien fait ! Soudain, il pleura. Les larmes étaient venues d'un coup, sans qu'il les sentent monter. Il pleura car Sherlock n'avait pas agi en pur égoïste comme il le faisait tout le temps. Il avait pensé à lui et s'était inquiété. L'attention, même si elle impliquait le Traître, le toucha.

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Quand il repensa à la première fois qu'ils s'étaient revus après la mort de Sherlock, John se demanda vraiment comment les choses avaient dégénéré. Comment avait-il fait pour se faire ainsi avoir par le politicien ? Comment avait-il finit par ne plus voir l'antipathie qui caractérisait Mycroft Holmes ? Il voyait leur relation ainsi à présent, comme une erreur de parcours. Il n'était pas encore prêt à faire de même avec ses deux ans de vie commune avec Sherlock mais espérait y parvenir à moyen terme. Lorsqu'il sortit de ses pensées, il était arrivé à l'hôtel dans lequel il comptait passer les prochains jours. C'était une chambre sordide, avec juste le nécessaire, mais au moins il y serait seul. Enfin, il aurait préféré avoir quelqu'un sur qui compter mais visiblement, c'était trop demandé à l'univers. Il n'alluma même pas la lumière et s'assit sur le lit.

Dans son fauteuil, Mycroft noyait son chagrin dans l'alcool. Il avait honte de se laisser aller ainsi. Ce genre de comportements ne lui correspondait tellement pas ! Il n'aurait pas dû être atteint aussi violemment. Il était néanmoins résolu à trouver un plan à mettre en action dès le lendemain car il savait qu'il ne pouvait pas vivre sans son John. En s'écoutant penser ainsi, il avait envie de se gifler. Seulement son amant l'avait rendu humain et il ne pouvait rien contre cela alors autant faire avec. Il repensa à leur première dispute, la première fois qu'il s'était rendu à Baker street. Mycroft lui avait écrit un mail pour s'excuser et lui demander de se revoir. Poussé par la curiosité, John avait accepté. Il s'en souvenait encore, même si cette information était hautement inutile…

Docteur Watson,

Veuillez m'excuser de m'être exprimé ainsi. Je n'ai pas mesuré mes paroles et mon intention n'était en aucun cas de vous blesser. Bien sûr, il est impossible de revenir sur ses actes et je me dois d'assumer ce qu'il s'est passé, le fait que je n'ai pas su m'exprimer sur le moment ne pardonnant rien mais si vous vouliez bien me rencontrer demain au Diogène, je serai comblé de pouvoir vous expliquer la raison de ma visite impromptue.

Cordialement, Mycroft Holmes

Même sur le moment, le politicien avait trouvé son mail extrêmement pompeux et se demandait comment son plan avait pu fonctionner. À cette époque ce n'était rien qu'un plan. Un jeu du chat et de la souris qui occupait ses heures de temps libre. Et maintenant, sa vie en dépendait. Il ne pouvait plus imaginer sa vie sans John, sans ses sourires calmes qui le réconfortait toujours après une journée de travail, sans son corps tremblant entre ses bras, sans ses bons petits plats… Tout ça faisait partie intégrante de sa vie et lui était aussi indispensable que respirer. La réponse de John lui revint en tête.

Monsieur Holmes,

Je suis absolument navré de vous faire sentir coupable. Si vous voulez me rencontrer, très bien, mais pas dans votre pseudo club guindé. Nous nous retrouverons au Cheval sans tête que cela vous plaise ou non. Et s'il vous plaît, cette-fois ci, venez-en immédiatement au fait.

John Watson

Le Cheval sans tête… Dieu qu'il avait trouvé ce nom ridicule ! Qui appelait son établissement ainsi ? Enfin, il avait bien été obligé d'accepter s'il voulait que Sherlock ne réapparaisse pas dans son bureau pour lui remonter les bretelles. Il y était donc allé et finalement, malgré son nom ridicule, ce bar était devenu leur lieu de rendez-vous. Ils y allaient souvent pour discuter, avant mars. C'était un genre d'havre de paix, où la Corée et les États-Unis n'avaient plus aucune importance. Une bulle loin des quartiers qu'ils fréquentaient, où ils pouvaient se retrouver comme seuls au monde pendant des heures pour refaire le monde.

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L'heure du rendez-vous avait fini par arriver. John était là en avance pour avoir l'impression de contrôler un minimum la situation. Il commanda une pinte et attendit. Il avait fait un peu exprès de proposer un lieu aussi sordide à Mycroft. Le médecin ne venait ici qu'à cause du vieux piano. Si on avait de la chance, une âme torturée s'y installait pour jouer quelques notes. Certains avaient un talent, d'autres auraient dû s'abstenir mais parfois, on pouvait entendre des notes merveilleuses jusque sur le trottoir. Le reste du temps, l'instrument prenait la poussière, dans un recoin du bar, invisible pour la plupart des tables. C'était donc ici qu'il avait choisi de rencontrer Mycroft. Il espérait qu'il serait suffisamment déstabilisé pour laisser apparaître au moins une minuscule faille. Il ne savait pas vraiment pourquoi il tenait tant que ça à ce que le politicien soit humain. Son masque de glace ne le dérangeait pas plus que ça, d'ailleurs, moins il verrait le Traître, mieux il se porterait. Et psychanalyser Mycroft Holmes était une chose qui si elle avait été possible, l'aurait effrayé. Sérieusement, qui savait sur quoi il aurait pu tomber ? On ne pouvait pas être le gouvernement britannique sans avoir des cadavres dans le placard. Et si Sherlock en avaient au sens propre, au moins les pauvres gens étaient déjà morts… Il était en train de se demander si l'Homme de glace possédait lui-aussi un palais mental et à quoi il ressemblerait quand une toux le sorti de ses pensées. Quand on parle de loup… Il tendit sa main au nouvel arrivant qui semblait sortir d'un autre monde. Somme toute, c'était le cas. Lui, dans son costume trois pièces impeccable, parapluie anthracite assorti et chaussures hors-de-prix vernies, parfaitement peigné et rasé, tranchait avec les chemises usées des ouvriers et des ivrognes présents dans le bar. Son air pincé ne correspondait absolument pas au parquet poli seulement par les pas, au comptoir de bois sombre surmonté d'une étagère prête à s'écrouler sous le poids des verres. Les banquettes usées qui avaient vu passer des centaines de personnes venues dans cet endroit loin du centre pour oublier un peu leurs problèmes ou juste retrouver des amis. Probablement que Sa Majesté en personne n'aurait pas plus attiré l'attention que lui. Il s'assit sur l'un des tabourets du bar, à côté de John. Il commanda un café, et le médecin se dit qu'il n'aurait pas pu faire pire. Franchement, qui commandait un café dans un bar à cette heure ?

« Bien, vous vouliez que j'en vienne immédiatement aux faits, donc je vais commencer. Ne m'interrompez pas John, s'il vous plaît. Sherlock est venu me voir juste avant d'aller au Barts. Il voulait régler quelques affaires avec moi, histoire d'être sûr de ce qu'il laissait derrière lui. Mon petit frère était extrêmement préoccupé par votre sécurité, bien qu'il sache que vous sauriez vous débrouiller. Il voulait aussi que je m'assure de votre subsistance. Il a passé plusieurs minutes à me parler de la façon dont vous preniez votre thé, enfin bref. À la fin de notre conversation, il m'a fait promettre de veiller personnellement sur vous, tant sur le plan physique que psychologique. Je ne devais pas vous en parler, mais je pense que je vous dois la vérité. C'est pour ça que je suis venu à Baker street et j'ai été très maladroit, pardonnez-moi. »

Les yeux de John étaient humides et c'est avec une voix étouffée qu'il s'excusa auprès du politicien. Il sortit prendre l'air. Mycroft n'avait rien dit de particulier, il s'était contenter d'évoquer quelques fais d'un ton froid mais le fait d'entendre son nom, de savoir qu'il se rappelait comment il prenait son thé, avait fait remonter tellement de choses en lui qu'il se retrouvait à pleurer sur le trottoir, sous le regard intrigué des fêtards. Il ne parvenait pas à se calmer. Chaque fois qu'il pensait y arriver, de nouveaux sanglots explosaient dans sa poitrine. Il sentit soudain une main sur son épaule. Il se retourna surprit et une colère sourde l'envahit. Contre Mycroft qui le surprenait ainsi à pleurer et contre lui-même, de se montrer dans un état pareil au gouvernement britannique. Il vit une étincelle passer dans le regard du plus grand. Il ne parvint pas à la décrypter mais dû retenir son genou quand il le prit dans ses bars. Mycroft Holmes, l'Homme de glace, lui faisait un câlin. Et il le serait fort en plus ! Il essaya de se débattre mais l'autre ne se laissa pas faire. Passé le moment de surprise, il se détendit un peu, appréciant malgré lui ce contact. Il se calma peu à peu. Lorsqu'il y repensa, allongé sur son lit à l'hôtel, John prit cela comme sa première erreur. Il aurait dû repousser Mycroft. Mais sur le moment, l'étreinte lui avait paru si agréable ! Il se rendit compte à quel point il était seul depuis que Sherlock l'avait quitté. Alors peu importait à qui appartenaient les bras qui l'enserraient, il en avait besoin et c'était tout ce qui comptait. Il évitait à une époque de trop y repenser, mais peu à peu, alors que leur relation évoluait lentement, il commençait à chérir ce moment privilégié. Jusqu'à aujourd'hui. Il aurait dû l'envoyer paître… Lorsque Mycroft relâcha enfin sa prise, tous deux se raclèrent la gorge, gênés. Le politicien proposa ensuite de se rendre à nouveau à l'intérieur. John aurait préféré rentrer, pour pouvoir réfléchir à ce contact mais il fut curieux de savoir pourquoi Mycroft voulait poursuivre. Après tout, ils ne devaient se voir que pour s'expliquer, chose faite. Il avait même fait des heures supplémentaires en le réconfortant. La géopolitique mondiale n'avait donc pas besoin de lui ? Les deux hommes s'assirent à nouveau au bar et John commanda deux bières. Il se délecta de l'expression de son voisin lorsque le serveur déposa les chopes devant eux. Ils discutèrent pendant une heure puis des négociations avec la Chine rappelèrent le politicien au travail. Ils se quittèrent donc précipitamment et partirent chacun de leur côté, réfléchissant à ce rendez-vous déstabilisant.

Voilà donc ce premier chapitre. Les suivants devraient arrivés rapidement mais en attendant, laissez un petit mot, ça fait toujours plaisir!