Chapitre 1 : Une arrivée inattendue
Cela faisait déjà deux jours que Ricardo avait voulu jouer un tour à Diego. Deux jours durant lesquels il était devenu, avec son ami, le centre d'attention du pueblo. Pour ne pas dire la risée. Enfin, c'était son point de vue. La promesse qu'il s'était fait par la suite, de ne plus vouloir faire de plaisanterie, avait disparu. Balayée la veille lorsqu'il avait croisé Monastario. Ce dernier l'avait remercié pour le bain de boue qui l'avait aidé à retrouver un teint resplendissant.
La journée avait été fastidieuse. L'idée de trouver la véritable identité du Renard ne l'avait pas quitté mais personne dans le pueblo ne semblait savoir qui se cachait derrière le masque. Et contrairement aux autres villages traversés, pour les citoyens de Los Angeles, Zorro avait disparu lors d'un assaut contre le campement du bandit El Lobo. Il aidait alors les militaires à retrouver des personnes retenues en otage.
Ricardo regagnait la taverne lorsqu'il les vit arriver. Ils formaient un beau couple et une sacrée paire. Doña Salena avait un fort tempérament et Don Diego était très patient à ne pas en douter, selon les critères de Ricardo. Le jeune couple remarqua Ricardo et alla le saluer.
— Buenas tardes, lui dit Diego.
— Buenas tardes, répéta Ricardo en faisant un baisemain à Doña Salena. Je ne pensais pas vous voir ici si tardivement.
— Don Esteban et le capitán Toledano souhaitaient me voir. De plus, ma chère épouse avait une dernière course à faire, expliqua Diego tournant le dos à la place tandis que Salena se rapprochait d'un étal d'étoffes.
Une diligence s'arrêta et quatre voyageurs en descendirent.
— Croyez-vous que Monsieur Goupil sera ici ? demanda une voix grave.
— Rappelle-moi quel est le mot espagnol pour renard je te prie, fit une voix féminine en réponse.
— Zorro, affirma l'homme.
— Et comment appelait-on les renards en France, autrefois ? demanda la jeune femme tandis que leurs compagnons de route gagnaient l'auberge.
— Je ne sais pas, admit l'homme en passant une main dans ses cheveux.
— C'était un goupil, affirma la dame souriante.
Diego s'était tendu en entendant le début de la conversation. Il connaissait ces voix. Son ami l'avait vu blêmir.
— Tu vas bien ? demanda Ricardo
— Désolé… Tu disais ?
— Tu n'as pas l'air en forme… Tu es sur que tu vas bien ?
— Oui, oui. J'étais ailleurs.
— Tu es blanc comme un linge, tu devrais aller voir le docteur, dit Ricardo en remarquant le couple d'étranger.
Était-ce leur présence qui rendait Diego si nerveux et inquiet ? Diego porta la main à son front et desserra le col de sa chemise.
— Je dois vraiment y aller, murmura-t-il en se dirigeant lourdement vers le bureau d'Avila.
Ricardo se tourna de nouveau vers le couple et regarda autour de lui. Il remarqua Doña Salena revenir avec une belle étoffe
— Señor Del Amo, auriez-vous vu mon époux ? questionna-t-elle.
— Par pitié, ne soyez pas si… rigide. Appelez-moi Ricardo, por favor. Par ailleurs, votre mari vient de se rendre chez le médecin. Il s'est soudain senti mal.
Salena fronça les sourcils incrédules.
— Cependant, j'ai eu l'impression que la présence de ce couple y était responsable… Les connaissez-vous ? tenta-t-il en les désignant d'un signe de tête.
Salena se tourna vers eux. La señora était charmante et un peu plus âgée qu'elle. L'homme à ses côtés était grand et possédait une forte carrure qui inspirait crainte et danger. Le couple était à côté de la taverne, face à l'affiche d'amnistie de Zorro.
— Non, je ne les connais pas, dit-elle. Maintenant, veuillez m'excuser, je vais rejoindre Diego.
Coïncidence ou non, la jeune femme se tourna vers eux à ce moment précis. Ricardo sourit et la salua d'un signe de tête. Elle leva un sourcil intrigué. C'était bien le premier espagnol à la saluer ainsi. Tandis que Salena s'éloignait, Ricardo fit un premier pas mais s'arrêta aussitôt en voyant l'homme porter la main à son fourreau. Del Amo fit alors demi-tour et rejoignit Salena qui était presque devant chez le médecin. Les étrangers entrèrent ensuite dans la taverne. Ce genre d'endroits était propice aux ragots et autres rumeurs. Peut-être parviendraient-ils à en apprendre davantage sur ce Zorro…
Depuis la salle d'entrée de l'office du médecin, Diego observait les deux personnes par la fenêtre en attendant le señor Avila. Était-ce Laetitia et Aldric ? Il entendit une porte s'ouvrir et se retourna.
— Docteur Avila, salua-t-il.
— Don Diego, comment allez-vous ?
— Mon épaule droite me fait un peu souffrir suite à la bêtise de Ricardo et je dois admettre que je me sens aussi un peu… nauséeux. Rien d'anormal en soi, je pense.
— Laissez-moi en être le juge, soutint le médecin l'entraînant dans une autre pièce pour mieux pouvoir l'ausculter.
De ce fait, Diego ne vit pas le couple entrer dans la taverne après avoir regarder Ricardo et surtout Salena qui venait de quitter le señor Del Amo.
Quelques minutes plus tard, le docteur et Diego entendirent la porte s'ouvrir et se fermer par deux fois.
— Vous avez de la visite semble-t-il, dit Diego levant et tournant la tête vers le docteur qui était derrière lui.
— Je verrai après… Tout m'a l'air d'aller pour vous. Votre épaule est bien mobile et la cicatrisation se passe bien. Il n'y a rien d'anormal. Cependant, évitez les travaux forcés, plaisanta Avila.
— Si personne ne m'y contraint, je n'y vois pas d'inconvénients. D'autant plus qu'ils sont très salissants, renchérit Diego en souriant.
— Monastario vous a joué un très mauvais tour.
— Le plus coupable est mon ami, Ricardo Del Amo. C'est bien lui qui a eu la brillante idée d'aborder le sujet des plaisanteries avec le señor Monastario. Qui plus est, n'êtes vous pas celui qui a confirmé la mort du capitán Toledano ? Comment ont-ils fait pour vous convaincre ?
— Monastario a fort insisté. J'ai honte de l'admettre, mais je vous dois bien ça… Il a menacé de laisser le petit Diego dans mon cabinet pendant une journée entière.
— Et cela vous a fait fléchir ? Diego est pourtant un vrai petit ange, dit le jeune De la Vega avec étonnement.
— Un petit diable déguisé en ange, oui. Il ne tient pas en place lorsqu'il n'est plus chez lui. Sa mère est venue avec lui il y a quelques temps. Il n'a pas arrêté de courir dans tous les sens et toucher à tous les instruments pendant que j'auscultais Doña Isabella. Il a fallu l'intervention de sa mère pour le modérer un peu. Sur ces entrefaites, vous êtes vivement entré dans mon bureau, de noir vêtu, et cela l'a calmé net… Vous vous en souvenez ?
— Ah ! Oui… Je me suis même demandé ce qui s'était passé pour trouver votre office sens dessus dessous… C'était le petit Diego ?
— Oui… Vous comprenez, je l'espère, pourquoi j'ai accepté le marché de Monastario… Il ne m'a pas vraiment laissé le choix ce diable là.
— Quant aux participations du capitán Toledano et de Don Esteban, j'en suis resté sans voix. Je n'aurais jamais imaginé le capitán jouer une telle farce sans en avertir sa femme.
— Il n'en a sans doute pas eu le temps.
— Peut-être.
— Bien, rhabillez-vous. Je vais aller voir qui sont mes prochains patients, déclara le docteur avant de laisser Diego.
— Doña Salena, Señor Del Amo, êtes-vous souffrant ? l'entendit demander Diego.
— Non, tout va bien. Le señor Del Amo m'a dit que mon mari était venu vous voir, expliqua Salena.
— Señora, por favor, gémit Ricardo en l'entendant le nommer si solennellement.
Derrière la porte, Diego eut un petit rire. Salena savait pertinemment qu'elle pouvait l'appeler Ricardo, mais elle était très vindicative et lui reprochait encore sa farce. Tant que cela durerait, elle ne l'appellerait pas autrement et Diego le savait pertinemment.
— Votre mari va bien. Il a besoin de se reposer. Son séjour sur El Camino Real, aussi court fut-il, l'a de nouveau affaibli. Veillez à ce qu'il séjourne au frais et au calme, dit le docteur en fixant Ricardo qui détourna le regard mal à l'aise.
— Merci, Docteur, sourit Salena.
Diego choisit ce moment pour sortir de la pièce. Ricardo le trouva plus coloré. Sa farce avait-elle fait tant de dégâts ? Obnubilé par sa recherche de Zorro, il avait oublié de le questionner quant à la douleur qu'il avait remarquée lors de leurs travaux forcés. Sans doute son malaise y était lié.
— Diego chéri, n'oubliez pas votre rendez-vous.
— Oui, ma chère. Je vais y aller de ce pas. Gracias, Docteur. Et n'ayez crainte, je vais suivre vos conseils.
Parallèlement, lorsque le couple d'étrangers entra dans la taverne, personne, hormis le tavernier, ne s'en préoccupa. Les discussions générales tournaient autour des ventes de bétail et quelque peu sur le mauvais tour joué au jeune De la Vega. La jeune femme remarqua une table libre à côté de celle de deux soldats. Elle fit signe à son ami et allèrent s'y installer.
— Vous en faites une tête, Caporal, fit celui qui avait un très bon embonpoint.
— J'ai toujours du mal à l'avaler, Sergent, dit Reyes de sa voix monocorde.
— Si c'est votre verre, je peux bien le finir à votre place, dit le sergent de manière enjouée.
— Cela n'a rien à voir, rétorqua le caporal en reculant son verre comme si sa vie dépendait du liquide contenu dans celui-ci.
— Alors qu'avez-vous donc du mal à avaler ? demanda Garcia qui ne comprenait pas à quoi son ami faisait allusion si ce n'était pas la boisson.
— Vous savez… Que Zorro soit… commença-t-il.
Il s'arrêta aussi sec en criant de douleur. Et pour cause ! Le sergent venait de lui écraser le pied.
— Caporal Reyes, je vous rappelle qu'il est interdit de parler de l'ancien hors-la-loi, expliqua le gros sergent en regardant autour d'eux et remarquant le couple d'étrangers qui les regardaient bizarrement.
Ainsi les deux sous-officiers connaissent l'identité de cet homme, songea la jeune femme.
— Buenas días, Señorita, Señor, salua le tavernier en arrivant à leur table. Que puis-je vous servir ?
— Votre meilleur vin, por favor, demanda la jeune femme.
— Si, Señorita.
— Señora, corrigea l'homme un peu trop abruptement.
— Perdona me, Señora, rectifia Gonzales.
La jeune femme posa sa main gauche sur celle de l'homme et le sergent remarqua une bague à son annulaire. Ce devait être des jeunes mariés en voyage de noces, rien de plus.
— Sergent Garcia.
— Qu'y-a-t-il, Caporal Reyes.
— C'est à vous de payer aujourd'hui, dit le petit caporal avant de se lever et de s'éclipser.
Le gros sergent soupira et mit les mains à ses poches misérablement vides. Il regarda autour de lui, espérant que Don Diego se montrerait… vainement. Puis il reprit son gobelet et l'inspecta. Il était vide lui aussi, malheureusement. Lorsque le tavernier revint à la table des étrangers, il déposa deux verres et une bouteille puis fit demi-tour.
— Señor, l'interpella la señora.
— Si ?
— J'aimerais régler la note du sergent, murmura-t-elle pour ne pas être entendu par le gros sous-officier.
— Vous êtes sure ? demanda Gonzales incrédule et écarquillant les yeux.
— Si, Señor, affirma-t-elle.
— Très bien.
Il lui murmura alors l'ardoise du sergent Garcia et sa surprise fut de taille.
— Pour aujourd'hui seulement ? s'étonna-t-elle.
— Oh non… Depuis le début de la semaine uniquement. Don Diego n'était pas là pour lui offrir un verre.
— Don Diego ? répéta-t-elle. Diego… Ce Diego ? Ce serait trop facile.
— Si.
— Où pourrais-je le trouver ? demanda-t-elle.
— Chez lui certainement, répondit l'aubergiste évasif. Excusez-moi, Señora, l'on a besoin de mes services, rajouta-t-il en s'éclipsant après avoir remarqué que de nouveaux clients arrivaient.
— Crois-tu que si j'efface l'ardoise du… sergent, le tavernier me dira où trouver cet homme ? questionna la jeune femme en murmurant à son compagnon.
— J'avoue que je ne sais pas. Ces espagnols sont si imprévisibles.
— Fais attention à ce que tu dis, réprimanda la jeune femme. Par ailleurs, as-tu revu nos compagnons de route ?
— Je pense qu'elles ont dû demander une chambre. Je les ai vues entrer dans une des pièces à l'étage. Le voyage a été long et elles n'ont pas votre endurance.
— En effet, dit la jeune femme en prenant une gorgée de la boisson.
Elle grimaça légèrement.
— C'est si mauvais que cela ? plaisanta l'homme en portant son verre à ses lèvres.
Il recracha aussitôt la gorgée qu'il venait de prendre, s'attirant tous les regards des clients.
— Ce n'est pas… s'emporta-t-il une fois qu'il eut arrêté de tousser.
Sa fougue fut arrêté par la señora qui lui serra la main davantage.
— Du calme.
Elle ne voulait pas d'ennuis, elle n'était pas ici pour cela. Elle aurait très bien pu rester chez elle et attendre les foudres de ses nombreux ennemis qui, malgré leurs positions actuels, restaient encore très influents. Dès leur arrivée en Californie, elle avait entendu des histoires sur le bandit nommé Zorro… Quelque part, elle se sentait proche de ce hors-la-loi. Elle aussi combattait l'injustice et l'excès de pouvoir. Mais elle agissait ouvertement et n'avait rien à craindre de par sa lignée.
— Tout va bien, Señor ? s'enquit le gros sergent.
— Si, gracias. J'ai avalé de travers, mentit l'homme en se raclant la gorge.
Le sergent sembla se contenter de cette explication et se leva.
— Sergent Garcia, l'interpella l'aubergiste.
Ce dernier se retourna mal à l'aise.
— Tavernier, appela la jeune femme usant d'une voix charmeuse.
Gonzales délaissa le sergent et alla à la table des étrangers.
— Que puis-je pour vous, Señora ?
— Ne demandez rien à l'officier, nous allons régler pour lui, déclara la jeune femme en sortant une bourse bien garnie tentant d'être la plus discrète possible.
Malgré toute la discrétion dont elle avait été capable, Garcia réalisa que quelque chose se tramait.
— Que faites-vous donc ? vint-il demander.
— La señora vient de régler votre ardoise, répondit le tavernier du tac au tac.
— La señora a…. Ah mais non, Señor Gonzales. Il est hors de question que la señora paie pour moi, s'emporta Garcia. Ce n'est pas conventionnel ni honorable pour un soldat du roi, continua-t-il.
— Señor, Señor, l'interpella par deux fois l'étranger haussant la voix à son deuxième appel.
— Si, s'exclama le sergent.
— Ce n'est pas la señora qui régale, ne vous inquiétez pas. C'est moi-même.
— Vraiment ? Et pour quel raison ? demanda Garcia tandis que le tavernier regagnait son comptoir.
— Pour vous récompenser des bons services que vous apportez au … pueblo, souligna l'homme.
— Est-ce exact, Señora ?
— Si. J'avais proposé à mon fiancé de vous payer un verre et finalement nous avons fait autrement pour vous remercier de tous les bienfaits que vous apportez.
— Muchas gracias, dit le sergent gaiement en posant ses mains sur son ventre bedonnant. Buenas noches, Señora, Señor, salua-t-il ensuite tout guilleret.
— Oh… Une dernière chose, Sergent. Un de mes amis habite par ici, mais je ne sais où exactement. Il m'avait dit de passer le voir si l'occasion m'était offerte.
— Comment s'appelle votre ami ? questionna Garcia naïvement.
— Don Diego, reprit la jeune femme en un sourire cajoleur et croisant les doigts intérieurement.
— Oh… Don Diego… Vous le trouverez à l'ouest du pueblo. Il a une grande hacienda, vous ne pouvez pas vous tromper. Son père est l'un des rancheros les plus importants de la région.
— Muchas gracias, Sergent. Vous m'avez été d'un grand secours. Par ailleurs, si vous le croisez, ne lui dites rien. Je voudrais lui faire la surprise de ma venue.
Un vrai benêt ce sergent, songea l'étranger.
Ce fut un jeu d'enfant, pensa la jeune femme en souriant.
— Comptez sur moi, Señora, dit Garcia faisant presque un garde à vous avant de sortir de la taverne.
Traversant la place pour rejoindre le cuartel, il ne remarqua pas le jeune De la Vega sortir de chez le médecin, accompagné de sa femme et de Ricardo.
Ce dernier les salua avant de rejoindre la taverne où il monta directement à sa chambre, ne faisant pas attention aux diverses personnes alors présentes dans la salle principale.
Diego et Salena se dirigèrent vers l'office du magistrado qui servait actuellement de lieu de rendez-vous pour le vice-roi. Diego frappa à la porte et celle-ci fut ouverte par Toledano.
— Buenas tardes, Capitán, Don Esteban, saluèrent Diego et Salena.
Le vice-roi se leva aussitôt pour saluer le couple.
— Qu'y a-t-il donc de si urgent ? demanda Diego une fois les salutations faites.
— Un message vient de me parvenir de Madrid. Il est de Marcos.
— Tout va bien ?
— Oui… Peu avant que je ne soit affecté en Californie, il m'a… avoué, rigola-t-il, avoir été piégé par une señorita.
Diego leva les sourcils, surpris par l'allusion. Il pensait savoir de quoi il en retournait.
— Oh ! laissa-t-il échapper.
— Il m'avait dit que vous lui aviez conseillé de ne pas lui faire confiance.
— Pourquoi me parler de cela maintenant ?
— Le sujet de son message y fait référence. Dans votre périple, vous aviez été aidé par un étranger répondant au nom de Monsieur Goupil, expliqua le vice-roi égratignant les deux mots français.
— En effet, rétorqua Diego cachant un sourire d'amusement à ce souvenir.
— Marcos m'écrit que ce… monsieur… est en grand danger. Des personnes le recherchent ardemment. Il n'a pas su savoir les raisons de leur recherche ni apprendre leurs identités.
— Qu'est-ce que mon époux a à voir avec ce Monsieur Goupil ? demanda Salena écorchant elle aussi les deux mots français.
— C'est justement ce que je ne sais pas. Mon fils m'a aussi demandé d'avertir Diego ici présent… Connaissez-vous cet homme ?
Pensif, Diego n'avait pas fait attention à la fin de la discussion.
— Chéri ? intervint Salena en posant une main sur son bras, le faisant alors tressaillir.
— Don Diego ? fit le capitán surpris par la réaction du jeune don.
— Je… Oui… Veuillez m'excuser, j'étais ailleurs… Don Esteban, Capitán Toledano, pourquoi ne viendriez-vous pas déjeuner demain, nous serons plus au calme pour en discuter.
— Nous en serons honorés, répondit le vice-roi. Nous ne vous retenons pas plus longtemps. Passez une bonne soirée.
— Gracias. Bonne soirée à vous aussi, Don Esteban, Capitán, salua Diego.
Salena salua les deux hommes à son tour et suivit Diego jusqu'à la voiture.
— Diego ? interrogea Salena.
Elle ne dit rien de plus, mais tout était dans son intonation. Elle souhaitait en savoir davantage.
— Sans en dire trop, disons que Monsieur Goupil est un autre moi.
— Vous parlez français, très cher ? questionna Salena devant la facilité qu'avait eu Diego à prononcer ces deux mots.
— Tout à fait, mon aimée, rétorqua-t-il usant de la langue de Molière avant de l'embrasser tendrement.
…
Le lendemain matin, ce fut la panique pour Don Alejandro à l'hacienda. Il faut dire que son fils, rentré tard la veille avec son épouse, ne l'avait pas réveillé pour lui annoncer la venue du vice-roi et d'Arturo Toledano.
— Quand même, Diego, tu aurais pu m'avertir dès hier soir, grommela Don Alejenadro.
— Cela n'aurait rien changé, Père.
— Bien sur que si ! Je me serais levé beaucoup plus tôt pour avertir nos gens.
— Patron, si je puis me permettre, intervint Crescencia, Don Diego nous a avertis dès son retour.
— Il… Et vous-a-t-il dit ce qu'il convenait de préparer ?
— Non, mais Doña Salena oui. Ce que vous nous avez demandé complète ses conseils.
Don Alejandro regarda sa belle-fille avec ravissement.
— Salena, je ne sais comment vous remercier, dit-il en la serrant dans ses bras.
— Vous m'avez bien appris, rétorqua-t-elle. C'est à moi de vous remercier.
— Gracias, Crescencia, lui murmura Diego lui permettant ainsi de retourner à son ouvrage.
…
En fin de matinée, une voiture s'arrêta devant l'hacienda. Le capitán et le vice-roi en descendirent et furent accueillis par Crescencia qui les conduisit à la bibliothèque.
Diego n'avait pas vraiment prit le temps d'expliquer les raisons de cette invitation subite. Il est vrai que Don Alejandro n'aurait eu de cesse de le harceler de questions le cas échéant.
— Don Esteban, Capitán Toledano, salua Diego en les invitant à prendre place une fois qu'ils eurent été salués par Doña Salena et Don Alejandro.
— Merci d'avoir accepté ma soudaine invitation, dit Diego. Don Esteban, que vous avait raconté Marcos quant à sa disparition de février 1819.
— Juste qu'il vous avait de nouveau attiré des ennuis et que vous aviez été sauvé par Monsieur Goupil.
Diego en sourit.
— Qui est cet homme ? questionna Don Alejandro. Et de quoi parle le vice-roi ?
— C'est une vieille et longue histoire, Père… Permettez-moi de vous la raconter… Mais, s'il vous plaît, pas d'interruption.
— Fort bien, affirma Don Alejandro en croisant ses bras et prenant place au fond de son fauteuil.
— Nous vous écoutons, Diego, souligna Don Esteban.
— Tout d'abord, je tiens à vous signaler que je risque de mélanger un peu l'ordre de mes souvenirs. Ne m'en tenez pas rigueur je vous prie.
— Il n'y a pas d'inquiétudes à avoir, Diego, sourit Don Alejandro.
— Gracias… Tout commence en Février 1819. Je venais d'atteindre Llivia. Une citée espagnole enclavée en territoire français…
