Prologue
Memphis, Tennessee. 1er juin 2017
« Antenne dans deux minutes, Sam. »
Debout dans le couloir, Sam hocha la tête en direction de Max, l'assistant réalisateur, et reprit le fil de sa conversation.
« Je vais devoir raccrocher Artie, c'est l'heure…
- Tu charries ou quoi ? Tu peux pas me balancer une bombe pareille au bout du fil, et après me dire tranquillement que tu dois y aller !
- Et pourtant, c'est exactement ce que je vais faire ! répondit Sam d'un ton serein
- Je te déteste ! » dit Artie en riant. « C'est pas comme si tu venais de me donner des nouvelles de ta grand-mère là, c'est quand même un peu plus important !
Ma grand-mère va très bien merci, mais effectivement ce n'est pas la question…
- Sam… » Artie marqua une pause, et ajouta en détachant bien les mots : « C'est de Rachel dont on parle… »
Sam soupira et se laissa rapidement la main dans les cheveux, sous le regard franchement impatient de Max qui semblait sur le point de venir le chercher dans le couloir et de le traîner de gré ou de force dans le studio. Rachel. Si on lui avait dit en mai 2012, quand il disait au revoir sur le quai de la gare de Lima avec les autres membres des New Directions à la future new-yorkaise, que cinq plus tard elle et lui se retrouveraient dans cette situation, il aurait éclaté d'un rire moqueur. Ca relevait presque de la science-fiction. Et pourtant… C'était bien le cas, et en cette soirée très chaude de juin sur Memphis, alors qu'il regardait par les fenêtres de la station de radio les lumières de Beale Street, c'était bien Rachel qui occupait son esprit. « Bon Dieu Sam… » pensa-t-il en fronçant les sourcils. « Qu'est-ce que tu as fait ? ».
En entendant un raclement de gorge sonore en provenance du studio, Sam sortit de sa rêverie. « Pour le coup je te laisse mec, l'assistant réalisateur semble VRAIMENT sur le point de m'assassiner…
- Si les regards pouvaient tuer… » fit Artie en pouffant de rire. « De toute façon faut que j'y aille aussi, je dois finir le montage du journal de 23 heures.
- Quelque chose d'intéressant ?
- Un concours canin spécial caniches… Ne rigole pas, moi j'ai envie de pleurer ! Ô joie de travailler sur une chaine locale… Vivement que je termine l'école, et que j'ai assez de fonds pour tourner mon premier court-métrage, j'en peux plus de ce boulot alimentaire.
- Courage !
- Bonne émission ! Et tiens-moi au courant !
- Ouais ouais… » répliqua Sam d'un ton vague.
Il raccrocha et poussa la porte du studio n°8. Il tenta d'amadouer Max avec un sourire innocent, mais se prit un nouveau regard meurtrier.
« Ne te fatigue pas à inventer une excuse ! Ne dis rien, surtout ne dit rien… chuchota Max d'un ton rageur
- Je suis prêt, ne t'inquiète pas. » soupira Sam après s'être assis, tout en mettant le casque sur ses oreilles et en prenant la feuille posée près du micro pour jeter un coup d'œil sur le prochain titre.
Joyce, l'animatrice de la tranche horaire 18h – 21h, lui fit un clin d'œil amusé, et reprit le micro pour la dernière fois de la soirée : « Et voila, c'était le dernier morceau que je vous passais ce soir ! On se retrouve demain sur WBMI même heure ! Et tout de suite, je passe le micro à mon collègue, le seul… l'unique… l'incroyablement sexy » (Sam leva les yeux au ciel avec amusement) « Sam Evans qui sera avec vous jusqu'à minuit. Bonsoir Memphis ! »
Sam s'étira rapidement le temps du jingle et démarra : « Merci Joyce, quelle intro ! Bonsoir à tous, bienvenus : c'est bien « Memphis in May », votre émission de 21h à minuit. Du blues, de la country, bref, le VRAI son de Beale Street est là pour vous accompagner ce soir. Alors vous le savez tous, hier s'est terminé l'autre « Memphis in May », notre festival préféré, la fierté de Memphis, qui a encore été un succès. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi ça a été un mois… émotionnellement intense. » Il marqua une pause, tandis que Joyce et Max échangeait un regard interrogateur, visiblement surpris par la formule choisie par Sam. Ca ne lui ressemblait pas. Sam prit une seconde pour refaire un rapide bilan de ce mois de mai. Oh que oui, il avait été intéressant. Mais là n'était pas la question : qu'est-ce qu'il allait faire maintenant ? Pas le temps d'y penser ce soir, alors il enchaîna : « Mais c'est fini maintenant. Alors pour rendre hommage à notre belle ville, berceau du blues et du rock, on va passer un premier titre de l'un de nos plus grands artistes passés par Memphis : Elvis Preasley ! » Il regarda une dernière fois la set-list, et annonça avec une certaine émotion dans la voix : « C'est « Can't help falling in love with you ». Bonne soirée. »
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New York
« Mais c'est pas vrai ! » pensa Rachel en s'essuyant les yeux une nouvelle fois, tandis qu'elle galérait à monter sa valise dans les escaliers étroits qui montaient jusqu'à son petit studio situé au plein cœur de Little Italy. Déjà durant son vol Memphis-New York, elle n'avait fait que pleurer. Même pour elle qui assumait son côté « drama queen », c'est quand même beaucoup. Une petite mamie avenante lui avait tapoté la main et lui avait donné un autre paquet de mouchoirs. Rachel l'avait remercié, tout en se sentant vaguement honteuse de se mettre dans des états pareils. Mais pourquoi avoir honte, après tout ? Elle s'était vraiment mise dans une situation délicate. Tout en ouvrant la porte d'entrée, elle repensa au mois écoulé. Et la vague de malaise lui remonta à la gorge. Vite, elle avait besoin de parler à quelqu'un. Elle prit le temps de déposer la valise dans sa chambre, prit un rapide câlin à son chat qui lui faisait la fête, et alluma son PC. Pourvu qu'elle réponde.
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Franschoek, Afrique du Sud
La sonnerie familière de Skype résonna chez Quinn Fabray-Templehoff. Elle regarda ses invités, et dit d'un ton joyeux : « Ca les filles, ça sent l'appel d'une certaine Rachel Berry ! ». Elle quitta la terrasse et prit l'appel.
« Hey Rachel !
- Salut… » répondit Rachel d'une petite voix, en affichant un sourire qui paraissait assez feint.
Quinn fronça les sourcils. « Ca va pas ?
- Pas vraiment…
- Ecoute, ça me gène car ça va peut-être être compliqué de parler en tête-à-tête de ce qui te tracasse, parce que…
- Serait-ce mon hobbit préféré ? » coupa Santana d'un ton joyeux.
Rachel ouvrit des yeux ronds. Elle avait visiblement complètement oublié que Santana et Brittany avait prévu d'aller rendre visite à Quinn pour deux semaines entre mai et juin.
« Oh tiens ! » dit-elle avec une bonne humeur que Quinn lui envia (quelle bonne comédienne, quand même…), tout en adressant un signe enthousiaste à Brittany qui venait de les rejoindre. « Alors, comment vous trouvez l'Afrique du Sud ?
- C'est tellement beau ici. J'arrive toujours pas à prononcer le nom…
- Franschoek ! dit Quinn en riant
- … mais c'est magnifique. Et le vin ! » ajouta-t-elle en levant son verre. « Je savais que la famille de Josh était une des plus grandes familles de vignerons du coin, mais c'est juste impressionnant. Tu verrais la maison !
- C'est vrai qu'on est pas à plaindre… fit Quinn d'un ton modeste
Un « Maman » timide retentit soudain. Quinn se leva rapidement pour prendre sa fille, installée sagement dans son parc, dans ses bras.
« Rachel, dis bonjour à Rachel ! » dit Santana en riant. Rachel regarda « Rachel Junior », comme elle aimait à l'appeler, avec tendresse. La fillette lui adressa un sourire. Qu'est-ce qu'elle grandissait vite, dire qu'elle avait presque un an et demi. C'était frustrant de ne la voir que par écran interposé.
« Alors, ce séjour à Memphis ? Tu as amélioré ton accent ? demanda Brittany
- Ah oui c'est vrai, tu étais chez Sam ! » se rappela Santana. « C'était pour travailler un rôle, c'est ça ?
- Ah, euh, oui… Le metteur en scène estimait que mon accent était pas terrible, alors comme les répétitions ont été suspendues en attendant la fin des négociations avec un des financeurs je suis allée dans le Sud…
Mais « Meet me in St Louis » ne se passe pas… bah, à St Louis ? » demanda Santana d'un ton malicieux.
Rachel pâlit et dit d'une voix faible : « Oui mais je ne connais personne dans le Missouri, et comme j'ai revu Sam au mariage en février, j'ai décidé d'aller chez quelqu'un que je connaissais… »
Il y eut un silence, les filles ayant visiblement compris que quelque chose clochait. En voyant les regards perplexes à l'écran, Rachel ne put empêcher les larmes de lui monter aux yeux.
« Mais j'ai rien dit de vexant ! » dit Santana d'un ton étonné, avant d'ajouter : « Pour une fois ! »
« Qu'est ce qui se passe ? Explique-nous ! » intervint Brittany, inquiète.
Quinn et Rachel échangèrent un regard. Puis Quinn dit doucement : « Tu sais que tu peux faire confiance aux filles Rach', parle-nous, tu n'as pas l'air bien. »
« Je me sens… tellement MAL, c'est… » Rachel s'interrompit, et prit une profonde respiration. « Pour tout comprendre, il faut commencer par le début je crois, donc reprendre depuis le mariage…
- OK, répondit simplement Quinn
- Et il faudrait peut-être coucher la petite Rachel…
- Euh, je pense qu'elle est peut-être trop jeune pour comprendre, répondit Quinn avec un sourire
- Oh oh, y'a du potin dans l'air ! Je reprends un verre de vin ! dit Santana d'un ton euphorique, tandis que Quinn lui adressa un regard de reproche, et que Brit remettait la fillette dans son parc
- Attends, visiblement ça a l'air sérieux, pas de quoi se réjouir…
- Quinn, que veux-tu que Rachel ait fait pour…
- J'ai couché avec Sam. » les interrompit Rachel
Elle se mordit légèrement la lèvre inférieure en constatant les regards éberlués sur l'écran en face d'elle. La mâchoire de Quinn sembla sur le point de se décrocher, et Brittany laissa échapper un « QUOI ? » sonore.
Santana brisa le silence. Avec un large sourire, elle dit : « Apporte-nous du pop corn, Brit : ça risque d'être TRES intéressant… ! »
