Disclaimer : L'univers d'Harry Potter appartient à J.K. Rowling. Je me suis aussi librement inspirée d'une œuvre de Claire North, pour reproduire le schéma cyclique d'une vie sans véritable fin : Les quinze premières vies d'Harry August. Allez savoir pourquoi, ce livre m'a inspiré quelque chose, m'a donné une idée par rapport à tout cette histoire de Maître de la Mort. Voilà déjà un moment que je voulais l'exploiter, et je m'y essaie aujourd'hui, pour avoir votre avis.
PROLOGUE
Harry était sur son lit de mort.
Une fois de plus.
Une fois de trop.
Il se mourait, comme d'habitude, il s'éteignait dans le silence et la tranquillité d'une chambre. Il était engoncé dans une blouse d'hôpital, enveloppé dans ses couvertures aussi blanches que stériles, enchaîné au lit par des menottes ensorcelées. Il avait éteint l'alarme reliée à son moniteur cardiaque. Un peu de concentration, un mouvement du doigts, la voilà envolée. Il ne voulait pas être accompagné pour cette énième grande aventure. C'est ce que disait Dumbledore, n'est-ce pas ? « Pour un esprit équilibré, la mort n'est qu'une grande aventure de plus. C'est comme d'aller se coucher à la fin d'une très très longue journée. » Le Directeur ne croyait pas si bien dire. Voilà treize longues journées, qu'il passait à attendre de pouvoir aller se coucher. Mais le réveil ne manquait jamais de sonner.
L'homme avait tendance à tout prendre pour acquis, même la mort, surtout la mort.
Pas lui. Oh non, pas lui.
Depuis ce jour où.
Son histoire était longue, peu plausible, et pourtant tellement vraie, cruellement vraie.
Et elle commençait le 2 mai 1998.
Déjà à cette époque, à cet instant, terrible instant, Harry était sûr d'une chose : il ne voulait pas être le Maître de la Mort. Mais, par nécessité, les trois Reliques avaient été assemblées, instruments cruciaux dans la Bataille Finale de Poudlard. Après ça, il avait cru pouvoir s'en séparer : abandonner la Pierre dans la forêt, briser en deux morceaux la Baguette et la jeter à des endroits bien distincts, garder seulement la cape en mémoire de son père. Quelle naïveté. Les chaînes s'étaient déjà refermées, et la clef avait été jetée. Choisi par Mort pour accomplir une prouesse peu commune, il n'avait pas son mot à dire. Oh, il s'était mis en colère, par égoïsme, par fierté, par envie de n'appartenir à personne d'autre que soi, par désir de liberté, et de ce repos tant attendu, tant mérité. Il s'était mis en colère, oui. Mais ça n'avait servi à rien.
Mort s'était emparée de son destin.
Comme il s'était emparé du sien.
De la vie, il a tout vu, tout perçu, tout entendu, tout connu, tout constaté, tout essayé, tout voulu, tout eu et tout perdu pour tout recommencer. Il a vécu l'amitié et la trahison, la tendresse et la souffrance, il a été follement amoureux et il a aussi vécu la haine. Le bonheur et le malheur. Il a eu le cœur brisé. Il a haï la saveur amère et les poisons de la vengeance. Il a vécu, oui, il a vécu. Il vécu les guerres, participé à l'enthousiasme des combats. Il a vécu la paix, connu les félicités et béatitudes. Les épidémies et les vaccins. Des royaumes, des empires, de simples bourgades et de vastes villes. Des rois, des tyrans, des despotes et des présidents. Les peuples déchirés, les familles unies. Il a vu bien plus que sa vie, bien plus que sa mort. Il a pu expérimenter de nombreuses fins, et de nombreux commencements.
Parce que chaque fois qu'il décédait, il renaissait, encore et encore, à un lieu, une date, qu'il ne connaissait pas, possédant tous les souvenirs des vies qu'il avait déjà vécues. La mémoire était la seule chose tangible qui le rattachait à sa véritable nature lorsqu'il revenait à la vie. Un cycle sans fin sur la roue éternelle, perpétuelle, du temps, un cycle dont il ne voulait pas, un cycle qui ne le quittait pas. Lui aussi, il vivait. Pas comme eux, mais comme eux. De manière différente et pourtant identique. Il n'était pas dénué de raison, il n'était pas privé d'âme. Il ressentait, il exprimait ses sentiments. Il connaissait les émotions. Le chagrin, la joie, la haine, la douleur. Il ne détestait pas la peur. Il la chérissait. Elle faisait partie de lui. Le complétait et le suivait, ne l'abandonnait jamais vraiment, jamais totalement. Tout comme la colère, qui le faisait se sentir tellement vivant. Oh oui, sa vie était comme celle d'un autre. Excepté une petite différence. Elle ne finissait jamais. Il était le Maître de la Mort. Depuis cette nuit-là, voilà ce qui lui semblait être une éternité ou deux, il connaissait la vieillesse et le trépas, mais pas la véritable mort, ce réconfort de l'âme. Les hommes, eux, sans la comprendre, ni en connaître le prix, la redoutaient et la fuyaient. Qu'ils ont tort. Il leur en voulait pour ça, il leur en voulait tellement.
Au crépuscule de sa treizième vie, ce qui semblait être une petite fille mais n'en était pas vraiment une, apparut à son chevet.
Le soleil à portée de main, qui saignait à grandes coulées de boucles d'or sur ses épaules de nymphe, une senteur de thé et de fleurs sauvages, derrière un sourire mutin, un air malin. Illusoire vision, ce n'était pas une fée, attention. Il suffisait de voir ses yeux, ses yeux aux allures de phares maudits qui noyaient les navires dans leur océan d'obscurité impénétrable. Il faudrait parler de la mort. Il faudrait dire « Mort » poliment, comme si on parlait d'une fille bien, d'une fille respectable, d'une fille ordinaire. Il faudrait pouvoir la regarder dans les yeux, lui porter la même attention qu'à une autre personne. Il faudrait pouvoir la voir en fillette. Mais Harry n'y arrivait pas, Harry n'y arrivait plus – y était-il seulement déjà parvenu ?
Mort n'était pas ce genre de fille. Mort n'était pas un genre, Mort n'était pas une fille. Mort était un fantasme, un cauchemar.
- J'ai bien failli te rater, Maître, dit-elle.
- Oublie-moi…
Vaine supplique, dernière volonté d'un mourant épuisé, harassé. Il voulait se bercer d'illusion, croire volontiers qu'elle le laisserait, et courir loin, loin dans sa tête, loin pour fuir cette réalité. Mais Mort n'oubliait pas, Mort n'oubliait jamais et ne cédait jamais. Mort voulait tout prendre. Tout ce qui lui appartenait, tout ce qui était lui. Elle voulait tout ce qu'il y avait en lui, ce qui faisait son être, sans l'être lui-même. Elle occultait volontiers toute trace de rébellion ou de revendication. Parce qu'elle se sentirait en cage. Elle n'aimait pas les cages.
Alors, comme toujours, elle n'écouta pas.
- Je dois te transmettre un message, passé de vivant à mort, de mort à vivant, de génération en génération, de vie en vie, depuis bien loin dans le futur, et terriblement proche dans le passé. Le voici : la fin de la Magie approche, et nul ne peut l'empêcher, pas là-bas, pas aussi tard. Il faut reprendre au début, il faut aller là où tout a commencé, pour tout changer, et la sauver. Je suis venue te livrer ceci. Mon ennemi. Mon ami. Mon Maître. Sois digne de ton titre de Sauveur, Ta Majesté.
