Vide, terne…ainsi pourrait-on qualifier la « vie » que je menais depuis qu'Edward m'avait quitté quelques mois auparavant. Après la période de souffrance intense, d'angoisses cauchemardesques, je me faisais désormais l'effet d'être un zombie, une marionnette animée qui jouait très mal son rôle de jeune femme, de fille, d'amie.

C'était un peu comme m'observer évoluer depuis l'extérieur de mon corps, comme ce que racontaient certaines personnes de leur expérience de flirt avec la mort.

Mais mon existence avait beau être devenue inconsistante, elle ne m'épargnait pas les affres de la souffrance, du manque, du sentiment d'abandon pire même de rejet qui manquait m'étouffer dès que ma bulle d'indifférence protectrice éclatait, fréquemment, au moment où je ne m'y attendais pas… déchirant le voile de ma fade et hypocrite quiétude, faisant tomber le masque que j'essayais éperdument de porter pour …moi ? non pour Charlie, Renée… Charlie surtout, lui qui devait supporter au quotidien de me voir souffrir en silence, de voir disparaître sa fille derrière les traits et les manières d'un robot…

Rien que de penser à son prénom ..Edward…et je tressaillais, éprouvant une vague de frissons glaçant qui remontaient le long de mon échine pour faire immanquablement naitre des larmes dans mes yeux écarquillés de terreur…

J'avais si peur du vide qu'il avait créé en m'abandonnant…en me rejetant moi et tout l'amour que je pouvais lui porter.

Je n'avais plus de sanglots cependant, mais ce n'était pas nécessairement une amélioration : sentir mes larmes couler le long de mes joues en silence sans que j'ai ne serait-ce que la force d'émettre un gémissement était presque plus effrayant que si j'avais pu extérioriser ma douleur, l'extraire de mon corps une bonne fois pour toute par des cris de désespoir.

Mais j'avais toujours été réservée, effacée et je découvrais que cela était vrai également dans la douleur et l'agonie. J'endurai chaque jour, je tenais ma promesse de ne pas faire quelque chose de stupide, comme …en finir avec cette vie qui n'avait plus de sens … ou presque …. Charlie … Charlie … Renée … Charlie. Ne pas les faire souffrir davantage…

Je devais régulièrement recentrée mes pensées sur mes parents pour ne pas m'abandonner aux ténèbres qui me cernaient, aux ténèbres que je portais en moi, dans ma poitrine, là où aurait dû se situer mon cœur et où ne subsistait désormais qu'un gouffre de douleur incommensurable.

Parfois j'en venais même à me dire que mon cerveau d'humaine, limité, ne pouvait appréhender pleinement la profondeur de ce gouffre, et que c'est la seule chose qui me sauvait d'une mort atroce ou de la folie pure et simple.

Ces derniers temps, il y avait cependant eu du changement. Dans le bon sens du terme, et c'était presque un miracle à mes yeux ! je goutais à nouveau de façon éphémère la sensation d'être vivante, même si j'avais toujours l'impression d'être spectatrice de ma propre vie, comme si je n'arrivais pas à me rappeler parfaitement qui j'étais.

Jacob y étais pour beaucoup. Il avait ramené un peu de vie dans la carcasse que je trainais au quotidien, que j'occupais à des activités monotones et dénuées de toute signification à mes yeux.

J'avais l'impression d'être à nouveau « humaine » avec lui, même si le gouffre dans ma poitrine était toujours parfaitement perceptible. Il était une bouffée d'oxygène, une bouée de sauvetage qui certes ne me permettrait pas de respirer sous l'eau ou de retrouver la terre ferme, mais qui m'aidait à tenir mes résolutions, qui m'aidait à trouver le courage de résister à l'abandon au désespoir. Mais le principal déclic était venu lors de cette soirée à Port Angeles avec Jessica….