Chapitre 1
Bonjour, voici ma dernière chimère nourrie de diverses inspirations... J'ai écrit ce premier chapitre en suivant à la ligne prés, le récit de Jane Austen (première proposition) et vous invite à relire ce passage éprouvant pour nos deux héros, à moins que ne le connaissiez par coeur! Bonne lecture et n'hésitez pas à me solliciter (ou m'encourager) par vos commentaires,
Sincèrement,
Calazzi.
« Alea jacta est » *
Le tout premier jour…XIXe siècle
Lorsqu'il avait ouvert les yeux ce matin, il avait reçu la caresse moelleuse des premiers rayons du soleil. Il s'était tourné afin de ne plus être incommodé par cet excès de lumière, maintenant ses paupières closes.
La première image qui occupait son esprit prenait instantanément la forme d'une jeune femme au regard pétillant, plus précisément miss Elisabeth.Chaque heure de sommeil gagnée de haute lutte contre ce qui était devenue une obsession, son obsession, faisait affluer d'autres visions d'elle, toujours et encore elle. Cette charmante inspiration se révélait encombrante, envahissant résolument chacune de ses pensées, chaque once de ses rêves nocturnes, chacune de ses intentions. Pour la première fois de sa vie, Fitzwilliam Darcy hésitait à prendre une décision, lui le maître de Pemberley, s'était laissé prendre au jeu de l'amour, captivé par le joli visage d'une demoiselle qui n'avait rien d'autre que sa vivacité et sa joliesse pour la recommander.
Lady de Bourgh avait convié les Collins et leurs charmantes invitées à dîner, ce dont il se réjouissait à l'avance, non pas en raison de l'obséquiosité indéfectible du pasteur. Par un fâcheux coup du sort, alors qu'il se promenait dans le parc, il fut interpelé par cette malheureuse créature qui ne s'adressait à lui qu'en se courbant, à tout point de vue. « M. Darcy, Oh, que de merveilles recèle ce magnifique parc, n'est- ce pas M. Darcy ? Bien évidemment, en tant qu'estimé neveu de Lady Catherine et futur gendre, dois- je le relever, vous ne pouvez aller contre cet avis ? » S'émerveilla le pasteur dont les sermons n'avaient rien à envier à ce panégyrique insane. Son interlocuteur, plus que réticent, le toisa puis détourna son chemin afin d'éviter le fâcheux. Qui ne l'entendait pas de cette oreille et crut de son bon droit de le poursuivre. Ce fut une erreur stratégique car les fortes pluies accompagnées de rafales de vent qui avaient soufflé les jours précédents sur le comté, avait laissé quelques traces. M. Collins, maladroit congénital, se prit dans un tas de branchages entassés au beau milieu du sentier et tenta de reprendre son équilibre en agrippant le bras de M. Darcy. Cette tentative désespérée n'eut pour résultat qu'aggraver leur situation puisque le premier se retrouva allongé de tout son long dans une flaque boueuse, avec un Darcy passablement agacé qui dut se résigner à lui proposer son aide et à souffrir la logorrhée de celui qui lui vouait désormais une admiration sans borne pour la bonté dont il avait fait preuve à l'instant.
Alors qu'il se rendait d'un pas décidé, pour ne pas dire précipité, vers le presbytère, ayant habilement déjoué les regard inquisiteurs de Lady Catherine ainsi que les manières séduisantes de son rival, le colonel Fitzwilliam, une fébrilité peu coutumière s'tait emparée de son esprit et avait infiltré tout son organisme, ce qui avait pour conséquence un certain inconfort pour lui, qui n'avait jamais vacillé devant une femme, pas même la formidable Lady Catherine.
Il tentait de se composer un visage sans expression, neutre avant d'être introduit dans la pièce où elle trouvait, s'étant visiblement levée pour l'accueillir. Il remarqua que son visage trahissait sa surprise, au détriment d'une autre émotion qu'il aurait préféré provoquer par sa seule présence. Pris dans une impulsion probablement dictée par sa volonté d'en finir, il motiva sa venue par son désir d'apprendre de sa bouche, à elle, que son état de santé ne requerrait pas de soins particuliers. Miss Elisabeth le rassura sur ce point précis mais son attitude toute entière, exprimait une sensation de malaise très perceptible pour lui qui avait pris l'habitude de l'observer. Cela le déstabilisa suffisamment pour qu'il ressente le besoin de ramasser ses pensées, de réfléchir à son prochain mouvement. Il prit une chaise et s'assit comme elle l'y avait invité à son entrée. Ne sachant quelle contenance prendre, il palpait nerveusement son chapeau (haut de forme) incapable de dire quoique ce soit, entièrement préoccupé par sa perception négative et par le message qu'il était venu lui transmettre. De plus en plus agité, il s'était relevé pour parcourir de long en large la petite pièce récemment rafraîchie selon les indications de sa tante. Ces deux figurants restaient, comme en harmonie, immuablement silencieux.
Le temps était comme suspendu. Le cours de ses pensées s'était grandement accéléré, il ne maîtrisait plus rien et c'est alors qu'il ouvrit la bouche, qu'il prit conscience que ses pas l'avaient considérablement rapproché de miss Elisabeth. Mû par un une force qui le transcendait littéralement il lui ouvrit son cœur, pour la première fois. Il s'entendit lui clamer sa flamme brûlante, les luttes qui avaient animé le chemin qui le menait aujourd'hui jusqu'à elle. Ce qu'il crut découvrir sur son visage l'autorisa à poursuivre sa déclaration audacieuse. A mesure qu'il parlait, il reprit confiance, et c'est à nouveau plein d'assurance qu'il lui décrivit assez précisément le dilemme par lequel il était passé, mettant en balance les tendres sentiments qu'elle lui inspirait depuis longtemps et la légitimité de ses hésitations liées à l'infériorité de son rang, à tous les manquements à la bienséance que sa famille, ses origines mêmes, exposaient obstinément. Aveuglé par son orgueil, il s'épanchait longuement sur ce sujet, croyant ainsi lui prouver la vigueur de l'amour qu'il éprouvait pour elle, malgré toutes ces calamités. Fitzwilliam Darcy était accoutumé à ce que ces interlocuteurs fassent preuve d'intérêt pour ses propos, voire de respect envers son rang, il mésestima par conséquent le silence de cette jeune femme pourtant si prompte à donner son avis. Il conclut son discours par l'espoir qu'elle lui accorderait sa main, bien qu'il soit évidemment convaincu qu'elle accèderait à sa demande pour le moins avantageuse.
Son joli visage s'était coloré sous l'intensité de ses aveux, à lui, et son regard exprimait le feu intérieur qu'il convoitait depuis longtemps maintenant.
Il la regardait, la dévorait, lorsqu'elle prit la parole pour finalement consentir et pourtant il douta rapidement de cette victoire facile en écoutant attentivement ce qu'elle avait à dire. Quelque chose s'effondra en lui, profondément quand il comprit.
Elle le rejetait ! Elle osait le refuser, lui qui lui offrait tant à elle qui n'avait rien! Il sentit gronder la colère, il eut soudain le désir fou de lutter physiquement, d'éprouver dans sa chair cette sensation violente montant du fond de ses entrailles. Il crut que cela pourrait le soulager mais il se reprit puisqu'il était plus que conscient de la présence de cette demoiselle et du respect qu'il lui devait. Il s'obligea à garder le silence afin de regagner le contrôle de lui- même à défaut de maîtriser ses débordements émotionnels. Il s'était entretemps réfugié prés de la cheminée d'où il tenta de lui donner le change en lui faisant remarquer d'une voix qu'il voulait neutre le manque de considération envers lui dont elle avait fait preuve dans sa manière de lui répondre. Il avait déclenché les hostilités, elle ne recula point devant l'attaque et lui répliqua belliqueuse qu'il avait bien œuvré pour qu'elle se sente offensée par son existence même, ses actions, son attitude, sa manière d'être au monde. Elle évoqua l'affaire Bingley, le rendant directement responsable du désespoir de sa sœur envers laquelle elle avait démontré une tendre affection à Netherfield.
Un grand trouble était tombé sur lui, il encaissait coup après coup quand il s'entendit interpeler par sa question. Le ressentiment, le désir de se défendre guida son esprit au moment de lui répliquer. Il mit l'accent sur sa satisfaction d'avoir évité à son ami l'infortune de se lier à sa famille, heureuse circonstance dont il aurait souhaité bénéficier lui- même. Elle ne se saisit pas de l'insulte déguisée qu'il lui avait lancée. Non, Elle lui jeta hardiment le cas Wickham à la figure, rien de moins! Un mélange détonnant de colère, de rancœur et de jalousie le prit de court mais ne lui permit pas de s'expliquer sur le sujet. Il sut avec certitude que jamais il n'obtiendrait quelque grâce que ce soit de la part de cette femme qu'il devrait chasser coûte que coûte de sa vie. Il ne résista pas à un dernier trait, rageur, et lui rappela qu'il était condescendu jusqu'elle pour lui faire cette offre, il voulut la blesser autant qu'elle l'avait meurtri. Il avança la possibilité quelle avait été froissée de n'avoir pas été plus courtisée dans le sens où il lui avait présenté un tableau honnête, sans fard, du tumulte émotionnel dans lequel elle l'avait plongé.
Elle lui avait fait perdre la tête, lui avait ôté tout sens commun, il savait pertinemment qu'il avait dépassé les limites de la correction mais ne pouvait se maîtriser davantage. Alors elle lui porta le coup de grâce. « Vous avez tort de croire le contraire, monsieur Darcy, mais la forme de votre déclaration m'a épargné la compassion que j'aurais peut- être éprouvée en refusant votre main, si vous aviez plus agi en gentleman ». Puis elle enchaîna, non contente du premier coup dévastateur « Qu'elle qu'eût été la forme de votre déclaration, jamais je n'aurais même songé à l'accueillir favorablement. » L'agonie. Un brouillard gorgé d'humiliation et de stupéfaction s'était abattu et avait engourdi son esprit, au point qu'il agit comme un automate. Il ne se souvint que plus tard des derniers propos qu'il lui avait jetés à la figure alors qu'il prenait la fuite.
Ses jambes le portèrent jusqu'à sa chambre à Rosings où il fut tenter de s'écrouler, hésitant entre les larmes, la colère, le désespoir rageur. Il avait quasiment bousculé son cousin lorsqu'il s'était élancé dans l'escalier monumental qui ornait l'entrée principale, il avait marmonné quelques excuses sans lui jeter un regard, de peur de trahir sa détresse. Il n'avait jamais senti un tel bouillonnement émotionnel, il était totalement mortifié à mesure qu'il se repassait le film de la soirée. Il ne désirait plus que défendre un point d'honneur auprès d'elle : la vérité sur George Wickham et sa lecture de ce qui s'était produit entre Bingley et miss Bennet. Il n'avait pas su réagir à temps, tant la scène qui avait pris place entre eux, l'avait entraîné sur des chemins inconnus de lui. Même s'il l'avait irrémédiablement perdue, il se devait de restaurer sa dignité. Ses mains avaient déjà saisi de quoi écrire, il n'eut plus qu'à s'asseoir. Ce fut une véritable délivrance, il n'avait pu trouver le sommeil que fort tard dans la nuit, après avoir enfin terminé la lettre d'explications qu'il avait la ferme intention de lui remettre en mains propres dès le lendemain matin. Une fois scellée, il la posa sur l'écritoire, le nom de sa destinataire bien visible. Ce fut sa dernière pensée cohérente avant de sombrer dans l'obscurité.
A suivre
"Le sort en est jeté", traduction du latin. Ses propos auraient été prononcés par Jules Cesar lors du passage du Rubicon.
