Disclaimer : Death Note ne m'appartient pas.
Résumé complet : « Qu'est Dieu ? Qu'est Kira ? Peuvent-ils empêcher l'Humanité d'être soumise à l'Apocalypse ? Lorsqu'ils tomberont, comme tous les autres, réduits par les cendres de leur propre incendie, seul l'Empire Velvet se dressera. Nouvelle Lumière. Nouvelle Autorité. Nouvelle Justice. » Après avoir transmis le Death Note au groupe Yotsuba, Light devait se contenter d'attendre patiemment de devenir dieu du Nouveau Monde. Au lieu de cela, il se retrouve piégé, la mémoire perdue de son plein gré, enchaîné au plus grand détective du monde, à combattre une menace d'une trempe bien trop différente de la sienne.
...
◊ Empire Velvet ◊
...
Chapitre Premier
Variations de mauve
...
Prise dans une course folle, la voiture quitta le périphérique bondé et, s'éloignant des gratte-ciels aluminés de la ville, elle s'engagea sur une route poussiéreuse et dégradée. Ses pneus n'étaient pas adaptés à ce type de sol le moins du monde ; néanmoins, Soichiro Yagami ne songea pas une seconde à s'arrêter. Il ne prêtait pas plus d'attention aux rebonds violents du véhicule qu'aux supplications criées par les deux voyageurs de la banquette arrière. Pour être tout à fait honnête, Light lui-même avait oublié la route et tout le reste et ne distinguait plus le sens de ses propres paroles. À ses côtés, Misa criait quelque chose, elle aussi, mais c'était lointain, si lointain…
- Et maintenant, je vais vous tuer tous les deux, puis me suicider.
Lorsque le canon glacé du revolver fut pointé droit sur son front, Light sentit le sang quitter son visage et sa bouche s'assécher d'un coup sec. Puis, il croisa le regard furieux de son père pour la dernière fois et la balle partit.
Une balle à blanc.
...
◊ Interlude ◊
...
Light avait rejoué cette scène tant de fois dans son esprit qu'il en avait perdu le compte. Vraiment, il ne savait même plus combien de fois par jour il avait senti une sueur froide perler sur son front, ses mains se faire moites. Les jours passaient, mais rien de s'atténuait. Rechercher Kira était bien beau, c'était la preuve d'un grand courage et d'une volonté de fer et pourtant, ça n'aidait pas. Ce n'était pas tant le fait d'avoir manqué de se faire tuer par son père qui l'angoissait - bien qu'il s'agissait là d'une expérience des plus traumatisantes. Non, ce qui le rendait nerveux, c'était d'avoir réalisé la chose suivante : n'importe qui pouvait mourir à n'importe quel moment. Et il ne voulait surtout pas mourir. De quelle main que ce soit. De fil en aiguille, Light s'était mis à éprouver de l'animosité à l'égard de Kira. Qui avait le droit de décider d'agréger la vie d'autrui ? Kira s'en prenait exclusivement aux criminels, bien ; mais n'avait-il pas fini par s'abaisser à leur niveau ? Voire pire ? Pourquoi manipuler les victimes à leur gré avant de les achever, sinon par sadisme ? Pourquoi éliminer des agents du FBI, des représentants de l'ordre ?
Personne ne veut d'une justice pareille.
Et en parlant de justice… Light ne supportait pas que L, le "meilleur détective que la Terre ait jamais porté", puisse le soupçonner d'être une ordure pareille. Si, si, une ordure. On pouvait avoir les opinions qu'on voulait à propos de Kira, mais il se rapprochait sans aucun doute de cette qualification. Et jusqu'à preuve du contraire, Light ne faisait pas partie de ce genre d'individus.
- Light-kun, ça devient gênant.
- Hm ?
Light cligna plusieurs fois des yeux pour chasser son état semi éveillé et se redressa légèrement. Les chaînes qui le reliaient à L cliquetèrent désagréablement à ses oreilles. Ryuuzaki, accroupi sur son siège selon sa bonne habitude, observait l'écran géant de son ordinateur d'un oeil vaseux. Il consentit à se tourner vers son vis-à-vis au bout de quelques secondes pour préciser :
- Tu me fixes depuis exactement neuf minutes et cinquante deux secondes ; c'est gênant.
- Ah, désolé, s'empressa de s'excuser Light (mais sincèrement, "gênant" ? Ce n'était pas L qui passait son temps à le fixer, en règle générale ?). C'est juste que passer autant de temps sur l'ordinateur me fatigue.
Hochant la tête, L reporta son attention sur l'écran.
- Oui, ça doit être dur. Où sont donc tes années de lycée, Light-kun, ajouta-t-il à mi-voix.
- Comment ça ?
- Tu sais que j'avais placé des caméras dans ta chambre, n'est-ce pas ? Eh bien, pendant cette période, tu passais un temps considérable sur l'ordinateur, si ma mémoire est bonne.
Un éclair de compréhension frappa Light, alors qu'il s'était mis à froncer les sourcils. L, bien-sûr, ne disait jamais rien par hasard. Ça avait toujours été comme ça entre eux. A l'instant, il avait probablement dû faire allusion à l'infiltration des comptes de la police japonaise par Kira, il y avait quelques mois de cela. Et évidemment, qui hormis Light, fils de policier et geek à ses heures perdues, aurait pu réussir un tel exploit ?
Las de débattre avec L sur le sujet "Non, je ne suis pas Kira", Light retourna à la contemplation de son propre ordinateur.
- Tu es vraiment irrécupérable, Ryuuzaki.
- Pourquoi ? interrogea L avec une pointe de curiosité.
- Les droits de l'Homme, tu connais ?
- Hm, les droits de l'Homme… Je suis sûr que Kira fait cas des droits de l'Homme, lui aussi.
Light le gratifia d'un regard glacial.
Essayez un peu d'être enchaîné à un type pareil vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
...
◊ Interlude ◊
...
- Ryuuzaki, quand comptez-vous agir pour Yotsuba ? Nous en savons déjà beaucoup, il serait peut-être temps de mettre au point un plan d'action ?
Sans le 3:07 a.m qui clignotait avec insistance en bas de son écran, L n'aurait sans doute pas pris en compte l'heure avancée de la nuit. Passant la majorité de son temps dans un hall démuni de fenêtres, il lui arrivait d'oublier que les journées se divisaient en cycle, suivaient des variations. Lui les imaginait fluides et constantes. Les autres, visiblement, non. Du moins, pas au vu de leurs cernes profonds et leur attitude, proche de la crise de nerfs. Seul Soichiro Yagami montrait suffisamment d'enthousiasme pour parler de plan d'action à trois heures du matin. Light, de son coté, se taisait ; L ne releva pas, considérant qu'il était celui à avoir littéralement détruit son rythme de vie. Il ne se sentait pas particulièrement coupable à ce niveau-là.
Light était Kira.
Il n'avait pas encore cent pourcents de certitude à ce sujet – et, bon sang, ça le rendait fou ! – mais au vu des faits, des preuves, plus ou moins directes, et des simples spéculations, il ne tarderait pas à s'en approcher. Il s'était trompé une seule et unique fois au cours de sa carrière et ce ne serait pas Kira qui le ferait recommencer.
- Yagami-san, bien que j'apprécie votre combativité, je vous rappelle que nous n'avons aucune preuve concrète. Nous ne savons pas non plus comment ils s'y prennent pour tuer.
Quelque part plus loin, Matsuda laissa échapper un petit ronflement.
Un Light fatigué avait plus de chance à se mettre en colère. Et de laisser échapper quelques informations compromettantes, peut-être ? Oui, peut-être, mais jamais il ne se trahirait devant autant de monde. Non, non. L plissa les yeux, l'air songeur. Même en admettant que Light se soit fait manipuler par Kira, puis rendu amnésique par lui, il devait lui rester une parcelle de souvenirs de ce qu'il avait commis. Le cerveau humain était au moins aussi puissant que cela. Et dans un état fatigué, tout juste sorti d'une séquence de réflexion intense, il était si facilement manipulable…
L dut retenir un sourire satisfait.
- Eh bien, messieurs, ce sera tout pour aujourd'hui, déclara L en quittant son fauteuil.
Il sentit Light tressaillir à l'autre bout de la chaîne. Le reste des enquêteurs échangèrent des regards perplexes, surpris d'être congédiés aussi brusquement. Cependant, ils ne parurent pas déçus outre mesure. Tandis que L s'engageait sur l'escalier qui menait aux chambres, il entendit Light lui demander entre deux bâillements s'il avait un plan. L resta silencieux.
Les rares lumières de la ville endormie pénétraient leur chambre, via l'immense baie vitrée dont elle était dotée. Et quelque part au centre de ce champ urbain, le nouveau Kira riait aux éclats, au milieu d'une marre de sang et d'argent. Light observa un long moment la posture indolente de L, se demandant s'il pensait à la même chose, puis finit par tirer légèrement sur la chaine.
- Tu peux réfléchir autant que tu veux, Ryuuzaki, mais laisse-moi au moins m'allonger.
- Ah, oui, bien-sûr.
Ils s'étaient tous deux faits au lit commun – l'idée de dormir ensemble leur avait paru impossible les premiers jours. À L, parce qu'il ne dormait jamais et qu'il n'avait, par conséquent, pas besoin de lit. Il avait juste besoin de suffisamment d'espace et d'un ordinateur immense pour travailler 24/24. À Light pour des raisons plus ordinaires, disons. Tout d'abord, parce qu'il ne supportait pas le ronronnement constant de l'ordinateur de L tout au long de la nuit ensuite, parce qu'il était contraint de dormir sur le dos et de maintenir cette position jusqu'au matin – dans le cas contraire, le bruit métallique et insupportable des chaines le réveillaient. Et enfin, parce qu'il manifestait des réactions naturelles le matin (des réactions intimes, merci bien) et qu'il préférait garder à l'abri des yeux de L. Au final, il s'était habitué à cette situation, mais au prix de trois semaines d'effort.
Cela dit, cette nuit-là prenait une tournure aussi déplaisante que la première. Pour une raison qui échappait à Light, L s'était accroupi à ses côtés et avait planté sur lui ses yeux protubérants.
- Problème ?
- C'est la première nuit que tu ne réclames pas ton temps de salle de bains, remarqua L.
- C'est ce qui te dérange ? (Light haussa les sourcils) C'est la première fois que tu nous retiens jusqu'à trois heures du matin. Et ça échappe peut-être à ta conception du monde, mais il y a des gens que ça fatigue.
- Je vois.
Non, il ne voyait pas du tout. Il ne se décidait pas à se détourner non plus. Light sentit une bouffée d'exaspération le parcourir et se redressa pour caler son dos contre les barres du lit.
- D'accord, qu'est-ce qu'il y a ? Tu veux parler ?
Hochement de tête.
- A propos de quoi ?
- De Kira, répondit tranquillement L. De toi étant Kira pour être plus précis, Light-kun.
- De moi étant... Tu remets ça ? s'agaça Light. Tu crois sincèrement que je pourrais oublier d'avoir décimé des centaines de criminels en ne connaissant que leur nom ?
- Et en pouvant décider de la date et de la cause la mort, oui, c'est ce que je crois. C'est enfoui quelque part dans ta tête et je veux le faire sortir.
- Eh bien, bonne chance pour retrouver des souvenirs qui n'existent pas.
Light esquissa un mouvement pour se détourner de L. Il n'arriva jamais au bout.
La première étape pour instaurer la peur est d'attaquer l'un des cinq sens du cobaye. Prenez-lui la Vue et regardez-le se trébucher, regardez-le se débattre dans des ténèbres fictives. Prenez-lui l'Ouïe et écoutez-le hurler à s'en briser la voix. Privez-le de ses réflexes primaires.
C'était douloureux, affreusement douloureux.
Light eut beau cligner des yeux, presser les mains contre ses paupières, sa vue ne revenait pas. Il ne voyait rien, sinon une infinité d'étoiles vivides qui dansaient dans le noir. Sa panique lui ôta momentanément la capacité d'entendre et il ne distingua plus aucun bruit, hormis la pulsation affolée de son cœur à ses oreilles.
Tout s'était passé trop rapidement pour qu'il comprenne pleinement la situation, mais... Il se souvenait qu'un flash de lumière, d'une intensité peu commune, avait envahi la pièce pendant une fraction de seconde. Ça ne suffisait à rendre une personne aveugle, non...
Peu à peu, la vision des draps froissés et de la moquette uniforme lui revint, ainsi que le froissement des vêtements de L, qui bougeait à ses côtés. Levant les yeux vers lui, Light vit sa propre surprise reflétée sur son visage. Ils se dévisagèrent un long moment, essoufflés et interloqués, puis, Light se précipita hors du lit et L bondit sur le côté, vers son ordinateur. Ryuuzaki s'avéra être plus rapide, causant à son partenaire de perdre l'équilibre et retomber sur le sol. Il n'y prêta pas attention.
La deuxième étape de l'instauration de la peur est de germer le doute. Sssh, prenez votre temps. Laissez-le courir sur sa peau, laissez-le imprégner ses veines pour ne jamais en sortir. Soyez patient.
- Watari ! s'exclama-t-il. Est-ce que vous avez tous également perdu la vue ?
- Ryuuzaki, fit la voix imperturbable du vieil homme. Tout va bien ici. Et vous ?
L jeta un coup d'œil à Light.
- Light-kun ?
- J'ai l'impression que ma tête va exploser, marmonna-t-il.
- Réaction normale après un flash de lumière violent, reprit L à l'adresse de Watari. Que s'est-il passé ?
- Il est encore tôt pour le dire, mais il semble que notre système ait été piraté.
À cela, L ne répondit rien.
...
◊ Interlude ◊
...
C'est effrayant, n'est-ce pas ? Le simple fait d'imaginer les pensées qui ont pu vous traverser l'esprit au moment du flash est une délectation. Malgré tout, il faut admettre que vous avez montrer plus de dignité que certains. Ceux qui appellent à l'aide, ceux qui s'adressent à Dieu, ceux qui crient.
Considérez Notre échec comme une salutation. Considérez que nous venons de faire connaissance.
La partie a débuté. Le processus de destruction de votre Justice pathétique est mis en route.
N'aies crainte, L.
N'aies crainte, Kira.
La prochaine fois, Nous n'échouerons pas.
...
À suivre.
