Je crois que je commence à vraiment écrire des trucs déprimants, en relisant je me demande si un jour j'arriverais à réécrire quelque chose de joyeux. Sûrement, mais pas en ce moment. Ceci sera une Two-Shots, elle sera donc en deux parties. Je vous laisse avec Kyle, j'aime de plus en plus ce personnage.
South Park appartient à Matt Stone et Trey Parker.
Bonne lecture.
P.O.V. Kyle
"Il y a un truc que je dois te dire. Urgent."
Ça commence toujours comme ça. Un message. Un putain de message qui me dit de me grouiller, qu'il y a un truc urgent à faire. Mais je me laisse plus prendre au piège. Il aura pas ce qu'il veut, j'ai encore mon anglais et ma physique à finir.
"Va chier Craig. Ce soir j'ai pas envie."
Je reçois plus de messages, je crois que je l'ai vexé. Tant pis, il aura qu'à aller voir Kenny s'il veut se vider les couilles. J'suis pas une pute, même si cette putain d'impression me colle à la peau. Tout ce que je veux, c'est Stan. Malheureusement, il y a quelque chose qui me dit que ça pourra jamais coller entre nous : lui, il est hétéro. Alors, comme j'ai pas la possibilité d'être avec lui, je vois Craig de temps à autre. Il lui ressemble. Bien sûr, je lui dis pas, ça l'aurait énervé. En fait, pour Craig je suis juste un putain de jouet sexuel. On a une relation qui tourne uniquement autour du sexe. Quand on a envie, on s'appelle. Ça m'arrive souvent, quand je passe mes journées à côté de Stan. Pour Craig, je sais pas. J'aime pas quand c'est lui qui m'envoie le premier message, je préfère m'en occuper. Je sais qu'il y prend juste du plaisir, il est pas chiant comme mec. Je m'en tire pas plus mal, c'est la même chose de mon côté.
Chaque fois que je couche avec lui, j'imagine que c'est Stan. De cette façon, quand je gueule, j'essaye de ne pas prononcer son nom. Si je le fais, c'est le nom de Stan qui me viendra à la bouche et Craig me cassera la gueule. Le lien entre ces deux-là s'est toujours pas amélioré. Ils se haïssent toujours autant, du fond de leurs entrailles. Si Stan savait que je couche avec Craig, je me demande bien quelle serait sa réaction. C'est sûr que j'aurais pas sa bénédiction. Sûrement ne m'accordera-t-il plus jamais sa confiance. Or, je ne pourrais m'en passer, de sa confiance. Elle m'est vitale, en quelque sorte. Stan est mon meilleur ami, s'il se sent trahi par mon histoire de coucheries avec son pire ennemi, il me verra aussi comme un ennemi. Comme un traître. J'ai besoin de sa confiance, je ne peux pas m'en passer. Même s'il aime les filles, je veux qu'il reste près de moi. Non, en fait je ne pourrais pas me passer de lui.
« Kyle ? »
Je relève la tête. La soirée, enfin plutôt la nuit, est passée si vite que j'ai eu du mal à suivre le mouvement. Pourtant j'aurais du m'y faire, depuis le temps. Mais cette vie est toujours aussi morose. Ce sont les mêmes choses qui se répètent, inlassablement, comme si elles n'avaient pas de fin. Le regard bleu de Stan, qui m'observe d'un air inquiet, moi qui me force à sourire pour lui faire comprendre que tout va bien alors que c'est faux. Dans ces moments, j'ai l'impression de le dévorer des yeux et ça me gêne. Je ne veux pas qu'il s'aperçoive à quel point je suis minable. Je suis sûr qu'il a percé mon masque, vu comme je suis une merde pour mentir. Quoique... ce genre de choses, ça fait longtemps que je m'y entraîne alors peut-être que ça se voit plus. Il y a des fois, j'ai l'impression d'être comme Craig, ne rien ressentir et tout faire en apparence. Ouais, parce que maintenant Craig fait genre qu'il a des sentiments, pour mieux couler les autres par la suite. Ce type... il est détestable. Et pourtant, je couche avec lui. Je me dégoûte.
« Eh ! S'inquiète à son tour mon ami blond. Me dis pas que tu es si absorbé par le cours que tu n'as même pas entendu la question de Stan ! »
Ça aurait pu. Pourtant la vérité était toute autre. Mais ça, je ne voulais en aucun cas le leur dire. Aussi je me tourne de nouveau vers eux, feignant un sourire joyeux. Mon regard dérive pourtant sur Craig, qui ne me quitte pas des yeux. Ça pourrait être flippant si je n'étais pas habitué mais les frissons qui me parcourent le dos ont une toute autre signification. Je me force à regarder Kenny, ne pouvant décidément pas arrêter de fixer Craig. Putain, mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?! Je capte le regard bleu de Stan qui a finalement remarqué mon manège. Il se tourne vers Tucker. Ah putain, qu'est-ce que je donnerais pour être ailleurs... Le péruvien serait bien capable de lui balancer qu'on couche ensemble, dans un élan de colère. Enfin... Peut-être qu'il sait pas se mettre en colère, j'en ai pas la moindre idée en fait.
« Qu'est-ce que t'a Tucker ? Pourquoi tu fixes Kyle comme ça ? »
Je rabats ma chapska sur les yeux, souhaitant que cela me rende invisible. Malheureusement rien n'y fait et cette sensation de souillure que je me trimballe en permanence me parait encore plus présente en cet instant. Mais, plus que la souillure, mon cœur se serre. Si Stan apprend quoique ce soit sur ma "relation" avec son pire ennemi, je ne pourrais jamais plus compter être son meilleur ami. Celui à qui il confie tout. C'est pour ça que je me lève, interrompant les deux bruns. Le fait que je sois plus pâle que d'habitude n'échappe pas à Kenny qui me propose derechef de m'accompagner à l'infirmerie. Non. Tant qu'à faire, je préfère que ce soit Craig ou Stan qui m'accompagne, histoire de limiter les dégâts. Je me surprend même à supplier silencieusement le péruvien de se désigner à la place de Kenny. J'aime pas son sourire vicelard mais je ne peux décidément pas faire autrement. Il se lève à son tour et enroule son bras autour de mon épaule. Je croise de nouveau le regard de Stan. Je me mords la lèvre. Merde. Merde merde. Merde merde merde. Bordel, ce que tu peux être con Tucker. A cause de toi, Stan va se douter de quelque chose. Il est loin d'être con, malgré ce que tu sembles croire. Stan veut se lever aussi mais Kenny le retient. Craig fait un sourire en coin à mon meilleur ami.
« Laisse, j'vais le faire. De toute façon t'a encore trop de cours à rattraper pour te le permettre, McCormick. »
Je fais semblant d'essayer de me dégager, sans grande volonté. Stan semble vouloir protester à son tour mais Kenny, encore une fois, l'en empêche. Je suis d'accord, c'est pas le moment de titiller Tucker et puis, mon état semble amuser le blond au moins autant que le garçon au chullo. Je devrais peut-être songer à le mettre dans la confidence, au moins je serais sûr qu'il ne fera pas de conneries. Enfin, là il me fait quand même une fleur en s'effaçant pour laisser sa place à Craig. J'aimerais le remercier, mais la présence de Stan m'en empêche. Il aurait su facilement où je voulais en venir. Sous les directives du professeur, je sors donc de cours en compagnie de Craig. Direction l'infirmerie.
L'infirmerie était la destination de base mais, dès que nous arrivons à proximité des toilettes, je sens que Craig me plaque contre le mur. Je me cogne la tête et j'aurais hurlé si le brun n'avait pas placé sa main sur ma bouche, empêchant le moindre son d'en sortir. Il me jauge une fois encore de cet air apathique qui lui va si bien... Attend, je délire là ! Il s'agit de Craig, l'enfoiré aux cochons d'inde. Pas de Stan. N'empêche qu'il a un regard pénétrant et que ce dernier se pose sur ma nuque. Il fait glisser mon uniforme pour dénuder encore plus ma clavicule et il y plonge sa tête, la couvrant de baisers. Puis, il commence à la mordiller doucement, se collant plus à moi pour pouvoir faire usage de ses mains qui commencent à parcourir mon dos. J'ai envie de gémir, mais je me retiens. Que diraient les profs s'ils nous voyaient ? Pas que les profs d'ailleurs. Je le repousse un peu, avec délicatesse.
« P-Pas ici...
- Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même. 'Fallait accepter hier soir.
- J'avais des devoirs...
- Tu te serais démerdé pour les faire en cours. Mauvaise excuse. Ça te rend encore plus désirable. »
Il repart à l'assaut de mon cou, le léchant avidement comme s'il s'agissait d'une friandise. Je sens ma chaleur corporelle monter alors qu'il me pousse de plus en plus vers une des cabines de toilettes. Je ne peux pas calmer ses ardeurs, étant donné que je me rend compte que le sexe avec Craig m'a manqué. Ça me dégoûte de penser ça, à la base je déteste le cul. J'ai d'ailleurs réprimandé plusieurs fois Kenny quand je le voyais lire ses magasines porno chez moi. Est-ce qu'il imagine une seule seconde ce qu'il se serait passé si Ike était tombé dessus ? Mais là, je suis à mille lieux de ces questions d'éthique, puisque je me sens vraiment fiévreux. Je sens même une partie de mon anatomie devenir dure, signe précurseur des événements à venir. Pourtant, mon cerveau fonctionne toujours et il ne laissera pas mon corps faire. J'éloigne encore l'apathique de moi avant qu'il n'arrive à nous enfermer tous deux dans les toilettes. J'ai la respiration rapide, mais ça ne m'empêche pas de lui dire mon ressenti, du bout des lèvres.
« Pas ici... Chez toi,... si tu veux... mais... là... on peut... on peut... nous entendre... »
Craig s'éloigne à contre-cœur, et je le vois bien. Foutue conscience, quelle idée tu as eue de te manifester maintenant ?! C'est peut-être parce que je ne l'avais jamais fait dans des toilettes ? Non, je ne suis pas si prude tout de même et puis, Craig m'a vu des dizaines de fois à poil. Ici ou ailleurs, pour lui ça ne devrait rien changer. Il soupire, m'observant de cet air acéré de vautour qui est le sien.
« Tu crois que j'suis assez con pour pas avoir capté, Broflovski ? Je sais que si tu couches avec moi c'est parce que tu penses encore à ce connard de Stan. »
Quoi ?! Pour le coup, cette remarque me refroidit. Je crois même que j'ai recommencé à perdre des couleurs. Je bande plus, ça c'est une certitude.
« Que... Comment tu..?
- J'suis pas né d'la dernière pluie. Tu l'observes tout le temps comme si le quitter des yeux, ça serait mourir. Mais Stan il a les yeux crevés, il l'a même pas remarqué cet abruti.
- T-Tu comptes pas lui dire quand même...
- A toi de voir. J'veux bien me taire, mais pour ça tu vas devoir choisir.
- Choisir ? »
P.O.V. Stan
Je ne sais pas vraiment quand ça a commencé. Sûrement y'a longtemps. Je ne me rappelle plus vraiment quand j'ai commencé à être aussi blasé de la vie. J'ai trouvé qu'elle n'avait plus aucun attrait. Quand on s'ennuie, la vie est longue, du coup on essaye de combler le vide par tout ce qu'on peut. J'ai commencé par accepter de sortir avec une fille, pensant que ça m'aiderait à m'occuper d'autre chose que de ma petite vie minable. Pourtant, malgré tout l'amour que pouvait me donner Lizzy, ça ne m'a pas suffit. L'idée m'est venue alors que mon père m'ait chargé de remettre de l'ordre dans ses bouteilles en y collant de nouvelles étiquettes, avec du lait et un torchon. Je vous refais pas l'apologie du vin, sinon je vais y passer des heures. En tout cas, à la fin de ce "travail" qui me faisait chier, j'avais plus de genoux à force de rester à quatre pattes pour chopper les bouteilles. Je me suis rendu compte que mes mains tremblaient et que mes yeux cherchaient frénétiquement les bouteilles de vin rouge. C'est avec le vin rouge que je monte le plus facilement en alcoolémie. C'est bien connu, quand on est bourrés, le temps passe plus vite et, surtout, on s'éclate. On voit le rose de la vie, ce que je ne peux plus voir à cause des filtres noirs qui se sont fondus devant mes yeux. La vie est morne et triste, l'alcool rend joyeux. Alcool, épouse-moi... [1]
Mais voilà, l'euphorie de l'alcool, ça ne dure qu'un temps. De fil en aiguille, on devient vite addict à ce bonheur éphémère. Trop vite. Tellement qu'il nous est difficile de se séparer de cette fontaine à bonheur. Vu qu'on boit souvent, les effets sur le corps commencent à se faire plus tardifs. Au début, il faut six verres à tout casser. Ensuite, ça passe à dix. Puis, le vin ne suffit plus, et on se tourne alors vers des alcools plus forts. On recherche des sensations, on veut se griser dans le but de ne plus revenir à la réalité, dans ce monde pourri jusqu'à la moelle. Certains y arrivent, mais au prix de bien des sacrifices. J'suis pas prêt à mourir étouffé dans mon vomi, rien que cette idée me répugne. Comment on peut apprécier de baigner dans sa gerbe comme dans un bain de boue ? C'est pas le genre de choses qui me fait bander, même si je dois avouer que ça en fait bader certains. Genre, j'suis sûr que ça plairait à ce connard de Craig. D'ailleurs lui, en ce moment, il me tape vraiment sur les nerfs. Plus que d'habitude je veux dire. Je supporte pas de le voir rôder autour de Kyle comme un renard qui vient de trouver son repas. Kyle, c'est mon meilleur ami, pas le sien. Lui, il a cette enflure de Token pour pote, ou encore ce pleurnichard à l'ego surdimensionné de Clyde. Je parle même pas de Tweek. S'il veut partouzer, qu'il le fasse avec eux mais qu'il laisse Kyle tranquille.
Il est tard. Je sais que mes parents pioncent. J'ai pas à m'en faire pour Shelley, elle est interne donc elle est pas là en semaine. Je descends doucement les escaliers même si je me doute que personne ne m'entend, à bientôt trois heures du matin tout le monde dort même les voisins. Même si ça fait longtemps maintenant que je descends à la cave le soir, j'ai toujours un coup de flippe quand les escaliers grincent sous mon poids. Si les toilettes de la maison avaient été en bas, tout aurait été tellement plus simple. Je jette un bref coup d'œil à la cuisine, me demandant si mon père n'a pas eue la lubie de se lever et de s'asseoir sur la table pour regarder par la fenêtre. On a beau dire que nous sommes une famille normale, nous sommes humains. Tous les humains possèdent des lubies étranges. Bon, d'accord, tout le monde ne se lève pas en pleine nuit, en caleçon, pour regarder par la fenêtre de la cuisine, un verre d'eau à la main. Non, moi en fait c'est pire que ça... Constatant qu'il n'y a personne en vue, je fais demi-tour pour me diriger vers la cave. Elle est fermée à clé, vu qu'elle donne sur l'extérieur, mais la clé est sur la porte en permanence, comme si les parents avaient peur de la perdre. Dans une certaine mesure, ça m'arrange. Comme ça, je n'ai pas besoin de la chercher trois heures, j'ai juste à refermer doucement la porte derrière moi. De toute façon, c'est une vieille habitude qui ne me quitte pas, je referme toujours les portes derrière moi. Je descend rapidement mais sur la pointe des pieds les escaliers de la cave jusqu'à enfin apercevoir les bouteilles. Je remarquais bien vite que leur nombre avait grandement diminué depuis la dernière fois que j'étais venu. La faute m'incombait puisque, la dernière fois, j'avais pris bien plus d'une bouteille. Cette fois, je comptais d'ailleurs recommencer.
Je ne sais quelle raison obscure se cache derrière ça, mais ça fait bien deux jours que j'ai l'impression d'aller plus mal que d'ordinaire, et quand on va plus mal il faut plus de bonheur en bouteilles pour compenser. Je lance mes doigts à la poursuite d'une bouteille quelconque et j'en ressors trois. Un rouge et deux bouteilles de whisky. Mon père s'est déjà rendu compte que les bouteilles disparaissaient petit à petit mais il a mit ça sur le compte de son ancienne addiction à l'alcool. Comme quoi il était somnambule et qu'il se levait en pleine nuit pour aller boire un coup avant de retourner se coucher. Silencieusement ça m'avait fait rire, puisque je le savais très bien capable de ce genre de choses. Pourtant, je n'avais jamais croisé de Randy somnambule durant mes rondes nocturnes. Encore heureux d'ailleurs, je ne sais pas comment ça se serait passé. Il ne faut pas réveiller les somnambules, c'est bien connu, mais je pense que je n'aurais pas supporté qu'il me chipe les bouteilles sous le nez sans que je ne puisse rien faire. J'aurais sûrement essayé de lui reprendre et ça l'aurait sorti de son état de veille. Sûrement aurait-il perdu tout souvenir de qui nous étions, sa famille, ainsi que de lui-même. Et mon alcoolisme n'aurait plus non plus été un secret pour personne. Quelle merde...
Mais bref, mon père n'est pas là alors j'suis tranquille. Je cale mes bouteilles dans les bras et j'ouvre la porte de derrière, sentant l'air frais me chatouiller le visage. Tant pis si j'ai froid, dans peu de temps ça sera plus le cas. Je referme rapidement derrière moi, embarquant la clé avec moi pour être sûr de la ramener quand je reviendrais. Si je suis pas assez explosé, j'arriverais peut-être même a fermer à clé au retour. Quoique, avec trois bouteilles complètes, j'en doute...
Au final, j'ai du refourguer une bouteille aux clodos de la voie ferrée pour qu'ils me laissent seul avec mon alcoolémie notoire. C'est pas loin de chez Kenny mais je sais qu'il dira rien. C'est mon pote, l'addiction ça le connaît, surtout depuis qu'il avait essayé de cheeser en primaire. Et puis, ça plaît à Kenny de constituer des dossiers sur les autres, histoire de les ressortir dans les soirées quand on joue à action ou vérité. Moi aussi, j'ai pas mal de dossiers sur lui, comme le fait qu'il se branle chaque soir en regardant ses parents baiser. Mais ça, il l'avouera jamais à personne et je le sais bien, c'est pour ça que je me tais et il l'a bien compris. Du coup, aux soirées, il balance rien de dégradant sur moi. Peut-être qu'un jour je devrais penser à le remercier. Mais pas ce soir. Ce soir j'ai décidé de consacrer du temps à mes bouteilles en regardant le soleil croître doucement à l'horizon. Bizarrement, la couleur du ciel me fait penser aux cheveux de Kyle. Je sais pas pourquoi.
P.O.V. Kyle
En me retournant dans mon lit, je sens que je bute sur quelque chose de dur. Il me semblait bien qu'un truc était lourdement tombé sur moi un peu plus tôt dans la soirée. J'avais cru que c'était le phénomène normal de chute que l'on ressentait quand on se mettait à somnoler, mais visiblement quelqu'un m'est vraiment tombé dessus. A tout hasard, je me redresse doucement pour comprendre ce qu'il se passe, malgré mon esprit encore ensommeillé. Dans le noir total de ma chambre, je tâtonne pour essayer de trouver l'interrupteur mais je tombe sur autre chose qui me fait hérisser les cheveux sur la tête. Des cheveux. Justement.
Putain, me dites pas que cet enfoiré de Craig est venu jusque dans ma chambre pour profiter de moi ! Qu'il aille enculer son cochon d'inde si être en manque de cul l'empêche de dormir, mais qu'il ne se pointe pas chez moi à 3h bien passées du matin pour... Stan ? Merde, j'aurais peut-être pas du allumer la lumière, ça va le réveiller. J'allais appuyer de nouveau sur l'interrupteur quand je le vois redresser la tête, ses yeux bleus se plongeant dans mes orbes émeraudes. Trop tard, la lumière l'a réveillé. Il me fixe d'un air surpris... Attends, surpris..? J'ai du rater un truc quelque part. On se regarde dans le blanc des yeux quelques secondes avant que mon meilleur ami se mette à parler de lui-même.
« Kyle ? Mais... qu'est-ce que tu fous dans mon lit ? »
Je le regarde sans comprendre. SON lit ? Sachant que ce lit se situe dans la maison Broflovski, à l'étage qui plus est, je vois mal comment ce lit peut être le sien. Non, il a juste du se planter de maison et, la structure de nos deux maisons étant la même, il a fini dans ma chambre. Heureusement qu'il n'a pas fini dans la chambre de Ike, ce dernier aurait frôlé la crise cardiaque. Mais ça n'explique pas tout, qu'est-ce qu'il foutait dehors ? Avec tout l'enthousiasme dont je suis capable à 3h30 du matin, je le force à lâcher prise sur mon lit et essaye de lui expliquer que, ici, c'est chez moi, pas chez lui. Mais il se défend bien, malheureusement pour moi et mon malheureux lit qui commence à grincer. Si Ike ne dors pas, il va sûrement se poser des questions et, comme les hormones ça le travaille en ce moment, il risque de s'imaginer des choses. Non, en fait c'est pas le seul. Rien que de le voir là, près de mon lit, ça me fout des frissons. J'aimerais qu'il soit encore plus proche de moi. J'approche mon visage du sien en voyant qu'il ne réagit pas. J'ai l'impression qu'il a prit quelque chose de pas net. Putain, espérons qu'il s'est pas remis à boire. Son haleine alcoolisée me fait bien vite comprendre que j'ai tort.
« Putain Stan... Me dit pas que t'a encore picolé...
- Une bouteille, c'est pas difficile à supporter. »
Je fronce encore plus les sourcils, le regardant droit dans les yeux. J'essaye de m'investir du mieux que je peux dans mon rôle de meilleur ami et, là, il se trouve que j'ai deviné son petit manège. Il me ment. Il est habitué à l'alcool depuis qu'il est enfant alors son état n'est clairement pas le fait d'une seule bouteille de vin. Après un long silence où je le sens de plus en plus mal à l'aise sous mon regard, je m'attend à ce qu'il m'avoue son honteux secret mais, à la place, il m'attrape par le col. Je sais que Stan n'est pas violent, même si n'importe qui peut l'être sous l'effet de l'alcool, mais je ne vais pas baisser le regard pour si peu. Je voudrais lui lancer une autre pique mais je me rend compte que ses prunelles bleues ont changé de teinte. Il y brille désormais une drôle de lueur qui me rend muet. Pourtant, je ne me laisse pas impressionner, ouvrant une nouvelle fois la bouche pour lui avouer mon mécontentement. Ma plainte est étouffée par ses lèvres qui se posent délicatement sur les miennes. Putain... C'est pas possible, je dois être en train de faire un rêve ou une connerie du genre. A moins que je sois sous narcotiques moi aussi... Non, ça c'est encore moins probable, vu que j'ai jamais touché à la moindre drogue... Sauf l'acide, mais ça c'était il y a longtemps donc ça compte pas ! Kenny l'a bien compris d'ailleurs, c'est pour ça qu'il ne me propose plus rien.
Dès qu'il décolle ses lèvres des miennes, me laissant sur mon petit nuage, je suis trop déboussolé pour réagir. Pourtant, je m'entends clairement lui demander de me pincer le bras. Le pire c'est qu'il le fait cet enculé. Merde, ça fait mal et pourtant je me réveille pas. Ça veut dire que c'est réel ? Nah, c'est pas possible, je suis sûr qu'il y a anguille sous roche. Mon meilleur ami ferait jamais un truc comme ça alors qu'il a une copine, il n'aime pas faire souffrir les gens, en particulier puisqu'il a été plusieurs fois victime de ce genre de coups fourrés, notamment avec Wendy. Si ça recommençait avec Lizzy, je serais triste pour lui. Enfin... En l'occurrence, plutôt pour elle. Elle est gentille comme tout, elle ne mérite pas que je lui pique. Je ne suis pas un enfoiré. L'enfoiré, c'est celui qui a tué Kenny il y a quelques heures. Et puis... Là il est bien bourré, si ça se trouve demain il aura tout oublié. Mouais, en fait j'y crois moyen à cette histoire. Je sais bien que, quand il est bourré, il saute sur tout le monde. D'ailleurs, c'est dingue qu'il ne se soit pas encore fait violer à une de ces foutues soirées où l'alcool semble couler à flots. Quoique, Stan va très peu en soirées. Il est comme moi, il déteste ça. Même si c'est pas pour les mêmes raisons que moi. Stan, c'est plus par soucis de faire des conneries en public. Moi c'est juste parce que j'aime pas. Au final, ça revient au même. Du coup ça m'explique pas où il a trouvées ses foutues bouteilles. Ouais, parce que je suis sûr qu'il en a pas bue qu'une. Il a plus d'un litre dans le sang là pour m'embrasser comme s'il s'agissait de Lizzy. Je le repousse doucement, même si c'est à contre-cœur. Je ne peux pas profiter de lui alors qu'il est bourré, ça serait dégueulasse. Non, il faut que je me contrôle. En plus je suis encore dans les choux alors ça m'aide pas.
« Bordel de merde Stan... Moi c'est Kyle, pas Lizzy !
- Je le sais.
- Arrête, ça se fait pas de tromper sa copine.
- Ça te va bien de dire ça, c'est pas moi que Craig regarde comme s'il allait te bouffer.
- T'as les idées vachement claires pour quelqu'un qui a bu. »
A peine je dis ça qu'il s'approche une nouvelle fois pour m'embrasser. En panique, je me mets à chercher frénétiquement comment le contrer sans trop de violences mais il me tombe dessus comme une masse. Ok, j'ai rien dis. Il est bourré et il vient de s'endormir sur moi. Super, je vais pas arriver à fermer l'œil de la nuit.
« Kyle ? Kyle ! Putain Kyle, réveille-toi ! »
J'ouvre un œil encore ensommeillé. J'ai pas beaucoup dormi alors je mets du temps à reconnaître la voix de mon meilleur ami. Ah, combien de fois j'ai rêvé de me réveiller à ses côtés et de l'entendre murmurer doucement mon prénom. Oui, MURMURER. Je pense que ça va rester un rêve parce que si je me lève pas, il va commencer à me secouer. Que de douceur dans tes gestes, mon cher Stan... Je me redresse comme par automatisme, fixant ses yeux bleus paniqués. Bon, comment je vais lui expliquer ça moi ?
« Quoi ? Je grogne.
- Comment ça se fait que je me sois réveillé allongé sur toi ?
- Qu'est-ce que j'en sais ? Laisse-moi dormir...
- Je suis désolé, je voulais pas t'écraser.
- Bah tu l'as fais, je râle avant de me rallonger en pressant l'oreiller contre ma tête, bonne nuit ! »
Stan ne dit plus rien, je crois qu'il a compris que je n'étais pas en mesure de répondre à ce genre de questions de bon matin. Surtout quand je suis en manque de sommeil. Mon meilleur ami le sait, le matin il ne faut pas me réveiller, sous peine que je sois de mauvaise humeur toute la journée. Tiens, d'ailleurs, il ne devrait pas être encore couché, lui, avec la cuite qu'il s'est prise hier au soir ?
« Kyle... Ça fait dix bonnes minutes que ton réveil a sonné. C'est pour ça que je t'ai réveillé...
- QUOI ?! »
Sur le coup, la remarque de Stan me fait me relever d'un seul coup. Merde. Merde merde. Merde merde merde. Si je suis à la bourre aujourd'hui, alors que je commence par un contrôle de Maths que j'ai pris la peine de réviser car la leçon m'avait parue compliquée, ça ne fera pas sérieux. Ça fera le mec qui ne s'est pas foulé et qui révise juste avant le contrôle... Comme Cartman quoi, mais je ne veux surtout pas qu'on me compare à ce connard antisémite, je tiens à ma réputation moi ! Quoique, je dois avouer qu'avec Craig, elle a du prendre un certain coup ma réputation... Enfin, pas encore, mais quelque chose me dit que ça ne saurait tarder. Avec Craig, on peut s'attendre à tout, surtout depuis que je sais qu'il m'a demandé de choisir. Je ne sais pas vraiment si je m'en sentirais capable, mais je dois me rendre à l'évidence j'ai pas d'autre choix.
Bref, on en est pas là. Pour l'instant, le problème, c'est que j'ai Stan devant moi, qu'il a dormi dans mon lit et que, au final, je me retrouve avec bien dix minutes de retard sur mon programme habituel. Je n'aurais pas le temps de relire ma leçon, là c'est mort. J'observe quelques instants mon ami qui se frotte le crâne. Il lève de nouveau les yeux vers moi.
« Tu n'aurais pas de l'aspirine ou un autre truc anti-douleur ? Genre un ibuprofène ?
- Je dois avoir ça dans la salle de bain. Je te le ramène alors bouge pas. »
J'esquisse un pas en dehors de la chambre avant de revenir sur mes pas, une question me taraudait l'esprit alors que je profitais de la vision de Stan assit sur mon lit. Si un jour j'avais pensé le trouver là, en dehors de nos regroupements habituels. Peut-être que..? Non non, tu vas te monter la tête pour rien comme une fille alors ta gueule imagination de médeux !
« Tu devrais peut-être appeler tes parents, ils vont s'inquiéter s'ils te trouvent pas.
- Ils s'en foutent de moi.
- Vieux, murmurais-je en revenant vers lui, dis pas n'importe quoi ! Ils t'aiment tes parents.
- Alors pourquoi ils m'ont pas envoyé un seul putain de... »
Son portable se met à sonner dans sa poche et je souris. Si ça cela n'était pas une preuve d'amour ! Quand il décroche, je me rends compte que je ferais mieux de le laisser avec sa mère pour aller me doucher. De un, c'était indiscret d'écouter aux portes et de deux, l'heure continuait malheureusement de tourner.
Au final, il est rentré chez lui avant que je sorte de la douche. Je crois bien que sa mère l'a engueulé, il m'a demandé de prévenir le prof qu'il aurait du retard. Il aurait pu me le dire en face au lieu de me balancer un texto. Ça n'était pas pareil quand il me le disait de vive voix et par texto. Vu ce qu'il m'a dit alors qu'il était bourré, il devrait le savoir que je l'aime, sa voix. Pas que sa voix, d'ailleurs... Je soupire une nouvelle fois avant de me résigner à ranger mon cahier de Maths, renonçant à relire ma leçon. De toute façon, c'est juste impossible vu l'heure qu'il est. Stan, je te hais. Si, lors du contrôle, je n'arrive pas à me concentrer, tu peux être sûr que je t'accuserais. A tort peut-être, puisque tu n'as sûrement rien demandé, mais je t'accuserais quand même. Parce que, à cause de tes conneries, je ne peux pas m'empêcher de m'imaginer des choses plus tordues les unes que les autres. Ah putain, et dire que je suis censé être le plus prude du groupe... J'ai plutôt l'impression d'être la salope de Craig et le jouet de Stan lorsqu'il est bourré. Mais bon, pour mon meilleur ami ça n'est pas sa faute, je ne peux pas lui en vouloir.
Arrivant enfin devant le collège, j'hésite à y faire quelques pas. En fait, je reste carrément devant le portail sans tenter le moindre geste pour entrer. Je n'ai aucune envie d'être là, en fait. Je prend une profonde inspiration en entendant la sonnerie. Il faut que j'arrive à dépasser ce foutu portail, sinon je n'irais nulle part. Et, surtout, je serais en retard pour le contrôle de Maths. Pourtant, mes pieds n'ont pas l'air décidés à avancer ne serais-ce que de quelques centimètres. Ils ne veulent pas dépasser le "point de non-retour". Si j'entre, je vais devoir donner à Craig la réponse qu'il attend. Je ne sais pas encore quoi lui dire... Je sens un bras passer autour de mes épaules. Surpris, je relève la tête et croise un regard bleu que je ne connais que trop bien. Un regard bleu un peu trop chaleureux pour être celui de Stan. Oui, c'est Kenny. Il me sourit. Je lui rend son sourire sans grande conviction. Il a compris, c'est évident, pourtant il fait comme si de rien n'était et lance joyeusement la phrase qu'il allait dire.
« Tu as meilleure mine qu'hier.
- Tu trouves ?
- Ouais ! Faut pas trop traîner, ça a sonné. Je suppose que tu n'as pas oublié le contrôle ?
- Il y a plus de chances pour que ça soit toi qui l'oublie, je me moque.
- Pff... Je suppose que tu as encore passé ta journée et ta matinée à réviser. T'as pas de vie, mec !
- Eh ! Bien sûr que si, il n'y a pas que les cours dans ma vie ! »
Après quelques minutes à rire de notre connerie, Kenny m'attrape par le bras et on se met à courir. Il m'a confié qu'il n'avait pas révisé, que ça le faisait chier de bosser à la maison parce qu'on en faisait déjà assez en cours. Là-dessus, je suis d'accord avec lui, mais il y a une différence entre ceux qui en glandent pas une et ceux qui relisent leurs cours le soir, pour être sûrs de bien avoir tout compris. Je suis le seul de la bande à faire ça, je crois bien. Pour Kenny, c'est évident qu'il ne bosse pas. Il se dit que ça n'est pas la peine puisque de toute façon il n'ira pas au lycée. Moi je pense qu'il devrait tout de même essayer. Qui ne tente rien n'a rien. Stan, je ne sais pas comment il bosse chez lui, mais il n'a pas vraiment de supers notes aux contrôles. Il doit privilégier le sport, son domaine par prédilection. Je regrette toujours que le club de basket ne m'aie pas accepté, sinon je serais moi aussi un sportif de haut niveau à l'heure qu'il est. Et je pourrais sûrement frimer devant les autres. Là je ressemble juste à un gars efféminé qui vend son cul. C'est drôle que Cartman ne nous ai pas encore fait la remarque d'ailleurs. Sûrement parce qu'il ne traîne plus avec nous. Qu'à cela ne tienne ! Ça me fait un connard de moins sur le dos. Ou alors, peut-être que Craig est resté silencieux. J'espère que c'est ça...
On arrive juste au moment où le prof distribue les feuilles. Je ne suis jamais arrivé aussi en retard de ma vie et j'esquive les regards interrogateurs des autres élèves pour me focaliser sur le professeur. Je lui répète mot pour mot ce qu'il y avait écrit sur le texto de Stan. Qu'il aurait du retard. Puis, je m'assois enfin à ma place. Ça y est, je suis parmi les autres. Anonyme. Bizarrement, cette sensation me rassure. Je n'ai plus l'impression d'être Kyle Broflovski. Je suis juste un être humain. Le seul animal doué de conscience. Parce qu'il est le seul capable de penser. Merci Descartes ! Cette sensation disparaît bien vite quand je sens un regard froid me vriller le dos. Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir qu'il s'agit de Craig. Il n'y a que lui pour me dévisager comme ça quand je parle de Stan. En même temps, il m'a demandé de choisir. Entre lui et Stan. Ces deux-là ne veulent jamais rien avoir en commun. Il devrait être content, lui qui d'ordinaire se tape toutes les anciennes petites-amies de mon ami. Cette fois, il m'a moi, avant que Stan ne m'ait touché. Surtout s'il est hétéro, c'est juste normal.
Je pars trop loin dans mes délires, je ferais mieux de me concentrer sur ma feuille. Je sens mon portable vibrer dans ma poche. On verra plus tard, maintenant Kyle tu te concentres sur ta copie !
P.O.V. Stan
En rentrant, je n'ai pas pu faire autrement que me demander ce qu'il s'était passé. Bon, j'avais bu comme un trou hier soir, ça je le sais et ça n'est plus un secret pour personne même pour Kyle. J'espérais n'avoir rien fait d'insensé. Mon meilleur ami est du genre à se faire des films pour pas grand-chose. J'espère aussi que je n'ai pas trop parlé de choses que j'avais juré de garder sous silence. Il va finalement falloir que je demande à Kyle ce que j'ai dit ou fait. J'ai peur de m'être emporté. Peut-être que, maintenant, il sait des choses qu'il ne devrait jamais avoir entendues. Comme par exemple le fait que je sois au courant pour Craig. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure qu'il se passe un truc pas net entre ces deux-là. Je comprend sans problème qu'il ne m'en ai pas parlé, je hais Craig comme Craig me hait. Mais il aurait au moins pu me dire qu'il aimait les mecs. On est sensés être meilleurs amis oui ou merde ?! Oh et puis après tout, ce sont ses affaires, pas les miennes ! Alors, pourquoi je me sens si mal en y pensant ? Je n'ai pas à me mêler de la vie privée de Kyle, il fait ce qu'il veut. Je suis pas son père, je n'ai pas à lui dicter la conduite qu'il devrait adopter.
Ma mère a finalement remarqué l'air préoccupé qui s'est peint sur mon visage tout le temps où elle me criait dessus. Elle a compris que je ne l'écoutais pas. Bien. Maintenant, soit elle va gueuler encore plus, soit elle va me demander d'aller préparer mes affaires. Je crois que là, qu'elle continue de me crier dessus ou qu'elle me congédie, c'est foutu pour le contrôle de Maths. Ça tombe bien, je n'avais pas révisé. De toute façon, j'ai de meilleures notes quand je ne révise pas. Quand je révise, je me tape des vieux cinq alors que quand je n'ouvre même pas mon cahier, j'ai la moyenne. Je gagne cinq points quand je fous rien, c'est tout de même royal.
Au final elle m'envoie chercher mon sac. Il est dans ma chambre, je n'en ai pas pour longtemps. Heureusement que je ne lui ai pas dis que j'avais bu hier soir, sinon on aurait passé la journée à se gueuler dessus. Bien que je doute que pour papa elle n'en ai pas fait tout un fromage. Oh et puis je m'en fous. Chacun sa merde après tout. Si je bois, c'est ni les affaires de ma mère, ni celles de mon père. Lui, il a déjà ses propres affaires à régler. Qu'il me laisse me démerder pour faire ce qui le tente, ça ne changera pas de d'habitude. En fait il s'en fout de moi, tout comme de Shelley. Sauf que Shelley, elle aussi elle n'en a rien à foutre. En fait, on est tous des putains de je m'en foutiste dans cette famille. La seule qui a l'air encore assez "normale", c'est maman. Elle garde la tête froide en toutes circonstances contrairement à ce que l'on pourrait penser. J'aurais tellement aimé lui ressembler, mais il faut croire que je suis la voie de mon père. L'alcool est là pour me le rappeler.
J'attrape rapidement mon sac et je redescends les escaliers. Ma mère me juge encore d'un regard sévère. Si j'avais des soucis, je pense que je les confierais plus à mon père qu'à elle, de peur qu'elle ne le prenne mal. Pourtant je pense que c'est elle qui est bien souvent le plus à même de répondre à mes problèmes. J'ai du être une meuf dans une vie antérieure. Ouais. Je sais, c'est pitoyable. Mais après tout c'est pas plus mal, ça me permet de reconnaître mon mal-être. Putain, j'espère que j'ai pas saoulé Kyle avec mes problèmes toute la nuit ! Il avait des putains de cernes ce matin. S'il se chie son contrôle de Maths, il sera dans son droit de me gueuler dessus. Qu'il le fasse, j'ai conscience d'être un putain de boulet. Putain, alors là j'ai la dose de putain pour la journée... Quoique ça n'est que le début.
Par automatisme, je fourre les mains dans mes poches pendant que ma mère regarde sur le frigo à quelle heure passe le prochain bus. Je touche quelque chose qui produit un petit bruit métallique. Merde, les clés... Avec tout ça, j'avais oublié de les remettre sur la serrure de la cave. Je lève de nouveau les yeux vers ma mère, pour vérifier qu'elle n'a pas entendu. Visiblement non, elle est en train de regarder les horaires complètes pour la dixième fois au moins. Elle est en train de s'énerver, je le sens. En même temps elles sont tellement mal foutues ces horaires, je suis sûr que le prochain il ne passe pas avant midi.
« 13h ?! Mais ils nous prennent vraiment pour des... »
Gagné. Horaires de bus, vous avez réussi à agacer l'imperturbable Sharon Marsh. Défi remporté haut la main. Elle met son pouce sur sa tempe et se malaxe le front. On dirait qu'elle a mal à la tête. Mon père a encore du faire des conneries, elle a l'air crevée. Je décide de lui laisser un peu la paix le temps qu'elle ai fini de se remettre de ce soudain agacement. Elle me dit qu'elle est trop fatiguée pour prendre le volant aujourd'hui. Qu'entre moi qui disparaît et les problèmes de mon père, elle a eu sa dose pour la journée. Bon. Plus qu'à attendre le bus qui passe à 13h alors. Il faut que je prévienne Kyle, qu'il ne m'attende pas pour aller bouffer ce midi. Je m'en voudrais si, à cause de moi, il ratait encore un repas. Déjà qu'il ne mange pas beaucoup en ce moment... J'espère qu'il n'est pas en train de déprimer ou une autre connerie du genre. Ça me ferait de la peine. Ouais, en ce moment je me fais carrément plus de soucis pour Kyle que pour moi. C'est peut-être pour ça qu'en ce moment je vais mal, son état mental a une certaine influence sur moi. Si j'arrive à lui redonner le sourire, peut-être que j'irais mieux ? Et puis merde. Je tiens trop à mes bouteilles d'alcool. Je ne veux pas m'en passer, sinon je n'aurais plus jamais le moyen de voir la vie en rose. Je remonte dans ma chambre, je me couche sur le lit et je me mets à observer le plafond. Je crois bien que je me suis endormi, mais mon esprit était toujours focalisé sur Kyle à mon réveil. J'attrape mon portable. C'est la pause entre 10 et 11h, ça tombe bien.
J'attends quelques minutes la réponse de mon meilleur ami à mon premier texto. Voyant qu'elle ne vient pas, je lui en envoie un autre. Plus court. Pour dire que dès qu'il pourra, il faudra qu'on parle tous les deux. Je veux savoir pourquoi j'ai l'impression qu'il va aussi mal, mais aussi ce qu'il s'est passé hier soir. Si je me suis direct endormi comme une souche ou si j'ai parlé et, si j'ai parlé, ce que j'ai bien pu lui dire. Des conneries. Comme d'habitude quand je suis bourré. Mais malheureusement mes conneries ont toujours une part de vérité, même si ça doit paraître obscur la plupart du temps. Il faudrait que je pense à consulter un psy, un de ces quatre. Non, en fait c'est sûrement la pire idée que j'ai jamais eue. Il m'enverrait en cure de désintox' et j'en ai pas la moindre envie. J'ai encore trop de choses à faire avant d'aller dans cette putain de prison.
Il ne répond toujours pas. Insister serait un peu trop protecteur. Genre la maman poule qui s'inquiète pour son poussin infirme. Sauf que Kyle, il n'est pas infirme. C'est juste qu'il répond pas. En fait, c'est sûrement moi qui flippe pour un rien. Mais bon, avec Tucker dans les parages, vu que je suis pas là, on est jamais à l'abri de rien. S'il a osé s'en prendre à mon meilleur ami, il gagnera mon poing dans sa belle gueule de tapette. Mais pour l'instant, je ne peux qu'attendre. Alors, le portable sur le torse, j'observe encore mon plafond. Toujours aussi bleu depuis des années. J'ai même pas songé à mettre l'un de mes vieux posters dessus. A tous les coups il aurait pas tenu et je l'aurai reçu sur la gueule un soir, alors que je serais tranquille en train de dormir. Ça m'aurait foutu la trouille de ma vie, tout ça pour une stupide affichette en plastique.
Je vais croiser les bras derrière ma tête quand j'entends ma mère gueuler au téléphone. Elle doit être en train de parler aux gars de la compagnie de bus. Ah non. Je viens de l'entendre dire "Randy". Qu'est-ce qu'il a fait encore ? Je sais pas. Ça n'a pas l'air très glorieux en tout cas... Je m'apprête à regarder l'heure sur mon téléphone mais, quand j'avance ma main, c'est avec plaisir que je l'entends ronronner. J'espère que c'est Kyle ! Je ramène le portable à la hauteur de mon regard. C'est tout juste la fin de la récré, comme s'il avait été occupé pendant toute celle-ci. C'est bien son genre, il fait tout pour se faire bien voir des profs. Je ne peux pas lui en vouloir, si les profs l'apprécie ils seront plus prompts à le recommander à d'autres... Connard ! Qu'est-ce qui ne va pas chez lui ? Pour être sûr de ne pas m'être trompé dans la signification du message, je le relis une seconde fois. Le numéro, c'est bien celui de Kyle, mais le message c'est quelqu'un d'autre qui l'a écrit.
"Rage pas. Kyle est avec moi. Tu te trouveras un autre rouquin à baiser. Ou une rouquine. J'm'en branle.
Affectueusement.
Craig"
Affectueusement ? Il se fout de ma gueule là, c'est pas possible... Ou alors, il veut juste me faire rager parce que affectueusement c'est tout ce dont cet apathique n'est pas capable, sauf en faisant de l'ironie. Ouais, ce putain de connard se mettait à l'ironie. Je vais finir par croire que c'est le monde à l'envers. Je veux balancer mon portable contre le mur mais je ne trouve pas la force de le faire. Il se serait pété en trois et j'aurais été obligé de me lever pour le réparer. L'enflure ! En plus d'avoir Kyle avec lui, il ose venir me narguer. Cet aprêm, je vais pas le louper. Je vais lui refaire le portrait à ce salaud ! Il a pas intérêt à... Un autre texto. Cette fois c'est ni Kyle, ni cette enflure de Craig. C'est Lizzy qui vient demander de mes nouvelles. Ou plutôt, qui vient me dire qu'on devrait rompre. Qu'elle en a marre de moi et de ma putain de dépression. Qu'elle a essayé de me sortir de là mais qu'elle n'a pas réussi. Qu'elle n'est pas le genre de personne qu'il me faut. Qu'entre nous, ça a collé quelques temps, mais que c'était fini. Qu'elle ne serait pas celle qui me rendrait heureux. Elle espère que je trouverais cette personne un jour. Avant de faire une connerie. Elle dit que si ça arrive elle sera la première à me pleurer.
En gros, on repart sur la base où on étaient de très bons potes. Lizzy, dans quelques circonstances, avait un comportement de garçon. Mais à cet instant, elle était vraiment une fille. Et moi aussi, puisque la rage que j'avais envers Tucker s'était changée en larmes à son joli discours. Des larmes aussi salées que la mer... Je ne sais même pas pourquoi je pleure. Si c'est parce que Craig est avec Kyle, si c'est parce que j'en ai marre que le péruvien se comporte comme une merde avec moi ou parce que je viens de me faire larguer. Un peu des trois sûrement. Putain... Ça fait combien de temps que j'ai chialé autant ? En primaire à mon avis, pas après.
A partir du collège, on a tous commencé à œuvrer sur nos masques. Moi, j'étais le solide quarterback du collège, celui qui n'avait jamais mal et qui tenait vraiment à l'image qu'il donnait de lui aux autres. Kyle, il était devenu plus timide, et au début il n'arrivait pas à s'imposer face aux autres. Avec son corps frêle qui faisait presque efféminé, il faut dire que ça ne devait pas être simple. C'est pour ça qu'au début, je lui ai tout montré. C'est grâce à moi qu'il a plus de facilités à s'intégrer maintenant. Ça me fout les boules qu'il se soit servi de mon "enseignement" pour se rapprocher de Tucker. Mais bon, s'il l'aime je peux pas vraiment faire grand chose. Juste aller me chercher une bouteille à la cave quand l'occasion se présentera. J'entends ma mère ouvrir la porte et j'essuie mes larmes comme je peux. Ça n'est pas la peine, elle est encore au téléphone.
« Mais c'est impossible que la clé de la cave ai disparue comme ça ! On en parlera ce soir, mais en attendant tu as intérêt à la retrouver. »
Elle raccroche le téléphone et soupire. Puis, ses yeux se posent sur moi et elle soupire encore.
« On va bientôt passer à table Stanley, n'oublie pas que ton bus... Oh, ça ne va pas mon trésor ?
- Si, je vais bien...
- Tu n'en as pas l'air, tu es sûr que tu ne veux pas en parler ?
- Non... Non non... Je... »
Putain, voilà que je me mets à chialer devant ma mère. Heureusement que Shelley n'est pas là, elle se serait foutu de ma gueule. Et papa... Je lui ferais honte, sans nul doute. Ma mère, d'abord surprise, finit par me prendre dans ses bras et me bercer doucement, comme lorsque j'étais plus petit. Si elle savait que le coup des clés, c'était moi, elle ne serait peut-être pas aussi compréhensive... Enfin, comme ça elle a trouvé une raison valable d'engueuler mon père. Pour une fois que je la vois l'engueuler.
« Tu veux rester ici cet après-midi ? Je crois que tu as besoin de repos. »
Sûrement. Mais je ne vais pas l'emmerder avec mes histoires, je ne vais pas lui gâcher son jour de congé. Je secoue négativement la tête et je la sens lever son bras droit. Elle regarde l'heure sur sa montre. Sûrement pour vérifier que je ne me suis pas chié mon bus. Elle soupire avant de sentir l'odeur de brûlé dans la cuisine. Moi aussi je la sens... Elle me lâche et sors en trombe de ma chambre, lâchant de temps à autre des "oh mon dieu" et des "mon gigot !". Je retombe mollement sur mon lit, je crois bien que je n'ai plus la motivation de bouger. Maman a raison, je ferais sûrement mieux de rester. Comme je ne la vois ni remonter, ni m'appeler pour l'aider alors que l'odeur de cramé est toujours présente -bien plus que tout à l'heure-, je commence à m'agiter moi aussi et descendre rapidement les marches. Je m'arrête au milieu de l'escalier, cramponné à la rampe. On ne voit pas à un mètre avec toute cette fumée, mais je me doute que le feu qui crépitait doucement sous la casserole à doublé de volume. Génial, y'a le feu chez nous. Le pire, je crois bien que c'est le fait que ma mère soit silencieuse. J'espère que la fumée du feu ne l'a pas intoxiquée...
A SUIVRE...
[1] Effectivement, ceci est une référence à Craig Fucker de Zvn que j'ai vraiment adoré avec son humour débridé o/
