La maison des cauchemars

Amy était dans la cuisine à préparer le goûter de Sara. Elle étalait de la confiture de cerises sur des tartines, sa préférée, pendant que Dean lisait le journal tranquillement assis sur une chaise de cette même cuisine. Tout était paisible dans la rue. Les enfants étaient encore à l'école, les parents au travail…Amy se demanda alors pourquoi elle et Dean n'étaient pas eux aussi au travail. Cette pensée s'envola aussi vite qu'elle était venue et la jeune femme sortit une bouteille de jus d'orange du frigo avant d'en servir un grand verre. Et puis une voiture passa dans la rue, un haut-parleur sur le toit, diffusant une annonce : « Ce soir à Lawrence, n'oubliez pas, grande représentation du cirque du soleil ! Dernière représentation à Lawrence, ce soir… » La voiture s'éloigna et la voix devint indistincte mais Amy était de nouveau assaillie par ce drôle de pressentiment. Que faisaient-ils à Lawrence ? La jeune femme posa son couteau sur le plan de travail et se retourna. Dean leva les yeux de son journal et remarqua l'air de sa femme.

- Tout va bien chérie ? demanda-t-il, inquiet.

- Je sais pas…J'ai l'impression que quelque chose ne va pas.

- Comme si tu avais oublié quelque chose ?

- Non…Plus comme…un mauvais pressentiment.

Amy s'écarta du plan de travail et fit quelques pas dans la cuisine.

- J'ai déjà vécu ce genre de vie et à chaque fois ce n'était pas la réalité…

Dean se leva sans un mot mais la jeune femme ne le regardait pas. Elle n'en avait pas besoin, elle avait compris. Ce n'était pas la réalité. Au moment où elle formula ça dans sa tête, elle se souvint de comment elle était arrivé là : le drôle de produit de Don Wakefield.

- Tout ça n'est pas réel ! dit-elle finalement convaincu en se tournant vers Dean.

Ce dernier sourit étrangement puis le plafonnier explosa au-dessus d'Amy lui faisant levé la tête vers le plafond. Quand elle baissa de nouveau le regard, Dean avait disparu.

- Dean !

La maison devint plus sombre. Toutes les lumières s'éteignirent et alors que quelques secondes auparavant il faisait un soleil magnifique dehors, le ciel s'assombrit en un claquement de doigts rendant glauque l'atmosphère de la maison. L'ancienne maison des Woods ou des Winchester – elles étaient identiques – à Lawrence, au Kansas. La chasseuse se précipita à la porte d'entrée mais impossible de l'ouvrir à mains nues. Elle recula alors de quelques pas et essaya de l'ouvrir magiquement, à l'aide de ses pouvoirs de super anges mais rien. Pire, c'était comme si elle avait perdue tous ces pouvoirs. Paniquée, elle se précipita à l'étage pour observer dehors. Elle s'approcha d'une fenêtre mais elle ne vit rien du tout. La maison était comme posée au milieu d'une étendue d'herbe et de forêt indéfinie. Aucune âme qui vive. Amy devait se calmer pour réfléchir. Elle ferma les yeux et inspira profondément. Ce qui l'inquiétait le plus c'était que les deux frères ne soient pas là avec elle alors qu'ils avaient eux aussi eu droit à une dose du produit de Wakefield. Ce produit devait les avoir plonger dans un état de rêve profond qui prenait les traits de la réalité. Mais pourquoi ne partageaient-ils pas tous les trois le même rêve ?

- Je suis désolé Amy…

La jeune femme se retourna brusquement en ouvrant les yeux. Wakefield était là devant elle, les bras croisés dans le dos, sincèrement attristé.

- Dîtes-moi ce qui se passe Don…

- Je ne peux pas, je regrette.

- Dîtes-moi au moins où sont les frères !

- Pas loin. Vous allez vous retrouver, si vous y arrivez.

- Arrivez à quoi ? A quoi rime tout ça ?

- Cette expérience a pour but de développer pleinement toutes vos capacités, de développer vos sens…

- Qu'est-ce que vous me chantez là ? Don, pour qui travaillez vous ? Parce que je sais que vous n'avez pas organisé ça tout seul…

- Je suis navré, je ne peux pas vous le dire. Mais vous allez vite comprendre les règles du jeu. Soit vous les suivez soit…

- Je meurs ?

- C'est une possibilité. Encore désolé.

Le thérapeute-sorcier disparut aussi rapidement et discrètement qu'il n'était arrivé.

- Les règles du jeu…tu parles ! maugréa Amy.

Elle soupira et essaya de réfléchir mais un bruit léger attira son attention. Ce bruit s'amplifiait de plus en plus, la jeune femme pouvait aisément voir à présent que c'était une voix d'homme. Elle redescendit lentement les escaliers. La voix venait du salon, une voix familière. Amy s'arrêta sur le seuil du salon, sous le choc. Bobby parlait au téléphone, debout devant elle.

- Bien sûr qu'elle n'a pas bougé Dean, elle a la jambe cassée, qu'est-ce que tu veux qu'elle fasse ? T'es qu'un idiot, tu le sais au moins ? Tu pourrais l'appeler, Sam le fait lui ! Quoi ? Si elle prend ses calmants ? Tu me prends pour un garde-malade ou je rêve ?

La super ange était distraite. Les larmes aux yeux, elle n'arrivait pas à croire que Bobby soit là. Et puis elle se concentra un peu plus sur ce qu'il disait. Il parlait d'elle, sans aucun doute. Une jambe cassée…C'était probablement quand l'alpha polymorphe lui avait cassé la jambe, peu de temps avant qu'elle apprenne que Sam n'avait pas d'âme et que Crowley les avait soi-disant ramenés d'entre les morts. Amy ne bougea pas et Bobby continua :

- Hum…Je vois. Je vais regarder. Je crois que j'ai un bouquin qui parle de ça et je…

Mais visiblement Dean avait déjà raccroché. Bobby soupira et raccrocha à son tour :

- Crétin !

- Bobby ?

Amy l'avait interpellé sans réfléchir. Juste pour voir. Le chasseur se tourna vers elle et sourit. La jeune femme se précipita et le prit dans ses bras. Bobby fut surpris mais la serra tout de même contre lui.

- Comment va ta jambe ? demanda-t-il en la lâchant.

- Ma jambe ? Oh ça va mieux…

- Je vois ça.

La super ange dévisagea Bobby un certain temps, n'en croyant pas ses yeux, en silence.

- Qu'est-ce que t'as à me fixer comme ça ? questionna-t-il en souriant.

- C'est que…ça fait tellement plaisir de te voir, répondit-elle sur le point de pleurer.

- Ça me fait plaisir aussi…Tu me manques Amy.

- Tu me manques aussi Bobby. Et à Sam, et à Dean.

Imperceptiblement, la temporalité de la conversation avait changé. Ce n'était plus le Bobby d'il y a environ un an et demi qu'elle avait devant elle mais le Bobby mort quelques mois plus tôt.

- En parlant de ça…Tu es seule ?

- On dirait.

- Tu dois les retrouver tu sais.

- Je sais…Une idée ?

- Tu as visité la maison ?

- Il y a encore cinq minutes elle était vide, maintenant tu es là, ricana Amy.

- Oui mais eux on était endormi presque en même temps que toi, ils ne doivent pas être loin…

- Bobby…Pourquoi est-ce que je te vois toi, là, maintenant ?

- Tu le sais Amy. Tu connais la réponse au fond de toi.

- Tu es encore parmi nous. Tu es un…fantôme, finit-elle difficilement. Bobby hocha la tête. Mais pourquoi est-ce qu'on ne te voit pas ?

- C'est justement pour ça que tu es là…Pour apprendre à me voir…

- Amy !

La voix de Dean retentit au loin dans son dos et la jeune femme tourna la tête brusquement. Quand elle reposa ses yeux dans le salon, Bobby avait disparu. Et la super ange ne savait pas plus quoi faire.

Dean et Sam étaient confortablement installés sur le perron de la maison, chacun une bière à la main. Les deux frères profitaient sereinement du soleil et d'une journée de calme, comme si c'était plutôt habituel en réalité.

- Alors…Comment ça va avec Amy ? demanda Sam pendant que Dean buvait une gorgée de sa bière.

- Plutôt bien en fait. Je crois qu'on a vraiment réussi à trouver un équilibre maintenant…

- Ça fait plaisir…Manque plus qu'un bébé !

Dean qui buvait une nouvelle gorgée la recracha aussitôt.

- Tu te sens bien ?

- Ça ne te plairait pas ?

- Evidemment que si mais franchement…Sara c'est…

- Comme ta fille, je sais. Mais si tu me dis que tu peux oublier que c'est la fille de Cass je ne te croirais pas.

- Bon oui bien sûr que j'aimerai bien le mien mais arrêtons de parler de moi 5 minutes. Où tu en es toi Sam ?

- Moi ?

- Oui avec Stacey…

- J'en sais rien…Stacey et moi c'est compliqué. Je veux dire, on a pas eu beaucoup de temps pour nous…

- Mais elle a l'air de t'intéresser quand même…

- Hum…

- Quoi ? Sam, faut réagir ! ça fait quoi 7 ans ? 7 ans que Jessica…Et tu n'as pas eu vraiment d'histoires sérieuses depuis alors…

- Faut remonter en scelle, c'est ça ? sourit Sam.

- C'est ça !

Les deux hommes trinquèrent et burent une longue gorgée avant d'observer le paysage devant eux. Lentement mais sûrement, la rue devant eux disparut et ils se retrouvèrent devant une prairie et une forêt un peu plus loin. Ils ne s'en aperçurent pas tout de suite mais ils comprirent progressivement qu'ils se passaient quelque chose d'étrange. Et puis ils se remémorèrent les derniers évènements avant de se lever précipitamment. Le soleil disparut laissant un ciel grisâtre.

- Putain de merde…

- J'allais le dire.

- C'est cet enfoiré de thérapeute ! s'exclama Dean. J'avais dit qu'il fallait le buter !

- Hey ça sert à rien de s'énerver maintenant. On doit être dans une sorte de rêve…

- Super.

- Tu crois qu'Amy a subi le même sort en rentrant ? questionna Sam.

- J'espère pas…AMY ! cria Dean.

Mais il n'y eut aucune réponse. Il alla jusqu'à la porte d'entrée de la maison et essaya de l'ouvrir, en vain. Sam s'était rassis sur le perron, il semblait réfléchir mais n'avait pas l'air si paniqué que ça. Dean dévala les marches et se plaça devant son frère.

- Qu'est-ce que tu fous ?

- Tu te rappelles ce qu'a dit Wakefield ?

- Pas vraiment…

- Je m'en doutais. Il a dit qu'on allait devoir surmonter nos peurs, nos pires cauchemars enfouis pour nous rendre plus forts, un truc du genre…

- C'est ridicule.

- Peut-être mais il faut jouer le jeu, c'est le seul moyen de sortir de tout ça. Comme avec Gabriel.

- Ah Gabriel…Lui au moins avait la classe…Alors, on fait quoi ?

- On attend.

- Génial…

Dean s'écarta de quelques pas, posa les mains sur ses hanches et observa la forêt devant lui. Il crut apercevoir des ombres mais cela fut tellement rapide qu'il ne pouvait pas en être sûr. A contrario, il vit bien une personne de dos face à lui. Une personne drôlement familière avec un trench-coat.

- T'as vu ça ? demanda Dean à Sam en avançant vers la personne.

Mais le cadet des Winchester était lui-même occupé par la matérialisation de sa propre peur. Lucifer était de nouveau devant lui alors qu'il croyait s'en être complètement débarrassé. Le chasseur se leva naturellement, conscient qu'il était en train de rêver même si toutes ses sensations et ses sentiments semblaient étrangement réels.

- Salut Sam…Tu n'auras pas eu beaucoup de répit dis-moi…

- La ferme ! Je sais que tu n'es pas réel !

- Super, ça va nous faire gagner du temps ! Alors dans ce cas, explique-moi, pourquoi je suis là ?

- Tu es mon pire cauchemar, c'est plutôt simple à comprendre. J'ai peur au fond de moi qu'une part de toi, ou peu importe les termes exacts, soit encore en moi et qu'à un moment critique je recommence à délirer, expliqua Sam en croisant les bras devant le Diable.

- Faux ! s'écria Lucifer en souriant devant un Sam intrigué. La réponse était : tu es ton propre cauchemar.

- Qu'est-ce que tu me racontes encore ?

- Tu te rappelles de notre dernière « vraie » conversation Sammy ? L'ennemi qui n'est peut-être pas le vrai ennemi…

- Oui et alors ?

- Peut-être qu'au fond l'ennemi…c'est toi.

- N'importe quoi.

- Réfléchis. Tu n'as pas vraiment peur de moi, tu as peur de péter un boulon, de n'être plus toi, à nouveau, comme avec le sang de démons et de, à nouveau, blesser les gens que tu aimes. Amy. Dean.

- Non, c'est faux…répondit Sam avec moins de conviction, plutôt ébranlé par les propos de Lucifer.

- Sam…C'est moi ! Tu sais que tu peux être honnête avec moi…

- Je ne peux pas croire que tu es raison…soupira Sam.

- Mais ?

- Mais tu as raison. C'est de moi que j'ai peur, de faire encore des conneries qui mettront tout ce qu'on a accompli et tout ce qu'Amy essaie de faire en l'air…

- C'est bien. Petit Sammy est devenu grand.

Lucifer claqua des doigts et disparut. L'expérience se passa tellement vite que Sam en resta pantois.

- C'est tout ?

Dean avait quant à lui un peu plus de mal à faire face, ce qui n'était en fait pas tellement surprenant. Quand Cass s'était retourné, Dean avait d'abord cru qu'il aurait affaire au Cass-Léviathan, psychopathe et à la force incroyable. Au lieu de ça, il semblait être le brave ancien Castiel qu'il avait connu quelques années plus tôt.

- Bonjour Dean…

- Cass ? Qu'est-ce que tu fais là ?

- Ça, c'est à toi de me le dire Dean.

- Bah voyons c'est à moi de faire tout le boulot, grogna le chasseur.

- C'est un peu le but du jeu.

- Bah il m'amuse pas du tout ce jeu ! Je veux juste sortir de ce bordel et retrouver ma femme…

- Peut-être que ça a à voir avec Amy…

- Qu'est-ce que tu me chantes là ?

- Tu m'as connu quand ? Quand as-tu connu le Castiel que je suis actuellement ?

- Quand tu étais avec Amy, répondit Dean après une minute de réflexion.

- Et donc… ?

- J'en sais rien moi, tu crois que c'est facile ! s'énerva l'aîné des Winchester.

- Je crois moi que tu ne veux pas y faire face…

- Et tu es qui d'abord pour me sortir ça ? Tu m'avais trahi bien avant de t'allier à Crowley dans notre dos ! Au moment même où tu as impliqué Amy dans tes plans et surtout la première fois que tu as posé tes mains sur elle !

- Nous y voilà, dit Cass calmement. Tu n'as jamais accepté le fait qu'elle m'est aimé. Pire, qu'elle est aimé quelqu'un d'autre que toi.

- La ferme.

- C'est pourtant la vérité. Et il y a Sara…

- La ferme ! J'aime Sara et tu le sais ! Je mourrais pour elle, c'est autant ma fille que la tienne !

- Alors qu'elle est le problème ? Qu'est-ce que je fais là ?

- Je…

- Allez Dean, dis-le.

- J'ai…

- Tu as peur qu'elle se jette dans mes bras à la première occasion venue.

- Tu n'en sais rien…

- Je te connais. Elle t'a laissé une fois pour moi, tu as peur qu'elle recommence. Tu n'as confiance ni en toi ni en moi et même peut-être pas en elle.

- Bien sûr que si j'ai confiance en elle ! Mais toi tu es…Tu fais pas exprès mais…Amy est quelqu'un de sensible, proche des gens qu'elle aime, elle pourrait facilement retomber amoureuse de toi…Et je…Tu as raison ! Je crois que je ne saurais pas la retenir.

Castiel sourit alors que Dean baissait la tête.

- C'est faux, tu y arriveras si jamais cela devait arriver. Mais pour le moment, là n'est pas la question.

Dean releva les yeux juste à temps pour voir Castiel disparaître. Les nuages se dissipèrent et le soleil pointa de nouveau le bout de son nez. Le chasseur se tourna vers Sam. Le cadet observa le ciel, curieux, avant de baisser les yeux sur son frère.

- C'était pas si dur ! sourit Dean.

- Fais attention à ce que tu dis. J'ai peur que ça ne soit pas fini…