Je sais que les lecteurs de mes autres fanfictions risquent d'être frustrés par la parution de cette nouvelle, mais je vous rassure, cette mini fic est un one shot en deux parties et est déjà terminée. Donc, pas de soucis pour celle-ci.

Je suis fan de la série Sherlock et en particulier de Sherlock et Mycroft. Cette fic explorera les sentiments des deux frères tandis qu'ils grandissent éloignés l'un de l'autre. Je vous souhaite une bonne lecture.

Sherlock appartient à la BBC et Sir Arthur Conan Doyle.


Sherlock : Un enfant perdu.

Londres, 1980, Hôpital St Benedict.

Un petit garçon de sept ans contemplait avec suspicion le bébé aux cheveux noirs et aux yeux bleu gris qui soutenait son regard, fixement. Ses parents l'avaient emmené ici pour, disaient-ils, lui présenter son nouveau petit frère, Sherlock. Mais cela, Mycroft Holmes aurait pu le déduire rien qu'en voyant que sa mère avait été ôté d'un poids dans son ventre ou plus simplement, en regardant le bracelet qui entourait le poignet du bébé. Après tout, cela faisait déjà plusieurs années qu'il savait lire et écrire, il avait déjà lu trois livres sur la façon de fonctionner du corps humain en général et sur la grossesse en particuliers. Alors, pourquoi les adultes insistaient ils pour lui dire que le nom de son petit frère était William Sherlock Scott Holmes ? Et pourquoi sa maman insistait elle pour l'appeler Sherlock alors que son premier prénom était William ? Tout ça parce que son frère avait porté le même nom avant sa mort prématurée…Du sentimentalisme, supposait l'enfant de sept ans.

Mais Mycroft Holmes avait l'impression qu'il ne comprendrait jamais ni les adultes, ni les enfants autour de lui. Les grandes personnes semblaient penser que parce qu'il n'avait que sept ans, alors il était aussi idiot que les autres enfants de son âge qui l'évitaient et ne savaient que le fixer étrangement comme des poissons rouges dans un bocal. Il vivait dans un aquarium rempli de poissons plus ou moins stupides et lui devait supporter le fardeau d'être toujours meilleur et plus brillant que les autres.

Sa mère s'approcha du berceau et prit Sherlock dans ses bras et le présenta à Mycroft. Ce dernier se demanda, perplexe, ce que sa maman voulait qu'il fasse avec son…petit frère puis il comprit que sa mère voulait qu'il le tienne dans ses bras et le jeune enfant se raidît. Il n'avait pas envie de prendre dans ses bras un être aussi peu intéressant que son petit frère : il ne savait même pas lire ni même parler et encore moins jouer à déduire comme il avait lui même commencé à le faire dans sa vie quotidienne. Il aurait préféré recevoir le livre qu'il demandait depuis des mois sur l'Histoire de la politique anglaise du XXème siècle et au lieu de cela, il avait reçu un petit frère. Mycroft avait terriblement envie de crier contre cette terrible injustice. Mais à quoi bon ? Sa mère perdrait son sourire et le regarderait avec un air de reproche qu'il lui connaissait trop bien, alors autant jouer à faire semblant, un jeu auquel il excellait pour nouer des sortes de "relations" avec ses pairs.

Il prit donc le bébé dans ses bras et le regarda à nouveau dans les yeux en faisant mine de sourire mais ce dernier, comme s'il sentait malgré tout le malaise de Mycroft, commença à s'agiter dans tous les sens, rendant la tâche extrêmement difficile pour le garçon de sept ans. Le nouveau-né geignait et donnait des coups de pied à tort et à travers et l'un d'eux trouva son but dans le bas ventre de son grand frère qui gémit de douleur mais ne le lâcha pas. Par contre, il laissa bien volontiers sa mère reprendre Sherlock dans ses bras pour ensuite poser la main sur son ventre maltraité.

Sa mère reposa Sherlock dans son petit lit et, malgré sa fatigue, décida de se mettre à la recherche de son époux qui devait normalement enregistrer dans l'état civil la naissance du petit William Sherlock Scott Holmes. Mais son mari s'était certainement perdu dans les coursives de l'hôpital, fidèle à son habitude, et il aurait besoin de l'aide de sa femme pour se repérer, même si celle-ci venait d'accoucher. Elle laissa donc Mycroft et Sherlock dans la chambre et partit à la recherche de Mr Holmes, en espérant qu'il ne soit pas trop loin car elle n'aimait pas laisser ses enfants seuls. Mais Mycroft était un enfant raisonnable et il saurait qu'il devait rester auprès de son petit frère. Ce qu'elle n'avait pas prévu, c'est que les instincts fraternels de son fils n'étaient pas encore éveillés, surtout après le coup de pied qu'il venait de recevoir. Et, pour une fois, Mycroft ne voulait pas être raisonnable, pas après la naissance du benjamin de la famille. Il quitta donc la chambre espérant trouver une petite bibliothèque dans l'hôpital qui lui prodiguerait une distraction qui serait la bienvenue. Quand il revint dans la chambre, sans avoir trouvé ce qu'il cherchait, il s'aperçut que Sherlock avait disparu de son lit et frémit : maman allait être fâchée contre lui…


Une heure plus tard…

À la maternité St Benedict, le chaos le plus total régnait dans les couloirs : une alerte au sujet d'un enlèvement de bébé venait d'être lancée et les policiers accouraient déjà pour tâcher de retrouver le nourrisson. Les portes avaient été fermées mais malheureusement pas avant que le kidnappeur ne se soit enfuit avec l'enfant qu'il venait d'enlever. Dans la chambre 201, la mère en larmes, était interrogée par un inspecteur qui tentait tant bien que mal de la calmer. Son mari serrait les poings et adressait un regard suppliant à la porte, s'attendant à ce qu'elle s'ouvre avec un policier qui lui ramènerait son fils cadet. Dans un coin de la pièce, Mycroft contemplait la scène avec un air torturé : il savait que c'était de sa faute car il n'aurait jamais dû quitter la chambre en laissant son frère bébé tout seul. À cause de lui, ses parents venaient de perdre un fils et jamais ils ne lui pardonneraient sa faute. Sa culpabilité le rongeait de l'intérieur : il n'avait pas voulu de ce petit frère et à cause de son indifférence, il avait été enlevé à sa famille avant même qu'il ne puisse apprendre à le connaître.

Peut-être aurait-il eu quelque chose en commun avec lui… Peut-être se seraient-ils disputés à longueur de temps comme des frères…normaux… Peut-être aurait il appris à l'aimer et aurait tout fait pour protéger son petit frère…Mais maintenant tout cela n'était plus que mirages dans le vent parce que Sherlock était parti et que c'était de sa faute. Lui qui aurait dû être l'aîné n'était pas parvenu à se conduire en grand frère. Il en porterait le poids toute sa vie. Cependant, Mycroft, alors qu'il regardait les yeux remplis de larmes de sa mère et ceux pleins de désespoir de son père, se fit une promesse. Une promesse solennelle qu'il tiendrait toute sa vie durant : un jour, il obtiendrait le vrai pouvoir qui lui permettrait de retrouver son frère et lorsqu'il l'aurait retrouvé, il le conduirait à maman et lui demanderait mille fois pardon pour être responsable de la disparition de Sherlock. Et il s'excuserait également auprès de son petit frère, même si ça lui en coutait. C'était une promesse et un Holmes ne revenait jamais sur sa promesse. Mais la route pour y parvenir était encore longue et Mycroft n'était encore qu'un petit garçon qui avait besoin de sommeil. Il s'endormit donc dans son coin, les poings serrés jusqu'au sang.


Quelques heures plus tard, dans une maison d'un quartier résidentiel aux alentours de Londres, une femme, les cheveux long encadrant un visage émacié, plongeait son regard fou dans les yeux bleu gris du bébé et lui murmurait des paroles de réconforts afin qu'il cesse de pleurer, le berçant toujours plus fort :

« Ne t'inquiètes pas mon petit, maman est là et elle va bien s'occuper de toi. Je te le promets. Mieux que tous les autres. Après tout, on n'avait qu'à pas te laisser tout seul. »

Elle regarda ensuite le bracelet bleu attaché au poignet du nourrisson et en déchiffra les mots tout haut tout en l'ôtant avec des gestes fébriles et en le jetant dans une cheminée où brulait un feu de cheminée :

« William Sherlock Scott Holmes… Pratiquement que des prénoms banals, sauf le second… Il est bien. Je suis certaine qu'il te conviendra chez moi. Mais de toute façon, personne ne le connaitra, mon petit Sherlock. Tu seras rien qu'à moi… Tu ne voudrais pas que des méchantes personnes t'enlèvent loin de moi, n'est ce pas ? »

Le bébé ne paraissait pas comprendre les paroles de la femme à moitié démente qui lui faisait face. En revanche, il se contentait de l'observer fixement, les yeux encore remplis de larmes : elle ne sentait pas comme sa maman qui le tenait et lui souriait. Il n'aimait pas cette femme et il recommença à pleurer mais sa kidnappeuse se mit à le serrer plus fort, l'étouffant pratiquement contre sa poitrine. Instinctivement, le petit Sherlock cessa de pleurer, sentant peut-être que sa ravisseuse, dans sa folie, pouvait fort bien le tuer par mégarde. La femme semblait ravie qu'il cesse de geindre et relâcha son emprise sur le bébé qui put à nouveau respirer et commença à chantonner tout haut pour son nouveau fils. Elle était certaine qu'avec celui-ci tout se passerait bien. Elle n'aurait aucun achats sortant de l'ordinaire à faire qui attireraient l'attention sur elle : elle avait conservé toutes les anciennes affaires de ses précédents "fils". Elles conviendraient parfaitement à son petit Sherlock. Doucement, elle le posa dans son berceau et attendit qu'il s'endorme.

Pendant très longtemps et même toute sa vie, le sommeil de Sherlock resterait souvent agité, au point qu'il ne s'endormirait pas ou alors seulement à des heures incongrues. Très rapidement, le bébé apprit à pleurer le moins possible pour ne pas contrarier sa mère qui, lorsqu'elle l'entendait sangloter, cherchait, par tous les moyens à le faire taire pour ne pas alerter les voisins de la présence de "son fils". Sachant que les moyens mis en œuvre allait de le serrer bien fort, la tête contre sa poitrine jusqu'à l'étouffement à lui cogner la tête contre les barreaux de son lit, le petit Sherlock avait rapidement compris que pleurer ne lui apporterait que des problèmes et ne se faisait remarquer que lorsqu'il était sale ou quand il avait faim. Sa ravisseuse se vantait alors tout haut de ses talents de mère car son bébé à elle était le plus calme du quartier, pas comme celui des voisins qui hurlait sans arrêt. Ce fut un miracle que Sherlock ne mourut pas suite aux négligences de sa ravisseuse qui ne le sortait jamais et refusait, dans sa paranoïa, d'aller voir un médecin, de peur que ce dernier ne comprenne que son bébé avait été enlevé. Par chance, le bébé était d'une nature résistante et la femme avait suivi, il y a longtemps, une formation d'infirmière qui lui permettait de gérer les quelques maladies que traversa Sherlock, ce qui lui permit de survivre contre vents et marées.


Trois ans plus tard, Particular Street :

Le soleil se levait sur un quartier résidentiel dans la banlieue londonienne. On y trouvait des dizaines de lotissements disposées selon des règles géométriques rigoureuses. Toutes les maisons s'y ressemblaient avec leurs jardins parfaitement entretenus, leurs familles sans défaut (visible, du moins) et les volets grands ouverts, comme des vitrines montrant les produits parfaits de la bonne société anglaise. C'était un quartier tout ce qu'il y a de plus normal. Mais parfois, la normalité cache les pires secrets et le numéro 4 de Particular Street étaient sans doute celle qui dissimulait le plus de secrets allant au delà des adultères, des crises familiales ou des enfants drogués, des histoires qui alimentaient les rumeurs des dames issues des classes moyennes habitant ce quartier et qui se réunissaient une fois par semaine à leur club de bridge. Mais nul ne se doutait du secret que renfermait cette demeure où vivait seule une riche veuve et qui était de si bonne compagnie selon les braves gens du quartier. Personne ne se doutait que la maison abritait un autre locataire, inconnu de tous.

Au 4, dans le petit grenier où il vivait, Sherlock s'éveillait brutalement de son sommeil tourmenté et regarda le ciel bleu qu'il entrevoyait par la fenêtre. Il aurait tant voulu sortir pour le voir en entier mais sa mère le lui interdisait, lui disant que le monde extérieur était bien trop dangereux pour les petits enfants. Cela n'empêchait pas Sherlock de se languir de ce ciel infini, de ce monde extérieur qui devait être si différent du plafond du grenier où il avait vécu toute sa courte vie. Mais il ne pouvait pas dire ça à sa mère car celle ci se mettrait en colère et alors peut-être qu'il serait déménagé à la cave d'où il ne pourrait même plus voir le coin de ciel bleu. Non, Sherlock préférait se taire et ne rien dire, en espérant qu'un jour où il serait seul et assez grand, il pourrait grimper sur l'un des vieux meubles entassés dans la pièce et voir au travers de la fenêtre.

Mais bientôt, Sherlock interrompit le cours de ses pensées quand il entendit des bruits de pas retentir et, un instant plus tard, la trappe du grenier s'ouvrit. Sa mère était là avec un plateau recouvert d'un petit déjeuner anglais complet et elle lui sourit avec un air entendu :

« Alors ? Est ce aujourd'hui que mon petit Sherlock va prononcer son premier mot ? Je sais qu'on raconte qu'Einstein n'a parlé qu'à partir de quatre ans et qu'il était un génie mais je voudrais tellement t'entendre dire maman… Je sais que tu n'es pas sourd, mon amour, après tout, tu es parfait puisque maman t'a choisi… Allez, s'il te plait, mon trésor, appelle moi maman. »

Au fur et à mesure que la femme parlait, son ton devenait plus énervé tandis qu'elle s'efforçait d'obtenir ce qu'elle désirait depuis si longtemps : que son fils adoré l'appelle maman. Mais Sherlock se contentait de la fixer avec la méfiance d'un chasseur de tigres se trouvant devant une proie menaçante. Il connaissait trop bien l'amour fusionnel dont sa mère faisait preuve envers lui et, à vrai dire, le petit garçon craignait beaucoup plus les élans passionnés dont sa mère faisait preuve quand elle obtenait quelque chose de sa part que sa déception. Bien sûr, Sherlock savait qu'il devrait un jour prononcer le mot tant attendu devant elle mais il préférait que ce jour vienne le plus tard possible. En attendant, le petit garçon s'entrainait seul dans le grenier, le plus doucement possible, écoutant le son de sa propre voix avec presque de l'enchantement : il aimait s'écouter parler. Cela lui prouvait au moins qu'il existait.

Son attention fut détournée de ses pensées quand sa mère lui montra son petit déjeuner complet d'un air tentateur en lui disant qu'il pourrait manger s'il lui parlait. En entendant ces mots, Sherlock se renfrogna aussitôt et se détourna de l'assiette fumante sans dire un mot. Même s'il ne connaissait pas encore le mot chantage, l'enfant en détestait le principe même et il était obstiné. De toute manière, il n'avait pas faim et préférait qu'elle le laisse tranquille. À bout d'arguments et furieuse de l'obstination de son "fils", la femme reprit le plateau sans un mot et redescendit les marches avant de claquer la trappe et de la fermer à double tour. Sherlock se mit alors à réfléchir intensément du haut de ses trois ans : sa mère l'avait déjà privé de manger avant, quand il ne faisait pas ce qu'elle voulait et ce n'avait été qu'une question de temps avant qu'elle ne mette cette menace à exécution devant son refus de lui parler. Sherlock savait qu'il lui faudrait qu'une question de jours avant qu'il ne cède au caprice de sa "mère" : même lui ne pouvait rester des semaines sans manger. Il avait déjà essayé de tenir le plus longtemps possible mais à la fin, son instinct de survie l'avait forcé à se plier aux désirs de la femme, lui prouvant à quel point la chair était faible… Cependant, cela n'empêcherait pas Sherlock de s'efforcer à tenir le plus longtemps possible.

Mais en attendant, il avait autre chose à faire : écoutant soigneusement les bruits provenant d'en bas, il parvint à déjouer le mécanisme du lit à barreau où il passait le plus clair de son temps pour faire descendre l'un des côté de ce dernier. Puis il se hissa et parvint à passer par dessus la barrière de son lit. Ensuite, il commença, fidèle à son habitude à fixer le coin du ciel bleu qu'il voyait par la fenêtre et soupira douloureusement avant de se mettre à explorer le grenier : dans l'ensemble, il était rempli de cartons fermés avec du scotch, des vieux meubles inutilisés et d'étagères poussiéreuse remplies d'étranges objets rectangulaires. Parfois, quand sa "mère" était de bonne humeur et voulait lui faire plaisir en jouant elle même à la bonne maman, elle prenait l'une de ses choses qu'elle appelait "livre" et elle se mettait à raconter des histoires. Les histoires n'intéressait plus vraiment Sherlock puisque c'était tout le temps les mêmes mais cela n'importait pas. Maintenant, Sherlock était un garçon très intelligent et il pouvait comprendre que l'histoire que sa mère récitait était aussi dans l'objet, mais sous une forme différente. Et cela l'intriguait.

Il chercha donc le livre que sa mère prenait le plus souvent, le prit et l'ouvrit tout en contemplant avec confusion les signes étranges sur les pages. Sherlock se mordit les lèvres mais en réalité, tâchait surtout de se souvenir des mots répétés par sa mère pour mémoriser les signes correspondants. Sa mémoire était extraordinaire et il se souvenait mot pour mot de chaque histoire racontée par la femme. En soulignant lentement les phrases écrites dans le livre de son index et en se répétant l'histoire tout haut, il parvenait à faire le lien entre un mot écrit et un mot parlé. C'était un travail affreusement difficile et extrêmement laborieux mais, petit à petit, l'enfant commençait à discerner des motifs semblables qui avaient la même signification. En moins de deux heures, il apprit finalement à différencier les voyelles des autres lettres, les consonnes, même s'il ne connaissait pas les termes. Il assimila ensuite la manière dont les consonnes accordait les lettres, puis déduisait que, mises ensemble, elles formaient un mot. Cela devenait toujours plus facile quand certains mots réapparaissaient. Et bientôt, Sherlock sentit qu'il commençait à déchiffrer ce code mystérieux qu'était la lecture et sentait un tout nouvel univers s'ouvrir à lui. Au diable l'idée d'être privé de manger ! Il avait enfin découvert quelque chose qui le tirait de ses longues heures d'ennui !

Pendant plusieurs jours, Sherlock travailla à améliorer sa lecture et comprenait de mieux en mieux les ouvrages qu'il lisait. Il ne s'intéressait guère au contenu pour le moment, c'était plutôt l'intérêt de déchiffrer de nouveaux mots qui le guidait dans ses lectures. Au début, il n'en comprenait pas un sur dix, ce qui avait forcé le petit garçon à se cantonner aux livres pour les plus jeunes, avec des images pour expliquer. Et ces livres étaient assez nombreux sur les étagères car sa mère en avait acheté des dizaines et des dizaines, peut-être des centaines. Rapidement, la compréhension de Sherlock augmenta et il commença à passer à des livres d'un autre niveau mais le problème, c'est qu'ils abordaient des thèmes ou évoquait des objets que Sherlock ne pouvait pas comprendre ou n'avait jamais vu du fait de son emprisonnement dans la maison. Au départ, c'était très frustrant mais quand il tomba sur un dictionnaire illustré pour les enfants, il fut au paradis. Enfin, il pouvait mieux comprendre les choses !

Mais malheureusement, son corps, contrairement à son esprit, avait ses limites et bientôt, il n'eut plus assez de forces pour sortir de son lit, même si son cerveau de trois ans demeurait en ébullition avec tout ce qu'il venait d'engranger durant ces quelques jours. Les informations menaçaient de le submerger et il devait à tout prix classer les renseignements qu'il venait d'acquérir. Il venait d'acquérir tellement de savoirs sur tellement de sujets et il ne savait lesquels étaient vraiment utile ou pas. Inconsciemment, il se mit à faire des gestes avec ses mains, comme s'il se saisissait d'une connaissance pour la classer quelque part, comme le ferait un bibliothécaire avec ses ouvrages ou comme une personne rangerait méticuleusement un grenier. Chaque chose allait dans une case et celles qu'il qualifiait de sans importance étaient impitoyablement éliminées de son crâne, ou bien remisées et enfouies très profondément dans sa mémoire. C'était merveilleux ! Il avait l'impression que jamais son esprit n'avait été aussi clair et l'ennui qu'il ressentait quotidiennement n'était plus là.

Mais en attendant, son corps, quant à lui, n'avait jamais été aussi faible. La faim due à son jeûne forcé s'était fait douloureusement ressentir au début mais maintenant, il avait l'impression de ne plus rien ressentir : ni douleur, ni faim, ni quoi que ce soit. Ses grands yeux bleu gris fixaient désormais le ciel étoilé de la nuit sans vraiment le voir et il se demanda pendant un moment si c'était ça, mourir… Il avait déjà connu des sensations pareilles mais à chaque fois, il avait cédé aux caprices de sa mère, bien qu'à chaque fois, cela semblait lui coûter davantage. Mais le petit garçon aux traits amaigris et qui, par dessus tout, ne voulait pas mourir comme ça, finit par se décider à prononcer le mot de "mère" devant elle. Il avait vu ce que signifiait le mot maman : c'était un mot que l'on donnait à sa mère de façon affectueuse et Sherlock se refusait à appeler sa mère ainsi quand elle lui faisait du mal. Confusément, le petit garçon sentait qu'une mère ne devait pas se comporter comme elle le faisait mais plus se conformer à l'image de la maman affectueuse des livres qu'il avait lu ces derniers jours. Cela ne se conformait pas à ce qu'il avait lu et Sherlock haïssait quand quelque chose n'était pas conforme à ses attentes. D'où l'appellation de mère.

Sa mère en question avait été à la fois ravie de son "premier" mot mais contrariée que ce ne fut pas le mot "maman". Néanmoins, elle lui permit enfin de sustenter. Sherlock prit garde à ne pas manger tout le plat, sachant d'expérience qu'il ne ferait que de revomir cette nourriture trop riche et trop abondante. Mais au moins, cela lui redonnerait des forces, petit à petit. Par contre, il tâcha d'obtenir quelque chose en échange de son abdication (Depuis qu'il avait lu et appris le dictionnaire quasiment par cœur, son vocabulaire s'était multiplié par cent, au moins, un véritable exploit pour un petit garçon de son âge). Cependant, Sherlock ne voulait pas montrer qu'il savait parler et préféra communiquer par signes en agitant les barreaux de son lit pour indiquer qu'il voulait en sortir. Sa mère parut hésitante mais finalement, elle dût se résoudre à abaisser les barreaux de son lit en arguant tout haut que puisque son fils avait bien grandi, alors il pouvait avoir un lit de grand. C'était la meilleure nouvelle que Sherlock avait entendue d'elle depuis des semaines : enfin il allait pouvoir circuler dans le grenier sans éveiller les soupçons ni retourner dans son lit à barreaux à la moindre alerte ! C'était un petit aperçu de la liberté et Sherlock s'en réjouissait d'avance.

Le lendemain soir, Sherlock était assis sur son nouveau lit, mais malgré son impatience, il ne pouvait retourner vers les étagères aux livres pour le moment car il était encore trop affaibli par les privations. Du coup, le petit garçon était extrêmement frustré, contrairement à sa mère qui chantonnait toute seule, visiblement heureuse d'avoir contraint son fils à l'appeler Mère. En attendant d'être remis sur pieds, l'enfant continuait d'organiser ses pensées de façon méthodique puisqu'il n'avait que ça à faire. Les yeux fixés sur la fenêtre, il continuait de contempler vaguement les étoiles sans vraiment les observer pour une fois, ayant l'impression d'être seul au monde, sa mère ne comptant pas car son omniprésence l'étouffait plus qu'elle ne le réconfortait Il se demanda l'espace d'un instant si quelqu'un d'autre, à l'extérieur de cette maison connaissait son existence. Mais c'était improbable car il n'avait jamais rencontré d'autres personnes…


Maison des Holmes.

Pendant ce temps, un jeune garçon de dix ans s'apprêtait à entrer dans une école privée prestigieuse et grâce à ses talents et à son génie, il avait pu sauter plusieurs classes. Ce qui signifiait que d'année en année, il se rapprochait toujours plus du pouvoir qui lui permettrait de retrouver son petit frère. Mycroft Holmes, en effet, n'avait pas oublié sa promesse qu'il s'était faite il y a trois ans et il depuis ce moment là, il se plongeait dans le travail afin d'emmagasiner le plus d'informations utiles pour ses études. En effet, s'il voulait un jour se retrouver dans la position de pouvoir qui lui permettrait de retrouver et de protéger son petit frère, il devait être le meilleur en tout. Et ce genre d'exploit n'était en rien impossible pour le jeune Mycroft, d'un prodige encore jamais vu jusqu'alors.

Alors qu'il se trouvait dans le jardin, Mycroft se sentit soudain attiré par la voute étoilée et ne put s'empêcher de songer à nouveau à Sherlock. Où se trouvait-il ? En Grande Bretagne ? Dans un autre pays ? Était il bien traité ? Considérait il sa nouvelle famille comme son vrai foyer ? Avait-il commencé à lire ou à écrire comme lui même avait commencé à cet âge ? Toutes ces questions hantaient Mycroft qui s'assit par terre sans vraiment prendre garde à la terre qui pouvait maculer son uniforme tout neuf : sa culpabilité revenait à l'assaut même s'il tentait de ne rien en montrer, bien qu'il était persuadé que sa mère en était consciente. Dans la famille Holmes, on ne pouvait vraiment rien dissimuler à maman…Alors qu'il regardait les étoiles brillantes dans le ciel d'un air pensif, Mycroft ne put s'empêcher de dire :

« Bonne nuit, Sherlock, mon frère. »


Quatre ans plus tard, même banlieue londonienne …

L'aube n'était pas encore levée sur Particular Street et pourtant, un petit garçon était déjà éveillé, en supposant qu'il ait dormi, ce qui n'était, de toute façon, pas le cas. Dans la pénombre, Sherlock se releva de son lit et, le plus doucement possible, tira une chaise et la plaça juste en dessous de la fenêtre avant de grimper dessus pour regarder le lotissement qui s'étendait à perte de vue. Les ténèbres régnaient sur la cité résidentielle, à l'exception des quelques lèves-tôt qui commençaient à se préparer pour aller au travail. En voyant les petites lumières aux fenêtres des maisons, Sherlock redescendit de sa chaise puis alla fouiller dans un carton d'où il tira une excellente paire de jumelle ainsi qu'une montre ayant appartenue à sa mère avant d'aller reprendre son poste d'observation derrière la lucarne. Il commença à régler les objectifs puis il regarda, fasciné, la vie des autres personnes qui menaient leurs existences réglées le plus souvent à la seconde près. Il savait exactement quand une lumière allait s'allumer indiquant un lever ou quand une personne quitterait sa maison lorsque les lueurs s'éteignaient.

En réglant sa paire de jumelle, il pouvait même voir ce que les gens faisaient et le moins qu'on puisse dire, c'est que Sherlock en savait plus sur ses voisins que leurs proches eux mêmes. Il avait vu le monsieur du N°7 dans la chambre de la jeune dame du N°11 en train de tromper sa femme pendant que cette dernière le croyait en train de travailler. Elle ne s'en était pas encore aperçue mais quand elle le découvrirait, nul doute que leurs disputes quotidiennes s'intensifieraient avec un divorce à la clé... À propos de travail, l'homme du N°14 avait perdu le sien depuis un certain temps, comme en témoignaient ses vêtements : bonne coupe mais dépassée et recousus à plusieurs endroits, synonyme d'ennuis d'argent, et pourtant le type tâchait de faire bonne figure en partant tous les jours avec ce même complet veston comme s'il avait encore un boulot en affichant une façade pour ses voisins. Le fils des voisins du N°3 échangeait ce qui paraissait être de la drogue avec d'autres jeunes du lotissement, dans un terrain vague. Ils ne savaient pas qu'un policier sous un (piètre) déguisement avec la démarche particulière des agents les filait pour tenter de remonter la filière de ce trafic illégal.

Bien sûr, Sherlock ne déduisait pas ça tout seul : sa mère était une véritable commère et était spécialiste dans l'art de colporter des ragots sur les autres, peut-être inconsciemment afin que les regards des autres se détournent d'elle. Toujours est-il que Sherlock déduisait de plus en plus de chose sur ses voisins et sa mère les confirmait au cours de ses racontars sur le voisinage quand elle daignait lui en parler. C'était généralement des histoires sordides pour tenter d'empêcher son fils chéri de trouver le moindre attrait au monde extérieur. Mais ses récits avaient exactement l'effet inverse : Sherlock voulait savoir, comprendre comment les gens interagissaient pour mieux les analyser et comprendre le monde qui l'entourait. Il savait maintenant de façon certaine que ce qui se passait dans son grenier n'était pas normal : dans les rues aux alentours de huit heure, il voyait des enfants se diriger vers un bâtiment où ils restaient plusieurs heures durant. Par moment, Sherlock se demandait si les enfants qui y allaient trouvaient de quoi tromper leur ennui. Il savait que lui, de son côté, il s'ennuyait à mourir ici. C'est dire : même la vie quotidienne des habitants était ennuyeuse.

En soupirant, Sherlock replaça les jumelles dans le carton en les dissimulant soigneusement puis il se dirigea vers les étagères de livres, espérant trouver quelque chose qui trompe son ennui. Pour le moment, c'était surtout les récits d'aventures et de piraterie qui le passionnaient : il aurait tellement voulu être comme eux : libre d'aller partout où il voulait sans avoir à se justifier de quoi que ce soit. Jusque là, il n'avait même pas pu explorer toute la maison où il était séquestré : il n'en avait vu que le grenier (qu'il connaissait par cœur), l'escalier, un couloir et la salle de bain où il allait se laver sous la stricte surveillance de sa mère. Autant dire qu'il ne connaissait rien du monde extérieur à part ce qu'il en avait vu par la fenêtre et de ce que ses livres lui avaient appris. Ce n'était pas tant les gens qui l'attiraient car d'après ses observations, tous les voisins qu'il observait étaient banals et ennuyeux (un crime à ses yeux), mais plutôt l'analyse qu'il pouvait en faire.

Pourtant, traitreusement, son esprit lui soufflait qu'au fond de lui, il désirait quelqu'un avec qui il pourrait partager son talent, quelqu'un qui le verrait peut-être comme un ami… Mais Sherlock secoua la tête vigoureusement : il ne devait pas penser à ce qu'il n'aurait jamais car cela ne ferait que le faire souffrir davantage. Silencieusement, le petit garçon se répéta qu'être sensible à ce genre de chose ne ferait que lui nuire. Il se crispa en entendant sa "mère" grimper les marches avec le plateau du petit déjeuner : il doutait de plus en plus que cette femme fut sa mère : elle se comportait plus comme les kidnappeurs de ses romans que comme une vraie maman et il n'y avait aucune ressemblance entre elle et lui, même si son esprit logique lui disait qu'il pouvait ressembler à son père… Un père dont elle ne lui parlait jamais, sauf pour lui dire qu'il n'en avait pas et qui après déviait la conversation en lui affirmant que cela n'avait pas d'importance car elle était la seule personne qui comptait pour son fils. La manière dont elle insistait pour l'appeler tout le temps son fils lui indiquait également que cette affirmation était sans doute fausse, comme si elle se répétait un mensonge mille fois en espérant qu'il devienne vrai.

C'était les conclusions auxquelles il était parvenu mais il ne pouvait se permettre de les dire devant elle. Sherlock se souvenait parfaitement des maltraitances de celle qui se faisait passer pour sa mère et n'avait jamais réellement oublié qu'il avait failli mourir plusieurs fois à cause d'elle. S'il lui révélait le fond de ses pensées, Sherlock la croyait capable de le tuer dans un moment de folie, comme elle avait déjà failli le faire quand il était plus petit. Oh, elle le regretterait sans doute après coup mais le résultat serait quand même fatal pour lui et Sherlock ne tenait pas plus que cela à mourir. Il n'y avait donc rien qu'il puisse faire.


Maison des Holmes

Au même moment, un brillant jeune garçon de quatorze ans contemplait ses résultats brillants à son concours. A quatorze ans, Mycroft était devenu l'un des garçons les plus jeunes à intégrer l'université prestigieuse de Stamford aux Etats Unis, l'une des plus réputés au monde. Bien sûr, une fois qu'il aurait terminé ses études, il reviendrait en Angleterre et tenterait d'intégrer l'agence de renseignement. Le jeune garçon n'avait pas du tout l'intention de se lancer dans la politique : après tout, les politiciens allaient et venaient au fil des élections tandis que ceux à la tête d'un organisme de renseignement n'était pas aisément remplacés et ne devaient leurs places que grâce à leurs compétences. Et s'il y avait bien une chose dont Mycroft ne manquait pas, c'était de compétences : prodige en langues, en stratégie, en mathématiques, en politique sans compter ses capacités d'observation et de déduction hors du commun, il savait qu'il ne lui faudrait pas longtemps avant d'être repéré par les services spéciaux de Sa Majesté, même s'il ne serait sans doute jamais un agent de terrain.

Dans tous les cas, il parviendrait jusqu'en haut de l'échelle de la carrière qu'il poursuivrait et utiliserait ensuite toutes les ressources qu'il aurait à sa disposition pour retrouver son petit frère. Sherlock avait maintenant sept ans, soit exactement la moitié de son âge et celui qu'il avait eu quand il avait commis la terrible erreur de l'abandonner seul dans la chambre de la maternité. Contrairement à ses parents qui avaient abandonné tout espoir de le retrouver, Mycroft était certain que son petit frère n'était pas mort : le profil de l'enlèvement ressemblait fort à celui que commettrait une mère en manque d'enfant car aucune rançon n'avait été réclamée et aucun corps n'avait été retrouvé après avoir appelé la police. Donc, cela voulait sans doute dire que Sherlock était bien traité. Mais il ne pouvait en être totalement sûr : après tout, comment juger la mentalité d'une femme prête à kidnapper un bébé pour satisfaire son désir de maternité ? Mais il ne devait pas perdre espoir.


Trois ans plus tard, banlieue londonienne, Particular Street.

Sherlock était allongé sur son petit lit, plongé dans un marasme profond. Il s'ennuyait profondément et cette ennuie le rendait quasiment fou : il avait lu et relu tous les livres de la bibliothèque du grenier et classifié toutes les informations qu'il avait trouvé en plusieurs catégories : utile, peut-être utile dans le futur et inutile (c'est à dire à effacer). Parmi les vieux livres, il en avait notamment trouvé un qui détaillait la méthode de Loci pour mémoriser les informations, une méthode qui daterait, selon l'ouvrage, du Moyen Âge : cela consistait à se créer une sorte de palais mental dans lequel on associait un objet ou une pièce à des catégories de renseignements. C'était quelque chose de difficile mais Sherlock avait la volonté et surtout, tout le temps du monde pour se bâtir son palais de l'esprit.

Sa mère de substitution (comme il l'appelait désormais dans son esprit) venait dans le grenier uniquement pour lui apporter à manger, l'emmener à la salle de bain ou jouer à la maitresse d'école en tâchant de lui apprendre des choses qu'il connaissait déjà ou qu'il jugeait sans importance. Dans tous les cas, il la jugeait incompétente : elle avait voulu lui apprendre à lire à l'âge de sept ans alors qu'il avait appris à lire en autodidacte quand il en avait trois ! Bien entendu, Sherlock avait préféré faire comme si sa mère lui apprenait réellement quelque chose et avait passé des heures pénibles à faire semblant d'apprendre à lire. Mais au moins, à partir de là, elle avait commencé à ramener des lectures, certaines pour les enfants (qu'il avait rapidement négligées) et d'autres légèrement plus intéressantes. Néanmoins, aucune ne l'avait plus intéressé que les vieux manuels de physiques, chimie et de mathématiques remisés au grenier. Dans ces moments là, Sherlock regrettait de ne pas avoir de kit de chimie ou d'instruments de mesures lui permettant d'expérimenter tout ce qui lui passait par la tête. Il regrettait également de ne pas avoir de passe-temps digne de ce nom qui ferait taire l'ennui dans son esprit.

Néanmoins, il y a un an, il s'était trouvé une autre source de divertissement. Sa ravisseuse avait commencé à lui apporter avec son petit déjeuner les journaux du jour, ayant généralement pour thème l'insécurité, les guerres, le danger. Sherlock se doutait que dans l'esprit de sa "mère", cela avait pour but de lui faire craindre le monde extérieur mais cela avait chez lui l'effet inverse de l'attirer vers ce monde bouillonnant de possibilités et de mystères. Bien sûr, il n'en montrait rien mais dès que la femme était partie, il se ruait sur les journaux et les lisait de bout en bout, accumulant les infos dans son palais de la mémoire pour les classifier. C'était dans les journaux qu'il avait découverts son premier vrai mystère : celui de la mystérieuse noyade de Carl Power et qu'il avait repéré l'anomalie des chaussures volées. Les journalistes attribuaient cela à un simple vol dans la confusion de l'accident mais pas Sherlock qui y voyait un indice sur ce qui était en réalité un meurtre. Plus tard, il avait trouvé des affaires qui éludaient également la police pendant un certain temps mais dont il déduisait de plus en plus souvent et rapidement la solution. Malheureusement, il était coincé dans ce grenier et il savait, d'après ses lectures, que de toute façon, les policiers n'écoutaient jamais les enfants.

Un nouveau mystère l'intriguait ces jours ci et le sortait un peu de son marasme : c'était ces étrangers qui faisaient du porte à porte dans le quartier. Il les avait même entendu sonner dans la maison et la propriétaire des lieux, pour correspondre à son personnage de femme charitable, les avait laissés entrer. Or, d'après ce que le jeune Sherlock avait lu dans les journaux, il y avait eu plusieurs cambriolages à main armée dans la banlieue résidentielle de Londres. Se pouvait il que ces deux colporteurs soient de lien avec les vols ? Peu probable. Il devait exister des dizaines, voir des centaines de types faisant du porte à porte. Pourquoi des cambrioleurs viendraient ils ici ? De plus, sa fausse mère était presque toujours à la maison : elle se faisait livrer ses courses à domicile et allait uniquement à son club de bridge pour être au courant des rumeurs qui circulaient dans le quartier. D'ailleurs, elle rentrerait dans moins d'une heure d'après sa montre.

Pourtant, n'était ce pas le bruit de la serrure qu'il entendait ? C'était étrange : sa ravisseuse était une femme d'habitude et elle ne sortait jamais des sentiers battus en revenant plus tôt. Posant son oreille sur le plancher, Sherlock se mit à écouter très attentivement et il perçut deux bruits de pas : quelqu'un, un homme, à en juger par la lourdeur du bruit de ses chaussures, gravissait les escaliers tandis qu'un autre fouillait le salon, assez bruyamment pour quelqu'un devant opérer dans la discrétion. Mais à cette heure de la journée, le voisinage était absent, le plus souvent au travail. Sherlock écarquilla les yeux et fit attention à ne pas faire le moindre son : si les cambrioleurs le trouvaient, ils le tueraient comme ils avaient abattus un couple les ayant surpris en plein effraction. Pour le moment, Sherlock se trouvait dans la sécurité toute relative de son grenier mais si l'un des voleurs apercevait le verrou, ils penseraient (à raison) que la dame qu'ils cambriolaient y dissimulait ses objets les plus précieux.

Quelques instants après que Sherlock eut émis cette hypothèse, une voix grinçante appela son complice pour forcer le cadenas de la trappe du grenier. Sherlock pâlit : devait il se cacher en espérant qu'on ne le trouve pas et risquer de se faire découvrir et tuer dans sa cachette ou bien profiter de la surprise des deux hommes qui ne s'attendrait pas à le voir pour s'enfuir ? Le choix de Sherlock fut vite fait : la seconde option lui paraissait la plus judicieuse, même si elle était risquée. Il se tint donc aux abois, prêt à surprendre le voleur quand il passerait sa tête par la trappe. Bientôt, la face barbue d'un homme apparut et aussitôt, il se reçut un coup de pied vigoureusement jeté par Sherlock qui profita de la surprise et de la douleur du type pour descendre les marches menant au premier étage avant de foncer dans le couloir menant, selon ses calculs, à l'escalier descendant vers le rez-de-chaussée. Mais malheureusement pour lui, il se heurta à un deuxième homme, barbu, lui aussi, sans doute pour ressembler à un mormon, qui le saisit par les bras et le fit descendre vers le bas de la maison pendant que le complice injuriait Sherlock en se tenant le nez et en brandissant une arme.

Le petit garçon ferma les yeux quand il sentit le canon froid du revolver se poser sur sa nuque : il allait mourir sans jamais voir le ciel bleu. Mais au même moment, un coup de feu retentit et Sherlock s'aperçut que quelqu'un le relâchait en tombant sur lui. Il leva les yeux et vit sa fausse mère tenant un mini-pistolet entre ses deux mains tremblantes. Un autre coup de feu résonna dans la maison et cette fois, il entendit un cri de femme, de celle qui le retenait prisonnier depuis des lustres et qui venait d'être grièvement blessée en tentant de le secourir. Dans le lointain, par la porte ouverte, Sherlock entendit des cris des quelques voisins présents que le bruit des armes à feu avait finalement alertés. Quelqu'un le alors saisit par son bras, le dégagea du cadavre de son complice puis le traina vers une voiture remplie d'objets volés et lui commanda de s'asseoir et de ne pas bouger ou crier. Sherlock obéit silencieusement et ses yeux gris grands ouverts captaient des milliers d'informations à la fois mais il ne parvenait pas à les traiter tant le choc était violent. Il venait de voir la femme qui l'avait enlevé et s'était occupé de lui être abattue sous ses yeux, ainsi que le complice du type qui conduisait.

Sherlock contempla fixement son pull recouvert d'un sang qui n'était pas le sien puis le paysage qui défilait trop rapidement sous ses yeux pour qu'il ait le temps d'en retenir les éléments le constituant. Mais au fond de lui, il réfléchissait intensément. Derrière, il entendait résonner les sirènes des voitures de police qui poursuivaient l'auto où il se trouvait, ce qui signifiait qu'ils ne savaient pas que le cambrioleur avait un otage. Ce qui voulait dire que la situation pouvait potentiellement très mal tourner pour lui. Bientôt, le véhicule s'engagea dans Londres et les policiers poursuivants furent alors ralentis par des coups de feu tirés par le conducteur qui conduisait d'une main experte. À ce moment là, profitant que l'arme du preneur d'otage ne soit plus pointée sur lui et profitant que la voiture ralentissait pour prendre un croisement, Sherlock ouvrit brusquement la portière et s'éjecta de l'auto en plein virage. Il rebondit sur la route puis atterrit durement sur le trottoir en réussissant, par miracle, à ne se casser aucun os. Au même moment, un grand bruit retentit : le preneur d'otage, sans doute distrait par la fuite de Sherlock, venait de provoquer un grand carambolage au coin de la rue. Le jeune garçon regarda tout autour de lui : les gens semblaient plus avoir remarqué l'accident qui venait d'avoir lieu que le fait qu'un enfant soit parvenu à descendre en marche du véhicule. Tout avait été trop rapide, même pour lui.

Il inspira profondément de grandes goulées d'air en tâchant de se calmer et s'assit sur le bord de la route, les mains jointes, tremblant et cherchant à faire le tri parmi tout ce qui lui était arrivé. Soudain, quelqu'un lui secoua doucement l'épaule, le tirant de sa transe intérieure dans laquelle il était plongé :

« Hé, petit ? Ça va ? Tu as assisté à l'accident, pas vrai ?»

Un policier le regardait, l'air inquiet. Sherlock pouvait lire sur sa plaque d'identification qu'il était le sergent G. Lestrade. Il pouvait également déduire qu'il venait juste de se marier à en juger par son alliance brillante, qu'il fumait beaucoup même s'il tentait de réduire sa consommation d'après ses patchs de nicotine et qu'il venait tout juste d'avoir sa promotion de sergent puisqu'il se conduisait encore comme le ferait un simple agent de police. En tout cas, c'est ce que Sherlock pouvait déduire d'après ce qu'il voyait malgré son état de choc.

« Ça va… » Répondit Sherlock en essayant de faire comme si tout allait bien avec relativement peu de succès.

« Écoute, si tu en as besoin, on peut aller au poste de police le plus proche pour appeler tes parents, d'accord ? » Lui proposa gentiment le sergent Lestrade.

« Non, non, ça va… J'habite à deux rues d'ici, de toute façon. » Mentit Sherlock, qui n'avait pas besoin de se retrouver dans un commissariat alors qu'il venait juste d'échapper à sa maison. Il n'avait pas envie de se retrouver dans un orphelinat ou dans une famille d'accueil, ni d'expliquer ce qui lui était arrivé : personne ne le croirait de toute manière.

Il prit une profonde inspiration et se jeta dans la route au moment où le feu passait au vert, sans faire attention au trafic autour de lui. Sherlock n'avait encore jamais été dehors et ne connaissait rien à la ville, ni à ses usages. Il échappa de peu à l'accident puis il disparut dans une bouche de métro.

Le sergent Lestrade tenta de le poursuivre mais les voitures qui circulaient l'empêchaient de passer. Il murmura un juron en se demandant qui était cet étrange enfant et quel rôle il avait joué dans l'accident qui venait de se produire. De toute évidence, le garçon avait menti en affirmant vivre à deux rues d'ici, sans quoi, il ne se serait pas engouffré dans le métro. Ce ne fut qu'en écoutant et en recoupant les témoignages de ceux qui avaient assisté à la prise d'otage qu'il comprit que le petit garçon était celui qui avait été pris en otage. Et ce n'était que le début : des éléments troublants avaient été découverts dans la maison cambriolée dont la propriétaire (actuellement dans le coma) n'était pas sensée avoir des enfants et qui, pourtant, en avait abrité un dans un grenier… Toute cette affaire lui paraissait louche et il passa toute la nuit à remplir un rapport en insistant sur ce point.

Pendant ce temps, Sherlock passa sa première nuit dans les conduits du métro, dans une ancienne station abandonnée, en compagnie d'autres SDF, complètement inconscient des dangers qu'il pouvait courir. C'était sa première nuit en liberté et il ne savait pas encore s'il devait s'en réjouir ou s'en lamenter. Mais demain était un autre jour et c'était désormais ainsi que Sherlock vivrait : au jour le jour.


Bureau de Londres, minuit.

Mycroft était de retour en Angleterre après trois années d'études intensives au cours desquelles il avait prouvé ses étonnantes capacités en politique, économie, sciences sociales et dans bien d'autres sujets encore. Son génie était tel qu'il avait été contacté par le chef du MI6 en personne qui lui avait demandé s'il pouvait mettre ses fantastiques facultés de déduction, d'observation et de stratégie au service de Sa Majesté. Le jeune homme de dix-sept ans n'avait pas hésité une seule seconde et avait répondu par l'affirmative. Pour le moment, il n'était qu'un petit pion sur l'échiquier mondial mais il avait bien l'intention de dominer un jour le jeu d'échec en tant que joueur. Tous ses supérieurs lui prédisaient un brillant avenir et ses collègues lui enviaient ses capacités. Mais lui ne s'attachait pas à cela : tout ce qui comptait était le jour où il aurait le pouvoir de contrôler le monde qui l'entoure au lieu de n'en être qu'un pantin. A ce moment là, il pourrait tout maitriser et aurait un maximum de chance de retrouver Sherlock. En attendant ce jour, il travaillait d'arrache pied, restant éveillé jusqu'à des heures avancées, tissant sa toile de contacts et de relations, centralisant les informations et les redistribuant comme un ordinateur.

Il ne savait pas que son petit frère de dix ans n'avait jamais été aussi proche de lui et se trouvait seul, perdu, dans la grande ville de Londres.


Voilà pour cette première partie de ma fic, Sherlock Enfant perdu et retrouvé. J'espère qu'elle vous a plu.