Hermione leva les yeux au ciel pour la dixième fois de la matinée. Elle se demandait quelle mouche avait bien pu la piquer pour qu'elle accepte un déjeuner avec Henry. Ce dernier était un parfait crétin qui parlait de lui à la troisième personne et qui avait réussi à se coincer un bout de pomme entre deux dents. Hermione était le type de personne à juger très vite les gens. Pour preuve, il ne lui avait pas fallu plus de trente secondes pour détester ce Henry, ses manières et son idiotie. Et tout ça à cause de cette solitude qui, à la longue, devenait pesante.
Cela faisait plusieurs mois qu'elle n'était pas sortie de chez elle pour autre chose qu'aller bosser. Elle avait donc décidé de prendre un peu l'air et Henry l'avait accostée pour l'inviter à déjeuner. Malgré le manque d'intérêt flagrant de la jeune femme, cela n'arrêtait pas Henry qui lui faisait un monologue sur son autobiographie. N'écoutant pas le moindre mot que lui soufflait son interlocuteur, Hermione se mis à regarder le paysage. Ils étaient dans le restaurant « La puissante baguette ». Ce restaurant portait un nom qu'Hermione trouvait assez ridicule mais qui semblait convenir aux sang-purs et aux familles riches. Heureusement, ils étaient dehors à la terrasse et le soleil était au rendez-vous. L'ex rouge et or pu au moins profiter du doux contact des rayons de soleil sur sa peau.
- .. Et donc pour le sauver, Henry a eu recours à un antidote très ingénieux : le bézoarte !
- On ne dit pas bézoarte mais bézoard, l'interrompit Hermione, exaspérée d'entendre dans la seule phrase qu'elle avait écouté une erreur si grossière.
- Sa langue a fourché et vous demande pardon. Même qu'il s'agit d'une petite boule qu'on substitut de l'estomac des cochons.
- Vous répondez toujours des imbécillités ! Sachez que les bézoards sont des petites pierres qui proviennent de l'estomac des chèvres. Vous êtes le seul cochon de l'histoire, Henry.
- Est-ce qu'Henry vient de vous ennuyer ?
- Pas plus que depuis le début de ce déjeuner.
Hermione était dure et elle le savait mais lorsqu'elle n'appréciait pas quelqu'un, elle ne prenait pas la peine de prendre des gants. Elle profita du froid qu'elle avait jeté pour s'excuser et prétendre un besoin urgent d'aller se faire une beauté aux toilettes. Elle était tellement soulagée de pouvoir quitter la compagnie d'Henry que, dans la précipitation, elle heurta la table qui avait eu le malheur de se trouver sur son chemin. Ne s'en préoccupant pas, elle aurait déjà foncé dans le refuge qu'incarnaient les toilettes, si quelqu'un ne l'avait pas arrêtée en pleine course.
- Tu n'as décidément pas changé Hermione. Qu'une femme peut être cruelle !
Stoppée nette par cette voix qui lui semblait atrocement familière, un homme grand et massif la regardait. Hermione fit face à Cormac Mc Laggen, son cauchemar de jeunesse. Mais pourquoi le sort s'acharnait-il ainsi contre elle ? Elle, qui pensait être tombée au plus bas avec Henry, se demandait si Cormac n'était pas pire encore.
- Cormac Mc Laggen ?
- Le seul, l'unique et l'irremplaçable, commença à se vanter l'interpellé. Tu m'excuseras, mais je suis très demandé.
Hermione, qui se demandait comment s'y prendre pour se débarrasser de son ex camarade fut soulagée qu'il lui ait épargné cette tache. Mais ce sentiment de joie était diminué par l'étonnement. Jamais Cormac n'avait pris congé d'elle, ça avait toujours été à elle de s'enfuir dès que le jeune homme détournait les yeux. Elle retourna à sa table, oubliant qu'elle n'avait pas été aux toilettes. Elle constata que Cormac était revenu de l'intérieur du restaurant pour s'asseoir à une table toute proche de la sienne, ce qui la gêna. Il avait réussi à entendre la conversation qu'elle avait eue avec Henry alors qu'il était plus loin. Maintenant qu'il était juste à côté ... A ajouter à cela que la discrétion n'était pas le fort d'Henry, pas plus que l'intelligence.
- Qui est le jeune homme qui parlait avec la compagne d'Henry ?
- Je ne suis en aucun cas la compagne d'Henry, siffla Hermione frustrée.
- Qui est ce bellâtre ? Insista Henry.
- Vous parlez du beau brun assis à la table juste à côté ?
- Oui, cette espèce d'Apollon.
- Ce bellâtre est mon ami, répondit-elle, prononçant d'une façon plus qu'ambiguë le dernier mot.
Bien qu'elle détestait mentir, le mensonge était parfois nécessaire. La franchise ne marchait pas avec Henry qui s'obstinait à la coller. C'était donc en dernier recours qu'Hermione se servait d'un subterfuge aussi peu glorieux. Cependant, Henry ne la crut pas une seconde et intérieurement Hermione se traita d'idiote. Pour une personne réputée intelligente, ce mensonge était particulièrement grotesque.
- Henry n'est pas dupe.
Henry irrita l'ancienne Gryffondor dont le malaise s'accrut davantage car elle s'aperçut qu'elle n'avait vraiment pas réfléchit et qu'en effet, il était peu crédible qu'elle soit liée à un homme qui était assis à la table voisine, qui la laissait manger en tête à tête avec un autre, et qu'une telle indifférence règne entre les deux. Hermione se gifla intérieurement.
C'était comme lorsqu'on mentait sur son identité à quelqu'un qui vous demandait votre prénom et que dix secondes après une connaissance criait votre prénom, découvrant ainsi la ruse dont vous faisiez preuve. Et alors, on se sentait complètement ridicule. C'était ce même ridicule qui pesait sur Hermione. Tellement occupée à se maudire intérieurement, Hermione sursauta au contact d'une main posée sur son épaule. Cormac se tenait penché vers elle et lui dit à son oreille, assez fort pour qu'Henry entende :
- J'ai enfin fini ce déjeuner d'affaire. Je t'attends au comptoir ma chérie.
Et pour rendre le tout plus crédible, Cormac prit le visage d'Hermione entre ses mains et approcha dangereusement ses lèvres de celles de sa captive. Le but étant de faire croire à Henry qu'ils s'embrassaient. Le bras de l'Apollon, comme l'appelait si bien le courtisant d'Hermione, cachait leurs lèvres et empêchait Henry de voir que leurs lèvres étaient restées à quelques centimètres l'une de l'autre. Enervé au possible, Henry commença à taper du pied jusqu'au moment où Cormac prit l'initiative d'arrêter cette mascarade. Il sourit une dernière fois à sa fausse fiancée et disparut à l'intérieur du restaurant.
- Comment est-ce que tu peux faire ça à Henry ? demanda Henry comme s'il venait de découvrir que sa femme le trompait.
Cette question, des plus insensées, provoqua une vague de colère chez Hermione, qui était déjà complètement perdue. Elle n'était en rien sa petite amie et il n'avait aucun droit sur elle. Et même si elle avait été affectivement en couple, elle détestait ce comportement jaloux qui poussait l'homme à devenir soupçonneux, à poser des questions sur son emploi du temps et à faire une crise pour un rien. C'était invivable, d'autant plus que c'était insultant si c'était infondé, et que ça n'arrangeait rien si c'était justifié. La jeune femme se demandait si Henry avait conscience qu'ils ne se connaissaient que depuis deux heures.
- Comment est-ce que tu peux poser une question aussi idiote ? Je ne suis pas ta petite amie. Je m'en vais.
Bien qu'elle était restée calme, sa voix avait imperceptiblement montée d'un cran et le ton qu'elle avait employé prouvait sa colère. Joignant le geste à la parole, Hermione se leva et fit deux pas avant d'être interrompue par Henry.
- Quand est-ce qu'Henry pourra te revoir ?
- Adieu Henry, congédia Hermione, exaspérée.
La sorcière régla son repas puis vit Cormac qui l'attendait au bar. En le voyant, l'énervement qu'elle avait ressenti se transforma en fatigue. Elle était fatiguée moralement d'avoir toujours aussi peu de chance et ça atteignait même son corps. Elle avait envie de s'écrouler dans son lit et de ne plus en sortir. Elle soupira, puis décida d'aller voir Cormac qui sirotait un verre. Elle lui devait bien ça, pour l'avoir aidé dans son mensonge stupide. Et en même temps, elle craignait d'avoir le droit à un Henry bis. Les souvenirs qu'elle avait de Cormac étaient presque aussi peu flatteurs que ceux qu'elle allait garder d'Henry.
- Merci, d'avoir joué le jeu, dit-t-elle sincèrement reconnaissante, et atrocement gênée au souvenirs de la situation embarrassante dans laquelle elle s'était mise.
- Tu m'es donc reconnaissante ?
Hermione hésita avant de répondre. Certes, elle avait une certaine gratitude envers lui mais être reconnaissant impliquait d'avoir une sorte de dette, quelque chose à faire en retour. Et elle n'avait pas envie d'être redevable à Cormac. Le sourire espiègle du jeune homme fut une raison supplémentaire de se méfier.
- Je pense que oui.
- Dans ce cas, tu peux me remercier en m'invitant à boire un verre ce soir.
Hermione ne put s'empêcher de songer qu'ainsi, Cormac s'invitait tout seul. D'un côté, les valeurs morales de la jeune fille la poussaient à accepter, parce qu'après tout, c'était bien la moindre des choses. Mais de l'autre côté, Cormac était définitivement quelqu'un de lourd et de très sûr de lui. Pas le genre de personne que la sorcière se plaisait à fréquenter. Ce qui décida finalement Hermione à accepter ce verre, c'était la curiosité et le fourmillement dans son ventre qui continuait depuis l'arrivée salvatrice de Cormac. Elle éprouvait cette étrange envie de savoir comment avait évolué le jeune homme. Car il avait changé, elle en était persuadée.
- Je serais libre pour 21h00, précisa-t-il pour décider Hermione à accepter.
- Et bien, on se voit ce soir au bar « Les deux Batteurs » alors, lança-t-elle avant de sortir du restaurant pour transplaner devant sa porte.
