Le petit Poucet…

(où l'art de ne point se laisser berner par plus grand que soi !)

Il était une fois, un bûcheron qui avaient sept enfants tous garçons. L'aîné n'avait que dix ans, et le plus jeune n'en avait que sept…*

L'âge de raison diraient certains, en un sens, ils n'auraient pas tout à fait tort. Nous autres, bons lecteurs que nous sommes, avons été interpellés par ce chiffre hautement symbolique. Sept, comme les sept jours de la semaine, sept comme…les sept péchés capitaux ! Ah, voici qui nous parlait mieux. Ces parents avaient donc usé et abusé du péché de luxure quand leur pauvre condition ne leur avait point permit la chose !

Comme il a été écrit par Monsieur Charles Perrault, himself, l'on pouvait se poser des questions quant à la merveilleuse possibilité de cette charmante jeune femme, à mettre au monde autant de marmaille, en si peu de temps, et ben c'est-y donc qu'il y avait ben une explication à la chose : la championne toute catégorie, les pondait par deux !

Punition du ciel pour une fornication hors norme ? Allez savoir, toujours est-il que ces braves gens, toujours comme il est indiqué dans le véritable conte, (l'auteure s'inspire de faits réels, je vous prie), étaient fort chagrinés de toute cette marmaille très encombrante et dépendante de leurs bons soins. Ils n'étaient pas encore en âge de gagner leur pitance et quémandaient moult attentions que les parents n'étaient plus en mesure de leur offrir.

Ben pensez donc, il fallait bien gagner son pain blanc en trimant son pain noir. Ce qui chagrinait ces parents, bienveillants, était le fait que le petit dernier Le Petit Poucet, ne s'exprimait pratiquement jamais, ce qu'il prirent pour une bizarrerie de la nature, voire une débilité fort ennuyeuse :

Père : Ben dis-moi donc pas, ma Germaine, on l'a pas bien finit cui'là !

Mère : Quand on voit le porteur de gènes, peut-on encore se poser la question ?

Le mari, un brin fâché, reconnaissons-le, cette femme mettait en doute son patrimoine génétique hautement sélectif :

Père : C'est pas parce que tu viens d'une famille de cerveaux bien alambiqués, qu'tu dois pas tourner ta langue sept fois dans ta bouche la gueuse !

Mère : Hélas, sept est un chiffre maudit pour nous, pauvres sujets de la foudre divine !

Père : Hein ? Où qu'elle est tombée la foudre ? Vint-en donc par ici, j'te la ferai tomber là où qu'y faut et tu la sentiras passer celle-là !

(Un brin de pure poésie s'invite à ce moment précis !) Ah…Verlaine, Rimbaud, Musset…tremblez !

Mère : Garde ton orage, ta foudre et ton éclair dans ton pantalon de jute ou il se pourrait fort bien que je ne te fasse regretter le jour de ta propre naissance, si tant est que notre bon Seigneur, ne se soit pas rendu compte de son incroyable erreur et ne cherche un moyen de te rappeler à sa droite.

Le bon bûcheron, se gratta le front, sembla réfléchir de façon intensive, ce qui, convenons-en, ne devait pas lui arriver très souvent au vu des désastreuses retombées de ses pensées lubriques et futiles :

Père : Arrête donc de causer comme une bourgeoise ma femme.

Mère : Je me nomme Eulalie de Questmandière de La Motte fleurie, mon cher ! Enfin…ça c'était avant.

Père : J'te l'ai bien faite fleurir ta motte non la Germaine ?

Pour toute réponse, le pater familias, reçu une assiette sur le coin de sa petite frimousse, laquelle aurait eu bien besoin d'être refaite selon l'avis de sa moitié défaite.

Tout ceci pour conclure que ce petit mignonet de garçon se nommait Le Petit Poucet, car à sa naissance, il n'était pas plus grand que ce doigt-ci, aussi ce quolibet lui était-il resté.

Quoique mignonet, il était le souffre-douleur de la maisonnée et on lui donnait toujours tort. Cependant, il n'en était pas moins très intelligent, observateur et savait écouter ce qui se tramait à ses côtés…et il se tramait de biens vilaines choses !

En cette glorieuse année, qui avait bien mal commencée, la récolte de l'été s'en était allée avec les pluies diluviennes qui avaient fait pourrir le peu qui avait réussi à pousser.

Un soir, près de l'âtre, le chef de famille attendit que ses loupiaux soient endormis pour persuader sa brave épouse de commettre le pire des méfaits :

Père : Dis-moi donc la Germaine

Mère : Je t'ai déjà sommé de ne point me nommer ainsi !

Père : Ah, si tu m'parlottes comme ça, c'est qu'j't'ai causé du souci. A prendre ses grands airs, ma p'tite femme est fâchée toute rouge de quelques méfaits non distribués. T'as vu, moi aussi j'sais sortir de beaux mots pour épater la gal'rie. Ma p'tite fleur aurait-elle besoin d'un p'tit arrosage express ?

Mère : Va t'en donc toi et ton tuyau ou il se pourrait bien que je n'en morde un bout !

Père : Belles promesses que tu m'vends, mais en réalité c'est du vent ! Bon, on verra plus tard pour la gaudriole ma jolie, là, j'ai ben réfléchi et les marmots vont finir par mourir de faim. Nos placards sont vides, y nous font plus crédit au supermarché, et l'banquier m'a tiré, par trois fois, des coups d'fusils, alors j'ai ben réfléchis…

Mère : Ah oui ? Cela t'arrive-t-il ?

Père : Pour certaines choses oui, et tu f'rai ben d't'en souvenir la Germaine, si tu veux pas goûter d'mon bâton avant qu'il ne te fasse du bien. Bon, alors voilà, on va pas s'rendre coupable de laisser crever not'marmaille. J'te propose de les abandonner dans la forêt. Qui sait, quelqu'un d'bien pourrait les recueillir et leur offrir un p'tit bout d'bonheur.

Mère : Mais quelle horreur ! Tu les envois tout droit au paradis ! Ils ne sauront jamais se débrouiller pour survivre !

Père : Pourquoi qu'tu crois qu'j'vais les emmener par là-bas ? Avec un peu d'chance y s'feront dévorer par le loup. Bon, y sont pas ben appétissant, mais y reste quand même un bout d'viande sur l'os.

Et une autre assiette sur la tête du paternel :

Mère : C'est toi que je devrais abandonner dans la forêt !

Père : Mais ma douce, tu veux quand même pas voir tes pauv'enfants…

Mère : N'en dit pas plus ! Malgré mon chagrin, immense, un chagrin de mère que toi, pauvre mécréant, ne peux même pas imaginer, je préfère encore les imaginer trouver un destin plus reluisant avec de braves gens, que les voir mourir à mes côtés.

Père : Ben on pourrait trouver une façon d'se consoler ensemble ma Germaine

Et une troisième assiette atterrie sur le ganachon du bûcheron. La bonne femme pleura beaucoup et s'endormit les yeux encore gonflés par le chagrin, mais elle préférait encore cela à les voir dépérir sans pouvoir intervenir.

Le Petit Poucet, avait tout entendu et compris qu'il devrait très vite trouver un subterfuge pour trouver refuge, voire revenir au bercail le sourire aux lèvres :

Petit Poucet : Si mon géniteur pense nous semer comme un troupeau de chèvres, il se met le doigt dans l'œil et je m'en vais sur le champ réfléchir à une quelconque façon de contrer ce vieux bouc ! Comment réfléchit-on déjà ?

Et bien, ce n'était pas gagné, et après cette tirade fort bien énoncée, le petitou s'en alla dans sa chambre échafauder son plan. Comme il ne possédait pas une matière grise bien achalandée, peu de possibilités s'offrirent à son esprit.

Néanmoins, il en choisit une, la seule qui lui était apparu, alléluia ! Cette formidable trouvaille, était « Les semailles » ! En effet, quoi de mieux que laisser derrière soi les petits témoignages de son passage afin de retrouver, par la suite, son chemin…

Oui, c'était un plan fort bien tourné qui coinça quelque peu aux entournures, car, cela revenait à se poser une seule et unique question : Semer quoi ?

Des petits bouts de pain ? Sa famille n'avait déjà pas de quoi se nourrir, autant jeter cette possibilité aux oubliettes et tirer la chasse par-dessus…enfin…lorsqu'on en possédait une, ce qui, reconnaissons-le, était fort utile pour une famille de neuf personnes…l'imagination faisant le reste…

La peste de ce monde pourri ! pensa le Petit Poucet, qui, de temps à autre, en arrivait à employer quelques jurons bien polissons !

En dernier recours, il pensa se promener sous le clair de lune histoire de trouver l'inspiration divine. Un miracle pouvait survenir…après tout, cela s'était vu, ou du moins raconté. Bon, le conteur de la région, se trouvait être le Père Dukkonn, étrange nom… Avec une telle consonance, il était fort à parier que ses dires étaient, non seulement à prendre avec des pincettes, mais à vérifier manu militari !

Il pouvait raconter n'importe quoi sous l'emprise de l'alcool et comme il n'aimait pas le lait de vache…il était souvent placé en garde à vue pour « ivresse sur la voie publique » !

Et bien, figurez-vous que ce brave homme…bref, que ce poivrot, narrait partout, à qui voulait bien l'entendre, qu'il avait été le témoin d'un miracle retentissant ! Son verre d'eau avait été changé en vin alors qu'il implorait le Seigneur de bien vouloir, dans un excès de largesse, lui éviter la sécheresse pour son gosier de grand conteur. L'histoire ne dit pas s'il avait rêvé, imaginé, ou inventé tout cette histoire, mais depuis, il semblait être devenu THE personnage incontournable de la région et chaque cause désespérée le devenait encore plus après être passée sous sa bénédiction de pochetron !

Le Petit Poucet, lui, ne connaissait pas les traîtrises des adultes sous l'emprise de la bibine et continuait de penser qu'un miracle pour lui et ses frères pouvait bien lui tomber des Cieux…

Il partit donc, au bord de la rivière, s'assit sur la berge et implora le Seigneur, tous ses Saints (c'était plus sûr), avant d'attendre sagement que n'arrive son miracle.

Etait-ce le Diable qui, dans un élan de bonté (si, si, il lui arrivait d'en avoir pour les causes perdues), lui envoya un petit personnage qu'il affectionnait sans jamais le lui avoir dit : Chaperon Rouge !

La petite-fille s'en revenait d'une mission d'espionnage auprès de sa chère Mère-grand qu'elle pistait sans relâche dans l'espoir de la coincer en flagrant délit de débauche dans son club libertin préféré : « Au trou fleuri », afin de la prendre en photo avec phone à l'appui et la faire chanter par la suite(adorable enfant !) mais l'aïeule était bien plus maligne que son arrière-petite-fille et cette dernière revenait toujours brocouille, euh, pardon, bredouille de sa chasse aux sorcières.

Ici, à ce moment de l'histoire, le cornu orienta sa course vers le petitou qui se lamentait sous les étoiles :

Petit Poucet : Je voudrai tant qu'un miracle nous sauve moi et mes frères…enfin moi pour commencer et s'il n'y a plus de possibilités pour les frangins, c'est pas grave, je prierai pour eux, ça suffira bien !

Une charmante petite voix lui répondit :

: Petite peau de glandouillette ! Que crois-tu ? Que ton souhait sera exhaussé ? Réveille-toi le loupiau, va falloir aller au charbon si tu veux sauver ta peau !

Petit Poucet : Qui va là ?

: Je vais là où le vent me mène, et personne m'en empêchera l'avorton !

Petit Poucet : Pourquoi tant de hargne envers un pauvre petit garçon perdu ?

: Parce que je le vaux bien !

Petit Poucet : ?

: T'inquiètes, j'me comprends. Bon alors, qu'est-ce qui t'arrive la demi-portion ?

Petit Poucet : Quel étrange vocabulaire que le tien petite fille !

: Bon, on va arrêter tout d'suite ces chi oui oui ! Je m'appelle Chaperon Rouge, je suis la petite fille de…

Les yeux brillants, le jeune garçon devança les dires de la petite coquine :

Petit Poucet : …de la Mère-Grand !

: Dis donc, on t'as pas appris la politesse p'tit morveux ? On coupe pas la parole aux dames !

Petit Poucet : Mais tu n'es pas une Dame.

: Ouaip, mais quand j'aurai mes nouveaux roploplos, mes airs bags à la Paméla Anderson, j'en s'rais une, petit microbe !

Petit Poucet : Pourquoi parles-tu si fort ? Pourquoi tu t'énerves tout le temps ?

: Dis donc tu en poses bien des questions. Au lieu de chercher à satisfaire une curiosité mal placée, si tu me narrais avec tout le respect dont tu me feras preuve si tu tiens à tes quenottes, la raison de tes prières secrètes ? N'y a-t-il point quelque chose que je puisse faire ?

Petit Poucet : Ben maintenant c'est toi qui pose trop de questions, étrange petite fille nommée Chaperon Rouge.

: Je te conseille de ne point éveiller en moi le courroux où il t'en coûtera bien plus que ta culotte à deux sous ! Vas-y, débite sans casser le rythme, ton récit sans soucis et mets-y le ton ou tu goûteras dix coups de bâtons !

Le petit garçon, effrayé, lança un regard effrayé à la petite poupée au sourire narquois, laquelle remit bien vite, l'heure à l'endroit :

: J'plaisantais l'asticot. Et si tu m'disais ton petit nom, parce que je suppose que tout petitou que tu sois, comme dirait ma célèbre cousine, t'as pas du t'récolter un nom à longue queue !

Petit poucet : J'ai rien compris !

Chap. Rouge : Ça m'étonne pas. T'es vraiment ramolli du cervelas toi ! Alors tu m'le donnes ton patronyme ou va-t-il falloir que j'y aille au forceps ?

Peti Poucet : ?

Chap. Rouge : Arrghh !

Petit Poucet : D'accord, d'accord, pas la peine de vous énerver, vous me faites peur. Je me nomme Petit Poucet.

Chap. Rouge : Quel prénom à la…bon vas-y raconte-moi un peu c'qui t'amène dans l'coin frérot !

Et pendant un bon quart d'heure, le mignonet petit garçon mal né, raconta ses déboires et tout y passa, depuis les erreurs à répétition de ses géniteurs, jusqu'aux vilaines intentions de son paternel fort polisson à ses heures.

Opinant du chef, Chaperon Rouge prit le temps de la réflexion avant de répondre d'un ton sans appel :

Chaperon Rouge : Eh ben dis-moi, le robinet de ton paternel a su tirer les six coups sans appel ! Il s'entendrait bien avec le Prince Charmant ce filou !

Petit Poucet : Qui est Prince Char…

: Un grand limier doublé d'un franc-tireur. Avec lui, c'est le grand feu d'artifice à tous les étages, et crois-moi, il sait les allumer les fusées ! Bon, on va lui donner une bonne leçon à ton vieux et il s'en ira prier les grands Dieux en proposant pour offrande son colt quarante-cinq !

Petit Poucet : Je n'ai rien compris.

: Normal t'as pas assez mangé d'soupe, du coup t'as la cervelle ramolli. Allez viens on va trouver un moyen pour marquer ton chemin pour demain matin.

Petit poucet : Mais je n'ai pas de pain, nous sommes si pauvres…

: Triple buse, t'as pas pensé qu'les oiseaux pourraient les manger tes miettes ? Allez, je connais quelqu'un qui va cracher une belle monnaie que tu pourras semer sans crainte.

Petit Poucet : De la monnaie ? Mais, nous sommes …

: Tu m'énerves avec des histoires de pauvret, je vais t'apprendre comment tirer les marrons du feu pour prévenir tes jours vieux. Cela s'appelle : mettre à profit ce qui se trouve dans le teston. Bon, te concernant il n'y a pas l'air d'y avoir grand-chose, mais moi, j'ai reçu double dose d'intelligence à la naissance, c'est dire si tu peux me faire confiance !

Et la petite fille de Mère-grand, prit le Petit Poucet par la main l'entrainant dans ses méfaits douteux à souhait.

Cahin cahan, et cahotant sur le chemin pierreux, ils croisèrent la route du facétieux lutin Mic Mac, lequel sortait de sa cachette, un buisson fournit dont il avait pris soin de rabattre les branches derrière lui.

Mic Mac : Eh salut la rouge ! Où tu vas comme ça ?

: Ça t'regarde ?

Mic Mac : Tu fomenterais pas un nouveau coup par hasard ? Qui tu prévois d'voler cette fois petit serpent venimeux ?

: Toujours la même ! La vieille bique lubrique qui me sert de Mère-Grand !

Mic Mac : Tu désespères jamais toi !

: Croix d'bois, croix d'fer, j'ai juré d'avoir la vieille peau tannée de l'ancêtre, et en plus c'est pour une bonne cause…ce pauv, gosse va être abandonné par son crétin d' paternel dans la forêt avec sa tripotée de frères, demain aux aurores.

Mic Mac : C'est pour t'acheter une conscience que t'as pris sa défense ? Cette mini crotte a tout juste une moitié de haillon pour couvrir ses arrières et toi tu vas lui filer du fric…j'y crois pas une seconde !

: Quelle conscience ? J'connais pas c'mot là !

Mic Mac : Ah…tu m'rassures la rouge !

: j'vais m'servir du loupiau pour accomplir mon complot. Moi j'suis déjà fiché au « Trou fleuri » !

Petit Poucet : Qu'est-ce donc que le « Trou fleuri » ?

: Un endroit où vont les grands pour satisfaire leurs vices en toute quiétude quand d'autres comme ton pater, se farcisse la même tambouille jour après jour.

Petit Poucet : La même tambouille ? Tu veux dire manger ?

: Voilà ! Y bouffent à tous les râteliers et non pas peur de tremper leurs biscuits dans la marmelade petit !

Petit Poucet : Hummm, de la marmelade…c'est si bon…

Chap. Rouge : Ouaip sûrement, mais celle-là t'es trop jeune pour en goûter.

Mic Mac : Alors, quel plan vicelard t'a concocté pour ta Mère-Grand adorée ?

: J'vais filer mon I phone au morpion. Il est si petit qu'ys'faufilera comme un rat dans les égouts. Et là, j'lui ferai une description grand teint d'la vieille. J'lui indiquerai où sont les chambres et une à une, il ouvrira les loquets sans toquer. Quand il aura trouvé l'ancêtre, il l'a mitraillera d'photos et filera à l'anglaise après lui avoir fait un p'tit au revoir. Tiens petit c'est comme ça qu'on dit au revoir par chez moi.

Le signe en question, une parfaite rigidité du majeur, fit son bonheur. Tout occupé à parfaire son geste leste, le Petit Poucet s'exerçait avec adresse dans une espèce d'ivresse qui surprit la petite fille espiègle :

: Et ben ! Peut-être bien que nous ferons de toi un bandit de grand chemin.

Mic Mac : Tu vas l'mettre au parfum ?

: Et pas qu'un peu mon n'veu ! Alors p'tite moitié de gars, voici ce que j'attends de toi. Tu appuieras sur ce bouton-là et après ton méfait accomplit sans un pli, tu fileras à l'anglaise en laissant la rombière à ses interrogations… Si tout marche comme sur des roulettes, j'te paierai une sucette et t'auras d'quoi semer tout un tas de petits sous derrière toi.

Mic Mac : Des petits sous ? Seulement ? Et le reste la rouge ?

: Mais de quoi tu t'mêles ? Ce petit poussinet n'a nul besoin de s'encombrer les poches de tout un tas de breloques.

Mic Mac : Des breloques ? J't'ai bien formé la donzelle. T'es encore plus rusée que moi et c'est pas peu dire. Bon alors si tu veux pas qu'j'crache le morceau à ce gentil p'tit morveux, j'te conseille d'me filer un peu d'oseille !

Chap. Rouge : Et ben t'as pas oublié d'regarder où l'soleil se lève toi ! T'as intérêt à garder ta langue où j'te la couperai en p'tit morceaux et j'la mettrai à cuire dans le ragoût du soir de ma gentille mémé !

Mic Mac : P'tite teigne !

Chap. Rouge : Cul serré !

Mic Mac : P'tite maquerelle…

S'en suivit un échange des plus charmant, fleuri à souhait où la poésie, tout naturellement, s'invita en grandes pompes. Ah…les joies d'une prose en symbiose !

Une fois tous ces petits mots doux déclamés avec ferveur pour leur plus grand bonheur, les trois compères s'en allèrent, bras dessus, bras dessous sur le chemin du « Trou fleuri » tout attendrit !

Arrivés devant l'enseigne évocatrice, Chaperon Rouge n'en demeura pas moins spectatrice, car le videur l'avait déjà dans le pointeur. Maligne, la petite teigne s'approcha histoire de faire diversion le temps que le petit morpion ne trouve un trou où se glisser ce qui était un peu la spécialité de cet établissement vieux de cent ans :

Videur : Où penses-tu aller petite dévergondée ? Cela ne t'a pas suffi de semer la discorde auprès de nos clients de bon ordre ?

Chap. Rouge : Ben faut croire que non, le bonze !

Videur : Comment une dame aussi bien éduquée a-t-elle pu mettre au monde une enfant qui donnerait plus tard naissance au démon ?

Chap. Rouge : Elle se pose tout l'temps la question la mémé, ça occupe ses soirées…au coin du feu…en bonne compagnie.

Videur : Je me demande ce que tu es vraiment…

Chap. Rouge : Ben tu l'as dit…démonia, c'est moi !

Pendant ce temps-là, Le Petit Poucet se faufila tel un petit rat musqué dans un soupirail pas plus grand qu'un œil de bœuf. Il glissa sur un tas de charbon et se retrouva aussi noir qu'un trou… de tunnel, ce qui, reconnaissons-le était du meilleur goût dans cet endroit de perdition.

Aussi discret qu'un petit pet de Dame, il gagna les étages alors que la musique coulait à flot comme l'alcool que les hommes engloutissaient contre des sommes folles. Rasant les murs, le garçonnet tenait bien serré dans ses mains l'objet dont il devrait tirer sa fortune. Il ouvrit toutes les portes et finit par trouver Mère-Grand, toute occupée à recoiffer son chignon défait après moult pirouettes cacahuètes. Il attendit patiemment que soit revêtue décemment la femme bien conservée qu'il avait devant son regard hébété avant d'appuyer sur le petit bouton comme le lui avait appris la petite Chaperon.

Aux doux sons des déclics, la Noble Dame, (enfin sur le papier glacé car il y avait fort longtemps qu'elle s'était délestée de sa noblesse la traîtresse), opéra un demi-tour aussi gracieux qu'un petit rat de l'Opéra :

Mère-grand : Est-ce encore toi, petite chipie mal dégrossie ?

D'un bond elle tomba sur le Petit Poucet tout effrayé :

Petit Poucet : Pitié ! Ne me frappez pas, Gente Dame…je ne vous ai rien fait…

Mère-grand : Tout juste volé mon portrait petit gougnafier ! Et le droit à l'image, n'en ferais-tu point ton adage ?

Petit Poucet : Je n'ai rien compris…

Il aperçut, posé sur la table, une corbeille de fruit, les reliefs d'un repas bien arrosé au vu de ce qui ronflait dans le lit, et un pot de marmelade aux reflets doré. Etait-ce donc ce trésor tant convoité dont lui avait parlé Chaperon Rouge avec tant d'emphase ?

Ses yeux se mirent à briller, sa bouche à saliver. Mère-Grand qui n'était point aussi dure que la pierre comme le laissait sous-entendre sa terrible petite fille, le fit assoir sur ses genoux et l'autorisa à s'en mettre plein la panse :

Mère-Grand : Vas-y mon petit, rempli ton petit bidon bien trop creux pour un enfant de ton âge et décline-moi l'identité de ta commanditaire bien que mes soupçons s'éveillent brusquement comme la douleur de mes articulations, ce qui, au vu de mes galipettes bien faites n'est pas étonnant !

Et le Petit Poucet, entre deux bouchées, narra toute l'affaire sous les yeux brillants de colère de la vieille Dame laquelle imaginait les blâmes dont elle affublerait le terrible chancre qu'avait pondu sa fille.

Arrogante, pédante, et bien campée sur ses deux pieds, La Rouge tirait à boulets rouge sur ce joli bouge au doux nom de « Trou Fleuri », quelle drôlerie !

Soudain, elle vit sortir l'ancêtre bien campée dans ses guêtres :

Mère-grand : Je t'y prends mon enfant qui n'a d'appartenance que le nom, Nom de Nom ! Tu pensais tromper la vigilance de ta Mère-Grand ?

Chap. Rouge : Et, salut mémé ! Alors, on fait prendre l'air à ses artères ?

Mère-Grand : Te gausserais-tu de moi, petit crapaud pas beau ?

Chap. Rouge : Ouaip ! J'fais c'que j'veux et l'aut' bonze a dû te tirer le portrait comme y fallait non ? Allez lance-moi mon I phone le cafard !

Mère-Grand le lui donna elle-même, ce qui signifiait qu'il y avait anguille sous roche et peu d'espoir de s'en mettre plein les poches ! Nom de nom, le mini pou avait omis d'appuyer sur le flash, mais ce n'était pas tout, sur les photos, point de vices compromettants, mais une Mère-Grand à la pose grandiose, bien habillé au sourire édenté :

Petit Poucet : Sont-elles jolies ?

Chap. Rouge : Mais pourquoi ne l'as-tu pas prise en flagrant délit dans le lit ?

Petit Poucet : C'était plus décent de lui laisser le temps de se faire jolie pour sourire devant l'objectif hâtif de ton appareil ! Quelle merveille !

Chap. Rouge : Crétin ! T'es vraiment bon à rien ! Tu peux toujours te gratter pour trouver de quoi semer !

Petit Poucet : Mais…demain, nous serons perdus et je n'aurais rien pour indiquer mon chemin, et ce sera la fin…

Chap. Rouge : Bon débarras, ça fera ça de moins qu'aura la Terre à porter sur ses bras !

La Mère-grand vit rouge, se déchaussa et balança son godillot sur sa petite fille agile, laquelle avait savamment évité le projectile !

Chap. Rouge : J'garde la bottine, Mamine ! Tu rentreras à cloche pieds, ça t'fera marcher bancale. C'est bon pour ta parois abdominale ma mémé adorée !

Et la vilaine gamine s'en fut la chaussure à la main en guise de butin.

En chemin, elle rencontra sa cousine Chaperon Rose, toute occupée à chantonner, minauder, susurrer de belles paroles pour ces messieurs bien cachés qui la suivait :

Chap. Rose : Allez mes petits bouts,

Qui, mis bout à bout,

Feront un joli tout,

Dont je saurai tirer,

Les bénéfices de mes intentions bien nées.

Venez courir le guilledou,

Vous, les mâles aux regards doux,

Et au poil tout doux….

Oh, ma cousinette Chaperon Rouge ! Que fais-tu une bottine à la main ? N'appartient-elle point à notre Mère-grand ?

Chap. Rouge : Ouaip ! J'ai encore raté mon coup, mais elle perd rien pour attendre la momie !

Chap. Rose : Toujours aussi remontée contre notre ancêtre commune ?

Chap. Rouge : C'est pas près d's'arrêter !

L'on entendit du bruit dans les buissons. Le Petit Poucet apparut tout désolé de son devoir manqué. Contrit mais décidé à réparer son erreur avec grandeur, il s'approcha de la petite fille assise sur un rocher, les jambes se balançant en rythme cadencé :

Petit Poucet : Pardon d'avoir tout fait capoté…mais ta mémé, m'a fait la gentillesse de sa largesse et m'a refiler pleins de petits sous que je m'apprête à semer dès potron-minet.

Chaperon Rouge : Ah…et ben tant mieux pour toi….mais tu t'es pas acquitté de ton serment prononcé avec majesté !

Désolé, le petit bout baissa la tête. Aussitôt, Chaperon Rose, s'avança vers lui et lui en mit plein les mirettes. Teti et téta étaient tout prêt de se faire la malle et soudain, les yeux tout agrandis, le Petit Poucet retrouva gaité et s'en trouva tout attendrit :

Petit Poucet : Ouah ! Que c'est joli !

Chap. Rouge : Ouais ben faudra grandir encore un peu avant de jouer les Casanova de pacotille.

Petit Poucet : Bon, il me faut rentrer sinon mon pater va se mettre en colère et après il ne plus faire la fête à la maison, ce qui nous a valu d'être sept dans son giron.

A ces mots, la Rouge réagis au quart de tour :

Chap. Rouge : J'l'avais oublié celui-là ! Je vais mettre au point un autre plan avec ton vioc. Crois-moi, après ça, il en aura finit de se nourrir de manioc.

Et la terrible petite-fille s'en alla, cahin caha, la joie au fond du cœur, attendrit du bonheur qui garnirait ses prochaines heures.

Chaperon Rose raccompagna le Petit Poucet jusqu'à son logis et lui promit de prendre soin de lui s'il se perdait à nouveau dans la grande forêt toute à côté.

Le lendemain, aux aurores, le père et la mère accompagnèrent leurs enfants sur le lieu de leur crime et profitant que leur progéniture travaillait sans relâche, ils s'enfuirent, bande de lâches !

Mais Petit Poucet, avait semé, à distance raisonnable, ses petits sous et cela lui fut profitable. Il laissa, tout de même, filer ses parents qui n'avait de parents que le nom et encore méritaient-ils sûrement de s'en prendre plein les dents tant leur forfaiture n'était pas dû à une bonne biture !

Les frères suivirent le plus petit d'entre eux et furent tout heureux d'apercevoir la cheminée de leur maisonnée.

A l'intérieur, le père et sa Germaine s'en mettaient plein la panse, car entre temps, l'un de leurs créanciers, avait eu la bonne idée de leur payer sa dette de dix écus ce qui fit du bien aux finances. Quelle chance !

La bonne femme avait dévalisé la boucherie « Tripailles & Ripailles », ce qui, convenons-en, était un petit nom charmant au demeurant, et cuisina un pot au feu du feu de Dieu !

La panse rebondit, tous deux digéraient de concert, lorsque la mère eut quelques remords après une éructation de grand renom :

Mère : Mes tout petits….que sont-ils devenus ? C'est de ta faute aussi. Si nous avions attendu quelque peu, nous aurions pu les rendre heureux avec ce festin de roi !

Père : T'inquiètes ma douce…y z'ont p'être trouvé une bonne âme pour s'occuper de leurs tas d'os.

Mère : Crétin ! Ah mes tous petits, mes enfants chéris…

Comme la mémoire lui était courte à cette jolie femme qu'un relent de viande rôtie gênait dans ses déclamations ! Malgré tout, au moment où elle consentit à verser une larme, tous entrèrent le cœur en fête en criant :

Petit Poucet et ses frères : Nous voilà, nous voilà !

Deux têtes de flan accueillirent les enfants, et l'on ria et l'on chanta parce que dans ces jolis contes jolis et tous fleuris, il n'y a pas de places pour les corniauds idiots et surtout pas lorsqu'ils ont la tête de ce papa ! Que dire de la maman ! Non contente de les avoir semé au gré d'un vent mauvais, elle feignait la joie ce qui n'était pas feint mais ne dura guère, car sitôt les victuailles épuisées, il n'y eut plus rien pour faire ripaille.

Ce fut alors que la mémoire se rappela au bon souvenir de ces parents ravissants et l'idée de semer encore leur progéniture, naquit sous les cheveux de ces deux vieux.

Mais comme toute belle histoire…il y eut deux ou trois petits imprévus qui changèrent la donne et fit sombrer le crime dans les abîmes…plus quelques bonheurs dont les héros n'étaient pas des zéros.

La bande des deux Chaperon, la Rose et la Rouge, allaient faire en sorte que cela bouge !

A suivre …

* Comme il est de tradition chez moi, la première phrase est empruntée au véritable conte de Monsieur Charles Perrault. Bon, comme elle est courte, j'en ai jointe une seconde. Eh oui je sais, mon bon cœur me perdra !