Dans une autre vie, Michael Cutter aurait fait un excellent joueur de poker tant il parvenait à dissimuler ses émotions. Bien sûr il lui arrivait de s'énerver, surtout lorsqu'il ne parvenait pas à ses fins ou lorsque quelqu'un s'en prenait directement à ceux qui lui étaient chers, son ADA Connie Rubirosa par exemple. Son sens inné de la justice et son flegme faisaient de lui l'un des EADA les plus réputés et craints de Manhattan et son taux de condamnation en était la preuve. Mais derrière cette « poker face » se cachait un homme sensible, aussi doué d'éloquence que de culture, à la fois impulsif et passionné. Il est de coutume de dire que les yeux sont le miroir de l'âme, ceux de Mike Cutter ne dérogeaient pas à la règle. D'un bleu acier, ils reflétaient parfaitement son intelligence et avaient cette lueur étrange quand cette même Connie entrait dans son champ de vision.
Connie…
Son esprit, d'ordinaire si rationnel, ne put s'empêcher de vagabonder vers elle. Il ne l'admettrait jamais devant elle mais il était bluffé par elle. Il admirait tout chez elle : sa malice et la vivacité de son esprit qui lui avaient permis de se sortir d'une bien mauvaise situation à plusieurs reprises, sa gentillesse et son fort caractère hérité de ses origines hispaniques et bien évidemment son allure. Elle était d'une beauté incroyable, le savait surement mais n'en jouait pas. Il lui suffisait de se rappeler combien elle lui en avait voulu après cette histoire avec le juré… Elle était époustouflante grâce à sa classe naturelle, sa discrétion et sa modestie, autant de qualités qu'il appréciait réellement chez une femme. Son employée dans les faits, elle était devenue une véritable collaboratrice, son égal et plus encore son garde-fou, la seule en qui il plaçait toute sa confiance, la seule qui pouvait le ramener à la raison lorsqu'il franchissait les limites ou s'apprêtait à dépasser les bornes.
Il balaya ses pensées d'un revers de main. Il se l'était bien souvent répété : il ne voulait pas mélanger les deux aspects de sa vie. C'était une manière de se protéger et de la protéger…
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Connie Rubirosa était fière du chemin parcouru. Elle, descendante d'immigrés, était aujourd'hui une ADA reconnue par ses pairs pour son travail et ses compétences. Son expérience auprès de Jack McCoy lui avait permis de continuer à travailler pour le compte du bureau des procureurs de Manhattan, plus particulièrement auprès de Michael Cutter et ce, depuis quelques années maintenant. Professionnellement elle ne pouvait qu'apprécier sa situation: son boss avait une confiance aveugle en son jugement et lui permettait de mener seule certaines affaires, d'ici peu son mentor - Jack McCoy - allait même la nommer EADA à son tour... Son abnégation et les fruits de son travail allaient enfin être reconnus! Que de nuits et de week-ends consacrés à élaborer des stratégies, à préparer les témoins ou trouver des arguments imparables! Mais cela en valait la peine, d'autant plus qu'en règle générale elle ne travaillait jamais seule...
Mike Cutter...
Elle passait le plus clair de son temps avec lui: au tribunal l'assistant lors des procès, au bureau l'aidant dans ses recherches et dans son travail de préparation. Il était exigeant et perfectionniste mais elle s'en accommodait dans la mesure où il était au moins aussi exigeant envers lui-même. Leur relation était empreinte d'un fort respect mutuel mais également d'un véritable attachement l'un à l'autre. Et les affaires difficiles à gérer, où ils avaient parfois pu s'accrocher, n'avaient fait que renforcer leurs liens. Si l'affaire Marcus Woll était maintenant loin derrière eux, elle ne pouvait s'empêcher de garder en mémoire les paroles de son ancien amant, lui révélant les sentiments de Mike à son égard. Elle savait pourtant depuis un cours de sociologie suivi lors de sa première année de droit que le choix du conjoint n'était jamais le fruit du hasard et que le milieu professionnel était l'endroit le plus propice pour y rencontrer son futur mari. De toute manière, la pauvreté de sa vie sociale ne laissait guère de place à d'autres possibilités.
Elle sourit à la pensée de considérer Mike autrement que comme son supérieur hiérarchique. On ne l'y reprendrait plus et ce, même si Mike n'avait strictement rien à voir avec Marcus Woll...
