Downtown Los Angeles, 20 février 2015, 21h25

Des soirs je ne sais pas ce qui me retient de sauter le pas et sur Nines pour lui faire des choses.

Ah, je me demande aussi, mais bon Dieu qu'est-ce que je fous là ?

Ce soir, contre toute attente, je m'étais laissée emportée dans une fête organisée par Michaëla dans son club avec pour thème Dean Martin et Franck Sinatra. Et comme je suis faible de volonté et que je les adore, j'ai craqué. Ce soir c'était aussi une rétrospective du Swing et surtout du Big Band avec Glenn Miller.

Donc j'avais dû trouver une robe qui s'inscrit dans le style des années soixante. Et l'idée de persuader Nines de venir jouer les rétros avec moi ne m'avait même pas traversé l'esprit. Je me rappelai aussi que Nines avait vécu durant les années trente et vécu les années soixante.

Et me voici ce soir dans le club de Michaëla avec une robe courte, blanche en satin, drapée sur la poitrine avec des escarpins qu'on aurait dit des escabeaux. Même ma coiffure et mon maquillage avaient été étudiés. J'avais les cheveux en mini vagues folles et des yeux de biches.

Michaëla avait engagé un véritable Big Band qui jouait du Glenn Miller, 'In the mood'. Tout le club était déjà en train de danser et c'est pour ça que je me pose la question de savoir qu'est-ce que je fous là sans cavalier ?

Je soupirai en souriant quand même. Je m'immisçai dans la foule des danseurs pour voir si quelques uns me suivraient jusqu'à une table et m'inviteraient à danser.

Je m'assis à une table où une coupe de champagne bullait patiemment et croisai les jambes en glissant le dos de ma main droite sous mon menton. Quand je relevai les yeux sur les potentiels fruits de ma pêche je faillis m'étrangler. Ah ! Sympa la pêche : MacPherson et Steven Queelie ! Deux loups-garous !

L'immense noir américain qui était aussi le maire de la cité des anges et l'amant officieux et le pion officiel ou l'inverse, de Michaëla portait un smoking d'un plan immaculé tandis que le modeste mètre soixante quinze de Steven était en smoking noir.

Le Fianna aux longs cheveux blonds bouclés me tendit le premier la main en se penchant vers moi alors que le Marcheur sur Verre parlait le premier « mademoiselle Vilorë, auriez-vous l'obligeance de danser avec moi ?

Je saisis la main de Steven avant que Gareth ne tende la sienne et me levai en lui adressant un sourire tout en lui répondant – je n'ai pas cette obligeance monsieur. »

Steven aux yeux semblables aux miens m'adressa un regard qui remplaçait le plus mutin des sourires. Il m'emporta à sa suite, en me tenant la main près de son visage, d'un mouvement fluide de son corps de liane.

Je sentais le regard noir de Gareth me poignarder dans le dos quand Steven nous fit immerger dans la foule et me tourner vers lui, glissant son bras gauche autour de ma taille et me rapprochant de lui d'une pression discrète. Comme s'il ne s'était ni arrêté, ni n'avait commencé de danser, son corps suivit sans à-coup le rythme de la chanson. Oui, maintenant c'était 'the one i love belongs to somebody else' de Dean Martin. Dans un demi cercle me faisant reculer puis avancer, le barde loup me glissa avec amusement de sa voix musicale « tu lui en as encore mis sur le dos !

Je souris – quoi donc, Steven ?

-Des coups, je te jure que son ego en prend tout le temps avec toi !

-Chacun son tour ! – Ris-je en souriant de mon plus bel air mesquin.

Le loup-garou et moi écrivîmes un 8 sur la piste en allant et reculant – je suis content de te voir, Rose. Je voudrais te présenter aux jeunes qu'on a retrouvés.

-Comme tu voudras le Trèfle à quatre feuilles. »

Il rit d'un rire comme un petit ruisseau et en faisant ceci son pouvoir me balaya la peau comme un souffle tiède alors un immense sourire me mangea la figure tandis qu'une joie intense gonflait mon cœur mort.

C'était comme ça quand Steven laissait filer son énergie, ça vous balayait la plus tenace des déprimes une telle joie de vivre. Je savais pourtant que notre petite entente amicale n'était pas du goût des nôtres mais Steven et moi on pensait ça : « allez vous torcher le cul avec un trèfle à quatre feuilles ! »

Le loup-garou barde était publiquement un employé de l'observatoire et du parc de Griffith Park mais il était le chef du Sept de lycanthropes qui protégeait justement le parc. L'année de ma 'mort' j'avais échappé par miracle à l'un d'eux en croyant Nines mort lors d'un guet-apens que nous avait tendu LaCroix. Maintenant je ne savais pas vraiment comment j'étais devenue copine avec leur chef et encore moins comment Nines et lui avaient pu contracter une 'entente'.

Steven me fit tournoyer trois quatre fois en souriant comme un gosse. « Nines n'est pas avec toi ?

Je ris et je sentis immédiatement une tripoté d'yeux me fixer, je ris très fort je sais – tu imagines Nines en smoking ?

Mon cavalier me fit des yeux exagérément ronds – quoi ! Oh non, un rebelle se doit d'être mal sa…

Je lui marchai sur le pied délibérément en gardant le sourire – tu disais ?

Il recula le pied, Steven me connaît bien et me retourna un air de diable – quel dommage !

-Je trouve aussi. Ca fait partie de mes fantasmes. Des trucs totalement irréalistes ! » Assurai-je.

Steven sourit puis fronça légèrement les sourcils, il regarda derrière moi et fit les yeux ronds en manquant de s'étrangler sur place.

Je fronçai un sourcil interrogatif et me tordis le cou et le buste pour me retourner.

Et afficher la même tronche que Steven qui actuellement en était à avoir la bouche ouverte.

Des fois je me demande ce qui me retient de me jeter sur Nines pour lui faire des choses.

Le public…

Encore que…

Pas grand-chose en fait.

Mais qui m'a échangé mon Nines ?

Je me retournai en lâchant Steven et lui tournai le dos pour sentir à peine ses mains se poser sur mes épaules nues. Je me retenais de me frotter les yeux.

C'est sûrement un coup de Michaëla, ce n'est pas possible autrement. Nines ne peut pas être ici, ou alors y'a une urgence et il est venu me chercher.

Cette théorie était très probable, malgré le fait que le Brujah était assez cinglé pour ne porter que du noir. Jean, marcel et chemise ouverte.

« C'est un rêve et j'espère ne pas me réveiller ? – Glissai-je à Steven sans me retourner, alors que le Brujah se retrouvait déjà entouré par une foule de femmes sans aucun doute attirées comme des abeilles vers le miel de son allure plus que foutrement sexy.

-Je ne sais pas, mais moi ça me plait comme histoire !! » S'exclama Steven avant de rire.

Je m'échappai des mains du Lycan sur mes épaules et volait vers Nines en partant à la nage pour traverser le petit cercle de groupies. Je sentis la main de Gareth se poser sur mon poignet sans le regarder, le picotement et la sensation de son épiderme étaient suffisants pour me dire qu'il s'agissait du maire. Je me dérobai avec de la chance d'un simple mouvement sec.

Je vis des cavaliers abandonnés tentant de récupérer leurs cavalières et pus arriver jusqu'au vampire en ayant fait un pas de côté entre deux femmes.

« Ah ! Voilà ! » Lançai-je triomphalement avant de me pendre au cou du Brujah (qui sentait diablement bon le Brut), je l'obligeai à se baisser vers moi et l'embrassai devant toutes ces abeilles folles en prenant un grand soin à me la jouer macho à mon tour.

Je fermai les yeux quand je sentis ses bras nus se refermer sur le bas de mon dos, me délectant et de ce baiser au fer rouge et des petits soupirs déçus de toutes ces dames et demoiselles.

Il est à moi et je ne partage pas !

Pas grand-chose me retient de sauter sur Nines, beaucoup me motivent à le faire.

Quand je rompis le baiser je regrettai juste que le public m'empêche de passer à la phase 2, là maintenant. J'inspirai goulûment son odeur sous le parfum et fis comme si je ne venais pas du tout de prendre ma dose d'acide. Non pas du tout, surtout en gardant mes bras autour de son cou. « Bonsoir monsieur Rodriguez ! – Ca c'est spécialement pour faire enrager Gareth, je l'entendis d'ailleurs grogner et soupirer plus loin derrière moi.

Le Brujah haussa le sourcil droit, ce qui chez lui équivalait le plus souvent à un sourire, seulement il fallait deviner lequel : cynique, mesquin, railleur ou amusé. Là je dirais plutôt amusé vu la brillance de ses yeux bleus – je ne suis pas venu pour danser.

Je ne rêve pas, snif – y'a une urgence ? – Demandai-je en me détachant et reposant mes talons sur le sol en un petit claquement.

On était revenu à Glenn Miller. Mes pieds me démangeaient méchamment.

-Pas vraiment, non, Gary m'a filé une info et je voulais aller la vérifier, seulement ça demande force et discrétion… C'est quoi ce sourire, ma petite ?

-Puisque ça n'est pas une urgence et que tu es ici contre toutes espérances – commençai-je en me reculant et lui tirant la main gauche vers moi – tu vas danser au moins une danse avec moi.

Il me regarda d'un air noir en fronçant les sourcils, cet air menaçant et sombre qui d'habitude me partageait entre crainte et adoration – non, pas question !

Pas de chance ce soir j'étais totalement folle – oh si, j'en rêve !

Le Brujah haussa les deux sourcils et haussa finalement les épaules.

-OUAIIIIS VICTOIRE !! M'exclamai-je en français.

Avant que le vampire ne me fasse tourner sur moi-même pour me flanquer une tape sur les fesses – allez, l'allumée. »

Il me dépassa finalement et me tracta à sa suite avec assurance comme si c'était lui qui m'invitait et qui ne voulait pas qu'on lui chaparde sa cavalière en route. Je bénissais Dieu, Satan et même Bouddha pour le fait que Nines se considérait trop vieux et trop au-dessus de l'humiliation publique pour s'en inquiéter.

Quand il fut en plein milieu des danseurs, il s'arrêta, se tourna vers moi et je commençais à me dire que je rêvais.

« Pourquoi tu fais les yeux ronds ? – Me demanda t-il d'un ton égal de la simple question en haussant un sourcil et levant le menton.

- Parce que ce n'est pas possible !

-Va pas croire que le Big Band c'était réservé à l'élite, ma petite.

-C'est pas ce que je voulais dire ! – Le détrompai-je, croyant l'avoir vexé

-Bon, alors suis moi et tais toi, » conclut-il en baissant la tête. Il passa son bras droit autour de ma taille et me rapprocha de lui en attendant que l'orchestre entame un autre morceau de Glenn Miller.

Je roulais des yeux. Des fois je trouve Nines salement arrogant quand il me sort deux impératifs dans une phrase aussi courte aussi avais-je roulé des yeux pour lui signifier mon avis.

Juste avant qu'il m'entraîne dans la danse aux premières notes de l'orchestre, je le vis sourire légèrement.

J'aurais cru que Nines se serait contenté de quelques pas, histoire de dire qu'il avait fait sa B.A, et j'aurais été bien triste, mais c'était mal le connaître. Non, on dansa tout le morceau et je m'amusai follement d'autant plus que le Brujah s'il n'avait pas la fluidité parfaite de Steven avait au contraire plus 'd'entrain', dirons nous ! Ca se sentait qu'il était rouillé mais aussi qu'il le faisait de bonne volonté.

A la fin j'avais horriblement mal aux pieds mais j'étais aux petits anges sur leurs nuages blancs.

Un rêve de réalisé ! Je danse, et en plus avec lui !

Quand il me tracta une autre fois à sa suite dans l'autre sens vers la sortie, je me demandais si je ne rêvais décidément pas !

Et j'ai dû penser tout haut car à l'air libre il me serra la main un peu plus fort et tourna la tête vers moi en haussant un sourcil. « Gareth devait être en plein cauchemar, » railla t-il avec un petit sourire en coin.

Ho ! J'allais partir en conclusions quand Nines m'attira jusqu'à lui pour glisser son nez contre ma tempe. Cette proximité, alors qu'une bouffée de colère s'échappait de tous les pores de ma peau, abritait une nouvelle fois un champ magnétique entre nous. Et ma colère alimentait ce champ magnétique si bien que lorsque je me forçai à mettre un minimum de distance je n'étais plus en colère et me contentais d'hausser un sourcil à mon tour. « T'es qu'un fourbe.

-Non, juste un mexicain qui adore foutre des bâtons de dynamite dans les calbars de l'élite – répliqua t-il en montant sur sa moto.

-Espèce de terroriste ! – Souris-je en grimpant derrière lui.

Il fit démarrer l'engin qu'il avait dû emprunter à Jack – non, juste un mexicain, » nia t-il en jouant un peu moins le ton de la conviction.