Prologue

Ouh qu'ils sont ennuyeux ces jeunes ! Que devient Paris quand la meilleure boîte des quartiers chics est envahie par des adolescents… Tout ce que je déteste ! Il fut un temps ou la 'Monzie' n'était peuplée chaque soir qu'il plût qu'il ventât ou qu'il neigeât que de beaux hommes et de belles femmes. Avec de la vraie musique ! Et là ! Là !! C'est...

De la techno !

Où est le nouveau propriétaire que je lui montre les crocs ? Si je le trouve celui-là je vais lui apprendre à ruiner ma soirée, la soirée d'une Toréador qui s'appelle Vilorë ! Pourquoi mon Sire m'a collé un nom en quenyan ? Il était pareil le mien ! Et en français en plus ! Ils savent jamais ce qu'ils veulent ces suceurs de sang ! Ils étreignent une Française et il la renomme en elfique !

C'est quasi pour ça que je ne le donne jamais ce foutu nom elfique.

« Salut ! Comment tu t'appelles ?

-Casstoa. »

On peut même plus faire semblant de boire tranquille que les technophiles se jettent sur vous avec une canette de bière à la main, tout pour me narguer c'est pas possible !

Chapitre 1 – Mauvaise nuit parisienne

Pfu, c'est toujours pour moi les boulets, y'a rien à faire. Et le dernier Tremere que j'ai croisé pour un talisman sur mesure il m'a ricané au nez sans me rendre mon fric. Enfoiré ! Si je te retrouve un jour je prends tes dents en ouvre boîte pour chien !

Des promesses toujours des promesses, toi par contre le D.J de cette musique vomie par l'Enfer tu vas rester sagement assis sur les toilettes pour filles jusqu'à ce que cet air béa te quitte. Tiens et si je tirais la chasse d'eau pour faire style ? Avec un peu de chance comme la lunette et relevée ça va mouiller son derrière couvert de tweed. Un D.J de techno qui porte du tweed, mais pourquoi je suis venue ici moi ?

C'est exactement la même chose que j'ai marmonné au miroir qui n'avait toujours pas la gentillesse de me montrer mon si joli minois sans la buée parce que c'était mal aéré en me lavant les mains et le menton. Bon sang si mon Seigneur n'était pas déjà mort, mort je l'aurais vraiment tué ! Heureusement les Tremere ils ont trouvé la parade eux pour les Lasombra : ils ont crée des miroirs en verre de sang. Me demandez pas comment ça marche je peux juste vous expliquer que le sang est mélangé à du verre. Donc le verre est teint avec du sang humain et ô joie, on peut s'admirer ! Pour des raisons métaphysiques concernant le reflet que je n'ai pas envie d'exposer sinon vous choppez un dictionnaire des symboles, ça marche. J'en ai même sorti un de ma poche. Ah, c'est sûr qu'avec ce beau reflet rose rouge sang j'ai l'air plus en vie ! Lui au moins l'avait ni tags ni buée.

Le rouge à lèvre s'était fait la malle évidemment, j'en remis un petit peu en couleur pêche pour aller avec mon teint de porcelaine. Ou de viande froide atténué avec de la poudre de riz pour la douceur. Les cheveux blonds lisses bien tombant sur les épaules, le front dégagé, non finalement mon Sire à moi qui a été transformé en poudre crématoire, je t'aime. Mes yeux sont plus clairs dans tous les sens du terme. Ils font trois couleurs : bleu azur, bleu vert ou bleu gris. La classe ! Smack à moi-même puis je vérifiai l'état de ma tenue. Un corset crème au décolleté en v et une jupe à volants de même couleur avec des collants de laine blanche. J'avais toujours ma pierre noire fétiche serrée autour du cou, reposant au creux de la naissance de ma gorge. Et sortant un élastique au tissu noir d'une petite poche sur le côté gauche de la jupe, je m'attachai les cheveux en queue de cheval. En guise de chaussures j'avais des bottines en cuir beige à talons plats.

Faisant volte-face je poussai la porte des toilettes pour dames et revint dans l'Enfer sur Terre fait adolescent. Fronçant mes fins sourcils (taillés à la main, heureusement c'était à faire qu'une fois dans la non-vie) je levai les yeux au ciel en soupirant, allez moi j'me tire d'ici, ça pue la morue jusque dans l'cœur des frites !

Le seul truc bien à Paris quand on est un vampire qui sait faire des économies (c'est-à-dire ne jamais oublier de piller le portefeuille de ses victimes tuées pour la mission du moment.) C'est qu'on peut se balader aussi longtemps que cela nous chante dans la ville sans jamais être à court d'argent pour un taxi.

En l'occurrence là je devais rentrer à mon refuge, (un taudis pour ceux que ça intéresse, y'a que les Ventrue pour vivre dans le luxe.) Prendre mes e-mails et commencer à bosser pour ce qu'il restait de la nuit. Beuah j'ai même pas eu droit à un bon dîner ! Et puis il fait super chaud ce 14 juillet. La ville est sans dessus dessous…

« Arrêtez-vous sur les Champs-Élysées, » dis-je au chauffeur qui quelques minutes plus tard s'exécuta. Je descendis en tirant à moi mon sac de mailles violettes passé en travers de la poitrine. Payant le monsieur pour ensuite me retrouver absorbée illico par la foule et les pétards et autres festivités envahissant l'artère de la capitale tous les ans. Au moins la pleine lune était jolie.

Non mais j'me suis pas arrêtée ici dans la foule et la fumée que pour me faire écraser les orteils vous savez ! Qui dit capitale dit étrangers, et qui dit 14 juillet dit jeunes et beaux étrangers ! Friqués avec un peu de bol, je mords quasiment que ceux qui sentent bons. J'suis Toréador moi, coupée Ventrue mais pas Nosferatu !

Et les Champs-Élysées étaient vraiment envahis de gens, c'était un vrai slalom pour se frayer un chemin, heureusement avec l'Etreinte j'avais dépassé mes difficultés, maintenant j'étais capable de trucider un gars de deux mètres au couteau en moins de deux secondes. Bon je dois exagérer un peu mais l'idée est là non ? Hier incapable de marcher sans dire bonjour au goudron et le lendemain je saute de toit en toit pour rire. Mais la Mascarade interdisait qu'on s'adonnât à de telles sottises que de se la jouer en faisant une représentation sans filets des films hongkongais. Même si c'était jouissif.

Marcher sur les Champs une nuit claire sous trente degrés en tenue romantique qui faisait penser que j'étais une jeune écervelée (oui bon, Jack pense ça.) Ecervelée qui ne devait pas être bien difficile à coincer à une ruelle ! Mais si c'est ladite fille qui se laisse coincer pour mieux vous croquer, ahaha, vous avez l'air bien cons avec vos préjugés !

Je n'aime pas donner le Baiser vampirique à des idiots qui suivent leur flaire à l'effluve hormonales comme des chiens en rut. C'est pour ça que j'aime fréquenter les clubs et les bars chics : au moins les chiens ont un français séduisant. Ce qui m'énerve toujours quand je me fais arrêter dans la rue par un : « salut poupée ! Belle fête hein ?

-Je crois que tu as mouillé ton pantalon. »

Evidemment ce couillon vérifia en faisant « heu ! » Pendant que je pouffais de rire en poursuivant mon chemin, me fondant comme l'ombre dans les ombres des gens. Ah ces jeunes, il est loin le temps du raffinement.

Jusqu'à ce que mon regard bleu gris croise le regard vert sombre d'un beau garçon aux courts et fins cheveux blonds en bataille. De haute taille (pas difficile avec mon mètre soixante) portant une chemise blanche en soie et un pantalon en jean noir. Il aurait très bien pu passer pour une fille avec son visage fin, hum, un eurasien à Paris ! Quel bol ! Ses yeux légèrement bridés avaient de longs cils noirs et au dessus des sourcils noirs plats et plutôt fins. Il avait un visage très expressif car l'air super embêté et de jolies lèvres rose pâle qui se tordaient pour appuyer son air très emmerdé. Il semblait perdu dans la foule et devait faire attention à balancer de manière irrégulière son buste avec ses épaules un peu larges en diverses positions pour ne pas être bousculé. Il semblait chercher quelque chose ou quelqu'un.

Après avoir consciencieusement étudié ma proie, je me dirigeai vers lui en évitant les passants à mon tour, me plantant ensuite en face de lui et tout le monde nous contourna. « Bonsoir, excusez-moi mais vous semblez être embarrassé. Je peux vous aider ? » Dis-je gentiment en lui souriant, les mains derrière le dos et les bras tendus. Il se fixa enfin devant moi et m'étudia rapidement de bas en haut en laissant échapper un gémissement qui sonnait inquiet et hésitant. Sa main droite alla gratter l'arrière de sa tête alors qu'il reportait son poids sur sa jambe gauche pour plier l'autre, s'adressant à moi en japonais. Ma chance revient !! « Heu, je cherche un bar mademoiselle mais je me suis perdu. Et je ne parle pas français ou anglais… »

Tiens, bizarre ça, il s'est perdu sans ses copains du bus de touristes ? « Ah, vous avez de la chance ! Comment s'appelle ce bar ? » Répondis-je en prenant un ton doux pour le rassurer, il était nerveux j'entendais son cœur me refaire un sprint façon Mary José Perec ou fennec c'est pareil : ça court vite.

L'eurasien me sourit, l'air d'avoir vu la lumière, dixit les étoiles dans ses yeux et les exclamations qui suivirent de soulagement et de merci kami des rencontres fortuites du 14 juillet à Paris devant la Toréador la plus s… Pardon. « Ah !! Vous parlez japonais !! C'est incroyable ! »

Et pourquoi ça mon pote 'incroyable' ? Tu veux que je te dise un truc incroyable plutôt que deux mots jap' qui se battent en duel parce que t'as une belle gorge ? Je suis un vampire nouveau-né d'à peine un an crée à Los Angeles par un type super canon dont je connais pas le nom et qui s'est fait raccourcir au dessus des épaules par le gorille Shérif de sa majesté le Prince LaCroix !!

Ceci pensée en gardant un sourire de bisounours, comme tout vampire en chasse qui achète la confiance de sa proie en lui faisant croire qu'il a le dessus sur la pauvre midinette. « Oui, comment s'appelle ce bar ? Je le connais sans doute, » dis-je en levant les mains sur les côtés pour appuyer mes dires. Et parce qu'une personne qui vous parle sans bouger de manière naturelle c'est louche.

« Ah, c'est le Rose de Minuit…

-Et bien je sais où il est ! Voulez-vous que je vous y conduise ? Ce n'est pas très loin à pied, » proposai-je en me déportant sur le côté et tendant à demi mon bras pour l'inviter à marcher. Il me sourit avec un regain d'assurance et me remercia en acceptant la proposition !

Précisons qu'avec le boucan du 14, cette conversation fut celle de deux sourds ou presque.

En marchant vers le Rose de Minuit que je connaissais vraiment, je répondais et menais la conversation avec mon nouveau joujou de cette nuit. Heather va me faire une crise de folie, Heather Poe c'est ma goule, enfin ma servante. Je l'ai rencontrée à Downtown, peu après mon Etreinte, à l'hôpital de Santa Monica. Elle était mourante et je l'ai aidée à survivre avec mon sang. Le sang d'un vampire est extrêmement curatif. Et quelques nuits plus tard elle m'a retrouvée devant la tour du Prince LaCroix au centre ville. Elle voulait me remercier pour mon geste et j'ai compris que pour qu'elle se souvienne de moi sur sa table d'hôpital mon sang devait l'avoir bien ensorcelée. En effet elle était tombée amoureuse de moi. Elle m'a retrouvée à mon refuge (super appartement des bas quartiers de Downtown gracieusement offert par LaCroix après le taudis de mes débuts.) Et même si elle a eu du mal à accepter que je fusse une vampire, après quelques paroles et une démonstration ce fut décidé. Elle m'a alors dit : « je me fiche en vrai de ce que vous êtes, je veux être avec vous ! »

Bienvenu chez moi chérie, moi c'est Lia, vampire Toréador nouvelle née, la déco n'est pas de moi et ma vie après la mort est super risquée, tu m'aimes toujours ? Et ben oui, elle m'a toujours fidèlement servie. Veillant sur mon sommeil le jour pendant qu'elle travaille ses croquis de styliste en plus de devoir faire mes trames. (Elle a un super don pour assister une mangaka.) Et me donnant son sang quand j'ai soif et trop la flemme d'aller chasser.

Si jamais je sens le parfum pour femme de trop près j'ai droit à un regard noir, à des larmes et à ce qu'elle boude jusqu'à ce que j'arrive à lui dire que j'ai juste mordu la dame. En vérité j'adore les crises de jalousie d'Heather même si c'est à cause du sang qui coule sans ses veines. C'est tout de même un baume au cœur mort, mais cœur quand même.

Pour le moment elle devait faire mes trames à ma place pendant que je chasse (j'en profite pour faire ma mangaka qui exploite son assistante). Heather est une chique jeune fille, elle me fait penser à Suou avec ses cheveux rouges lisses et ses immenses yeux verts. Moi évidemment, avec mon esprit pervers et manipulateur sur les bords (pas Toré' pour rien) je suis Kiyoshi. Tout aussi chiante. Ma servante est orpheline, ses parents sont morts dans un accident de voiture, je pense qu'elle venait de sortir de la voiture quand je l'ai rencontrée à l'hôpital. Par contre je lui ai immédiatement fait changer de style parce que celui de minouchette coupée voiture de sport avec pantalon taille ultra basse non merci. Tant qu'à avoir une goule, autant qu'elle ne s'habille pas comme les trois quarts des mortelles de son âge !

Je parlais donc à monsieur mon nouveau joujou d'Heather ma colocataire, du fait que j'étais artiste (parce que balancer à un eurasien que vous êtes mangaka il va le prendre bizarre) et elle étudiante en stylisme. Et tout en parlant je me rendais compte qu'il dégageait une certaine aura étrange. Qui n'avait plus rien à voir avec celle du pauvre chéri perdu dans Paris. Mais comme je n'étais pas d'humeur à me montrer paranoïaque un 14 juillet, je laissai tomber mon impression pour lui montrer le Rose de Minuit. Un petit bar en fait, il était encastré entre deux grands immeubles résidentiels sur l'avenue de New York. Il ne payait pas de mine, de l'extérieur on aurait dit une façade du 19ème prête à tomber en ruine surtout les visages. Et il n'y avait pas de panneau avec marqué en gros : 'ici traînent tous les Ventrue de Paris !'

Galamment il prit les devants pour ouvrir la petite porte en chêne devant moi, sur un salon où 'luxe' rimait avec 'rouge' et 'or'. Le sang et l'or, oui je sais on prends ses références où on peut mais un Ventrue c'est ça : un satané suceur de sang plein aux as.

Sombre, éclairé qu'avec des chandeliers muraux et sur les tables de salon en cerisier ou acajou. C'était un endroit superbe où la chaleur et le mystère comme la richesse étaient de mise. Il n'y avait ici que des personnes bien habillées de robes de soirées noires ou rouges, parfois or. D'hommes en costumes trois pièces noirs. Et mon bel ami comme moi ne sortions pas du décor de ce salon richement paré de boiseries brillantes sous la laque et de grand escalier au tapis rouge. Il y avait le bar tout au fond derrière un comptoir imposant de bois rondouillard de merisier sur le dessus et de galets secs dessous. Il fallait être plutôt grand pour pouvoir poser ses coudes. Le barman un grand blond portant chemise blanche et nœud papillon noir était une goule du Ventrue Paul Damier.

Je ne le connaissais pas vraiment juste pour l'avoir croisé ici et avoir échangé quelques paroles de politesse. Pour un Ventrue évidemment ou presque il était de la Camarilla. Et je restais une taupe des Anarch dans la Camarilla. Même si j'avais aidé à virer LaCroix de Los Angeles, les Anciens y avait vu une bonne chose puisque monsieur allait sucer le sang d'un Antédiluvien. Ils auraient quand même pu me refiler autre chose comme refuge à Paris qu'un taudis misérable ! Enfin, pour en revenir à Popaul, ça n'était pas le Prince de Paris mais le troisième dans la liste à viser la tête du Sénéchal avec un fusil à lunette sauce marionnettiste. Un fusil snipper qui lâche une marionnette qui beugle « lâche moi ta place !! » Bref, je me méfiais de lui tout en me disant que je devrais sans aucun doute aider le Sénéchal Maximilien à se débarrasser de lui. D'abord pour récupérer son bar (il n'y a pas de menus profits) ensuite pour me faire bien voir par Max et donc par le Prince.

Pour l'heure je me dirigeais avec mon eurasien vers le comptoir. Il semblait être comme à la maison, c'était intriguant. Mais mon sourire collé aux lèvres m'interdisait tout commentaire. Je lui demandai sans indiscrétion s'il avait été attendu ici. Il me répondit en posant son coude sur le comptoir en commandant un cherry qu'effectivement c'était le cas. Et qu'il aurait été très embarrassé de manquer ce rendez-vous. Je pris place sur un tabouret à dossier haut à deux barreaux à côté de lui. Commandant un verre de champagne en soupirant légèrement comme si cette longue marche m'avait faite souffrir. Ce qui réussit à me faire offrir mon verre (hohoho, que je ne vais pas boire mais faut pas croire que la Mascarade ne coûte rien !) Ce que j'acceptai avec joie en le remerciant tout de même. Maintenant il regardait autour de lui pour retrouver la personne avec qui il avait rendez-vous. Et comme je n'avais pas envie de laisser filer ma canette de sang pour un quidam je regardais à mon tour discrètement, un œil derrière mon épaule. Entre la fumée d'un cigarillo, d'un cigare et d'une trentaine de cigarettes je l'aperçu aussi. Ma proie devint toute chose et j'allais pour me frapper le front du plat de la main en gueulant : « bordel de merde de putain de nuit de chiotte ! » Mais pour des raisons de politesse et de raffinement, je ne le fis pas… Ici… Je le ferai plus tard.

Un jeune homme, grand costaud aux cheveux noirs de jais bouclés coupés très courts (ce qui faisait tapis de poils de chèvre rapiécé) au visage rond comme une cible de fléchettes, aux prononcés sourcils noirs, aux nez droit (qui le sera moins je sens) pas très fin, aux lèvres épaisses et aux yeux bleus pailletés de l'or de la trahison. Appelez le Judas. Il était habillé d'une chemise noire à manches courtes et au pantalon de lin noir avec des chaussures noires. Il leva le bras droit portant la lourde montre en maille de métal en une parfaite imitation de ma proie qui me donnait maintenant plus envie de vomir le D.J que de le mordre. Mais qu'est-ce qu'il foutait ici ce con ?!

Regarde le bar Lia, mate les bouteilles qui te font de l'œil méchant juste en face de toi Lia. Contrôle, respire enfin fait semblant. Non en fait pas trop semblant. Reste collée le cul sur ta chaise et reste polie et semble détendue. Tu n'as pas du tout une forte envie irrépressible de profiter d'être un vampire pour lui arracher la tête comme on arrache une fleur d'un pot. Si en fait tu t'imagines déjà lui arrachant la tête en plein milieu de la salle, qu'est-ce que je n'ai pas dit moi...

Zappons le discours des deux bavant et le baiser donnant tout son sens au terme 'succion' et levons tout de même les yeux pour saluer le connard débarqué à Paris, mais qu'est-ce que j'ai fait à Lucifer pour mériter ça ? Enlaçant étroitement mon ex proie en plein milieu de ce qui n'était pas un bar pour gay sans éducation aux dernières nouvelles (encore une bonne raison de piquer son affaire à Popaul) il me snoba. Ou alors j'étais transparente, hého ! Vous n'avez pas fini de vous chuchoter des trucs à l'oreille avec des airs de chiens en rut juste à côté de moi ? Il parlait japonais maintenant cet empaffé ? Bon, ras la vitae : « bonsoir, » fis-je d'une voix claire en japonais. Et là ils se tournèrent vers moi et il me reconnut. Faisant : « hey ! Salut !! Comment tu vas ? » Avec un hey exclamatif les yeux ronds, un salut avec un sourire de requin qui se croit séduisant, et un comment tu vas hypocrite. Est-ce qu'avec mon teint de mort j'ai l'air bien ? Continuant la discussion en japonais je me levai et il crut qu'il devait m'aider mais de l'autre main j'écartai la sienne. Le fixant dans les yeux. « Je me sens un peu malade depuis quelques secondes, comment s'appelle ton nouveau parfum ? »

Il n'eut pas de réponse et son copain non plus. Je feignis la surprise, une main devant les lèvres. « Oh, pardon, ça ne doit pas être le nouveau Vilipender 51 ! »

Le Vilipender était un parfum très controversé dont la publicité était très mal reçue par le grand public car elle le prétendait LE parfum pour gay et présentait deux mâles bien vulgaires dessinés par le Français Kinu. Le dessinateur par excellence des gays français. Je vous laisse tirer les conclusions de mes paroles à ce moment là. Ils étaient sciés, cloutés, placardés, encastrés (lui malheureusement pas castré). Et Judas après avoir réussi à fermer la bouche me laissa le temps de lever mon verre pour faire semblant de boire en haussant un sourcil interrogatif. « Hum, excusez-moi. Ce fut un plaisir de te revoir Judas. Et un autre de vous rencontrer monsieur, » fis-je en reposant mon verre pétillant du terrible liquide or clair. Puis prenant l'escalier interdit aux non membres des privilégiés. Je les voyais d'un œil l'air abasourdi. Il s'excusa auprès de mon ex proie « 5 secondes », à bon. Je vaux que cinq secondes. Bah c'est déjà mieux que cinq jours de vent. Il réagit comme un éclair !

Moi j'avais remarqué mon mentor et ami Brujah Jack en haut appuyé sur la balustrade. Qu'est-ce qu'un… Enfin je devrais m'y être habituée, Jack c'est Jack ! Il fait ce qu'il veut ! Il portait un jean bleu et un tee-shirt kaki. Jack aurait été un pirate du temps de son Etreinte. C'était un grand noir américain aux mi-longs cheveux en dreadlocks plutôt propres malgré tout. Il avait les yeux noirs et son visage d'aigle démoniaque était fendu d'un immense sourire alors qu'il riait de son rire si communicatif de sa voix grave. « Woh, petite ! » Fut tout ce qu'il eut le temps de me dire avant que ses yeux ne se tournassent pour m'indiquer que Joe LaPoisse aka Judas aka Judas se tenait derrière moi. Je sentais la chaleur de sa large main moite se rapprocher de mon épaule. Je me retournai avec un sourire et avec toute l'expérience de la brute que j'avais acquise en huit mois, je lui envoyai ce qu'on dénomme poétiquement comme 'mon poing dans sa gueule'. Que je corrige en 'mon poing vengeur version fusée téléguidée jusqu'à sa sale tronche d'hypocrite qui se la mesure tous les jours pour jouer à Kiki l'a la plus grosse.'

Et sans utiliser un dopant sanguin s'il vous plait. Il recula de plusieurs pas pendant que calmement je regardais les ongles longs et en amande de ma main ruineuse de joue. « Ca c'est pour m'avoir traitée ni plus ni moins que comme un cafard nuisible quatre mois après t'avoir fait des reproches et désiré des excuses de ta part. » Puis je me rapprochai de lui sur l'étage vide, peu de gens regardaient en plus de l'eurasien. Et Jack riait du spectacle. Judas me regardait exactement comme si j'étais folle en tâtant sa joue, puis fronça les sourcils exactement comme si j'étais conne. Il allait ouvrir la bouche mais je sautai pour lui envoyer mon pied au visage, entendre son nez craquer et se casser. Ecouter avec délice le sang éclabousser le tapis persan. Et lui s'étaler sous le choc contre le mur pour glisser contre. Son nouveau bouchon montait à présent l'escalier quatre à quatre vers lui mais Jack, qui était trop content de me voir déclencher une bagarre lui envoya son poing au visage pour lui faire redescendre l'escalier… Moi je m'accroupis en face de Judas pour m'asseoir sur son ventre et lui plaquer les mains tordues contre le mur. N'écoutant qu'un peu le carnage commençant en bas. « Et ça c'est pour n'avoir agi envers moi en réalité que comme un hypocrite nombriliste, trompeur et traître. Attends… »

Me débrouillant pour le tirer jusqu'à la ruelle de derrière, je lui frappai le visage contre le mur de brique histoire de bien ruiner son visage, et sortant mon cher couteau je le bâillonnai pour trancher ce qui avait fait exploser son ego. C'est-à-dire ses couilles. Prenant ensuite un peu de son sang pour le plonger dans l'extase et par une technique bien pratique de présence alliée à l'extase du Baiser : lui faisant oublier mes gestes mais pas mes paroles.

Le laissant là, Jack eut la bonté de m'envoyer son copain avant d' « y retourner ». Je convainquis après son ami qu'il avait été celui qui lui avait coupé les burnes par jalousie. Somme toute, ceci était très humain. J'étais une rancunière impitoyable par nature, je n'étais pas en contradiction avec moi-même.

Il allait pouvoir répéter en vain qu'il savait qui lui avait fait ça : un vampire, mais personne ne le croira. De un parce que les vampires n'existent pas, de deux parce que le coupable était son petit ami qui avouait avoir agi sous la jalousie pour 'Olivier'.

Jack m'aida ensuite à trouver une boite à chaussure pour y mettre mon trophée en riant comme un pendu. Le bar était sans dessus dessous et il avait convaincu les clients témoins comme la goule que ça avait été le petit ami.

Une fois les bijoux balancés joyeusement par-dessus un pont de la Seine, Jack hilare adossé contre la rambarde du pont à côté de moi me remercia pour le spectacle ! Il n'avait jamais eu une si bonne occasion de s'amuser tout en plombant les finances et l'affaire d'un Ventrue de la Camarilla ! Il me demanda ensuite des explications. Ceci une fois devant un bon verre de frais sang brûlant (ou Bloody Mary), réchauffé sur une pierre volcanique dans le Rouge Velours, le bar des Anarch de Paris. Bar où après Los Angeles Jack m'avait suivi. Lui et Nines Rodriguez. Au coin du feu de l'immense cheminée au fin fond de la salle à une petite table ronde surélevée et assise sur un haut tabouret je lui racontai l'histoire. En le foudroyant régulièrement des yeux lorsqu'il riait comme un tordu. Finissant quand même par dire à la fin qu'il était content de ne pas être ce type envoyé à l'hôpital et qui allait avoir du mal à s'en remettre. Moi j'espérai qu'il s'en remette pour pouvoir lui éclater la tronche une deuxième fois en face à face.

« Nines n'est pas encore revenu ? » Demandai-je avant de siroter mon grand verre bien mérité. Nines m'avait sauvé la tête la nuit de mon Etreinte en apostrophant LaCroix après que celui-ci ait fait décoller la tête des épaules de mon Sire. Nines était un Brujah comme Jack et il m'avait ensuite sauvé la non-vie des gars du Sabbat après que j'eusse fait exploser leur entrepôt. Jack m'avait dit que c'était parce que Nines m'aimait bien car lui aussi n'avait pas eu de Sire. Et j'ai failli arracher la tête à LaCroix sur place et malgré son gorille de Shérif quand celui-ci a annoncé qu'il avait lancé une Chasse du Sang sur mon copain Nines. Jack m'apprenant ensuite que ce même Prince LaCroix m'avait faite porter le chapeau pour sauver sa tête. Heureusement Nines s'était fait passer pour mort en utilisant un vampire qu'il avait fait lui ressembler.

« Non ! Les catacombes de Paris sont immenses, il en sortira sans doute avec l'artefact demain soir, » me répondit Jack avec un sourire en levant légèrement son verre qui en disait long sur ce qu'il pensait à chaque fois que je lui demandais si Niny était revenu.

« Roh, ça va hein ! »