Downtown Los Angeles, 11 novembre 2010 à 18h45

Il était très tard quand je suis sortie de la maison d'édition, mais j'étais heureuse d'avoir réussi à signer un contrat de quatre ans pour ma première série de manga appelée Rose's Mask. L'histoire d'une jeune femme qui se retrouve du jour au lendemain transformée en vampire dans un univers proche du nôtre où règnent la violence dans un gant de faux semblants.

Bon d'accord, il n'était que 18h45 à ma montre mais j'étais à Downtown, j'étais une fille seule, il faisait nuit et j'étais encore plus physiquement désavantagée parce que j'étais légèrement handicapée orthopédique. N'empêche que mes chances de fuite réussie étaient encore plus basses que pour une fille normale. Il fallait ajouter un gros pourcentage dans la chance de se casser la gueule par terre et ajouter un malus à la vitesse de pointe en course à pieds. En plus je n'avais que mon sac pour me tenir d'arme, d'accord il était plutôt lourd à cause de l'immense bordel amassé dedans… Mais c'était encore plus pathétique, c'était la même chose que la vieille grand-mère : pas adroite, pas rapide et armée de son sac à main.

En plus de ça, le centre ville de Los Angeles était tel que je me l'imaginais : comme Bordeaux : crade, trottoirs dangereux et mal éclairés, aussi que très mal fréquentés. Et comme Los Angeles était jumelée avec Bordeaux (ben oui, c'est d'ailleurs grâce à ça que j'ai pu arriver finalement ici) je m'y sentais comme chez moi. J'avais vécu toute mon adolescence et fais mes premiers pas en tant qu'étudiante et jeune adulte à Bordeaux alors…

Mais même, en marchant je rêvais surtout à un GPS pour être sûre de rentrer à mon hôtel sans me perdre dans des ruelles sombres et étroites, et à une méga lampe torche, du genre projecteur d'hélico. Aussi à deux trois gardes du corps qui ne seraient pas ces potiches en costar qu'étaient ceux de Minako Aïno alias Sailor V dans la série live de Sailor Moon. Je rêvais aussi du tram, parce que Los Angeles était très mal desservie en matière de transports en commun et que j'avais mal aux jambes. J'étais debout depuis 6 heures du matin pour finir les dernières planches du pilote de mon projet, j'avais tourné au café et au thé. L'hôtel était loin même si je m'étais débrouillée pour trouver au plus près, et le rédacteur en chef m'avait fait attendre dans son bureau, debout, pendant un quart d'heure. J'ai défendu mon projet pendant une heure en l'imaginant en caleçon (j'ai même failli éclater de rire à la première prise). Maintenant je marchai au pifomètre en me disant que je n'avais pas froid ce qui était un mensonge éhonté parce que malgré la gentillesse de la température, j'avais oublié de prendre ma doudoune. Je n'avais qu'un jean bleu à pattes d'ef et un chandail violet au décolleté en v avec aux pieds des bottes noires. Mes cheveux blonds me tombaient sur les épaules.

« Voudriez-vous que je vous raccompagne, mademoiselle ? » Me fit quelqu'un en français. Je m'arrêtai en hoquetant de frayeur et regardai autour de moi pour voir à ma droite, debout, un homme. Un très bel homme, un vrai canon de beauté qui arborait des cheveux roux aux reflets sanglants et de beaux yeux en amande d'un marron profond et presque chatoyant. Il portait un pantalon noir moulant et une chemise rouge en soie entrouverte. En le voyant je pensai immédiatement à J-C dans les livres d'Anita Blake. Un maître vampire sexy 'comme une nuisette en soie'.

« Heu, vous êtes Français ? Heu je veux bien oui s'il vous plait monsieur ce serait gentil, » répondis-je à moitié en bafouillant et remontant d'une main mon sac à main sur mon épaule. Et j'essayai aussi de ne pas claquer des dents en les serrant. Sourire comme ça est difficile mais j'y arrivai.

« Je m'appelle Joshua Salomon et vous ? » Me demanda t-il en m'invitant d'un geste ample du bras à ouvrir la marche, c'était très galant de sa part.

Et puisqu'il me raccompagnait en étant aussi beau et galant FRANÇAIS (j'ai tellement peur et je suis si fatiguée que verser dans la xénophobie ultra patriotique pour 20 minutes ne me dérange pas) je pouvais bien lui donner mon nom. Et l'espoir immédiat d'avoir un ami Français dans cette ville dansa devant mes yeux. « Et moi je suis Aurélie, enchantée, » répondis-je avec un autre sourire plus naturel en commençant à marcher.