Chapitre I
1935 – Mizpah Hotel & Casino – Los Angeles
Sur un rythme endiablé de Swing, les corps s'élançaient aux battement effrénés de la batterie et de la voix, si prenante et grave, du chanteur qui s'élevait et dansait dans la salle tout comme dans la rue. Une odeur de cigarette planait en haut de cette gigantesque salle de bal, et les pas de ces dames laissaient résonner leurs accessoires, autant ceux de leur robes que ceux qu'elles choisissaient avec tant de soin. Les hommes eux étaient tous sur leur trente-et-un et se ravissaient du spectacle de ces femmes et de leurs corps élancés, ils adoraient suivre leurs pas rapides et si bien choisis, profitant de cette peau nacrée et de ces tendres formes que leurs partenaires laissaient à leur vue plus qu'enjouée. Quelques groupes de personnes restaient assis à leur table, profitant de la musique et du spectacle qu'offrait ces quelques danseurs amateurs. Les femmes assises se laissaient aller à certaines discutions, elles riaient, s'amusaient et sirotaient un délicieux champagne ou vin coûteux, importés spécialement de France pour leurs papilles, à chacune sa préférence. D'autres manifestaient un certains intérêt à la douce odeur que dégageait les cigarettes que fumaient les hommes non loin d'elles, les poussant même à sortir leur plus beau fume-cigarette, pour qu'à leurs tour, elles puissent déguster cet arôme si populaire. La fête battait son plein, jusqu'à ce que le populaire morceau de Jerry Goodman qu'est ''Sing, Sing, Sing'' ne s'achève et que les hommes autant que les femmes n'aillent rejoindre leur place face à cet effort qu'impose la frénétique danse qu'est le Swing. Les musiciens eux même étaient épuisés, ils s'offrirent alors une courte pause, laissant leurs membres presque engourdis se rétablir à vitesse grand V. Le chahut qu'imposait les discutions reprit de plus belle, tout était susceptible d'être un sujet de débat, chaque table ayant sa propre atmosphère: il y avait les blagues plus ou moins douteuses d'un vielle oncle, les discutions plus studieuses sur la politique et les classes sociales et, bien sûr, les fameuses, et sans doutes les plus répandues, conversations sur ces stars qui font tant rêvées. A leur retour, les musiciens décidèrent de jouer un morceau beaucoup plus doux et calme, c'est alors que les quelques notes d'une sérénade prit place dans la salle, forçant ces beaux princes à se courber devant leurs belles promises. Pour chaque main qu'elles acceptaient, une tendre parole, un sourire charmeur, un baisé, tous se succédèrent, non pas sans déplaisir. Les quelques corps timides se virent rougir en cœur, avant de se laisser entraîner par cette mélodieuse musique, emplis de tendresse, tous ne semblaient faire qu'un au son de ces trompettes et autres instrument à vent qui les berçaient de tendres rêves, un amour éternel comme personne n'en a jamais connu.
Est-ce cela qu'on appellerait Amour?
C'est dans un mutisme des plus totale qu'elle observait ces corps allant et venant, cherchant à comprendre ce que cela pouvait être, se questionnant intérieur sur ce qu'elle pourrait bien ressentir à leur place; la même chose? Peut-être ne rien ressentir? L'expression qu'elle arborait trompait aisément sa pensée. Se tenant à une distance plus ou moins raisonnable de ses consœurs amusées, elle ne remarqua pas la foule de spectateur qui l'observaient elle en cet instant, se demandant lequel d'entre eux serait le plus courageux pour approcher une tel créature. Elle qui avait des traits particulièrement remarquables, ses cheveux châtains clairs tournaient presque dans un blond léger, ils étaient long et bouclés et cascadaient avec tant de sensualité sur ses épaules recouvrant une partie de son dos. Ses yeux prenaient eux une forme amende, qui trahissait le plus souvent son métissage, mais n'ôtaient en rien sa beauté, s'ajoutait à cela une couleur particulièrement rare et chaude qu'arborait ses iris: un rubis, un cinabre ou un grenat s'était emparé de ceux-ci, ne faisant qu'accentuer le côté anodin de ce métissage. Mais sa beauté ne s'arrêtait pas à ce regard particulièrement aguicheur, ses lèvres étaient elles fines mais bien dessinées, laissant transparaître un léger rouge à lèvre à peine plus rosé que leur couleur naturelle. Ce qui avait tendance à ajouter ce petit côté désireux et désirant de connaître le doux baiser d'un amour naissant. Son corps élancé penchait un tant soit peu sur la droite, lui permettant de s'adosser un minimum sur une de ces grandes colonnes aux allures grecques. Sa robe, quand à elle, était longue et fendue le long de sa cuisse gauche, on ne pouvait apercevoir ses chaussures que grâce à cette ouverture, de long et fin talons aiguilles noir. Malgré son air princier qui avait tendance à effrayer ces hommes qui ne sentaient pas à la hauteur d'aguicher une telle créature dans ses plus intimes réflexions, mais un homme s'en alla la rejoindre avec la bravoure des princes.
-Bonsoir Mademoiselle, je m'excuse de l'audace qui me prend que de vous parler ainsi, mais une question tourmente mon esprit et ce depuis quelques instants. Pourriez-vous m'aider à élucider ce que je considère comme étant un grand mystère?
La jeune femme sourit à cet inconnu qui était des plus courtois et qui utilisais des tournures particulièrement distinguées tout en étant à la fois cocasse. Elle s'éloigna de cette colonne afin de faire face à ce bel homme, qui, malgré un costume tout à fait banal, ressemblait trait pour trait à un noble prince. Ses cheveux étaient parfaitement peignés, coiffés en arrière avec beaucoup de soin, ses yeux avaient une couleur profonde dans laquelle n'importe qu'elle femme pouvait s'y noyer et il avait ce sourire d'acteur, en plus d'avoir cette voix douce mais grave qu'arborait les plus talentueux et les plus fameux chanteur de ce temps.
-Ma foi, si je puis être d'une quelconque utilité dans votre recherche, il sourit face au non-rejet de cette inconnue, qui l'autorisait à poursuivre la conversation.
-Je vous remercie bien. Ma question est des plus simples: Êtes-vous réelle ou suis-je sous l'emprise d'un excès de boisson? Elle sourit de plus belle.
L'homme se sentit comme soulagé de voir son acte impertinent récompenser par ce tendre mais néanmoins sincère sourire. Comme si ce simple acte suffisait pour rendre sa soirée être la plus douce et la plus agréable d'entre toutes. Les autres hommes pâlirent de jalousie face à son succès qui semblait si aisé, se mordant presque les doigts à cause de leur lâcheté.
-Que de flatteries. Je vous assure que je suis bel et bien réelle, mais cela est-il vraiment suffisant pour votre enquête?
-Je dois vous avouer que non. Pour cela, et comme tout bon scientifique le ferait, une danse me semble obligatoire afin de démontrer que vous êtes bien là.
Il lui tendit alors sa main, prêt à l'emmener dans ce rêve que tous les autres danseurs avaient prient d'assaut quelques notes auparavant. Elle hésita cependant un instant avant de laisser son être guider par cette, forte mais tout aussi douce, main qui l'emmena tendrement sur la piste de danse. Son regard plongé dans les iris de son partenaire, lui-même restait fasciné par la couleur des siens qui arboraient une couleur qu'il n'aurait su décrire mais qui transcendait son âme. Petit à petit ils se laissèrent entraîner par la foule, imitant les pas des autres danseurs, emportés par cette même musique qui pourtant semblait différente pour chaque personne présente sur la piste de danse. Un monde rien qu'à eux. Ils dansèrent avec le rythme léger de ces instrument à vent accompagnés par une batterie presque insonore et d'une contrebasse qui offrait un son dérobé à l'un de ses confrère qu'est le Jazz.
-Maintenant que j'ai pu conquérir votre main, aurai-je le plaisir d'entendre votre doux prénom?
-Il vous semblera étonnant au premier abord.
-Rien ne m'étonnera plus que ces crises économiques vous savez.
-Je crains qu'il ne le soit, car mon prénom n'est autre que Shizuru.
Il s'étonna un instant de cette réponse, prétextant presque une mauvaise audition de la réponse.
-Votre ouïe ne vous fait pas défaut. Mon prénom vient d'une île plus à l'ouest en plein Océan Pacifique.
-Je vois. Et bien, je suis ravie de voir qu'une si belle Sirène d'une île de l'Océan Pacifique m'ait accordée la plus belle des danses de cette soirée.
-Tant de belles paroles s'extirpent aisément de votre être. Seriez-vous poète Monsieur? il ria un instant.
-Je suis navré de vous décevoir, mais je ne suis pas plus poète que ne l'est notre cher Président Roosevelt. Si cela ne vous importune pas, j'aimerais garder mon identité secrète pour l'instant.
-Seriez-vous un homme célèbre?
-Vous pouvez dire cela ainsi.
-Dois-je vous appeler ''L'homme Mystérieux'' dans ce cas?
-Cela me convient parfaitement.
Les heures passèrent, les musiques s'enchaînèrent, les plus belles et surtout les plus romantiques ballades se succédèrent à cette heure de la soirée. Quand survint la fin de cette nuit de joie, les deux nouveau amant s'échangèrent un dernier regard, l'homme laissa sa belle sirène regagner sa chambre d'hôtel tandis qu'il irait affronter le froid de la nuit, mais le cœur emplis de joie et d'espoir. Shizuru, quitta le seuil d'entrée de l'hôtel et prit le majestueux ascenseur qui se trouvait non loin de l'accueil. Une fois à bord du merveilleux engin qui était recouvert de marbre avec juxtaposé au milieu de celui-ci un immense miroir, le groom qui était toujours aussi droit qu'un '' i '' emmena la jeune femme à son étage. Il lui signala son arrivé la laissant sortir hors de l'engin, une fois extirper de l'engin de fer, elle fit demi tour et salua l'homme qui semblait touché de cette attention, lui qui n'était rien d'autre qu'un ustensile tout comme l'était cette invention de l'ancien temps réaménager aujourd'hui à l'ère du temps. Il salua avec un certain entrain cette sublime femme qu'il avait facilement remarqué le jour de son arrivé à l'hôtel et la cage d'ascenseur se referma sur un groom souriant de toute ses dents. Shizuru s'approcha de sa chambre, sortit la clé de son petit sac puis pénétra dans sa somptueuse chambre. A peine entrée à l'intérieur elle retira ses talons, laissant ses pieds caresser la moquette qui était aussi écarlate que sa robe. A cet instant ils se sentaient comme revivre, elle même se sentait comme jouissante de cette petite douceur, elle apprécia ce moment comme un des petits plaisir de la vie, malgré le fait qu'elle était habituée à porter des chaussures à talons. Après quelques secondes de plaisir, elle se dirigea vers sa salle de bain. Shizuru observa quelques secondes son reflet dans le miroir, puis s'empara de ses produit de beauté, elle ôta le peu de maquillage qui recouvrait son visage, coiffa ses cheveux pour empêcher son sommeil d'anéantir ses quelques ondulations, parfaitement faites, qu'elle appréciait sur sa chevelure et fit coulisser doucement la fermeture de sa robe avant de la laisser glisser le long de son corps. Elle se tourna vers sa baignoire, ouvrit le robinet d'eau chaude avant de disparaître dans l'autre salle afin de se servir un verre de scotch. L'eau qui coulait abondement résonnait dans les deux pièces, même si elle appréciait ce son d'eau cascadant à vive allure, elle n'était pas d'humeur à cela. Elle se tourna alors vers son gramophone laissant un Fred Astaire chanter cette chanson qui l'avait tant troublée lors de sa sortie cinématographique – ''Cheek to Cheek'' – qui ressemblait presque à sa rencontre avec ce mystérieux inconnu. Une fois son verre terminé, elle retourna dans la salle de bain, coupa l'eau chaude et se hissa dans sa baignoire laissant l'eau presque brûlante recouvrir son corps qui semblait ravit par ce geste, il semblait avoir succomber aux efforts fournis la nuit avec son cavalier, dont le regard ne manqua pas d'attirer la convoitise de plusieurs femmes. Quand elle eut terminée son bain, les quelques goûtes qui perlaient sur son corps aussi blanc et soyeux que de la porcelaine, se retrouvèrent happer par sa serviette qu'elle déposa sur une chaise non loin de sa commode. Elle s'empara de sa nuisette rose et très en vogue, puis se vêtit de ce léger bout de tissus qui épousa parfaitement ses formes démesurément aguicheuses. Elle éteignit sa lumière, espérant que Morphée lui concède une autre danse dans ses songes.
La pluie commença à s'emparer des toits, trottoirs et autre âme qui se mouvait au dehors, malgré les sons de battement contre sa fenêtre, Shizuru se sentit emporter au loin, rapidement ses douleurs physiques disparurent, son corps était devenu léger, voir absent.
Le bal pouvait alors reprendre.
