Je me souviens, et j'ai pas honte d'avouer que c'est douloureux et foutrement niais.

Je me souviens que les gens que je connaissais se sont évaporés, mais c'est ta mort qui a fait partir mon monde en fumée.


On a grandi trop tôt. J'avais douze ans et t'en avais huit, Odin voulait nous monter l'un contre l'autre et qu'on se batte pour le trône. Sauf qu'on était trop jeunes pour comprendre, on voulait que le bonheur, on était des gamins privilégiés, on se vautrait dans la richesse en abusant des dernières années de prospérité. Mais on s'est éloignés. Moi j'étais déjà grand et fort, mais j'ai jamais rien eu dans la tête. Je frappais sans réfléchir, j'étais un guerrier. Je me faisais des amis et je te laissais de côté. Toi t'étais une boule d'intelligence, froide et impossible à approcher, tu restais dans ton coin et je m'en foutais.


On s'est aimés trop tôt. J'avais dix-sept ans et t'en avais treize. C'était pas bien ce qu'on faisait, on s'en rendait compte mais on pouvait pas s'en passer. On s'embrassait à corps perdu dans des recoins sombres du palais, je m'étonnais toujours de la froideur de ta peau alors que tes yeux brûlaient comme un feu ardent. A cette époque, on se croyait toujours du même sang. Entre deux baisers gelés brûlants, tu m'as soufflé qu'on était maudits. On en a rit alors que j'avais envie de chialer sans comprendre comment tu pouvais trouver ça drôle parce que putain, t'avais raison.


On s'est haï trop tôt. J'avais vingt-deux ans et t'en avais dix-huit. Peu à peu, dans ton esprit, la jalousie a pris le pas sur l'amour et je voyais rien, j'étais qu'un con aveugle. Odin m'a banni sur Midgard, puis y avait cette fille, Jane. Toi tu m'avais déjà barré de ton coeur. On a jamais été frères, on l'a jamais été et on le sera jamais. Je rigolais avec elle, et en réalité je riais pour toi. Je l'ai jamais aimée. Et tu le savais.


On est morts trop tôt. Je compte déjà plus les années. Tu es tombé dans les abysses et j'en ai crevé de chagrin. Tu me tues à petit feu mais j'ai trop besoin de toi pour m'éloigner de ta présence néfaste. Heureusement, tu finis toujours par revenir parce que Hela est étrangement clémente avec toi. Mais en fait t'es devenu aussi froid qu'un cadavre. Tu attirais la mort et le désastre autour de toi. Au fond le Loki que j'adorais est jamais revenu du vide spatial.


On s'est séparés trop tôt. Et trop brutalement. Tu ne l'as jamais montré mais tu l'as très mal pris que je sorte avec Jane. C'était qu'une mortelle sans intérêt, qu'est-ce qu'elle avait de plus que toi ? Alors toi aussi tu t'es rabattu sur quelqu'un d'autre. Ça m'a rendu atrocement jaloux. Le soir venu t'étais allongé sur la table entre mes jambes et t'avais l'air beaucoup trop satisfait pour que ce soit innocent. Au fond tu l'as toujours su, qu'on finirait par se retrouver.


T'es parti trop tôt. C'est une phrase typiquement midgardienne m'enfin ça tu t'en fous. Mais elle est cruellement adaptée. T'as été plus courageux que moi face à Thanos, même si je comprendrais jamais pourquoi t'as gardé ce Tesseract. C'est probablement un truc magique que toi seul comprend. T'es trop intelligent et c'est en m'en rendant compte que je me rappelle que je suis ridiculement con.


Tu me manque. Les autres aussi mais bon, les autres c'est pas toi. J'imagine toujours ta peau trop froide, qui bleuit au contact de la glace. J'imagine ton sourire sarcastique, tes doubles plus faux que toi, ta poigne de fer et tes larmes de plaisir. Ça me hante. Ça me tue, ça me fait du bien.

Mais c'est trop tard.