Bonjour et bienvenue :)
Ça fait quelques semaines que je pense à cette histoire. J'ignorais la forme qu'elle prendrait jusqu'à ce que je commence à l'écrire. Je ne sais pas quelle forme elle prendra par la suite. Comme toujours, je suis mon instinct, et on verra bien :)
N'hésitez pas à me faire partager vos impressions sur ce premier chapitre, je serais ravie de vous lire.
Un chapitre largement inspiré par des morceaux de l'OST de Bleach tels que No Regresar ou Never Meant to Belong, en passant par les génériques, et surtout le premier, Orange Range :)
Enjoy !
I
C'était son jour de repos. Le premier depuis un mois entier. Allongé dans son lit moelleux, il somnolait en écoutant distraitement le vent bruisser dans les rideaux et les oiseaux converser de leurs voix flûtées. Un rectangle de soleil s'allongeait sur les draps en réchauffant agréablement son ventre et sa poitrine. Il commençait à rêver quand soudain, un hurlement fit bondir son cœur contre ses côtes.
« Ichigo, enfoiré ! Lâche mon putain de zanpakutō !
— Tu pourras l'avoir quand tu sauras t'en servir correctement, abruti !
— M'en... PARDON ?!
— Tu m'as bien entendu ! Tu trouves pas que tu t'es un peu ramolli ?
— Tu t'es vu ?! T'as glandé tout l'été au lieu de t'entraîner ! T'as même du bide !
— Répète un peu ça pour voir ! »
Byakuya referma les yeux et poussa un petit soupir. Juste un tout petit soupir. Même seul, il était trop réservé pour se permettre quelque chose d'aussi expressif qu'un gros soupir. Cela dit, la situation requérait son intervention immédiate, aussi, fait exceptionnel, il ne prit pas le temps de se coiffer et se contenta de la robe de chambre soigneusement pliée sur la chaise pour toute tenue vestimentaire. Il tira la porte coulissante et sortit sur la galerie couverte, puis tourna la tête sur sa droite, où Renji et Ichigo se chamaillaient si bruyamment qu'ils avaient fait fuir tous les oiseaux du voisinage.
« Je peux savoir ce que vous faites ? » demanda-t-il sans élever la voix.
Les interpellés se statufièrent. C'était à peine s'ils clignaient des yeux. Byakuya laissa passer une seconde, puis deux. Renji et Ichigo émergèrent tout à coup de leur transe, parfaitement synchronisée. Ils se ressemblaient tellement que c'en était presque agaçant. Le même caractère soupe-au-lait, la même volonté de s'améliorer, sans cesse contrée par un leur propension à la mélancolie et au doute. Et probablement le même potentiel pour devenir, un jour, des meilleurs shinigamis que lui. Mais ce jour était encore loin.
« Pardon, capitaine, bredouilla Renji. Nous avons dérangé votre repos. »
Byakuya lui adressa son meilleur regard vide.
« Je... euh... Retournez vous reposer, je vous en prie, reprit Renji. Toutes nos excuses. »
Byakuya le contempla encore quelques secondes en silence. Il réfléchissait afin de déterminer si une sanction s'imposait ou non, mais Ichigo interrompit le cours de ses pensées avec sa grossièreté habituelle.
«Yaa, Byakuya ! Quoi de neuf ? »
Le capitaine haussa imperceptiblement un sourcil. Son impolitesse le laissait toujours aussi pantois. Le jeune humain ignorait tout des bonnes manières, mais Byakuya ne pouvait pas réellement l'en blâmer : ce n'était pas sa faute s'il avait reçu une éducation déplorable. Il se contenta de le rappeler à l'ordre :
« Ne m'appelle pas par mon prénom. »
Ichigo ne l'entendit pas – ou fit semblant de ne pas l'entendre, c'était toujours difficile à savoir avec lui. Il se tourna vers Renji et lança :
« On n'a qu'à régler ça sur le terrain d'entraînement. À moins que t'aies peur ?
— Peur de toi ? Tu maîtrises à peine ton bankai...
— Parce que tu crois que tu m'impressionnes avec ton serpent en kit et de ta moumoute rose ?!
— Essaie encore un peu d'insulter mon bankai !
— Renji. »
Le shinigami aux cheveux rouges se statufia de nouveau. Byakuya n'avait presque jamais besoin de hausser le ton, mais ce n'était pas spécifique à Renji. Non que cela l'étonne particulièrement : il ne concevait pas qu'on puisse lui désobéir, à plus forte raison quand on s'appelait Renji et qu'on était son subordonné.
« À cause de toi, je me fais engueuler ! chuchota Renji à son acolyte, comme si Byakuya n'allait pas l'entendre.
— C'est pas mon problème ! rétorqua Ichigo en relevant le menton d'un air arrogant.
— Ouais, attends un peu que Rukia te fasse la leçon, tu rigoleras moins. »
Byakuya sentit un fourmillement familier à l'intérieur de ses fosses nasales. Son nez le grattait systématiquement quand il se sentait agacé, et c'était généralement de cette façon qu'il prenait conscience dudit agacement. Depuis la mort de sa femme, Byakuya avait quelques difficultés à se connecter à ses propres émotions. Il en avait pris l'habitude, et à vrai dire, depuis qu'il avait cessé de ressentir la plupart de ses émotions, sa vie était devenue plus calme. Le choc immense qui avait dévasté son existence à la mort de son épouse avait tout emporté, y compris la partie la plus... humaine de son être. Après avoir vécu des semaines de cauchemar, il lui avait semblé qu'il s'était endormi. Il dormait toujours, assistant à sa vie et à ses événements avec un vague intérêt. Il ne lui restait plus qu'une liste de principes inébranlables qui constituaient la base et le ciment de sa personnalité. Tout le reste était accessoire. Dispensable.
Avant qu'il ne puisse réprimander Renji en bonne et due forme, celui-ci avait déjà filé avec Ichigo.
Byakuya redressa la tête vers le ciel uniformément bleu, et prit un instant pour savourer la caresse tiède qui agitait les pans de son kimono et glissait sur sa peau nue. Il éprouva une forme de satisfaction en réalisant, presque comme chaque matin, que si son cœur semblait s'être arrêté, son corps était de plus en plus sensible. Il vivait comme une plante ou un animal, une pure existence de sensations dépourvue d'attachement sentimental. Peut-être était-cela, la véritable liberté.
II
« Alors, tu vas lui dire ? » demanda Ichigo à Renji sur le chemin du terrain d'entraînement.
Comme d'ordinaire, leur dispute s'était achevée presque aussi vite qu'elle avait commencé, et s'ils affichaient maintenant tous les deux une mine contrariée, le ton était redevenu civilisé.
« Lui dire ? Tu déconnes ou quoi ? Je suis pas suicidaire !
— Pourquoi ? Je vois pas pourquoi ça l'énerverait. »
Renji se rembrunit.
« T'as pas tort. Ça ne l'énerverait probablement pas.
— Alors qu'est-ce que t'attends ?
— Ça ne lui ferait rien du tout. Tout l'indiffère, t'as pas remarqué ? Je l'indiffère.
— Sois pas si pessimiste...
— C'est toi qui me dis ça ?!
— Commence pas, hein ! C'est juste que si tu tentes pas ta chance...
— Parce que l'as tentée, toi ?
— C'est pas pareil, grogna Ichigo en cherchant les poches inexistantes de son kimono pour y enfoncer ses poings.
— Bien sûr que c'est pareil. On est tous les deux trop lâches pour affronter la réalité. On préfère vivre dans le fantasme.
— Y a quelque chose de mal à garder l'espoir ?
— Non, mais consacrer sa vie à espérer au lieu d'agir, non merci.
— Tu te contredis toi-même.
— Peut-être, mais je suis plus lucide que toi.
— Ferme-la. J'ai pas envie de parler de ça. Je préfère te mettre une raclée.
— C'est dingue, j'avais la même idée ! » s'écria Renji.
Il savait que ses sarcasmes mettaient Ichigo hors de lui. Comment il le savait ? Facile : ceux d'Ichigo lui donnaient des envies de meurtre.
Et pourtant, au lieu de piquer une crise, Ichigo se fendit d'un sourire diabolique.
« Montre-moi ton bankai et je te montrerai le mien. On verra bien qui a le plus gros. »
Renji rougit malgré lui.
« T'as conscience que c'est un peu ambigu, comme formulation ?
— Tu crois que je voulais dire quoi quand je t'ai dit que tu savais pas t'en servir ?! »
Et voilà, Renji était de nouveau furax. Mais il était content, aussi. Parce qu'il savait que Ichigo l'avait fait exprès pour le mettre en rogne. Quand on a les poings qui démangent, on oublie le vague à l'âme. La – saine ? – rivalité entre lui et Ichigo avait été, ces derniers mois, sa bouée de sauvetage. Une part de lui avait renoncé à devenir un meilleur shinigami, parce qu'il lui était de plus en plus difficile de croire en lui-même. Avec Ichigo, même s'ils se défiaient constamment, il n'avait rien à prouver, mais s'il éprouvait l'envie de se défouler, il trouverait toujours en lui un partenaire de combat. Ça le rassurait, et ça apportait une stabilité inespérée dans sa vie, et il soupçonnait qu'il en allait de même pour ce stupide shinigami aux cheveux orange.
Ils étaient arrivés au terrain d'entraînement, une vaste étendue de terre battue nichée dans le dédale de maisons en bois et briques blanches qui formaient le cœur de la Soul Society. Le regard de Renji dériva sur les cerisiers délimitant le terrain, paisiblement alignés dans le soleil impassible. Une bourrasque passa dans son dos. Tous les arbres frissonnèrent, et les pétales se mirent à pleuvoir sur l'ocre de la terre nue. Renji contempla leur ballet hypnotique, et sans qu'il comprenne vraiment pourquoi, la vision le transperça de chagrin. Il lui sembla que la lumière environnante le noyait, broyait sa minuscule silhouette découpée sur l'azur du ciel indifférent. Les pétales dansaient dans la brise, volutes après volutes, puis le vent les dispersait, emportant avec chacun d'entre eux une part de son rêve, une part de sa vie.
La solitude d'un jour de printemps ensoleillé est la pire. Le soleil, la tranquillité, la beauté du matin faisaient de lui un paria. Une âme perdue. Quoi de plus ironique pour un shinigami ?
Le ciel était si bleu... Si bleu...
« Oï, Renji ! Tu rêves ?! Tu vas dégainer, oui ou merde ? Ou tu préfères qu'on se fasse une belote ?! »
Certes, Renji était en train de sérieusement déprimer. Mais cet instant avait eu une qualité pure, suspendue, presque un moment de grâce. Et Ichigo, comme à son habitude, venait de tout foutre en l'air.
« Je vais te massacrer... murmura-t-il entre ses dents.
— J'ai pas bien entendu ! »
Renji ne prit pas la peine de se répéter, dégaina son katana et se précipita sur son ami. Exaspérant, horripilant, mais ami quand même. Et ce matin-là, un ami, c'était tout ce dont il avait besoin.
