Draco faisait sa ronde, marchant d'un pas nonchalent, l'air distant. À vrai dire elle était officiellement terminée depuis quelques temps déjà, mais il ne se sentait pas de retourner à sa chambre. Il savait qu'il ne dormirait pas de toutes façons, et se promener dans le château la nuit, avait quelque chose d'appaisant. Les lumiéres tamisées et dansantes, les sons, l'ambiance de la nuit, c'était tout ce dont il avait besoin en ce moment. Cette tranquilité, ce silence, où il pouvait juste être lui-même, ne pas prétendre, ne pas faire semblant... Juste se laisser aller à la mélancolie qu'il ressentait, qu'il ne pouvait jamais se laisser aller à exprimer autrement... Il soupira, il y avait quand même des fois où c'était une vraie plaie d'être à Serpentard, de devoir se montrer fort, froid et distant constamment...

Comme si c'était ça le pire ! se dit-il, ironisant sur lui-même.

Il s'arrêta et tendit l'oreille. Il avait bien entendu ! Un bruit, comme un sanglot peut-être... Oh super, il allait falloir qu'il dérange quelqu'un en train de pleurer en plus... C'était vraiment pas le bon soir pour ça !

Il se dirigea vers l'alcove d'où était venu le son, et resta figé devant l'image qu'il avait sous les yeux. Potter, le Survivant, le fameux héros dont tout le monde lui rabattait les oreilles à longueur de temps, que ce soit en bien ou en mal, était assis sur le sol, les genoux sur sa poitrine... Autant pour l'image du héros !

Son ennemi de toujours leva les yeux sur lui, et ils s'observérent en silence. Chacun essayant d'analyser la position de l'autre. La bizarrerie de la situation. Le regard de Potter était troublé, las, et il sentait bien que le sien disait la même chose. Il n'avait aucune envie de se battre ce soir... Ce petit jeu ne l'amusait plus autant...

Harry observait le Serpentard, dans l'expectative. Il aurait dû paniquer, au moins stresser un peu. Mais il ne pouvait pas. Il n'avait même pas la force ou l'envie de s'en faire, il s'en remettait juste à son ennemi. En même temps, quelque chose semblait différent ce soir... Malefoy n'avait pas ce sourire narquois qu'il arborait inlassablement quand ils se croisaient. Au contraire, et c'était assez étrange de le voir comme ça, qu'il se laisse voir comme ça, mais il semblait tout aussi perdu et desemparé que lui. Et Harry savait pourquoi bien sûr. Il comprenait même... Était-ce pour ça aussi qu'il ne voulait pas démarrer les hostilités ? Depuis la rentrée, Malefoy n'avait jamais montré qu'il était touché d'une manière ou d'une autre par ce qu'il lui arrivait, comme si rien n'avait changé... Visiblement, ce n'était pas ce qu'il ressentait en fait, ce n'était qu'une façade, et Harry était intrigué par cette vérité qu'il découvrait pour la première fois.

Ils se regardaient toujours, aucuns d'eux n'osant faire un mouvement, quand Draco soupira, le rejoint et se laissa tomber contre le mur aussi. Il s'assit sur le sol également, allongeant ses jambes devant lui. C'était bizarre, mais pas tant que ça finalement...

Ils gardérent le silence quelques instant, puis Draco tourna la tête vers lui.

- Ton parrain ?

Harry acquiesça, mais ne dit rien.

- Pourquoi t'es pas en train de te faire consoler par la belette ou miss-je-sais-tout ?

Il sourit légérement à la question. C'était peut-être une trêve, mais ça restait Malefoy. Même s'il manquait ce ton agressif et vindicatif, même s'il semblait vraiment curieux, s'intéresser vraiment... Et il aurait pu ne pas répondre ! Mais c'était bien d'avoir quelqu'un près de lui maintenant, même si c'était Malefoy. Et il était curieux de voir où ça les ménerait aussi...

- J'ai pas envie de les inquiéter avec ça, répondit-il.

Le Serpentard hocha la tête puis la tourna vers le mur à nouveau. Bien sûr, qu'attendre d'autre de la part du Survivant !?

- Et puis aussi..., continua Harry et Draco tourna son visage vers lui à nouveau. J'ai pas envie d'entendre que ça va aller, que je vais m'y faire... Ou pire encore, que je dois m'y faire ! Que j'ai un combat à mener, que je ne peux pas me permettre de m'apitoyer sur mon sort... Mon parrain vient de mourir, la derniére famille qui me restait. J'ai juste envie de le pleurer tranquillement.

Malefoy le regarda quelques secondes, évaluant ses propos ?, puis hocha la tête à nouveau.

- Je comprends.

Et c'était idiot, mais là tout de suite, ça signifiait beaucoup.

- Et toi ? C'est à cause ton pére ?

Draco retourna à l'observation du mur d'en face.

- Ouai...

Il sembla se perdre dans ses pensées et Harry attendit la suite qu'il sentait venir.

- C'est con, hein ? continua-t-il finalement aprés quelques secondes. Je veux dire, c'est pas comme si c'était un bon père... même pas vraiment un père en fait... Et c'est uniquement sa faute s'il en est là ! Il paye pour ses erreurs, ses mauvais choix... Mais...

- Mais il reste ton père.

Draco chercha son regard, étonné d'en avoir dit autant... et en même temps, pas tant que ça. Parce-que la situation était bizarre, mais en même temps, pas tant que ça... Et il était surpris par la compréhension de Potter, et en même temps...

- Ouai..., se contenta-t-il de répondre.

Harry laissa passer quelques secondes à nouveau. Il sentait toute la fragilité du moment. Malgré la torpeur qui s'était installée, il savait qu'il suffirait de pas beaucoup pour tout changer à nouveau, et il ne le voulait pas. Pourquoi, comment se faisait-il qu'il se sente si bien avec le Serpentard là maintenant ? Que ce soit réciproque visiblement ? Ça n'avait pas tant d'importance pour le moment finalement. Il n'avait pas envie que ça s'arrête déjà.

Il occulta les paroles en relation avec son pére ou ce qu'il avait fait, bien que les propos de son « ennemi » le surprirent au plus haut point et laissaient à réfléchir.

- Et pourquoi tu ne te fais pas consoler par tes amis Serpentards ? demanda-t-il finalement, reprenant sa propre question.

C'était juste pour continuer à le faire parler, pour faire perdurer un peu ce moment hors du temps. Et puis, il se doutait bien de la réponse, mais était curieux de savoir ce que Malefoy allait dire.

- Tu crois vraiment que c'est le genre de la maison Potter ? réagit celui-ci, retrouvant un peu de sa verve habituelle, mais toujours sur ce ton calme, las. Ils seraient plutôt content de voir que je suis touché, profiteraient de la situation. Ce sont tous des fils et filles de... Leurs parents veulent la place de mon père, eux veulent la mienne. On n'est pas chez les Griffondors Potter, y a pas d'amitié qui tienne à Serpentard. C'est l'ambition d'abord !

Et Harry s'en doutait bien, mais quand même... L'entendre comme ça, dit comme ça... Surtout par Malefoy...

- Il n'y a personne avec qui tu peux partager ta peine alors ?

- Non... Juste un Griffondor trop gentil lors d'une soirée bizarre...

Harry sourit. Ouai, c'était décidément une soirée bizarre... Plutôt sympa au final, même s'il se doutait que ça ne changerait rien par la suite. Quoique... Comment se haïr avec la même vigueur aprés ça ? Aprés avoir partager ces choses ? Des choses qu'on avait jamais dites à personne d'autre... Ils n'avaient même pas eu besoin de prêter serment, ils savaient tous les deux que rien ne sortirait d'ici... Comment pouvaient-ils se faire confiance à ce point le temps d'une soirée, et revenir à leur ancienne relation le lendemain ?

- C'est triste... Que tu n'es personne à qui parler !

Draco leva les yeux au ciel. Et voilà, le héros était de retour... Il ne lui avait pas manqué celui-là !

- C'est comme ça Potter ! On est habitué, on a été élevé comme ça ! Je ne m'en sors pas si mal finalement !

Le regard du Griffondor changea, et Draco se sentit remué par la sincère compassion qu'il lisait dans ses yeux. La compassion, quelque chose qu'il avait toujours trouvé absurde, mais maintenant qu'il en profitait... Ça semblait prendre un sens nouveau ! Ça faisait du bien en fait, de savoir que quelqu'un s'inquiétait pour soi...

Un petit rire lui échappa, un léger sourire desabusé s'invita sur ses lèvres.

- Tu te rends compte que je suis en train de te consoler pour la mort de ton parrain, que ma tante à tuer. Et que tu me consoles de l'emprisonnement de mon pére dont tu es la cause.. ? Je me demande ce que lui et Face-De-Serpent penserait de ça !

Harry sourit. Ouai, c'était pas banal. En dehors du fait qu'ils étaient Griffondor et Serpentard, Potter et Malefoy bien sûr...

- Face-De-Serpent ? releva-t-il finalement, amusé par le surnom, et plus encore que ce soit lui qui l'utilise. Mais aprés tout, Malefoy était passé maître dans l'usage de surnoms, lui-même en savait quelque chose !

Draco haussa les épaules.

- Je ne peux pas l'appeler par son nom, mais dire Tu-sais-qui, c'est tellement ridicule !

Potter sembla perplexe, presque choqué.

- Arrêtes, tu penses sincérement que je suis le genre à me prosterner devant qui que ce soit !? Ce truc n'est même plus humain !

Harry laissa échapper un rire à nouveau. Décidément, cette soirée était riche en rebondissement ! Mais ça tombait sous le sens en fait, vu la vanité du Serpentard... Ils ne se connaissaient pas vraiment finalement...

- J'ai toujours cru que tu finirais par rejoindre ses rangs...

- Ouai... Et c'est surement ce qui va se passer d'ailleurs... C'est pas comme si j'avais le choix !

Il voulut dire quelque chose, mais Malefoy enchaîna.

- Il se fait tard, on devrait aller se coucher...

Draco se leva. La conversation devenait trop tendancieuse, il n'était pas prêt à divulguer tant en fait. Il ne se serait pas cru prêt à rien divulguer du tout ! Pourquoi s'était-il laisser aller comme ça ? Mais il se sentait mieux au final, il ne regrettait pas.

Il se dirigeait vers la sortie de l'alcove, quand Potter le rappela.

- Malefoy ! Merci...

Il opina. Toujours cette impression bizarre que rien ne paraissait bizarre, alors que ça aurait dû tellement l'être...

- Merci à toi aussi, dit-il aprés un moment, reprenant sa route vers les cachots.

Harry le regarda partir, les questions s'agitant dans sa tête sans qu'il essaie de les rattrapper. Il était tard, il y avait trop de choses à analyser... Il le fairait demain. Ou peut-être pas en fait. Peut-être qu'il laisserait juste ce moment intacte, sans chercher à comprendre plus...

Est-ce que ça arriverait à nouveau ? se demanda-t-il quand même.