Emma s'assit sur la chaise de son bureau et prit sa tête dans ses main. Elle partait avec Gold dans un peu moins de deux heures, et cette perspective ne la réjouissait guère. Elle repensait à son regard, hier soir, quand il était entré chez elle et avait signifié son désir de voir Hook réduit en charpie.

Non, ce n'était pas un désir, c'était une menace.

Gold avait menacé Emma d'attenter à la vie du pirate pour la faire sortir de Storybrooke.

Il s'en était servi comme monnaie d'échange, comme moyen de pression, et la jeune femme avait accepté sans condition. Pour la première fois, elle n'avait pas cherché à discuter, même si sa requête était parfaitement déplaisante.

L'étrangeté de leurs attitudes n'avait frappé Emma que plusieurs après : elle ne savait ce qui la surprenait le plus. Etais-ce l'utilisation d'Hook par le magicien ou bien la peur panique que cette menace lui avait inspirée ?

Gold était entré dans l'appartement avec la ferme intention de la voir partir avec lui; comme toujours, il avait choisi les arguments les plus susceptibles de voir son interlocuteur se plier à ses désirs. Il avait donc jugé qu'une menace de mort à l'encontre de son ennemi était la meilleure arme pour la décider. Mais pourquoi ?

Pour quelle raison Gold pensait-il que cet idiot de Captain Hook était assez précieux pour qu'elle abandonne sa vielle au moment même ou Cora y errait et conspirait ?

Une grimace fugitive passa sur le visage du Sheriff : il l'avait vue sur le lieu de l'accident. Il l'avait observée de précipiter vers le blessé. Peut-être même avait-il entendu qu'elle avait cherché à soustraire celui-ci du danger qu'il représentait. Mais Emma était le sheriff; il était normal qu'elle s'occupe des âmes de sa juridiction, même si elles n'en étaient pas originaires. L'antiquaire savait parfaitement cela. Il n'était pas logique qu'il fasse ainsi pression sur elle par Hook, comme si son existence lui importait plus que celle des autres, comme si…

Elle avait des sentiments.

Elle frappa du poing sur son bureau. Dans la précipitation de l'accident, elle avait agi instinctivement, par réflexe, et n'avait pas forcément réfléchi aux conséquences. Dans l'urgence du moment, elle avait oublié la prudence : une partie de son indifférence s'était envolée, et elle s'était laissé gouverner par ses émotions.

Avec le recul, elle réalisait qu'au contraire de tous les autres, elle s'était précipitée vers Hook, pas vers Belle; qu'elle avait hurlé de le cacher; qu'elle avait été l'unique à requérir un protection à son encontre en l'absence du Dr Whale, et ce alors que des choses autrement plus urgentes requéraient son attention…

Son comportement était un mystère pour elle-même, mais elle devait se rendre à l'évidence : pour quelque raison que ce soit, elle tenait à le protéger; elle ne voulait pas qu'il lui arrive malheur. Emma pensa qu'elle cherchait certainement à s'acquitter du sentiment de culpabilité qui la poursuivait depuis le Beanstalk. C'était absurde, et elle voulait continuer à penser qu'elle avait bien agi, mais elle devait reconnaitre qu'elle n'y arrivait pas. De tels scrupules la surprenaient, mais elle ne parvenait pas à s'en défaire.

Elle se sentait responsable de ce fichu pirate depuis qu'elle l'avait vu sur le lieu de l'accident, sans défense. Cette ville avait sans douté réveillé une espèce de stupide complexe du sauveur, et, désormais, celui-ci s'appliquait à tout le monde, y compris Hook.

Il n'y avait rien de louche là-dedans.

Vraiment rien.