S'il y a une chose que je ne comprends pas, c'est pourquoi il y a tant de fics avec les avengers métamorphosés en bébés mais aucune quand ils sont des vieux croulants.

C'est avec cet ovni que je souhaite un très joyeux anniversaire à gabriellemoon. Cet os en univers alternatif sera publié en deux, voire trois, parties hebdomadaires.

PS : je trouve absolument indigne qu'un personnage aussi badass que Scrapper 142, alias Valkyrie, ne possède pas de nom ni dans les comics ni dans Thor 3. Donc ici, son nom est Valérie, et Loki l'appelle Val.

PPS : signalez- moi les fautes, je suis trop à la bourre pour demander de l'aide à Soleil.

Playlist :

Fauve – Infirmière

Ed Sheeran – Thinking Out Loud

Axwell Ingrosso – Sun is Shining

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« « Vivre ma vie et pas celle des autres », c'était le regret le plus commun. Quand les gens réalisent que leur vie touche à sa fin et qu'ils jettent un regard clair sur leur existence, il est aisé de constater combien de projets n'ont pas été réalisés. La plupart des gens n'ont pas réalisé la moitié de leurs rêves et doivent mourir en ayant conscience que cela est dû aux choix qu'ils ont faits, ou qu'ils n'ont pas faits. »

Bronnie Ware, Les 5 plus grands regrets des personnes en fin de vie

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« J'ai besoin de toi comme d'une infirmière
Que tu m'dises que j'suis hors de danger, que mon état va s'améliorer
Que tu passes ta main dans mes cheveux, que tu prennes ma vie pour en faire quelque chose de mieux
J'ai compris que tu ne voulais pas de moi pour l'instant
Mais je me force à croire qu'avec du temps tu changes d'avis
Et dans les nuits, je rêve encore que tu m'emmènes danser, jusqu'au matin »

Fauve - Infirmière

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33% des gens trouvent l'amour sur leur lieu de travail.

Je n'en sais rien pour toi (oui, toi, qui lis ce texte, tu crois que je parle à qui, y'a pas foule ici), par contre, c'est certainement le cas de Loki. Depuis qu'il est infirmier dans ce centre médicalisé, il pourrait presque représenter ce chiffre à lui tout seul. Aucun de ses précédents boulots ne lui avait apporté autant de regards alanguis dans son dos, de petits mots doux glissés dans sa poche, de déclarations d'amour enflammées.

Sans doute que les gens ici manquaient davantage de tendresse, songea-t-il en enfilant sa blouse d'un mouvement d'épaule, un lundi 20 novembre vers sept heures du matin.

Il se fit rapidement un chignon, et, avant de sortir des vestiaires, vérifia qu'il n'avait pas gardé par mégarde son portable (cette chose, comme tous les téléphones, possède plus de germes que la cuvette de tes toilettes, et c'est dire). Il s'arrêta devant le distributeur de liquide hydro alcoolique, frotta ses mains fourmillantes de désinfectant, puis entra dans la salle de repos se faire un café. À sa surprise, sa collègue n'était pas encore là. À cette heure-ci, elle aurait dû avoir terminé sa tournée des chambres, alors il se dit que la nuit avait probablement été difficile.

Il dosa le café en poudre dans le filtre, vérifia l'eau, et appuya sur l'interrupteur. Satisfaite du traitement, tel un chat pris de convulsions, la machine à café se mit à ronronner énergiquement. Loki lui tourna le dos et jeta un œil au bureau, à la recherche d'une note, ou d'un rapport qui expliquerait le retard de l'infirmière de nuit. Il avait fouillé partout, mais rien remarqué d'inhabituel, lorsqu'il entendit des pas derrière lui.

-Ҫa a été ? s'enquit-t-il à l'aveugle, mais il se retourna, vit les cernes de Sif, et se dit qu'il n'aurait pas dû demander.

-Rogers a rêvé de la guerre toute la nuit, il m'a réveillé tout le service, marmonna sa collègue, tentant en vain de démêler ses cheveux en bataille. J'ai fini par lui donner des cachets à deux heures et demi, mais le mal était fait, ils vont être insupportables.

-C'est bien, ça va leur faire changer de disque sur la nourriture. Allez rentre, tu as déjà trop d'heures sup' ce mois-ci.

-Bon courage, fit-elle en déboutonnant déjà sa blouse, visiblement soulagée.

Avant de partir, elle lui vola une gorgée de café, afin de ne pas piquer du nez sur la route. Loki finit le reste en se brûlant la gorge, et commença son service.

Il amena son chariot devant la porte 112. À l'écran, il relut les différentes notes de ses collègues sur la patiente, vérifia les médicaments à lui donner, avant de tapoter doucement son doigt sur le pvc. Une voix légèrement grelottante lui dit d'entrer, et il abaissa la poignée.

-Bonjour madame Banner, dit-il doucement en se dirigeant vers les volets électriques. Vous allez bien, pas trop mal dormi ?

-Oh si mon p'tit, soupira la vieille dame en plissant les yeux sous la lumière montante, ce vieux Steve nous a refait tout le débarquement entre minuit et deux.

-Vous aurez le droit à une petite sieste cet après-midi, fit-il en se désinfectant à nouveau les mains.

Il retourna au chevet de sa patiente, où il prit le temps de bien la regarder. Il lui trouva bonne mine malgré sa nuit courte, et allait commencer les vérifications d'usage quand madame Banner posa sa main osseuse et ridée sur son bras. L'infirmier vit son regard descendre sur son badge avant de retrouver ses yeux la seconde d'après. Loki eut un soupir intérieur. Il était fini le temps où la vieille Natasha se rappelait de son prénom tout un week-end durant.

-J'ai une meilleure idée, fit-elle avec un sourire espiègle. Fuyons d'ici ensemble Loki.

-On ne peut pas madame Banner, fit-il d'un ton déçu en contrôlant de son autre main la perfusion de la vieille dame. Il y a du fondant au chocolat à midi. Et puis vous êtes mariée, ajouta-t-il d'un air sérieux.

-Ne t'inquiète pas, mon petit Bruce est mort depuis quatorze ans.

-Mais non, protesta doucement Loki, il est venu vous voir hier. Il vous a apporté les roses, là, fit-il en montrant le vase sur la petite table d'une main et en triant les médicaments de l'autre.

-J'étais belle quand j'étais jeune tu sais, bougonna-t-elle.

-Je sais madame Banner, fit-il en lui tendant un verre d'eau, ainsi que la coupelle en plastique contenant ses cachets.

Il avait vu une fois leur photo de mariage, apportée par le petit monsieur tout courbé le jour de leur anniversaire de rencontre. Monsieur Banner était certes attachant, avec son petit air de physicien ne sachant trop quoi faire de ses grandes mains, mais madame Banner, elle, était à tomber par terre. Leur couple avait survécu aux mauvaises langues, disant que la réfugiée russe avait épousé le doctorant pour les papiers. Ils étaient à soixante ans de mariage l'année prochaine, et Loki avait Bruce tous les jours dans le service, sur les coups de onze heures, après la toilette et avant le déjeuner. Il repartait quand Natasha avait fait six tours de bocal, mais globalement, elle le reconnaissait encore assez bien, et avait toujours beaucoup d'amour dans ses yeux en regardant son mari.

Loki vérifia qu'elle avalait ses médicaments pour le cœur ainsi que celui pour stimuler la mémoire, puis, allumant la télé, commenta :

-Tenez, juste à temps pour Downtown Abbey.

-Je hais ce navet, marmonna la vieille dame les yeux fixés sur le générique. Je veux un James Bond.

-Ce soir madame Banner, promis, dit-il comme tous les matins avant de sortir de la chambre.

En laissant la porte légèrement entrebâillée, il constata qu'il avait perdu le compte de toutes les propositions de ses patients de s'enfuir ensemble depuis son premier jour ici. Ҫa le fit sourire tandis qu'il cochait la chambre 112, et reléguait monsieur Rogers au bas de sa liste pour le laisser dormir encore un peu. Alors il fit rouler discrètement le chariot devant sa porte, et frappa directement chez monsieur Barton.

Comme Loki s'y attendait, celui-ci était extrêmement ronchon.

-Il est pas tout seul à avoir fait la guerre le gars Steve ! l'accueillit-on alors qu'il entrouvrait la porte. Moi j'étais au Vietnam, j'ai vu autant d'horreurs que lui, et je braille pas dans tout l'hôpital que je dors pas bien depuis.

Le petit vieux râblé à la coupe militaire entièrement grise était de toute manière un indécrottable grincheux. Sif, elle, l'avait connu du temps où il rendait visite à sa femme, et avait affirmé à Loki qu'il était très agréable, à l'époque. Tout avait changé quand il avait dû vendre sa ferme, son petit coin de paradis. Il n'y avait guère que l'un de ses trois enfants pour lui redonner le sourire, hélas, ils avaient suivis les traces de leur père et étaient constamment en mission secrète autour du monde.

-Ne fuguez pas aujourd'hui, il y a du fondant au chocolat à midi, glissa Loki avant de changer de chambre.

Contrairement aux autres matins, on ne le congédia dans un énième râle grognon, et l'infirmier fut sûr que, dès qu'il aurait passé le coin du couloir, Barton sauterait dans son fauteuil et filerait vers la chambre 112 fuiter le menu. Ce ne serait pas inutile, vu que madame Banner avait sans doute déjà oublié ce qu'il y avait en dessert.

Loki continua son service et termina comme il se l'était dit par monsieur Rogers. À 98 ans, le pauvre vieux soldat ne rêvait que de ses camarades perdus et de ces valses qu'il ne ferait plus. Mais il était toujours gentil, avec un sourire pour Loki et acceptant toujours de passer voir un patient que l'infirmier aurait trouvé déprimé. Ce matin-là, son regard était un peu brumeux à cause des somnifères, mais quand ses pupilles brillèrent à l'annonce du gâteau rare, Loki n'y vit pas les plages de Normandie, et en fut satisfait.

Il termina sa tournée, et décida d'aller coacher l'aide-soignante stagiaire qui commençait ce matin-là. Ce n'était pas par altruisme : c'était qu'il n'était pas né le sale petit étudiant inexpérimenté qui s'occuperait mal de ses patients.

Obsession professionnelle ? Il ne voit pas de quoi tu parles.

Oui, bon, Loki avait probablement appris à aimer son boulot. Si bien que lorsque Val, sa relève de 16h, lui dit que la DRH voulait le voir, il eut une vague d'inquiétude. Il lui avait demandé la semaine précédente s'il y avait une quelconque solution pour prolonger son contrat de travail, lequel se terminait vendredi. L'infirmier se refusait de partir, au point qu'il n'avait pas cherché d'autre travail, et si madame Hill lui affirmait qu'elle n'avait rien pour lui, il était au chômage dans cinq jours. Sans prendre le temps de quitter sa blouse, car il savait que la DRH finissait bientôt, il quitta son service pour aller vers les bureaux de l'administration. Il passa devant le bureau de Darcy, l'hôtesse d'accueil. Monsieur Barton était dans son fauteuil, en train de lui raconter un charabia composé d'une de ses missions et du repas du midi, mais elle l'écoutait avec une fascination non feinte. Elle releva le nez quand elle le vit s'approcher, et le salua avec un sourire.

-Mari- Madame Hill veut te voir, se reprit-elle à temps uniquement pour se mettre à rougir.

-Merci Darcy, fit-il avec un signe de tête. Monsieur Barton, ajouta-t-il tandis qu'il passait trop près de son patient et que ses narines le renseignaient, vous avez encore séché la toilette.

On voulut nier, mais Loki chuchota qu'il y avait une nouvelle stagiaire, et subitement, on cessa toute tentative de le baratiner pour retourner à coups de poignets énergiques vers le service.

-Il fait semblant d'être un obsédé, alors qu'il est incapable de faire ou dire quelque chose de déplacé, souffla Darcy avec un regard affectueux pour le fauteuil roulant qui s'éloignait.

-Distance professionnelle, chère collègue, glissa l'infirmier avant de s'engager dans le couloir.

-Ce n'est pas moi qui m'attache trop, cher collègue.

Il ne prit pas la peine de répondre à ça et quitta l'accueil. Il rajusta sa blouse durant le court trajet, et quand il se retrouva devant la porte beaucoup trop tôt, tapota avec plus d'assurance qu'il n'en avait. À tous les coups, elle lui annonçait qu'elle n'avait pas pu prolonger son CDD, et qu'il terminait à la fin de semaine. On lui dit d'entrer, il entrouvrit la porte, et madame Hill lui servit un sourire de cancérologue, celui ayant une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Oh que ça sentait mauvais, et ce n'était pas l'hygiène déplorable de monsieur Barton.

-J'ai une bonne et une mauvais nouvelle pour vous, monsieur Odinson, fit la DRH, et Loki vit sa future vie de chômeur défiler devant ses yeux.

Puis elle eut un petit rire devant son air déconfit et se leva de son siège, tendant vers lui un dossier agrafé.

-Commençons par la mauvaise : si vous le voulez bien, vous êtes coincé dans ce centre jusqu'à ce que retraite s'ensuive. Maintenant la bonne : vous n'êtes pas au chômage vendredi.

Devant son air profondément mi-rancunier mi-soulagé, elle s'excusa pour sa mauvaise blague, et lui expliqua qu'un collègue de Loki venait de lui refuser un CDD d'un an. Celui-ci aurait abouti sur le remplacement de mr Coulson, le chef de son service, qui partait à la retraite l'année prochaine. En clair, c'était un CDI bien déguisé, mais un CDI. C'était une excellente nouvelle, et le soulagement se mit à couler dans ses veines.

Enfin, la stabilité, après une année de médecine loupée à cause des petits boulots, le concours, trois années d'études passées à joindre les deux bouts, le diplôme, puis les cdd qui se succèdent et ne se renouvellent pas. Enfin, il avait un travail à vie, et la certitude de payer son loyer dans les mois qui venaient.

Il aurait pu, lui aussi, faire une déclaration d'amour sur son lieu de travail, mais il s'efforça à la sobriété.

-Merci madame Hill, fit Loki en prenant son contrat, je vous le rends signé demain.

-Prenez tout de même le temps de réfléchir », fit-elle dans un clin d'œil, et il sortit de son bureau dans un léger sourire.

Il paya le café à tout son service, ainsi qu'à Darcy. Car d'après son lapsus précédent, elle avait probablement soufflé sur l'oreiller de madame Hill le nom du digne successeur de Coulson, mais, après tout, 33%.

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Mardi, 08h46

Le lendemain, l'allégresse avait déjà disparu. En l'absence de Coulson, qui prenait son service à 15h, Loki débattait depuis dix minutes avec le service d'oncologie. Ces saletés voulaient lui refiler un patient fauteur de trouble, sous prétexte qu'ils n'avaient plus de lit dans le service. Sauf que Loki avait l'hôtesse d'accueil à la bonne, hôtesse qui avait accès à l'attribution des chambres de tout le centre, et en onco, il y avait six lits de libre, six.

Sous cet argument, la doctoresse Palmer l'attira à l'écart pour lui expliquer la vie :

-Écoutez Loki, je vais pas vous mentir.

Elle avait oublié le « plus longtemps », songea Loki en s'efforçant de garder son calme. Après tout, il n'avait toujours pas rendu son nouveau contrat de travail, oublié sur la table dans sa précipitation du matin. Il avait toujours au dessus de sa tête la menace d'être chômeur vendredi soir pour un mot de trop avec un médecin.

-On a encore de la place dans le service, avoua finalement l'oncologue, mais ce monsieur Stark, on en peut plus le gérer. Il refuse de prendre ses médicaments, fait des fugues tous les cinq minutes, mes infirmières n'arrivent plus à s'occuper des autres patients à force de devoir être sur son dos tout le temps.

-Nous sommes déjà très occupés dans mon service. Nous avons déjà suffisamment de personnes qui ne devraient pas être dans le centre, comme madame Banner, pour ne pas en plus récupérer les patients des quatre coins du bâtiment.

-Si je vous l'envoie chez vous, chuchota-t-elle soudainement, c'est parce que vous avez des bons résultats avec les patients difficiles, et pour souffler une seule journée, une seule, on voudrait voir ce que vous pouvez faire avec lui.

C'était donc ça ? constata-t-il avec surprise. C'était sa réputation de tombeur, faite depuis qu'un mot d'amour d'une patiente était tombé de sa poche de blouse, qui était la cause de ce déménagement ?

-Je le connais votre Stark, protesta une dernière fois Loki, ce n'est pas une Banner ou un Barton. C'est un authentique casse-pieds, pas un petit vieux en manque d'affection.

Il se devait d'essayer de refuser. Darcy lui en parlait tous les jours à la pause café de ce patient-là. Voleur, menteur, fugueur, il faisait voir l'enfer au service d'oncologie. Au point que des envies de meurtre commençaient à rester imprimées sur le visage des aides-soignants et infirmières du service, et ce jusque dans la queue du self.

-Juste une journée, monsieur Odinson, insista la médecin. Il est en phase terminale, je crois qu'il a simplement peur de la mort. Je vous demande simplement de parler avec lui, dans un moment calme de votre tournée.

Le problème avec cette médecin, c'était qu'en plus d'être incroyablement jolie, elle savait aussi parfaitement jouer de la corde sensible de ses infirmiers. Loki tourna une dernière fois la tête pour la regarder dans les yeux, et y lut qu'il avait perdu.

Cinq minutes plus tard, le changement administratif était validé par l'accueil, et un infirmier tentait de refouler sa contrariété sur le chemin du service oncologique.

Il tapota à la porte de la chambre comme à son habitude, mais on ne lui répondit rien. Il insista, et une voix faible mais claire lui rétorqua qu'il n'y avait personne. Loki leva les yeux au ciel, et actionna la poignée.

Son nouveau patient, Anthony Stark, était un homme d'une soixantaine d'années. Allongé dans son lit trop grand, il était chauve, un peu trop maigre, et ses yeux avaient jauni. Cancer du foie, diagnostiqua Loki. L'infirmier n'aurait jamais pu travailler en oncologie, et au centre, il fuyait ce service comme la peste. Cela ramenait trop de mauvais souvenirs reliés à la maladie de sa mère, et ils avaient un taux de perte trop grand. Lui n'avait pas un an de pratique, et donc, pas encore acquis la bonne distance avec les patients : un patient casse-couilles et destiné à mourir dans les jours qui venaient était la dernière de ses envies, venant peut-être même après coucher avec Donald Trump. C'était dire.

-Bonjour, lança-t-il pourtant. C'est le déménageur.

-J'ai vu mieux gaulé.

On coupait rarement la chique à Loki, monsieur Barton pouvait en témoigner. Mais cette formule de bienvenue-là eut le mérite de lui faire gober les mouches une demi-seconde. Il était comme un con dans cette chambre blanche, et prenait conscience que cette fois-ci, il allait réellement en baver.

-Pour être déménageur, explicita monsieur Stark avec une saleté de sourire satisfait.

L'avantage avec ce patient-là, relativisa Loki, c'était qu'il serait content quand il serait mort.

-Je vous donne la brochure sur le harcèlement sexuel, à lire pendant le voyage ? s'enquit l'infirmier en tirant le brancard dans la pièce.

-J'ai émis un jugement sur la musculature comparée au métier, pas sur le physique. N'oubliez pas tous mes fils, là, fit-il en désignant ses perfusions, ce serait con qu'ils s'arrachent et qu'il y ait du sang partout, pas vrai ?

-C'est vous qui allez vous en occuper : vous n'êtes pas assisté à ce point-là, pas vrai ?

Loki fut gratifié de quatre secondes de silence. Un partout, remise en jeu.

-Je peux vous porter ? s'enquit-il en amenant le brancard près du lit médical et en arrangeant tous les « fils ».

-Fais-toi plaisir mon ange, mais je tiens à te dire que tu as eu des goûts de merde pour la robe de mariée.

L'infirmier eut un sourire. Être insolent au lieu d'être aux petits soins, c'était la méthode qu'il utilisait pour Barton, et ça semblait fonctionner chez celui-là aussi. Ou alors était-ce une tactique pour lui faire baisser sa garde, mais pour l'instant, il acceptait la mi-temps.

Vérifiant que la « robe de mariée » bleue ciel et ouverte dans le dos ne glisse pas et n'embarrasse pas son patient, Loki souleva le vieil homme. Comme il l'avait entraperçu, il était beaucoup trop léger pour son âge. Il avait vu pire, madame Banner par exemple, mais la maigreur lui serrait tout de même le cœur. Rien d'étonnant, il ne devait plus avoir d'appétit avec son foie mort. L'infirmier déposa son patient sur le brancard, et installa correctement ses bras pour éviter toute chute.

-On la fait où cette lune de miel ? s'enquit-on une fois installé.

Derrière le brancard, Loki eut un sourire. Eh bien, ce n'était pas bien compliqué. Peut-être avait-il, tout compte fait, des talents de séduction magiques et avérés.

Ce qu'il ne savait pas, c'était que lorsqu'il faisait rouler monsieur Stark vers son service, un observateur averti aurait pu voir Satan, qui, lassé des Enfers, partait sur un brancard vers de nouvelles terres à gouverner.

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A dimanche prochain pour la suite