Ma vie est pas possible. Sérieux, si vous trouver votre vie compliquée, attendez de voir la mienne avant de vous plaindre. Heureusement je suis une pro de l'organisation et que les quelques moqueries que j'entends à mon propos ne me perturbent pas. Je secouai à la tête. À chaque séance, ces pensées viennent me chercher. Peut-être parce que c'est l'unique moment où je ne peux pas renier ma différence. Et c'est cette différence qui fait de ma vie un mauvais film pour ado.
-Trésor, reste concentrée.
-Désolée.
Je gigotai sur mon coussin pendant que ma grand-mère répéta ce qu'elle disait.
-Écoute bien maintenant, je disais que c'était normal que tu ne perçoives que les émotions des gens à qui tu vois l'avenir, c'est comme lorsque tu voyais le passé. Tu te concentres sur les émotions, tu essais de les ressentir et tu verras les images ensuite.
-D'accord.
Je n'étais pas très concentrée. Je n'aimais pas trop les leçons que me donnait grand-mère. Ma grand-mère est médium. Comme mon arrière-grand-mère et toutes les autres générations de femmes me précédant. Mon père croyait que sa mère faisait tout un plat pour rien. Grand-mère disait que mon père était borné et qu'il n'avait jamais voulu avouer qu'elle avait un sixième sens. Bien sûr, elle était également certaine que moi, sa petite-fille, avait hérité de ses dons. Elle possède trois aspects dans son sixième sens : voir le passer, le futur et parler aux esprits. Moi, j'étais partagée entre ma grand-mère et mon père. J'ai du mal à accepter que j'ai un «sixième sens» moi aussi. Ma grand-mère gagnait sa vie grâce à ses dons et je l'aidais (principalement en jouant les réceptionnistes) et, comme c'était bien connu dans le quartier, je me faisais traiter de sorcière à longueur de journée. Il y avait les deux types de gens, ceux qui y croient et ceux qui me prenais pour une menteuse et/ou une cinglée. Je n'avais pas beaucoup d'amis et encore moins d'amoureux. Qui voudrait traîner avec la sorcière?
-Tu ne m'écoute pas. Sois attentive, ça te seras utile un jour.
-Ouais, désolée.
Ma grand-mère me tendit sa main : c'était l'heure des exercices pratique. J'appuyai ma main sur sa paume et la pressa.
-Je vois que tu vas manger des pâtes dans le salon, avec mon père qui ne voudra pas décoller de son match à la télé.
-Sois sérieuse, dis ce que tu ressens pour vrai.
Je soupirai, mais obéis. Les yeux fermés, je pressai sa main plus fort. J'avais hâte de pouvoir me passer de contact physique. J'essayai de sentir ses émotions.
-Je sens de l'inquiétude. Beaucoup d'inquiétude. Tu as peur que quelque chose de grave arrive à quelqu'un que tu aimes.
Je plisse le front, me concentrant davantage.
-Je sens aussi un peu d'agacement et d'indignation. Je crois qu'on a annulé un rendez-vous à la dernière minute ou quelqu'un qui te raccroche la ligne au nez.
J'attendais encore un peu, mais rien d'autre ne vient. Je relâchai ma grand-mère qui semblait satisfaite.
-Eh bien, on a qu'à attendre de voir si tu as raison.
-Ça sera sans moi, je dois sortir ce soir.
-Où vas-tu, ma petite?
-Juste faire un peu de shopping.
-Seule?
-Non, avec Paris Hilton, elle est en ville, tu l'ignorais?
-Très drôle, j'ai compris, plus de questions sur tes amis, mademoiselle susceptible.
Mon manque d'amis plutôt. Ma famille était sûre que j'avais un vrai groupe d'amis. Je ne voulais pas leur dire que tout le lycée me rejetait. Je ne répondais pas à leurs questions et les laissaient s'imaginer que je ne leur présentais pas parce qu'ils avaient peur de ma grand-mère médium. Je me levai du coussin sur lequel j'étais assise et repoussai le rideau de perle pour sortir de la pièce. Une fois dehors, je me dépêchai de rentrer chez moi, qui n'était qu'une rue plus loin. Je ne voulais pas croiser des gens de mon lycée. Je ne me sens pas d'attaque pour ça. J'habitais en banlieue de Seattle et la plupart des gens du quartier lançait un regard perplexe (pour ne pas dire méprisant) en passant devant la vitrine de ma grand-mère. Je tirai la porte de ma maison pour rentré et je vis mon père en train d'allumer la télévision. Je m'approchai de lui.
-Tu sais que je vais sortir ce soir.
Il ne me répondit pas, les yeux rivés sur l'écran où un match de hockey commençait.
-Papa!
-Oui, oui, va faire ton shopping et amuses-toi bien.
Je levai les yeux au ciel, l'embrassai sur la joue et sortie du salon.
-Au revoir papa, je t'aime.
Silence
-PAPA!
-Ouais, moi aussi ma chérie.
Je soupirai. Selon grand-mère, mon père n'était pas près à devenir père. Ma mère était tombée enceinte de moi lorsqu'ils étaient à l'université. Mon père était dans sa phase de fêtard et ma mère n'était qu'une aventure d'un soir. Mais elle m'a gardée, mes parents ont finis leurs études et ils sont partis chacun de leur côté. Je reste avec mon père parce que ma mère s'est marier et a eu un garçon. Pas que je n'aime pas mon beau-père et mon demi-frère, mais je n'aime pas qu'on fouille dans mes affaires et disons que mon petit demi-frère semble contre le concept de l'intimité. Je vais les visités pendant les vacances, mais je ne me sens pas comme chez moi, c'est chez mon père ma véritable maison. Je fis quelques pas dehors et serrai les bras autour de moi. Je n'avais pas particulièrement envie de faire les magasins, mais mon père ne devait pas douter de mes mensonges sur mes supposés amis. Sinon, il pèterait les plombs et se disputerait avec sa mère. Je repoussai mes cheveux derrière mes épaules et partis vers la station de métro la plus proche pour me rendre au centre-ville de Seattle que je connaissais par cœur. Là-bas, les gens ignorent qui je suis et s'en fiche de le savoir. Personne pour me traiter de sorcière et de menteuse. J'atteignis le quai du métro et attendis patiemment le gros train souterrain lorsque je sentais qu'on m'observait. Je me retournai et vis deux filles de mon lycée me regarder en gloussant. Je roulai des yeux. L'une d'elle me héla.
-Hey, l'apprentie-sorcière! Pourquoi tu ne t'envole pas sur ton balai au lieu d'attendre le métro. Je suis sûre que c'est plus rapide.
Je fus tenter de lui répondre d'aller se faire voir, mais je savais d'expérience que ça ne servirait à rien sauf de l'inviter à m'harceler encore plus. Son amie ricana et elles se tapèrent dans la main. Je ne les connaissais pas vraiment, je l'ai seulement quelques fois dans les couloirs du lycée, mais je ne leur ai jamais adressé la parole et je ne comptais pas commencer en leurs répondant. Heureusement, le métro arriva avant qu'elles ne puissent continuer. J'embarquai sans enthousiaste. Si ça continuait comme ça, mas soirée risquait d'être pourri.
Finalement, ce n'était pas si terrible. Bon, c'est plus agréable de faire du shopping accompagnée d'une copine que seule, mais sinon, c'était comme chaque sortie que je faisais seule en prétendant être avec des amis. Je n'avais rien acheté et je n'étais rentrée que dans très peu de boutiques. Je n'avais pas le cœur à acheter quoique se soit. Je perfectionnai le mensonge que j'allais dire à mon père (même si je doute que ça l'intéresse réellement) lorsque je remarquai un homme. Enfin, un jeune homme, il devait avoir mon âge ou un peu plus vieux. Cheveux noir, teint mât, musclé. Dans d'autres circonstances, je l'aurais trouvé attirant, mais il faisait noir et le chemin pour me rendre de la station de métro à chez moi incluait pleins de petites rues désertes. Je marchai rapidement en jetant des coups d'œil par-dessus mon épaule. Difficile à dire s'il me suivait. Et il marchait beaucoup plus vite que moi. Je tremblai de nervosité, ce qui peut paraître excessif, sauf que je suis une peureuse de première. Quelqu'un attrapa mon bras et me tira dans une ruelle. J'allais hurler, mais une main se plaqua sur ma bouche. Je retrouvai mon sang-froid et m'aperçus qu'une femme m'avait tirée dans cette ruelle. Elle devait avoir dans la trentaine et elle était très belle. Une beauté froide avec la peau pâle, les cheveux noirs et des yeux gris. Je la regardai d'assez près pour voir que c'était des lentilles. Il faut dire que j'ai l'œil pour ce genre de détail. Elle me sourit et enleva sa main quand elle me jugea assez calme.
-Bonsoir, j'ai vu qu'un homme te suivait alors j'ai essayé de te sauver.
-Merci.
C'était tout ce que je pouvais dire. Elle me sourit encore et un frisson me parcourue la colonne vertébrale. Il faisait froid.
-Tu as un joli collier. Je peux le voir de plus près?
Elle se pencha pour l'observer. Je me demandai vaguement qu'elle collier j'avais mis ce matin lorsque quelque chose me frappa.
J'adore les colliers, j'en mets un chaque jour et mon coffre à bijoux en déborde. Mais aujourd'hui, je n'en ai pas mis.
Que pouvait-elle bien observer dans ce cas? Mon cou? À peine ai-je formulé cette pensée, elle m'agrippa par les épaules et approcha sa bouche de ma gorge et je paniquai totalement. C'était quoi, ça? J'essayai de me dégager, mais la femme me retenait fermement. Je devrais peut-être fermé les yeux? Je n'eu pas le temps, parce qu'une masse informe tomba sur la femme. La scène qui suivit fut trop rapide pour mes yeux, mais je me doutais bien qu'ils se battaient. La femme et un loup. Ou un ours. J'aurais sans doute du partir en courant, mais je restais plantée là. Davantage à cause d'une curiosité morbide que d'une peur paralysante. Pendant la bagarre le loup ou l'ours se retourna et me regarda dans les yeux. J'avais le souffle coupé et un truc étrange se passa dans mon ventre. La peur sans doute. Mais ce n'était pas ça. Quand j'ai peur, ça me donnait envie de vomir ou pleurer. Là, j'avais encore envie de pleurer, mais pas pour les mêmes raisons. La femme profita de ce petit moment de distraction pour lui sauter dessus à une vitesse ahurissante. Il l'esquiva de justesse et lui sauta dessus. Je vis quelque chose atterrir près de moi. Un bras. Ça y est je crois vraiment que je vais vomir. Je priai mon repas de rester dans mon estomac et plaqua une main sur mon ventre. Comme si ça pouvait le retenir. Le loup-ours dût le remarquer puisqu'il laissa la femme (qui avait également perdu une jambe) pour me rejoindre. Il se planta devant moi et me regarda dans les yeux. Ça va? Je secouai la tête pour répondre à sa question muette. Je n'aimais pas jouer les poules mouillées (même si j'en étais une), mais là, je croyais vraiment que j'allais m'évanouir. Il me fit un signe de tête. Monte. J'étais un peu perdue, mais il fit un autre signe de tête impatient et je vis que la femme grognait. Le loup (c'était bien un loup) se baissa pour que je monte sur son dos, ce que je fis en m'agrippant à sa fourrure. Il grogna. Accroches-toi. Il se mit à courir aussi vite que la femme ou presque. J'enfonçai mon visage dans le pelage de son cou pour éviter de dégobiller. Lorsqu'il s'arrêta j'ignorais où nous nous trouvons. À première vue, on était au beau milieu d'une forêt. Je descendis avec précautions du dos du loup. Je me sentais étourdis. Je m'appuyai sur un tronc d'arbre et observai le loup : couleur sable, immense, avec de grand yeux bruns. Je remarquai une ficelle où pendaient des bouts de tissus. Je lâchai le tronc pour mieux voir, mais je ne fis que trois pas et j'eu des nausées. Je me tournai vers le buisson à côté de moi et vomit, une main sur le ventre. À la fin, j'étais couverte de sueur et je tremblais. Je n'osais même pas relever la tête de peur d'enclencher une nouvelle série d'haut-le-cœur. Une voix s'éleva derrière moi.
-Tout va bien?
Quoi, qui parle? Oh, et puis, peu importe.
-À peu près.
Je pris un mouchoir dans mon sac et m'essuyai la bouche. Je le jetai dans le buisson avant de me retourner. Le jeune homme de tantôt se tenait devant moi. Pas de loup. Mais les mêmes yeux bruns.
-C'était toi?
-Qui a sacré une raclée à la sangsue? Oui.
-Mais tu étais un...Enfin, je veux dire, tu ne ressemblais pas à ça.
-Et alors?
-Essais-tu de me dire que tu es un loup-garou?
-Je n'essais rien du tout, tu as deviné toute seule. Même si c'était assez évident.
-Et la femme, c'était...
-Un vampire.
-Vampire?
Je crois que je suis en pleins délire. Quelqu'un m'a droguée ou quoi?
-Tu ne vas pas vomir encore, hein?
-Non, je crois que ça va.
Je pris de grandes inspirations et essayai de me calmer. Lui, il essayait de meubler la conversation.
-Je m'appelle Seth Clearwater. Et toi?
-Megan Miller.
-Megan...
Il esquissa un sourire en coin totalement adorable, mais qui m'agaça.
-Tu sais que ça fait M&M? Avec tes cheveux roux, tu ne dois pas passer inaperçue
S'il savait...
-Pas roux, auburn. Et oui, mes parents ont un sens de l'humour un peu particulier. Excuse-moi, mais on est où, là?
-Aucune idée.
Je le regardai en espérant qu'il me dise qu'il plaisante. Il ne le fit pas.
-Tu m'as amenée dans une forêt et tu ne sais même pas par où sortir.
-Hey, je ne viens pas de Seattle, je croyais que tu le saurais. Tu n'habite pas près d'ici?
-Effectivement, sauf que les forêts ont tendance à se ressembler, ce qui rend difficile la tâche de savoir où on est exactement.
-Je t'ai sauvée de la buveuse de sang, c'est l'essentiel, non?
-J'imagine.
Je suis coincée avec un mec dont je ne connais que le nom, loup-garou de surcroît dans une forêt dont j'ignore comment sortir. Su-per.
