Titre : Can't be tamed
Résumé : Sterek. L'amour, Stiles connaît. Lui et sa passion légendaire pour Lydia Martin. Mais l'amour plein de questions, il le découvre. Et pas avec le meilleur des enseignants…
Can't be tamed
Chapitre 1 : Can't be blamed
Stiles contemplait le plafond de sa chambre d'un air rêveur, le corps disposé en étoile sur son lit. Il comptait sans s'en apercevoir les petites tâches beiges qui parsemaient la peinture autrefois blanche. Il avait toujours habité cette maison, et se demandait si son père pensait un jour déménager. Fuir cette bâtisse, cette ville, ou même cet état. Non pas qu'il le voulait particulièrement, mais il était d'humeur à s'imaginer dans une autre école avec d'autres amis. Une autre vie en somme. Non vraiment, Stiles était un peu dépressif ces temps-ci. Scott passait son temps avec la famille Hale, oncle et neveu, et Lydia l'ignorait toujours autant. Il ne se sentait pas mis à l'écart, il savait très bien que s'il appelait Scott, ce dernier rappliquerait en quatrième vitesse. Il se sentait juste… banal. Non pas qu'il ne l'était pas avant, mais Scott l'était avec lui ils étaient sur un pied d'égalité. Maintenant, les choses étaient différentes. Leur amitié avait évolué, et Stiles n'avait pas l'impression de suivre la cadence comme il se le devait. C'était un peu comme courir après un train qui prenait de la vitesse. Epuisant et inespéré.
Cette situation, insuffisante apparemment, s'apposait sur la relation pseudo-amoureuse, mais surtout tumultueuse, qu'entretenait Stiles avec une personne dont il préférait taire le nom, même dans sa tête, et s'applaudissait des conséquences tourmenteuses dont le brun fut le cobaye. Ces derniers mois, la vie ne lui faisait pas de cadeau. Alors il s'accordait un petit instant déprim', afin de recharger ses « batteries bonne humeur », comme son père l'appelait, et de repartir du bon pied la semaine prochaine. Peut-être.
Lentement, il passa le dos de sa main sur son front en sueur. Ces derniers jours, la chaleur se faisait insoutenable. Le soleil tapait fort sur les carreaux de sa chambre et la luminosité intense de la pièce agressait ses prunelles toujours endormies.
Le « clic » de sa chaîne hifi lui fit battre des paupières. Le CD était arrivé à sa fin, et il était temps pour lui de se lever avant qu'il ne commence à être en retard. Non, vraiment, la dépression lui allait mal. Lentement, il sortit de son lit et traîna des pieds jusqu'à la porte de sa chambre. Il avait si chaud. La chaleur du mois de mai à Beacon Hills était insoutenable, il avait l'impression que son corps irradiait de l'intérieur. Le jeune homme lança un regard rapide et ennuyé vers sa veste, l'enfila rapidement et se demanda comment il allait supporter ce brasier solaire avec un nouveau morceau de tissu épais qui recouvrait son corps déjà transpirant.
Le brun bailla sans retenue et fit courir ses doigts le long des murs du couloir comme s'il s'attendait à s'effondrer de fatigue. Il grimaça en sentant la peinture légèrement écaillée sous son index mais se redressa bien vite lorsqu'il entendit son père s'affairer dans la cuisine.
« Yo, p'pa ! lança-t-il d'un air faussement enjoué en ouvrant bruyamment la porte. »
Le shériff se détourna du frigo, les sourcils haussés, pour faire face à son fils.
« T'as vu l'heure Stiles ? »
Le jeune homme esquissa un sourire désolé et s'assit rapidement à la table. Il s'empara négligemment de la boîte de céréales et s'en servit généreusement tout en continuant à sourire à son père.
« T'inquiète, je sais gérer. Je te sortirai bien toute une théorie sur l'économie du temps, mais ça risquerait de te faire fuir. Ca serait bête quand même de commencer la journée d'une si belle manière. »
Il prit la canette de coca qui trônait à côté de son bol et la vida dans ses céréales sous les yeux désabusés de son père. La dépression n'affectait pas l'appétit de Stiles. Il fallait pas exagérer, c'était déjà difficile pour lui d'être tout le temps fatigué (même plus besoin d'Adderall !), il n'aurait pas été sérieux de se laisser crever de faim. Déjà qu'il écoutait du Jessica Simpson en boucle toute la journée dans sa chambre… Le shériff soupira et s'empara de ses clés de voiture.
« Tu en es où de ton projet avec Lydia ? »
Stiles soupira. Il y pensait tout le temps. Projet, Lydia. Lydia, projet. Lydia, Lydia. Surtout Lydia. Il se fichait un peu du projet à vrai dire. Il ne se souvenait même plus de l'intitulé. Quelque chose sur les planètes telluriques peut-être ? Ou alors il avait éventuellement abordé ce sujet-là l'année précédente. Avaient-ils non seulement commencé à travailler ? Oui d'ailleurs, étrange que la jeune fille ne lui ait pas déjà ordonné d'effectuer quelques recherches sur… sur le « thème ». Avec un peu de chance, elle s'y était déjà adonnée et il ne resterait plus que quelques retouches à faire. Il eut été merveilleux que Lydia veuille bien rester dans la même pièce que lui en tête-à-tête, les cerveaux en ébullition.
« On a quasiment terminé, conclut Stiles en haussant les épaules. »
Il appréciait toujours autant Lydia. Le premier coup de foudre ne s'oublie pas. Il se surprenait même à faire quelques rêves très appréciables de temps en temps avec la jeune rousse. Rien de scandaleux, son esprit aimait se croire catholique. En théorie. Cependant, les croyances de Stiles semblaient s'effriter peu à peu ces derniers mois. Des pensées, qu'un bon pratiquant ne considérerait pas très « appropriées », s'imposaient avec fracas dans sa raison déjà tourmentée il essayait fébrilement de les repousser. Ce qu'il aimait appeler « sa dépression » semblait avoir quelques liens avec ces réflexions actuelles. Le brun espérait seulement que tout cela ne reste qu'un simple état passager. Même si ce dérapage quotidien avait naquis depuis plusieurs mois déjà.
« Je te vois ce soir fiston. N'oublie pas que la voisine doit venir déposer son chat dans la soirée. »
Ah oui… Le chat de la voisine… Un vieux lascar bête comme la lune qui courait après les abeilles. Pas étonnant qu'il ait une tête bubonique.
« Ô joie… souffla Stiles en enfournant une cuillérée de sa bouillie dans sa bouche. »
Son téléphone vibra à ce moment-là. Scott. Ah, finalement, il avait mal géré son temps.
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« T'as fini de tirer cette tête ? »
Scott regardait son ami, légèrement inquiet. Cela faisait plusieurs jours que Stiles n'avait pas l'air dans son assiette. Il faisait la sieste pendant les cours au lieu de gigoter inlassablement sur sa chaise. Il ne participait plus aux entraînements de lacrosse. Dès que la sonnerie de la fin de la journée retentissait, il se précipitait vers le parking, démarrait sa vieille jeep bleue et s'en allait il ne savait où. Et s'il comptait bien, ça faisait trois jours qu'il enfilait le même polo pour aller au lycée. Stiles étant assez maniaque sur son hygiène (il se lavait les mains pratiquement toutes les heures, oui oui véridique), ce détail nourrissait l'inquiétude de Scott.
« Tu as acheté ton tee-shirt en trois exemplaires ou t'as décidé de dormir tout habillé pour la semaine ? lança Scott avec un sourire moqueur. »
Stiles lui jeta un regard désabusé et baissa les yeux sur son polo bleu.
« J'étais en retard ce matin » répondit-il simplement. « Tu fais quoi après les cours ? »
Scott sourit :
« Justement, j'allais t'en parler. C'est l'anniversaire d'Isaac aujourd'hui, et j'ai pensé à lui préparer une petite fête pour ce soir. Je pense que t'as besoin de te changer les idées. J'organise ça chez moi, ma mère est de garde cette nuit. Donc non seulement tu es obligé de venir, mais en plus de ça tu es obligé de t'éclater ! »
Stiles soupira. Une fête ? Ouais… Pourquoi pas… Il n'avait rien de mieux à faire de toute façon. A part caresser le vieux chat de sa voisine toute la soirée.
« Y aura Lydia, tenta Scott avec un sourire timide. »
« Je ne savais pas que Lydia était amie avec Isaac, répondit Stiles, étonné. »
Il avait dû rater un épisode.
« Pas vraiment, mais bon, Allison vient donc je ne voulais pas qu'elle se retrouve entourée d'une gente exclusivement masculine. »
Stiles hocha la tête, compréhensif.
« Erica… ? demanda-t-il, laissant sa question en suspens. »
« Elle s'est fâchée avec Isaac. Une histoire d'une canine plus longue que l'autre, j'ai pas tout compris. »
« Vous avez de drôles de délires vous… fit remarquer Stiles d'un air las. »
Scott laissa échapper un sourire et se pencha légèrement pour masquer le son de sa voix.
« Qu'est-ce qui ne va pas ? »
Son ami soupira légèrement. Il s'attendait à cette question. Après tout il ne pouvait pas nier que son comportement ces derniers jours prêtait à confusion. Il passa faiblement sa main sur sa nuque, signe d'une gêne incontrôlée. Difficile de raconter à son meilleur ami ce qui lui passait par la tête ces temps-ci, Scott n'hésiterait pas à contacter le premier psychologue trouvé dans l'annuaire. Par ailleurs, Stiles l'avait ouvert plusieurs fois avant de se raviser et de se persuader que son état était purement passager. De toutes façons, il était de ces personnes qui pensent que les psys eux-mêmes devaient consulter.
« T'inquiète pas, réussit-il à dire. »
Ces paroles, se voulant rassurantes, n'eurent aucun effet sur Scott qui fronça les sourcils, inquiet.
« Un petit coup de fatigue, persista Stiles avec un léger sourire. Après les cours je me poserai chez moi quelques minutes avant de vous rejoindre pour la soirée. »
Le loup-garou acquiesça mais se jura de garder un œil sur son meilleur ami. Quelque chose ne tournait définitivement pas rond. Puis, sans un mot, il recentra son attention sur le professeur qui récitait son cours d'un ton monocorde. Ses pensées dérivèrent vite vers la soirée organisée pour Isaac. Il avait tout prévu au moindre détail. Le pack de Derek serait là, sans compter Allison, Lydia et Stiles. Scott avait pour intention de passer une excellente soirée en compagnie de ses amis, et rien n'entraverait ses ambitions. Ce soir, aux oubliettes les événements passés : plus de lycanthropie, de PSATs, de meurtres en série… Ce soir, c'était la fête.
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Stiles sortit du bâtiment, retenant un soupir de mécontentement, et rejoignit la chaleur étouffante de la cour, non sans ressentir un soudain mal de crâne suite à l'air difficilement respirable. Etrange qu'il ait du mal à respirer tout à coup, alors qu'il avait passé deux jours entiers à supporter le soleil brûlant de Beacon Hills.
Il échangea quelques mots avec Danny, des mots dont, il en était sûr, il ne se souviendrait plus quelques instants plus tard. Il avait cette faculté de parler de manière cohérente quelquefois, alors que son esprit était à mille lieues de la conversation. Ses capacités d'adaptation le surprenaient parfois, et il se demandait souvent quand elles lui joueraient un mauvais tour… Une discussion cruciale occultée par ses pensées trop abondantes, voilà ce qui l'attendait s'il ne se concentrait pas plus sur le réel présent.
Stiles se détourna de Danny, alors que celui-ci repartait en direction des salles de classe pour régler quelques affaires, semblait-il. Le brun avait déjà oublié, son esprit concentré sur l'image virtuelle d'un grand bac à glaçons, où il pouvait, dans son fantasme, y plonger son corps tout entier.
« Stiles ! »
Le jeune homme ne fit plus un pas. Il faillit ne pas entendre cette voix douce, le murmure lui avait paru si faible et hésitant.
« Allison, répondit-il en lâchant un léger sourire. »
Il releva son bras pour protéger ses yeux du soleil trop lumineux. Sa main se fit vite très lourde, et après avoir lutté quelques secondes, il la rabaissa pour la remettre le long de son corps. La lumière trop vive agressa ses prunelles, accentuant sa migraine déjà envahissante.
« Tout va bien ? demanda la jeune fille, les yeux froncés en guise d'inquiétude. »
Stiles se sentit gêné d'une telle attention, mais surtout un peu honteux de se laisser terrasser par une simple chaleur trop ardente, alors qu'il avait déjà, lui semblait-il, connu des situations bien plus hostiles.
« Tout va bien, Allison. Je dois te laisser, j'ai quelques devoirs à terminer avant la soirée organisée pour Isaac, répondit Stiles en jetant un bref coup d'œil au sac qu'il tenait dans sa main. »
Allison lui adressa un sourire compréhensif, un peu déçue de ne pas pouvoir discuter plus avec lui. Cependant, le travail l'attendait elle aussi. Le jeune homme la regarda s'éloigner, perdu dans ses pensées. Il n'avait jamais eu de relations amicales avec une fille depuis… depuis bien trop longtemps.
Le jeune homme tressaillit à cette pensée. Depuis quand sa « relation » avec Allison était-elle « amicale » ? Il se faisait certainement des idées… La jeune fille n'avait d'yeux que pour Scott et ne laissait pas de place à une quelconque amitié pour Stiles. D'ailleurs, il était persuadé que Scott lui avait demandé de venir lui parler pour lui soutirer ses états d'âme actuels.
Enfin, il ne put s'empêcher de laisser son regard parcourir le corps fin d'Allison alors qu'elle se glissait dans la voiture de son père. Ses vêtements sobres ne l'avantageaient pas, mais elle gardait tout de même une certaine beauté difficile à ne pas remarquer. Ou peut-être était-ce parce que Stiles aimait plus particulièrement les longs cheveux bruns ? Mais le sourire et les yeux pétillants d'Allison aidaient, il devait bien se l'avouer, au charme fou de la jeune fille.
Stiles se dirigea lentement vers sa jeep, garée maladroitement près d'un arbre. Trop près d'un arbre. Arriver en retard ne l'aidait pas à réussir ses manœuvres. Il avait pensé plusieurs fois à échanger sa vieille jeep contre une moto, comme Scott. Mais il ne concevait définitivement pas rouler sous une pluie battante et arriver trempé de la tête aux pieds au lycée. Bien que ces temps-ci le soleil avait décidé de lui faire regretter ses choix véhiculaires et donner raison à Scott qui se vantait des sensations libératrices que lui procurait sa moto. Sensations libératrices ? Et d'abord, depuis quand Scott utilisait des expressions aussi sophistiquées ?
Le jeune homme tourna la clé dans le contact et écouta le vrombissement du moteur. D'accord, sa jeep n'était pas discrète. Visuellement et auditivement. Mais quand il s'agissait de ramasser un Derek Hale agonisant sur le parking du lycée, personne ne se plaignait de l'aspect particulièrement sommaire de sa voiture ! Sauf les jours comme celui-ci, où la climatisation aurait été accueillie à bras ouverts. Ou en pleine saison d'hiver, où le chauffage serait également le bienvenu. Bon, d'accord, sa voiture lui permettait de l'amener d'un point A à un point B sans le moindre confort. Mais tant qu'il arrivait à bon port, jamais rien ne lui ferait changer d'avis.
Stiles appuya doucement sur l'accélérateur et fronça les sourcils. D'accord sa jeep était d'un naturel bruyant, mais vraiment, elle n'avait jamais imité le son d'une locomotive auparavant. Il jeta un œil inquiet sur le capot de sa voiture, et ne vit rien d'alarmant. Il coupa le contact avant de le réenclencher nerveusement. Des rires lui firent tourner la tête le temps d'une seconde. Rapidement, il recentra son attention sur sa jeep… qui ne daigna pas démarrer. Les rires persistèrent et Stiles souffla d'agacement avant de diriger un regard meurtrier via son rétroviseur vers les personnes qui osaient se moquer de sa situation. Il n'en était rien. Il s'agissait seulement de Boyd et Erica qui attendaient patiemment le long du parking, blaguant à propos d'il ne savait quoi. Mais leur attention n'était pas focalisée sur sa petite personne qui sentait l'agacement prendre lentement possession de ses membres. Alors que le jeune homme s'apprêtait à réitérer son geste, à savoir donner une seconde chance à sa voiture, un vrombissement singulier perturba sa concentration.
A quelques mètres derrière lui, une magnifique Camaro s'arrêta, moteur toujours allumé. A son bord, Derek Hale, muni de lunettes de soleil, et Peter, muni de son air agaçant. Stiles crut percevoir un rictus provocateur sur les lèvres de l'ancien alpha. Le lycéen n'était pas son plus grand fan mais il devait bien s'avouer que quelque chose d'indéfinissable l'attirait chez lui. La classe des Hale peut-être ? Cet air hautain et distant qu'arborait également son neveu ? Quoiqu'il en soit, Stiles, de nature déjà intriguée, ne pouvait s'empêcher de se demander si l'incendie les avait transformés en deux murs stoïques, ou si ce trait de caractère était tout simplement héréditaire et immuable.
Erica et Boyd s'engouffrèrent dans la Camaro avec toute l'agilité qu'un loup-garou pouvait avoir. Stiles était du genre à se cogner la tête contre le toit de la voiture, à se prendre le pied dans le tapis du sol, ou encore à poser ses fesses sur l'attache de ceinture de sécurité. Il tuerait pour obtenir ne serait-ce qu'un dixième de l'adresse d'un loup, histoire de rentrer pour une fois chez lui un soir sans un hématome. Le moteur de la Camaro le fit sortir de ses pensées, et il tourna la tête vers la route pour la regarder s'avancer. Alors que la voiture arrivait à sa hauteur, ses yeux croisèrent deux verres noirs et un visage glacial. Derek Hale, l'homme le plus émotif de Beacon Hills.
Un instant, Stiles se demanda où se trouvait Isaac, si ce n'était avec eux. Il haussa les épaules pour lui-même et pria le ciel pour que sa vieille jeep veuille bien démarrer.
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Le jeune homme se gara dans l'allée de la propriété des Stilinski et donna une tape amicale sur le capot de sa jeep, fier d'elle. Il eut à peine posé un pied sur le sol que la voisine l'accosta à grands gestes bien visibles. Stiles souffla. Il avait déjà oublié le chat qu'il devait récupérer pour la semaine. Il claqua la porte de sa voiture et s'apprêta à rejoindre la vieille dame lorsqu'il sentit une résistance qui l'empêcha de faire un pas de plus. Ennuyé, il rouvrit la porte et en dégagea le bas de sa veste qui était resté coincé. Enfin, il préférait ceci à son doigt, comme la semaine précédente.
« Bonjour madame Walsh! lança le brun avec un sourire presque franc. »
La vieille dame déambula jusqu'à lui, son animal dans ses bras. Elle portait une large robe rouge qui rappelait à Stiles les coccinelles qu'il s'amusait à collectionner quand il était petit. Avant de les découper en petits morceaux. Oui, il avait eu sa période psychopathe, mais il s'en était bien remis. Du moins le pensait-il.
« Comment va Skitty ? minauda Stiles en chatouillant les oreilles grises du chat, toujours dans les bras de madame Walsh. »
Skitty était un félin européen parfaitement banal, mis à part son miaulement très rauque qui réveillait tout le quartier très tôt le matin. Stiles s'amusait à le comparer au feulement de Scott pour le taquiner. Son pelage gris n'était ni doux, ni rêche, et ses longues moustaches avaient la fâcheuse tendance de vous chatouiller le nez si vous le serriez trop près de vous. Skitty était le stéréotype du vieux chat pataud, toujours à dormir, les yeux hagards, la queue fatiguée et le pas lourd. Mais il existait une chose qui éveillait le vieux chat : les abeilles. Il en avait horreur et s'amusait la plupart du temps à les pourchasser, patte bien en l'air, les oreilles rabattues, les vibrisses frétillantes. Mais hélas, son tableau de chasse était bien restreint et son museau arborait toujours la marque de ses écrasantes défaites.
« Toujours aussi chiant, répondit Madame Walsh. »
Très peu portée sur les bonnes manières, cette dernière prenait un malin plaisir à énumérer toutes les grossièretés en une seule phrase. Atteinte d'une maladie incurable, découverte trois ans auparavant, elle avait décidé que si la vie était trop courte pour ne pas dire ce qu'elle pense. Stiles l'enviait sur ce point de vue, lui qui était incapable de formuler les sentiments qui se tapissaient au fond de lui depuis quelques semaines déjà. Ah ça, pour sortir des âneries plus grosses que lui, il était champion. Madame Walsh rebaptisait son chat « Shitty » de temps en temps, lorsque ce dernier revenait, la queue entre les pattes, las d'une énième défaite contre les butineurs. Peu soutenu par sa maîtresse, peut-être ne se sentait-il pas de taille à vaincre ces sales bestioles volantes qui envahissaient son jardin privatif, et espérait-il un peu d'encouragement de la part de sa famille adoptive.
Après une courte conversation presque polie, Madame Walsh lui confia son animal et retourna dans sa demeure vieillissante, la démarche chaloupée. Devant la maison des Stilinski trônait un vieux sac bleu marine que la vieille femme avait dû déposer avant son arrivée, afin d'écourter les formules d'usage sûrement. Les coutures usées s'effilaient et la fermeture éclair avait bruni, signe que la besace avait fait son temps. Stiles ouvrit la maison et fit rentrer le chat à légers coups de talon sur son arrière-train. Il lança nonchalamment le sac du félin dans le salon et partit allumer la radio dans la cuisine. Skitty miaula, effrayé par ce nouvel endroit, mais prit rapidement connaissance des lieux. Stiles esquissa un sourire attendri à ce comportement et se décida à ouvrir la besace. Il y découvrit un bac marron usagé, un sac de litière, des croquettes et de la pâté en conserve. Le jeune homme installa le bac dans un coin du salon et le remplit de grains blancs. Il avait eu un chat une fois, mais malheureusement ce dernier n'avait pas survécu longtemps à l'hyperactivité du garçon. Son père dût le confier à un ami à lui, et de ce que Stiles en savait, il coulait aujourd'hui des jours heureux.
Le lycéen ouvrit le frigo, prêt à s'offrir un réel festin quand sa main s'arrêta en chemin, les doigts touchant presque la brique de beurre. Est-ce que Scott avait prévu de quoi manger pour la soirée ? Devait-il soulager son estomac maintenant ou aurait-il l'occasion de le faire plus tard ? Et d'ailleurs, à quelle heure devait-il rejoindre son ami chez lui ? Stiles haussa les épaules pour lui-même et sortit le pain de mie, le beurre et le chocolat en poudre. Son père détestait cette combinaison et trouvait que le rendu était, je cite, « répulsif ». Mais le jeune homme ne ratait jamais son goûter. Bon, ces derniers temps, les imprévus extrascolaires l'avaient un peu obligé à déroger à cette règle. Cependant, Stiles aimait croire qu'il suivait une certaine routine. C'était un moyen de canaliser son hyperactivité et d'adopter peu à peu un comportement plus ordinaire.
Il écrivit rapidement un texto à son meilleur ami et monta dans sa chambre, bien décidé à réviser pour son quizz d'histoire de la semaine. Très vite, il fut rejoint par Skitty qui fourrait son nez dans tous les coins, prêt à adopter sa nouvelle maison. Stiles lui jeta un regard ennuyé et se replongea dans son manuel, faussement concentré, comme s'il essayait de convaincre le chat de sa bonne volonté. Le jeune homme lança un regard suspect à Skitty qui le fixait de ses grands yeux jaunes, statique.
« Arrête de me regarder comme ça toi ! »
Stiles souffla, agacé par l'attitude du chat. Il se sentait observé et cette situation le rendait mal à l'aise. Il lui lança un morceau de gomme pour lui faire détourner le regard, mais Skitty, tout malin qu'il était, ne bougea pas et cligna des yeux, l'air pincé et le regarda d'un œil torve.
« Heyyy ! s'exclama Stiles en explosant de rire et en se balançant sur sa chaise, au point qu'il manqua de se renverser. Tu tires la même tête que Derek quand il me voit arriver de loin ! »
Le lycéen attrapa son téléphone d'un geste vif et immortalisa l'instant. Il envoya la photo à Scott, suivie de la mention « ça te rappelle personne ? », et ferma son livre d'histoire… ou d'économie… il ne savait même plus ce qu'il révisait deux minutes auparavant. Il se jeta nonchalamment sur son lit, les bras et jambes écartés. La chaleur de la journée l'avait épuisé et il se demandait s'il allait tenir le coup à la soirée de Scott. Peut-être devrait-il s'accorder une sieste réparatrice ? Juste quelques minutes pour recharger ses batteries. Il regarda sa montre d'un œil déjà à moitié endormi, et s'autorisa à fermer les yeux l'espace d'un instant.
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Derek passa une main fébrile dans les cheveux du lycéen. Il était si beau. Son visage était absolument parfait, des yeux noisette taquins, un sourire espiègle, des joues légèrement rebondies… Quelquefois, il se demandait ce qu'il lui trouvait, à lui, loup-garou effrayant, sans physique particulièrement attirant…
« Tu es si beau… »
Stiles voyait en lui quelque chose qu'il n'était pas capable de voir, apparemment… Derek sourit et l'embrassa tendrement. Ils se trouvaient tous deux sur son lit, le lycéen au-dessus de lui, et lui à moitié dévêtu. Le jeune homme l'avait rejoint à l'improviste, le temps que son père revienne de ses heures de travail. Leurs rendez-vous se faisaient toujours en secret… et c'était ce qui, dans un sens, rendait les choses encore plus excitantes.
Derek s'attarda dans le cou de son amant, caressant de sa langue la peau ivoire qui lui était offerte. Il connaissait ses points sensibles et prenait un malin plaisir à s'y égarer. Le lycéen gémit et plaça sa main sur la nuque du jeune homme pour approfondir le contact. Il ferma les yeux, savourant l'instant. Ils étaient bien trop rares à son goût, il aurait voulu avoir Derek tous les soirs, toutes les nuits… Mais le chemin que le destin lui avait choisi l'en empêchait, et il était bien trop conscient que cette relation ne pourrait durer éternellement… et que sa fin approchait à pas feutrés. Stiles rejeta sa tête en arrière, laissant champ libre à Derek qui n'en demandait pas tant. Alors qu'il jouait avec sa peau déjà marquée, le lycéen sentit ses joues rosir de plaisir et d'un désir qui descendait doucement le long de son ventre, laissant une trainée de papillons chatouiller son abdomen. Il avait envie, mais savait qu'ils n'auraient pas le temps… or, Stiles aimait prendre son temps.
« Derek… soupira-t-il dans un souffle. »
Derek gémit en réponse et fit glisser sa langue le long de la mâchoire de son amant. Il chérissait ces instants avec lui, il ne s'en lassait pas, voulait qu'ils durent éternellement… Jamais il n'avait éprouvé un tel attachement, de telles émotions, de telles… faiblesses… avant lui. Mais Derek aimait ces faiblesses-là, se sentir désireux… et désiré… C'était comme vivre une autre existence, une existence parallèle à sa vie de loup-garou fugitif. Un univers alternatif où il laissait ses sentiments le guider, où il était enfin lui-même, où son cœur trouvait enfin son trop plein d'amour à partager. Il était amoureux, oh oui, il était amoureux. Stiles, son premier et dernier amour, Derek en était certain.
« Je t'aime, murmura-t-il, les yeux fermés en laissant glisser lentement un doigt le long de la joue rosie de Stiles. »
Stiles sourit tristement et posa ses lèvres sur celles de Derek, désireux de sceller cette déclaration de la plus belle des manières possibles. Leurs deux langues se rencontrèrent dans un baiser passionné, empreint d'amour, de désir, et de désespoir… Le loup-garou plaça sa main sur les reins de son aimé, dans une caresse douce et tendre. Stiles s'arqua et émit un léger rire.
« Ca chatouille, avoua-t-il en interrompant leur baiser. »
Derek sourit malicieusement.
« Vraiment ? demanda-t-il, les yeux pétillants. »
Il fit courir le bout de ses doigts sur le bas rein de Stiles qui ne put retenir un sourire, heureux d'être dans les bras de celui qu'il aimait plus que tout. Il plongea ses yeux noisette dans ceux azur de Derek ; jamais il ne cesserait de l'aimer. Quoiqu'il advienne, quoiqu'ils décident tous deux, il était certain qu'il resterait l'amour de sa vie. La première fois que Stiles l'avait vu, il avait compris que cet homme serait unique à son cœur. Mais jamais il n'aurait imaginé qu'il en tomberait amoureux, et que leur histoire les ferait souffrir à en mourir.
Le lycéen ne se lassait pas de son sourire, de ses yeux qui se plissaient quand il forçait un sourire, de sa petite fossette sur la joue, qu'il, il le savait, haïssait. Il adorait sa voix, ni grave, ni aiguë, neutre, banale, mais pourtant, à chacun des mots que Derek prononçait, son cœur s'accélérait, sa tête arrêtait de penser, et ses mains devenaient moites. Si c'était ça être amoureux, alors il souhaitait l'être pour toujours.
Alors que leurs lèvres s'embrasaient au contact brûlant de leur baiser, Stiles sentit sa respiration s'accélérer et sut qu'il ne pourrait résister à une autre nuit d'amour avec Derek. Aussi courte allait-elle être, le lycéen s'en moqua : il le désirait trop fort pour ne pas profiter de leurs rares moments ensemble. Doucement, il enroula son doigt autour de la ceinture de Derek et joua avec le morceau de cuir avant de, lentement, détacher la boucle qui enserrait son jean. Le loup, sentant que son amant voulait aller plus loin, lui déboutonna sa chemise avant de la faire glisser sur ses épaules délicates. Les deux amoureux approfondirent leur baiser, entremêlant leurs jambes et savourant le contact de leur peau transpirante de plaisir. Alors que Derek s'apprêtait à baisser entièrement le pantalon de Stiles, la porte de la chambrée s'ouvrit inopinément, et une voix indignée raisonna entre les quatre murs de la pièce.
« Stil… Qu'est-ce qu… »
Les deux amants sursautèrent avant de tourner la tête vers la porte. A la vue du shériff, sur le pallier, assommé par la vision, ils se séparèrent brusquement, coupables. Derek se glissa rapidement derrière le lit afin de revêtir son haut. Il sentit la honte remonter le long de ses joues. Humilié, il ne bougea pas, et resta accroupi, se cachant volontairement de la vue du shériff qui se tenait toujours dans l'embrasure de la porte.
« Papa… balbutia Stiles, maintenant seul sur le lit. »
Il avait remonté son bas nonchalamment, encore inconscient de la situation dans laquelle il se trouvait. Ca lui semblait si irréel, de savoir son propre père assister à une seule seconde de ses ébats avec Derek. C'était comme si les deux mondes dans lequel il vivait venaient de se rejoindre, et la réalité l'avait rattrapé, au profit de son amour pour le loup-garou.
Stiles n'eut pas besoin de regarder son père pour comprendre qu'il avait fauté. Qu'il fautait depuis le commencement. Depuis qu'il avait posé ses yeux sur Derek et qu'il était tombé sous son charme. Depuis leur premier baiser, en pleine « mission ». Depuis leur première fois, dans cette ruelle, après une soirée assez mouvementée. Depuis qu'il était fou amoureux de lui.
Stiles sursauta et ouvrit les yeux en grand. L'espace d'un instant, il se demanda où il se trouvait. Son cœur battait à tout rompre dans ses oreilles et son front témoignait d'un sommeil plutôt agité. Ses yeux papillonnèrent, pas certains de distinguer ses fantasmes du réel. Sa respiration reprit une cadence plus ou moins normale, entraînée par les battements de son cœur qui reprenaient une certaine contenance après quelques secondes d'égarement. Une goutte de sueur froide se faufila dans sa chemise entrouverte et se fraya un chemin sur son torse brûlant, laissant derrière elle un arrière goût amer au jeune homme qui comprit bien vite qu'il se trouvait toujours dans sa chambre, seul, allongé sur son lit en étoile, les draps dispersés de part et d'autre.
Le jeune homme lança un regard ennuyé vers le vieux chat, coupable de sa sieste écourtée, et d'un geste de la main, l'invita à quitter son lit aussi vite qu'il l'avait envahi.
« Bordel… souffla-t-il en donnant un coup sec sur son lit, les poings serrés, frustré. »
Son téléphone sonna à ce moment-même.
« Qu'est-ce que tu fabriques ? lui cria presque Scott dans le téléphone. »
« Je faisais un rêve érotique, répondit Stiles le plus sincèrement possible. »
Il y eut quelques secondes de silence à l'autre bout du fil.
« Viens réaliser ton rêve érotique ce soir, Lydia a vidé une demi-bouteille de vin blanc. Elle ne sait déjà plus ce qu'elle dit ni ce qu'eeeelle… »
Stiles n'entendit pas la suite mais ouït des rires et une voix plus que ivre protester comme quoi « il fait chauuuud enlève-moi mon chemisieeeer ».
« Allô Scott ? osa Stiles, pas sûr que son interlocuteur soit toujours avec lui. »
A suivre…
