Synopsis : une petite discussion au réfectoire de l'armée.

Disclaimer : pas à moi, pas à moi, pas à moi !

Chagrin d'amour

C'était l'heure de la pause déjeuner. Dans le réfectoire du bâtiment de l'armée, Sheska finissait de siroter son café tandis que le lieutenant-colonel Maes Hugues lui racontait comment la petite Elycia avait barbouillé de peinture à l'eau les murs de sa chambre. La jeune archiviste écoutait d'une oreille tout en ne faisant rien pour écourter les discours de son supérieur hiérarchique. Après tout, vu le rythme auquel elle travaillait, elle préférait ne pas raccourcir les pauses.

« Et il nous a fallu une heure pour tout enlever ! » conclut Hugues avec un sourire radieux. « Si tu avais vu comme elle était chou, avec de la peinture plein ses petites mains… »

« Ça a dû être… fatiguant », avança Sheska en reposant sa tasse de café tout en priant pour qu'il n'enchaîne pas sur les bêtises de la veille.

« Ah ! Oui, c'était fatiguant, mais si merveilleux en même temps ! Tu verras quand tu auras des gosses. »

« Si j'en ai », murmura la jeune employée. A dix-huit ans à peine, elle ne se voyait pas encore en mère de famille. Hugues fronça les sourcils.

« Bien sûr que t'en auras, qu'est-ce que tu crois ? Pourquoi tu voudrais ne pas en avoir ? »

« C'est que… j'ai encore le temps, non ? » balbutia Sheska. « Et puis, pour faire des enfants, il faut se marier. Moi, je n'ai même pas le temps d'avoir un petit copain. »

« Non ? C'est pas possible ! Mignonne comme t'es, tu te fiches de moi ! » (Sheska rougit violemment). « Oh, c'est déplorable : à ton âge, ne pas être amoureuse ! »

« Je l'ai déjà été ! » protesta la demoiselle. « Et ça m'a laissé un mauvais souvenir. »

Depuis la table voisine, Jean Havoc se mit à tendre l'oreille. Ça alors, il n'était pas le seul à avoir une vie sentimentale pourrie. Le lieutenant-colonel eut l'air catastrophé. « Il a été méchant avec toi ? »

« Non, au contraire. Au début, c'était trop génial. Notre première rencontre, c'était chez un bouquiniste du vieux marché et… (Sheska rougit de nouveau) et j'ai tout de suite eu le coup de foudre. Je… j'avais jamais ressenti ça avant. Ensuite, on a passé du temps ensemble pendant des mois. Je n'oublierai jamais son odeur de cuir de Russie et toutes ces merveilleuses soirées qu'on a passées ensemble, je m'endormais avec les bras autour d'elle… »

Depuis la table voisine, Jean Havoc se détourna, vaguement secoué. Il n'avait rien contre les homos mais il avait déjà assez de concurrence comme ça avec tous les beaux gosses qu'il côtoyait sans que les femmes s'en mêlent aussi ! Sheska, qui n'avait rien remarqué, continua sur sa lancée.

« Et elle m'a appris des tas et des tas de choses que je ne savais pas ! C'était trop génial. Mais ensuite, ma mère est tombée malade et comme je n'arrivais pas à trouver du travail, je me suis trouvée à court d'argent. J'ai été obligée de la vendre. »

La demoiselle baissa les yeux. Une larme se mit à couler sur sa joue. Effaré, Maes Hugues hésita entre lui tendre son mouchoir et téléphoner au sanatorium le plus proche. « Tu me dis… que tu l'as vendue ? » demanda-t-il enfin pour s'assurer qu'il avait bien entendu.

« Oui, je l'ai vendue, et c'était une pièce rare ! » s'écria la demoiselle en éclatant en sanglots. « Une première édition de l'encyclopédie Universalika en douze volumes, reliée cuir, même que le premier tome était dédicacé par le coordinateur du collectif auteurs. Il m'a fallu des mois pour ne plus penser à elle ! »

La fin…