La pluie faisait rage sur Londres. Un éclair déchira la nuit, et dans la lumière fugitive, les mots « Square Grimmaud » apparurent en lettres d'or l'espace d'un instant.
Deux silhouettes encore emmitouflées dans leurs longues capes de voyage dégoulinaient dans l'entrée du numéro douze.
- Ah, c'est toi Severus ! lança Sirius d'un ton dédaigneux en revenant à la pièce à vivre.
Le professeur de potions ne prit même pas la peine de relever et le suivit en ôtant sa cape. A l'étage au dessus, penchés par-dessus la rambarde, les jumeaux Weasley observaient la scène.
Au milieu d'un murmure de conversation, la voix de Molly éclata :
- Comment ?? Elle est encore dans l'entrée ??
Elle hurla encore quelques secondes, avant de se ruer hors de la pièce à vivre. Elle s'attendrit cependant rapidement en considérant la personne qu'elle avait en face d'elle et qui n'avait même pas bougé d'un pouce.
Avec toute sa douceur de mère, Mrs Weasley lui ôta son manteau.
- Une fille ?! s'étonnèrent les jumeaux, en manquant hélas de discrétion.
Molly releva la tête et reprit son ton de lion enragé en reconnaissant ses fils.
- Que faites-vous donc là, tous les deux ?! Voulez-vous bien retourner dans votre chambre ? Allez !
Ils ne se le firent pas répéter et s'enfuirent rapidement, en se promettant toutefois de revenir tôt ou tard pour glaner quelque info supplémentaire…
- Ce qu'ils peuvent être curieux ces deux là… Mais dis-moi, ma chérie, reprit Molly en se radoucissant soudain, comment te sens-tu ? Tu es gelée !
La jeune fille la regarda entre ses longues mèches noires comme l'encre dégoulinantes de pluie. Ses grands yeux, à la triste couleur d'un nuage de pluie, semblaient encre assombris par un trop récent chagrin. Elle passa une main sur son front : pas de fièvre. Pas pour très longtemps, toutefois, si elle restait à grelotter sur le palier !
- Dis-moi, comprends-tu l'anglais ? demanda Molly à la jeune fille.
Cette dernière mit quelques secondes avant de répondre :
- Un peu. Je suis un peu lente, mais mon père m'a appris.
- Aussi rapidement ? s'étonna Mrs Weasley pour elle-même. Enfin, là n'est pas la question ! Viens avec moi.
Elle lui prit les épaules et l'entraîna vers la pièce à vivre.
- Comment t'appelles-tu ?
- Victoire. Victoire Lokaa.
Elle l'entraîna vers la cheminée, où crépitait un joli feu de bois.
- Et quel âge as-tu ?
- Dix-sept.
- Dix-sept ans… Mes jumeaux ont dix-huit ans, et Ronald en a seize. Peut-être t'entendras-tu avec eux ? Ah ! s'écria-t-elle soudain en voyant du monde venir de la cuisine. Victoire, voici Sirius : c'est à lui qu'appartient cette maison. (Le fugitif ne lui accorda qu'un bref regard méfiant). Juste derrière, Arthur, mon mari (qui lui lança un chaleureux sourire), puis Remus et Minerva.
Le professeur Rogue suivait en silence, comme à son habitude.
- Mais d'ici peu tu connaitras tout le monde, je te le garantis, ajouta Molly avec entrain.
Victoire eut un maigre sourire. Mrs Weasley lui désigna le fauteuil le plus proche des flammes :
- Installe-toi, je reviens tout de suite.
La jeune fille resta immobile, gênée, puis elle croisa le regard de Rogue qui hocha imperceptiblement la tête, et elle se sentit tout de suite plus à l'aise.
Elle s'asseyait à peine que Mrs Weasley revenait déjà, les bras encombrés d'une épaisse couverture de patchwork et d'une grande serviette éponge, ainsi que, flottant dans son sillage, un plateau de beignets appétissants, une énorme tasse de chocolat fumant nappé de chantilly et une paire de chaussons duveteux.
Un peu moins d'une heure plus tard, Victoire dormait profondément, parfaitement sèche et emmitouflée dans la couverture.
- Je vais monter ses affaires dans la petite chambre sous les combles, dit doucement Molly. Elle n'a qu'un seul sac ?
- Elle n'a rien voulu emporter d'autre, confirma Severus, debout dans un coin de la pièce.
Mrs Weasley hocha lentement la tête en regardant la jeune fille qui dormait paisiblement.
- Perdre sa mère si jeune, murmura-t-elle presque pour elle-même. Ca doit être terriblement dur. Le voyage jusqu'ici n'a pas été trop difficile ?
- Trois jours à cheval jusqu'à la Porte de Diã Ihrtà, le reste s'est vite fait. Elle a eu du chagrin pour sa mère, mais il n'est pas dans les coutumes Diãhraë de pleurer bien longtemps les morts.
Molly lui jeta un coup d'œil curieux.
- Minerva, reprit-elle, pourquoi faut-il qu'elle rentre en cinquième année ? Elle a pourtant dix-sept ans !
- Le règlement est très strict là-dessus, Molly, et vous le savez, répondit sèchement la sous-directrice de Poudlard. Il est tout à fait impossible d'entrer en sixième année sans être titulaire du BUSE. Et puis, même sans cela, je pense qu'elle aura assez de difficultés pour rattraper le niveau.
- La Magie coule dans ses veines, intervint Rogue.
- Il y a deux magies dans ses veines ! répliqua McGonagall. S'il est vrai que la Magie et le Don se confrontent à égale proportion, elle n'a jamais utilisé que le Don !
- Elle sait se servir d'une baguette magique.
- Severus, je comprends que vous vouliez la défendre, et c'est tout à votre honneur, mais cela ne changera rien, elle entrera en cinquième année.
Chacun se tut. Il était inutile de se disputer pour si peu. Rogue jeta un bref coup d'œil à la fillette, et McGonagall crut y déceler une lueur d'attendrissement.
- Je suis certaine qu'elle s'adaptera très bien, dit Molly. Mais elle aura besoin de vous, Severus. Tous les enfants ont besoin de leur père quand ils n'ont plus leur mère pour les guider.
