Disclaimer : Albator, Clio, Maetel, Warius, Doc, les marins de l'Arcadia et les militaires du Karyu, l'équipage du Big One, Mi-Kun et Tori-San appartiennent à leur créateur, M. Leiji Matsumoto.
Bob l'Octodian et son Metal Bloody Saloon appartiennent à Aerandir Linaewen à qui je les emprunte, avec son autorisation, le temps de quelques clins d'œil.
Les autres personnages sont à bibi
1.
Des doigts souples et agiles, et des touches d'ivoire et d'ébène, naissait une musique douce, nostalgique, presque féerique, en complète opposition avec l'environnement hors du temps et des redoutables têtes de mort lourdes de sens qui marquaient les murs et certains bibelots.
Clio était rentrée sans bruit dans l'appartement aux panneaux de bois, vitraux et amples tentures – quasiment une réplique de celui du Capitaine de l'Arcadia – sauf que les murs étaient blancs et la lumière du plafonnier crue.
De fait, comme à chaque fois, la jurassienne cligna plusieurs fois des yeux avant de s'avancer plus, s'approchant du piano à queue et posant dessus deux verres sur lesquels était ciselé le symbole pirate.
- Ce Nocturne est de toute beauté, Aldie !
- Content qu'il te plaise. Je t'attendais plus tôt. J'imagine que le cépage de nos vignobles était un peu traître ?
- Je pensais venir partager avec toi le reste de la bouteille mais en me réveillant j'ai constaté qu'elle était vide. Sa jumelle remplira cet office, ajouta-t-elle en la débouchant et en versant le vin très sombre dans les verres.
Après avoir joué la dernière note de la partition, Aldéran croisa les bras sur l'abattant du couvercle en bois doré.
- Finalement, traverser la zone des Lunes Flottantes fut une pure formalité, remarqua-t-il en appréciant le vin servi. Ces baudruches de la taille d'une planète se transperçaient comme du papier, on traversait tout le vide qui les composait et on ressortait tout aussi facilement – et ainsi de suite ! Tu sembles dubitative, pourtant tu étais là !
- Cela ne se rapprochait pourtant en rien des récits des quelques-uns qui s'y étaient risqués ! objecta Clio dont l'attitude trahissait autant le doute qu'une peur rétrospective. Les autres voyageurs de l'espace, ceux qui ont survécu – même pas ceux qui les ont traversées – parlaient de masses comme gélatineuses, vivantes, dont certaines ont été les tombeaux des appareils ayant lancé un appel de détresse avant de disparaître donc.
- Nous n'avons pas rencontré de difficultés, insista le jeune homme.
- Et moi je te répète que notre passage n'a rien eu de naturel ! Je voulais te poser la question une fois qu'on aurait laissé cet obstacle derrière nous : tu n'as rien ressenti de particulier tandis que l'on allait d'une lune à l'autre ?
Aldéran avait alors réfléchi.
- Maintenant que tu le soulignes… Je n'ai rien perçu d'hostile dans cette zone des Lunes. Au contraire, bien que Toshiro m'en renvoie une projection cartographique sur l'écran central, je n'ignorais rien de l'environnement, c'étaient même plutôt eux qui éveillaient un écho en moi ! réalisa-t-il. Il n'y avait pas assez d'espace entre les Lunes pour qu'elles s'écartent, mais elles ont fait en sorte de ne pas nous faire de mal ! Oui, Clio : elles craignaient de nous détruire ! Ces Lunes sont des êtres conscients, vivants ! Je ne pense pas en revanche qu'il y ait un Gardien ou un Sanctuaire, mais on a bel et bien eu affaire à du surnaturel !
- Il me semblait bien, murmura Clio. Mon pouvoir psychique était totalement bridé !
- Cela n'a rien de logique, protesta le jeune homme. On empêche Saharya et toi de développer votre puissance mais on me fait, quasi, une voie royale pour rejoindre la première ! Je n'y comprends rien… C'était mieux quand je ne me posais pas de questions !
- Désolée.
- Non, tu as eu raison de souligner ces incohérences. Et ce même si ça n'embrouille que plus une situation déjà incompréhensible !
Clio secoua négativement la tête, posant sa main sur l'épaule d'Aldéran qui même à travers sa veste d'intérieur écarlate perçut sa chaleur.
- C'est même plutôt normal. Ce monde a beau être surnaturel, il n'en demeure pas moins régi par les deux plus grandes puissances qui soient.
- Lesquelles ? s'étonna-t-il, ne comprenant pas et songeant qu'il n'aurait pas dû boire un vin aussi capiteux avec l'estomac vide !
- Le Bien et le Mal ! déclara la jurassienne d'une voix toujours aussi douce. Elles aussi se font une guerre, éternelle. Tu l'as expérimenté quand Velkar s'est attaqué au Sanctuaire de Saharya dont tu venais de ranimer le cœur d'énergie !
Le jeune homme se leva pour aller s'installer dans un fauteuil bien plus confortable que son tabouret.
- Quand je verrai Saharya, il faudra que je lui demande pourquoi sa jumelle s'est échappée de sa prison. Normalement, comme pour Kwendel et moi, la malédiction gémellaire aurait dû faire disparaître Ayrahas… Enfin, j'imagine que leur immortalité change la donne. Toshy, quand arrivera-t-on ?
- Toujours dans trois jours, Aldéran. La traversée des Lunes a été plus rapide que prévu – puisque, apparemment, on t'a facilité la tâche en « parlant » directement à ton esprit. Détends-toi.
- Difficilement de faire autrement avec ce cru, gloussa le jeune homme qui au quatrième verre de vin trouvait à présent la situation très amusante et sans plus aucune complication ! T'es contente de toi, Clio, c'était bien ton stratagème, non ?
- Hips… fit la jurassienne qui irradiait de lumière.
L'Arcadia avait mis à l'arrêt à proximité des coordonnées où se trouvait le Sanctuaire de la Magicienne Blanche.
- Allons bon, pourquoi il n'apparaît pas alors que tu es là, en pleine forme, Aldie ? siffla Clio en perdant de son calme légendaire.
- Ne t'agite donc pas. Il n'y a nul danger autour de nous, protesta Aldéran. Et, en dépit de sa puissance de frappe, l'Arcadia est comme un fétu de paille face au monde surnaturel… Nous ne pouvons ni nous défendre ni attaquer. Dès lors, il importe que je persuade Saharya et Lourik son Prieur de la pureté de mes intentions.
Le jeune homme éclata de rire.
- Ces entités surnaturelles sont par trop mal embouchées : on me contacte, on m'appelle, et puis on demeure dans sa dimension parallèle !
- Je n'ai pas cherché à te joindre.
Pour une fois de la téléportation instantanée, Clio découvrit avec stupeur et émerveillement le Sanctuaire de Saharya, ainsi que Lourik le Prieur aux allures de centaure ailé.
En habitué, désormais, Aldéran s'était approché d'une fontaine de nectar divin et y avait rempli son hanap, en tendant un autre apparu aussitôt pour la jurassienne.
- Heu, Saharya, tu es la seule à pouvoir atteindre directement mon esprit et mon cœur. J'ai reconnu ton signal !
Dans sa longue robe colorée, sa crinière blonde libre sur ses épaules et dans son dos, la Magicienne s'approcha de l'enfant qu'elle avait mis au monde.
- Je crois que tu as découvert que je n'étais pas unique en mon genre ? releva-t-elle doucement.
- Je suis vraiment le dernier des idiots…
- Non, il n'était que normal que tu songes que j'étais celle qui avais établi la connexion ! Après tout, encore plus qu'avec moi, rien ne te rattache à ma jumelle d'Enchanteresse Blanche !
Le jeune homme se mordit la lèvre supérieure.
- J'ai eu des propos immondes. Je les pensais, pour mes origines, mais ça ne me donnait le droit de les proférer. Tu as été plus que correcte avec moi, depuis qu'on se connaît en fait. Tu m'as sacrifié ta toute puissance pour être une Ombre, comme ta jumelle… Tes moyens pour enfanter furent ceux de ton essence surnaturelle, nos instincts humains ne sont guère meilleurs, vu mon travail je le constate chaque jour quasi !
Saharya s'approcha tout près de lui mais se garda de le toucher.
- Toi aussi tu avais raison. Ta famille, ta vraie mère sera toujours celle qui t'a ouvert les bras et le cœur. Cette Karémyne est une Mortelle magnifique. Je peux t'avouer que je suis soulagée que le peu de temps qu'il a passé avec moi ton père ne fut parjure à aucun serment.
- Autrement, jamais il ne se serait laissé prendre à tes charmes, jeta Aldéran davantage par bravade. Tu as un effet sur nous, les mâles, et cela s'applique autant à mon père qu'à moi… Tes phéromones sont redoutables !
- Un réflexe que je ne contrôle pas, s'excusa la Magicienne. Quelque part, vu que je suis pour ma part née sous la forme d'énergie pure, j'ai été créée pour attirer ceux de l'autre sexe, toute espèce confondue ! Mais, je te rassure : je n'oublie pas que tu es ma chair et mon sang et même si mes phéromones te retournaient complètement je ne te toucherais pas.
L'évanescente créature eut le plus doux sourire qu'Aldéran ait jamais vu.
- J'ai accompli ma destinée, après bien des siècles, en accouchant de ton jumeau et toi. Je n'ai donc plus aucune raison de jouer à la sirène de cette mythologie oubliée…
Une ombre de souci passa sur le visage lisse, sans une ride, intemporel, de la Magicienne.
- Toutes les mythologies ne sont pas disparues, tout comme les souvenirs d'un passé qui n'auraient pourtant jamais dû se ranimer. Mais je n'influe pas sur la destinée des Mortels, ou si peu… Et tu es venu pour Ayrahas.
- Tu…
- Non, je n'ai plus de contact avec elle. On se parlait pourtant télépathiquement de façon régulière, mais cela a cessé depuis quelques temps… Qui sait, sans pouvoir m'atteindre, elle s'est rabattue sur toi !
- Saharya a raison, glissa Clio.
- Je te protège des prières de la Reine des Sylvidres, reprit la Magicienne, mais tu demeures sensibles aux influences de notre monde, tu es un…
- Un banal relai-émetteur !
- Il y a de ça…
- Formi…
Aldéran se ressaisit.
- Si c'est bien ta jumelle ! Je vais aller à son Sanctuaire ! Je ne suis plus à un voyage Subliminal près !
- Merci, fit Saharya. Je ne pourrai pas t'aider, mais n'oublie pas que les pouvoirs de son Sanctuaire seront les tiens.
- Judicieux conseil. Tu nous ramènes à l'Arcadia ?
Le sourire de la Magicienne devint, un brin, polisson.
- Ton père t'a confié l'Arcadia sans une protestation, c'est qu'il te pense digne de son vaisseau, son véritable cœur. Aldéran, je crois pouvoir dire que tu as atteint là une des apogées de ta destinée !
- Au fait, j'aurais encore une question sur la maléd…
- Un autre jour !
Les deux visiteurs ayant disparu de la plateforme du Temple, Lourik se rapprocha de sa maîtresse.
- Ce qu'il va trouver, cette fois ?
- Ce ne sera pas bon, pas bon du temps… Encore faut-il qu'il y arrive sans encombre et l'aura d'avenir qui l'entourait était tellement ténébreuse ! J'ai très peur…
