Et Voilà, bien malgré moi, les délais que j'espérais tenir n'ont pas été respectés, mais la suite de Bullets & Blood's Family est bien là ! Voici donc Voices of Dead, et la suite des aventures de Charlie Baxter dans la saison 2 de Sons of Anarchy. Je ne vais pas vous faire languir plus longtemps avec un interminable préambule, et je vais rentrer dans le vif du sujet après ces quelques informations.
Fréquence de publication mensuelle. Sur cette fiction, ne vous attendez pas à plus d'un chapitre par mois. Parfois, vous aurez au cours du mois des chapitres bonus, selon mon avancée, mais sinon, on dit un chapitre tous les mois.
J'aime les reviews! Qu'on se le dise, un auteur qui reçoit des reviews est prolifique! D'autant plus, si elles sont longues et/ou critiques, et surtout constructives! N'ayez aucune crainte, je ne mords pas et en plus, je réponds à tous les coups !
Pour ce chapitre, sachez qu'il s'agit plus d'un prologue, ou d'un préambule. On démarre tout doucement, pour replacer le contexte, pour vous amener les quelques évènements déroulés pendant ces trois semaines d'ellipse depuis que l'on s'est quitté sur B&B Family.
Enfin, pour ceux qui n'arriveraient que sur cette fiction, sachez qu'il vous sera impossible de comprendre cette fiction sans avoir lu son aînée, Bullets & Bloods Family, puisque Voices of Dead est dans la continuité directe de cette dernière.
Titre:Voices of Dead
Chapitre 1: Cali'Famille
Auteur: Edeinn
Rating: M (Attention aux plus jeunes : Langage vulgaire/Mots de sexe …)
Spoilers: Saison 2 / Épisode 1 Albification ( Le Masque de La Haine en français)
Résumé général:Charlie est revenue. Prête à affronter ses vieux démons, Charlie reprend sa route aux côtés de SAMCRO, de sa famille, et de son père. C'est le début d'une nouvelle vie pour Charlie Baxter. Une nouvelle route sur laquelle elle suivra les Voix des Morts.
Disclaimer:Les éléments scénaristiques de la série, les personnages, et certains dialogues sont la propriété du génial Kurt Sutter. Je ne perçois pour cette fiction aucune contrepartie financière.
Bonne Lecture…
28 Novembre 2008
Cali'Famille
Charlie grogna faiblement quand elle sentit le corps de l'homme contre elle se déplacer, pour quitter le lit. Rouspétant doucement, elle se cala encore un peu plus contre lui, resserrant la prise de son bras autour du torse masculin.
― « Je dois vraiment y aller, souffla le biker dans un sourire, le visage enfoui dans les boucles cuivre de Charlie. »
La jeune femme protesta encore quand il s'arracha à ses bras, tout déposant un léger baiser dans les boucles cuivrées.
― « Pourquoi déjà ? bouda-t-elle en soupirant mécontente et frissonnante, privée de la douce chaleur humaine qui avait réchauffé sa couche.
― Parce je dois être au Club dans une demi-heure, répliqua le biker en enfilant son jean sous le regard gourmand de Bax.
― Parfait. Alors il te reste une demi-heure pour finir ce que tu as commencé hier soir ! rétorqua-t-elle mutine. »
Un sourire malicieux sur le visage, elle repoussa négligemment les draps, dévoilant son corps entièrement nu. Son amant souffla bruyamment tout en dévorant des yeux les formes appétissantes exposées sans pudeur. Nom de Dieu, elle va me rendre dingue ! songea-t-il, alors qu'il luttait tant bien que mal contre son envie insatiable d'obtempérer aux ordres de la brunette, et de prolonger d'encore quelques minutes la nuit torride qu'ils venaient de passer. Encore, ajouta-t-il mentalement.
― « Si j'arrive encore une fois en retard, ton père va m'arracher la tête, soupira le jeune homme, en quittant des yeux la peau pâle, à regret. Surtout aujourd'hui.
― Je te protégerais, miaula-t-elle, en roulant sur le lit pour offrir à son amant une pleine vue sur ses fesses rondes.
― Et je dois encore prendre une douche au Club, étant donné que tu n'as toujours pas fait changer la plomberie, continua précipitamment le biker, admirant dans le miroir, le spectacle de sa maitresse en tenue d'Ève, lovée dans draps. D'ailleurs, si je partais plus tôt, ça me permettrait de la prendre chez moi : les gars commencent à trouver ça louche que je me douche au Club tous les matins. Surtout que je ne suis pas le seul à le faire, ajouta-t-il, tachant de contrôler au mieux son désir envahissant de se remettre au lit dans l'instant.
― Je les emmerde ! Et puis je n'ai pas l'eau courante et j'ai rendu ma chambre, alors il faut bien que je me douche quelque part, maugréa Charlie en se redressant sur les coudes. »
Elle avait une vue parfaitement satisfaisante sur l'adorable séant de son biker, joliment dessiné dans son jean, tout en appréciant le reflet du jeune homme dans le miroir, alors qu'il enfilait son t-shirt.
― « C'est vrai pour toi. Ce qui les intrigue, c'est que moi, je suis censé avoir l'eau courante, fit-il en enfilant son top-rocker.
― Tu n'as qu'à dire que t'as des problèmes avec la plomberie. Allez, reviens te mettre au lit. Juste deux minutes, minauda-t-elle, la bouche en cœur, dans une moue suppliante.
― Non, Bax, j'y vais : cette fois, tu ne m'auras pas. Je résisterai, affirma le biker tout en ajustant le couteau à sa ceinture.
― Vraiment ? demanda-t-elle en se levant, féline, pour venir l'enlacer par la taille, complètement nue. Comme tu as résisté tous les jours de cette semaine ? Ou de celle d'avant ? souffla-t-elle en se pressant plus encore dans le dos du jeune homme, déposant un baiser doux dans sa nuque.
― Bax, non…soupira-t-il, alors que les mains de la brunette venaient s'égarer lascivement sous son t-shirt, caressant doucement son abdomen. Clay va me descendre… gémit-il quand elle vint embrasser la peau tendre, juste sous l'oreille, à la base de la mâchoire. Non, pas là arrête ! s'exclama-t-il quand l'une des mains de Bax, passant le rempart de sa ceinture, glissa sous son jean, frôlant une partie bien trop sensible de son anatomie. Oh et puis zut ! abdiqua l'homme en se tournant soudainement vers son amante, l'enlaçant étroitement. On a qu'une demi-heure, alors pas de temps à perdre, jeune fille ! s'égaya-t-il en la soulevant du sol. »
Immédiatement, le corps de la jeune femme répondit, et ses bras et ses jambes s'enroulèrent autour du cou et de la taille du jeune homme. En bien moins de temps qu'il n'en avait fallu au biker pour s'habiller, celui-ci se retrouva entièrement nu dans les draps, parsemant la peau douce de Charlie, de baisers passionnés, et de caresses enflammées.
OoOoOoOoO
― « Eh merde ! Cette fois je suis carrément à la bourre : Clay va me tuer ! s'écria le jeune homme en bondissant du lit.
― Dis-lui que c'est ma faute ! rigola Charlie en s'étirant mollement dans les draps.
― Excellente idée ! Comme ça, c'est Chibs qui aura ma peau pour avoir seulement posé un doigt sur toi ! grogna-t-il en sautillant sur place pour enfiler son jean.
― Ne fais pas ton modeste, t'en a posé plus d'un ! le nargua-t-elle en passant un débardeur et un shorty pour sortir du lit. »
Charlie regarda le biker s'habiller en quatrième vitesse, pressé par le temps, et par la peur que le Près lui tombe dessus. Un sourire narquois sur le visage, Charlie l'observa faire de multiples aller-retours à travers la chambre pour rassembler ses affaires, puis sortir en trombe, avant de revenir sur ses pas.
― « Bax ! T'as pas vu mon…, cria-t-il en entrant de nouveau dans la chambre, les yeux naviguant à droite et à gauche. T'es géniale, bébé ! s'exclama-t-il quand Charlie lui lança le téléphone portable, caché sous les draps. Oh putain, c'est Chibs ! s'alarma-t-il alors que son portable vibrait.
― Ne réponds pas : dis lui que tu étais sur la route et que tu ne l'as pas senti vibrer.
― Comme si ça allait l'empêcher de m'étriper ! s'exclama le jeune homme. Bon, j'me sauve, s'écria-t-il en se précipitant vers la porte. Eh ! Tu étais sérieuse à propos de le dire à ton père, ou… reprit-il en passant la tête dans l'encadrement de porte.
― Tire-toi, Kip ! répondit Baxie, un sourire aux lèvres.
― J'me disais aussi… grommela-t-il avant de se précipiter dans les escaliers. Je suis sûr que je te manque déjà, bébé ! cria-t-il depuis la porte d'entrée.
― C'est possible, murmura-t-elle pour elle-même. »
Voilà ce qui était devenu son quotidien depuis presque trois merveilleuses semaines : des nuits enflammées et des journées de frustration. Kip n'était toujours pas certain que tout ceci était réel, tant il se sentait bien dans cette routine passionnée. Comment ils en étaient arrivés là, il n'en avait pas la moindre idée. C'était arrivé, voilà tout. Et depuis trois semaines, ils passaient leurs journées à se cacher des autres ; à vivre leur idylle en secret, comme des ados ; se rattrapant de leur frustration avec fougue à la nuit tombée, dans l'intimité de Nead Na Crow.
Au départ, cela leur avait paru, à l'un comme à l'autre, totalement puéril de se cacher comme s'ils faisaient quelque chose de mal, mais cela était apparu comme une nécessité : ils voulaient être sûrs de la voie sur laquelle ils s'engageaient. Et puis, Baxie avait avoué qu'elle voulait profiter un peu de ce qui n'appartenait qu'à eux pour le moment. Dès l'instant où leur relation serait rendue officielle, les autres s'en empareraient. Chacun irait de son commentaire, de sa blague pourrie ou de ses conseils. Charlie voulait juste profiter de lui. D'eux. Encore pour quelque temps.
Et puis, l'un et l'autre trouvaient cette situation excitante. Ces regards qu'ils échangeaient et que personne d'autre ne pouvait comprendre. Ces effleurements qui paraissaient accidentels aux yeux de tous, mais qui déclenchaient de véritables brasiers en eux. Ces instants volés, à l'abri des regards, toujours trop courts, mais si intenses. Des baisers, et plus si affinités, dans les moindres recoins du clubhouse et du garage. Charlie n'en revenait pas qu'ils ne se soient toujours pas fait prendre. Pourtant c'était le cas. Et ces moments, comme leur histoire, n'appartenaient qu'à eux.
OoOoOoOoO
Après avoir rassemblé ses affaires dans un sac, pour prendre sa douche au Club, et avoir remis de l'ordre dans la chambre, Charlie dévala les escaliers qui menaient au rez-de-chaussée. En guise de routine quotidienne, elle se balada à travers les pièces en travaux de Nead na Crow, un autre mug de café dans les mains.
Après avoir fait remettre aux normes électricité et plomberie, la jeune femme avait fait assainir les murs et réparer les planchers. Les travaux des entrepreneurs étaient presque achevés : ne restait plus qu'à changer la chaudière, ce qui les obligeait – elle et Kip – à se doucher au Club depuis trois semaines. À présent, le mobilier de la maison avait recouvré son écrin de draps blancs, pour les protéger de la poussière et de la peinture. En trois jours à peine, aidée par les gars, elle avait fini les plafonds. Depuis, elle s'attelait à rendre à la vieille bâtisse, sa splendeur d'antan, pièce par pièce. Ponçage et vernissage des moulures ; peinture aux couleurs tantôt pastelles, tantôt éclatantes. Le ravalement de façade attendrait encore quelques mois.
Chaque jour, elle s'attelait à la tâche et chaque soir, elle se couchait épuisée, mais satisfaite des progrès de la remise à neuf. Ce n'était pas parfait : elle était loin d'avoir l'âme d'un artisan, mais c'était son œuvre ; sa fierté. Clay lui avait bien proposé, à plusieurs reprises, de faire revenir une entreprise pour achever le travail au plus vite, mais Baxie avait refusé. Elle s'était mise un challenge : elle devait réussir seule, ou presque.
Néanmoins, la jeune femme s'apercevait que le temps jouait contre elle. Très vite, elle allait devoir faire un choix, entre ce qu'elle voulait et ce qu'elle pouvait faire. Dans moins de trois semaines, Eliott débarquerait à Charming, et si la chambre d'enfant était la première pièce qu'elle avait fini – après la cuisine et les salles de bain – elle était consciente qu'elle ne pouvait pas l'accueillir au milieu d'un tel fatras.
Eliott, encore une autre source d'inquiétude et de perturbations pour Baxie. Eliott qui arriverait à Charming, pour les fêtes. Eliott qui voulait rencontrer sa famille. Sa Granny – comme le bambin avait décidé de l'appeler. Son Grand-père, et ses oncles. Il les connaissait tous ; leurs noms et leurs visages lui étaient familiers. Le petit garçon avait exigé que Charlie lui envoie une photo de tous, pour qu'il les reconnaisse dès son arrivée. Et comme à son habitude, la chasseuse avait été incapable de lui dire non.
Alors, chaque jour, Eliott récitait par cœur à Jude et Lisa les prénoms de sa « nouvelle famille », comme il disait. Et à chaque coup de téléphone, il demandait des nouvelles des uns et des autres. De son oncle Jax et de son si minuscule cousin Abel, qu'il avait hâte de rencontrer. De tonton Opie, et de Kenny, qu'il voulait comme copain dès qu'il arriverait à Charming. De tonton Bob qui était parti en vacances. Charlie avait bien été obligée de lui mentir : difficile d'expliquer à un gamin de quatre ans que le fameux oncle Bob était emprisonné, une accusation de meurtre au premier degré sur le dos.
Grand-père Clay et Granny Gemma. Chibs, Tig, Piney, et même Juice – qu'il trouvait vraiment très amusant avec sa crête sur la tête, au point que Charlie avait dû rester ferme et implacable quand Eliott lui avait demandé s'il pouvait avoir la même. Tous, le garçonnet se les était appropriés. Simples images de papier glacé, devenues de vraies personnes. Eliott les appelait même « sa Cali'famille. » Et pourtant, aucun d'entre eux – hormis Jax – ne connaissait même son existence. Et Charlie angoissait.
Toujours, elle repoussait le moment de l'annoncer aux Sons. Par peur de la déception de Chibs d'avoir gardé pour elle un tel secret. Par crainte de celle de Gemma, cette maniaque du contrôle absolu. Et surtout Charlie était terrifiée : quand elle le leur dirait officiellement, cela deviendrait vrai ; la venue d'Eliott à Charming serait bien réelle. Et dès cet instant, il serait en danger : SAMCRO n'était pas un environnement sain et sécurisant pour un enfant. Baxie ne le savait que trop bien.
Pourtant, elle en était consciente, ce n'était que reculer pour mieux sauter. L'arrivée d'Eliott était inévitable et imminente.
― « Aujourd'hui, marmonna Bax pour elle-même. Je leur dis aujourd'hui, tenta-t-elle de se convaincre. »
Oui, se promit-elle, elle parlerait à Gemma ce jour même. Ou peut-être plutôt à Clay, ce serait moins risqué. Quoique… songea-t-elle. Ou alors, Jax pourrait-il l'aider à l'annoncer aux autres, dès qu'elle l'aurait mis dans la confidence. Mais depuis la mort de Donna, la tension entre Jax et Clay était toujours plus malsaine. Finalement, ce n'était peut-être pas l'allié idéal. Quant à Chibs, elle craignait trop sa réaction pour lui annoncer en face à face.
― « Putain, Bobby, pourquoi tu n'es pas là, mec ? se lamenta-t-elle. Pile au moment où j'aurais besoin de ta formidable diplomatie, tu laisses Stahl t'enculer bien profond ! Merde ! jura-t-elle. »
Bien sûr, si Opie avait été là, elle était sûre qu'elle aurait pu s'en remettre à lui. Lui, il aurait su quoi dire et comment faire. Lui, il l'aurait soutenue. Mais Opie était parti. Juste après l'enterrement de Donna, il avait enfourché sa Dyna et filé vers le nord. Piney et Mary s'occupaient des enfants, qui doucement reprenaient goût à la vie, sans leur mère. Et sans leur père. Les enfants sont toujours plus forts qu'on ne l'imagine, et tellement pleins de ressource, pensa Charlie, en se remémorant la facilité désarmante avec laquelle Eliott avait lui-même rationalisé et surmonté le décès brutal de son père.
― « Tellement plus forts que nous, murmura-t-elle. »
Parce que Bax, elle, avait bien plus de difficulté à faire face à tout cela. A l'arrivée d'Eliott, à la mort de Chris, à celle de Donna, à Walter Donovan aussi… Trop de truc merdiques, en trop peu de temps : Charlie n'en voyait plus le bout. Et sans Kip, sans doute se serait-elle laissée aller à la mélancolie. Mais Kip était venu, et comme le dit un proverbe japonais : « Le malheur peut être un pont vers le bonheur. »
Au fond, tout n'était pas si noir : encore tant de belles choses jonchaient sa vie, qu'elle ne devait pas se laisser abattre. Elle était forte, elle le savait. Forte grâce à Eliott et son enfantine insouciance. Forte grâce à Kip, qui lui offrait un nouveau départ. Forte d'avoir retrouvé sa famille ; d'être à nouveau au milieu des siens. Il ne lui manquait qu'Opie. Opie dont elle n'avait de nouvelles qu'à travers Jax, ne sachant pas comment il allait ; comment il surmontait tout ça. Et cela la rendait dingue.
Comme un clin d'œil du destin, son portable vibra dans sa poche, et l'en extirpant, elle vit un texto d'Opie s'afficher sur l'écran. Il revenait. Il était sur la route du retour et espérait être rentré dans la matinée. Et il voulait la voir.
Le ventre de Charlie se noua. D'accord, elle était forte, et heureuse, et tout … mais il n'empêchait que revoir son meilleur ami l'angoissait. Son gros barbu lui avait terriblement manqué durant son exil, mais d'un sens, elle était soulagée de ne pas avoir à faire face au chagrin du biker. Elle avait peur de l'état dans lequel elle le trouverait. Opie avait toujours été un roc, inébranlable et solide. Et s'il s'était écroulé ? Et s'il était amoindri, l'ombre de lui-même, saurait-elle y faire face ? Saurait-elle être l'épaule dont il avait besoin ? Et saurait-elle faire taire cette sourde culpabilité tapie au fond d'elle, et dont elle ne parvenait pas à se défaire ? Baxie était revenue. Et Donna était morte.
Charlie savait bien que tout cela n'avait pas le moindre sens : elle ne pouvait pas raisonnablement être responsable du meurtre de Donna. Pourtant un sournois poison infiltrait son esprit : la mort de Donna était trop similaire à celle de Ryanne, treize ans plus tôt. Alors, sans raison, Charlie culpabilisait. Et pour être là pour Opie, elle devrait être capable de museler ce ridicule sentiment.
― « Oh putain Bax ! beugla-t-elle d'un coup, pour se secouer un peu. Ce n'est pas le moment, là. Alors, on récapitule : d'abord le Club, la douche. La compta en retard du bar – merci Bobby ! Et … Fait chier ! soupira-t-elle bruyamment en réalisant la suite. Ope… Eliott… Holy shit, ça va être une putain de journée de merde, je le sens ! »
L'humeur ayant viré au gris foncé, Charlie attrapa à la volée son sac, ses clés et sa veste, et se dirigea vers l'entrée… pour retrouver le sourire instantanément. Et niais de chez niais, le sourire, songea-t-elle, atterrée par sa propre nigauderie. Sur la porte d'entrée était placardée une note de Kip : « Bureau de Gemma. 3 PM. Et rappelle le serrurier pour faire réparer cette porte, aujourd'hui ! »
Charlie éclata de rire : ils étaient pires que des ados, réduits à se laisser des petits mots pour organiser leurs rendez-vous secrets.
― « On est pitoyables ! se désola Charlie, avant de fourrer la note dans sa poche, et de filer au Club, un sourire persistant sur le visage.
OoOoOoOoO
Charlie était en train de s'arracher les cheveux sur tout le foutoir de paperasse étalé devant elle. Un mois que Bobby était en prison, et donc un mois que la comptabilité du bar du MC ressemblait plus au cahier de dessin d'un enfant de maternelle, qu'à un livre de comptes digne de ce nom. Il manquait des factures à la pelle ; quant à celles dont elle disposait, elles étaient mélangées, tachées, froissées … C'était une vraie catastrophe.
― « Je vais leur faire la peau ! grogna-t-elle, passablement énervée.
― À qui donc, princesse ? s'exclama Tig en entrant dans le bar, Jax, Clay, Chibs, Juice et Kip, sur les talons. »
Charlie avait été tellement absorbée par son marasme de chiffres, qu'elle n'avait pas entendu les Dynas revenir, et fit un bond, surprise.
― « Putain de merde, grommela-t-elle, une main sur le cœur. À vous, bande de connards ! C'est un bordel sans nom, ce truc ! Nan, en fait, vous savez quoi : je vais laisser Bobby vous massacrer tous, les uns après les autres, dès qu'il rentrera ! »
Charlie intercepta un regard autoritaire de Clay en direction de Tig, qui s'apprêtait à ajouter quelque chose.
― « Ah ouais, c'est à ce point là ? demanda innocemment le Près, en passant derrière le bar où s'était installée sa fille, pour prendre une bière. »
Baxie se tourna vers son père, circonspecte. Elle plissa les yeux, intriguée, sûre que ce simple échange de regard entre le Près et son bras droit cachait quelque chose.
― « Quoi ? demanda-t-elle suspicieuse.
― Quoi, quoi ? répliqua innocemment son père en s'accoudant au bar.
― Qu'est-ce que vous me cachez ? insista-t-elle en vrillant un regard dur dans les prunelles d'acier de Clay. Ne croyez pas que je n'ai pas vu ce petit regard vers Tig, genre " ferme ta gueule ! ", cracha-t-elle quand son père haussa les épaules, l'air de rien. Qu'est-ce qu'il y'a ? C'est à propos de Bobby ?
― Il n'y rien, tu deviens parano, ma fille, renchérit le Près, sans se démonter.
― Bordel, c'est quoi le truc, merde ! gronda-t-elle alors, que Juice tentait de masquer un sourire moqueur. Même l'attardé se marre !
― Hé ! protesta Juice avec un regard noir.
― Un attardé qui se marre, ce n'est pas vraiment une preuve de quoi que ce soit, ajouta le Près. »
Juice bougonna, vexé, et se dirigea vers son antre en soupirant, non sans faire un crochet en direction de son amie, pour lui asséner un petit coup de poing vengeur.
― « Va chier, faux frère ! râla Baxie, en se massant l'épaule, douloureuse au niveau du point d'impact. Nan, mais allez, quoi ! Putain, vous faites chier ! Il se passe quoi ?
― Charlie Baxter Morrow, surveille un peu ton langage, s'il te plait ! la réprimanda Chibs en venant s'asseoir près d'elle, déposant au préalable un baiser sur le sommet du crâne de la brunette.
― Vous êtes tous des cons, marmonna Bax, en voyant que les bikers persistaient dans leur mutisme.
― Argh touché ! ironisa son père. Si tu ne m'avais pas balancé ça trente fois par jour, pendant cinq ans, peut-être que ça m'aurait atteint, se moqua-t-il. Mais là, je suis immunisé ! Prospect, au boulot ! ordonna Clay. »
Kip obtempéra immédiatement, tandis que Tig s'enfermait dans la réserve pour faire l'état des stocks. Jax murmura quelques mots à Clay, et tous deux partirent s'enfermer dans la Chapelle, laissant l'Ecossais et Bax, seuls.
― « Tu as une sale gueule, daddy, constata la jeune femme.
― Contrairement à toi, ouais ! Tu as l'air vraiment bien ces derniers temps, fit remarquer Chibs, content de voir que sa gamine avait recouvré sa joie de vivre.
― Tu n'es pas malade au moins ? s'inquiéta franchement la brunette.
― Nan ! s'exclama le biker, tout sourire. Je n'ai juste pas beaucoup dormi cette nuit.
― C'est Tania qui t'a épuisé ? se moqua Charlie. Ben quoi ? C'est quoi ce regard ? demanda-t-elle alors que le biker écarquillait les yeux, abasourdi.
― Pas d'agressivité. Ni de méchante petite réplique contre Tania, énuméra-t-il. Tu es malade, chérie ? ajouta-t-il en plaquant une main sur le front de la jeune femme.
― Alors voilà comment je suis récompensée de mes efforts ! ronchonna Baxie, en repoussant la main de Chibs. »
Baxie s'était résolue à la situation, bien qu'encore régulièrement, elle sentait les piques de la jalousie se manifester dans ses entrailles. Mais par deux fois, elle avait rencontré Tania, sans Chibs pour servir de chaperon ; sans être obligée d'assister à leurs écœurantes démonstrations d'affection publiques. Et Tania n'avait rien à voir avec nombre de crow-eaters qui fréquentaient le Club. Ni avec les femmes, toutes plus insipides et vulgaires les unes que les autres, qu'avait fréquentées Chibs. Non, Tania n'était pas une banale pute des Sons : c'était une jeune femme agréable, sincèrement attirée par Chibs et non par le top-rocker qu'il portait. Alors, Baxie avait déposé les armes, et décidé d'accepter la nouvelle maitresse de son daddy.
Sans doute, Kip y était-il pour quelque chose. Charlie avait trouvé la paix, et se sentait vraiment heureuse en compagnie du rouquin ; aussi, elle avait réalisé à quel point elle était égoïste de priver l'Ecossais de la même chance. Bien sûr que Tania n'était pas à la hauteur. Jamais encore elle n'avait rencontré quelqu'un qui soit assez bien pour son daddy. Mais à défaut, Tania ferait l'affaire. Alors, Charlie avait laissé ses caprices et ses réticences de côté, et n'avait plus interféré.
― « Pardon, je suis fier de toi, mon bébé, s'excusa le biker en étreignant la brunette. Et non, c'est pas Tania. On …, hésita-t-il. Enfin disons que j'ai pris mes distances.
― Elle s'appelle comment ? renchérit Bax, pas dupe, tout en continuant de classer les factures.
― Qui ? demanda Chibs, l'air gêné.
― La nouvelle, répondit-t-elle, comme une évidence.
― Je n'ai pas dit que …, balbutia l'Ecossais, avant d'abdiquer devant le regard en coin de Charlie. Jenny, avoua-t-il à voix basse, la tête basse, l'air piteux.
― Et quel âge a Jenny ? insista Bax, les lèvres pincées. »
Il n'y avait que deux raisons pour que Chibs ne se vante pas publiquement d'une nouvelle conquête : soit elle était mariée, soit elle était plus jeune que ne la décence – et Bax – ne le lui permettait. Il est si prévisible, songea Charlie.
― « Tu ne veux pas le savoir ! répliqua l'homme, avec un grimace crispée.
― On avait dit pas plus jeune que moi Daddy, t'exagère ! le gronda la brunette, l'air sévère.
― Désolé … se repentit-il. Prospect, dépêche toi un peu, bordel ! beugla l'Ecossais, alors que Kip un carton de fourniture destinées au bar dans les bras, discutait avec l'un des mécanos, à l'entrée du Club. Putain, ce gamin va me rendre chèvre ! Il est encore arrivé en retard, ce matin ! Clay était furieux, râla-t-il. »
Charlie s'absorba plus encore dans le classement des factures, regrettant d'un coup qu'il lui en reste aussi peu à ranger. Elle songea à la tête de Chibs, si à cet instant précis, elle lui avouait être seule la raison des retards répétés de son Prospect. L'image la fit ricaner en silence, mais elle chassa bien loin d'elle cette idée stupide : elle comportait bien trop de risques pour l'intégrité physique de Kip, et la sienne, tout comme pour la santé de l'Ecossais. Finalement, se convainquit-elle, ce n'est pas si mal comme ça.
― « Il a peut-être des problèmes de moto, bafouilla-t-elle, cherchant une excuse valable, de peur que les soupçons de Chibs – trop perspicace pour leur bien à tous – ne se tournent vers elle. »
Mais visiblement, cette pensée n'avait pas même effleuré l'esprit du biker. Pour Chibs, c'était inconcevable. Autant, il avait craint le rapprochement qui s'était opéré entre sa gamine et le portoricain ; redoutant qu'il la lui prenne et que la jeune femme ait moins de temps et d'attention pour le vieux grincheux qu'il était. Autant, il n'avait jamais eu une quelconque raison de soupçonner une relation autre que cordiale et amicale entre le rouquin et la brunette. Et d'ailleurs qu'aurait bien pu trouver Charlie à Kip. Le Prospect était un bon gars, sympathique et drôle, mais pas assez solide pour porter la jeune femme. Aussi, imperturbable, Chibs continua sur sa lancée :
― « Bien sûr que non ! s'exclama-t-il avec conviction. Y'a forcément une nana là-dessous. Et elle doit en valoir le coup, pour qu'il prenne le risque de se faire descendre par Clay ! affirma-t-il en dardant un regard avisé sur son protégé qui déposait son carton dans le bar.
― Si tu savais …, murmura Charlie, presque inaudible.
― Qu'est-ce que tu dis ?
― Rien. Je comptais à voix haute, mentit-elle avec assurance.
― Dis, tu ne voudrais pas essayer de savoir qui c'est ? demanda Chibs à sa gamine, sur le ton de la confidence. Toi, tu arriveras sans doute à le faire parler.
― Ça c'est sûr, dit-elle, un sourire énigmatique sur les lèvres.
― Non mais c'est pas vrai ! tonna la voix de Tig depuis la réserve. C'est la troisième fois cette semaine ! râla le Sergent d'Armes en émergeant de la pièce attenante au bar.
― Qu'est-ce qu'il se passe mon frère ? l'interrogea Clay, que les cris de Tig avaient fait sortir de la Chapelle, suivi de Jax.
― Il se passe que quelqu'un a encore foutu le bordel dans la réserve ! tempêta le biker aux yeux d'azur. Mais cette fois le coupable a laissé un indice ! s'écria-t-il victorieux, en levant son poing fermé.
― Un indice ? répéta Charlie d'une voix blanche. »
Baxie blêmit en voyant la main de Tig s'ouvrir sur un objet qu'elle reconnut au premier coup d'œil. C'était l'une de ses boucles d'oreilles en argent, qu'elle avait perdu la veille. Malheureusement pour elle, ce n'était pas n'importe quelle boucle. Elle était la seconde d'une paire qu'Opie et Jax lui avait offerte pour ses seize ans ; chose qui n'échappa pas au VP.
― « À ton avis pour quelle raison y aurait-il une boucle d'oreille dans la réserve, hein ? continua Tig, toujours furieux. Et l'emballage de capote la fois dernière ? ajouta-t-il excédé : c'était lui qui était en charge du rangement de la réserve, et depuis plusieurs semaines, il la retrouvait sens dessus dessous presque quotidiennement. Je vous préviens les mecs, il va falloir que ça s'arrête ! Que le coupable se dénonce ! ordonna-t-il avec humeur. Nan mais franchement ! »
Passablement mal à l'aise, Charlie marmonna vaguement qu'il y avait trop de bruit pour elle ici, et qu'elle allait s'enfermer dans le bureau pour terminer son travail, avant de fuir aussi vite que possible, dans l'indifférence la plus complète. Ou presque …
Si la plupart des bikers étaient absorbés par les révélations de Tig, échafaudant en vrac des dizaines de théories, Jax, lui, ne prenait pas part à la ferveur ambiante. Il avait immédiatement reconnu les pendants d'oreilles, aux fines lianes d'argent ouvragées, protégeant une minuscule colombe de nacre. Un sourire amusé s'étirant sur ses lèvres, il observa l'air gêné de sa sœur. Les regards paniqués qu'elle échangea avec Kip, ce dernier figé sur le pas de la porte, son carton dans les bras. Il les vit échanger trois mots dans un murmure quand Baxie le croisa.
Quand il aperçu les mains des deux jeunes gens se frôler presque imperceptiblement, avant que Charlie ne quitte le bar, il n'eut plus aucun doute. Jax n'en revenait pas d'être passé à côté d'un truc pareil. Sa sœur était peut-être la Princesse des Secrets – Gemma étant de loin la Reine – mais il la connaissait par cœur et se voulait très perspicace : comment avait-il pu ne pas déceler pareil changement ?
Il ignorait même jusqu'à l'existence d'une quelconque complicité entre Kip et Bax. Quoique, maintenant qu'il y repensait, peut-être certains détails auraient dû lui mettre la puce à l'oreille. C'était Kip que Chibs avait envoyé s'assurer que Charlie allait bien, alors qu'elle venait de leur renvoyer Juice salement amoché. Et de ce que Jax savait, Kip y avait passé une bonne partie de la nuit, « pour discuter » avait-il dit. Et puis, quand Jax était passé à Nead na Crow la semaine précédente, la moto de Kip était garée devant la maison, et le rouquin tranquillement installé sur la terrasse à l'arrière, en train de siroter une bière avec la chasseuse. Mais au fond, cela ne signifiait rien, non ? Et pourtant, il y avait bien quelque chose, Jax en était sûr maintenant.
Aussi, il n'attendit pas plus longtemps avant d'obtenir des réponses, et emboîta le pas à Charlie, adressant un sourire narquois au rouquin quand il passa à sa hauteur. Arrivé dans le bureau, où sa sœur était déjà installée à la table de travail, il prit place sur le sofa, face à elle, sans se départir de son énigmatique sourire, se contentant de la fixer du regard, en silence.
― « Tu te rends compte que c'est stressant ? finit par lâcher Charlie, sans lever les yeux vers son frère. »
Quand elle l'avait vu entrer à sa suite dans le bureau, la jeune femme avait compris. Jax avait reconnu la boucle. Jax savait. Eh merde, songea-t-elle, se faire griller pour un bijou, c'est quand même stupide !
― « La réserve, donc, dit simplement le blond.
― Les gens ont vraiment de drôles d'idées, hein, répondit la brunette, la voix dépourvue de toute assurance.
― Tu sais, petite sœur, il y a un truc qui m'échappe, reprit son frère, l'air pensif. Depuis toutes ces années où les uns et les autres on cherche des coins pour s'envoyer en l'air discrètement, personne n'a réussi à le faire dans la réserve sans se faire gauler. Comment c'est possible que personne n'ait rien grillé ? demanda-t-il avec un sourire entendu.
― Je n'en sais rien… marmonna Bax, les yeux rivés sur le livre de comptabilité
― Quand même, il y a toujours du passage dans le Club. Des allers et retours dans la réserve continua-t-il. Et puis, le clubhouse n'est pas vraiment bien insonorisé. Il y'a un truc.
― Si tu le dis. Dans ce domaine, tes compétences dépassent largement les miennes, répliqua-t-elle en soupirant.
― Allez, princesse, dis-moi : c'est quoi ton secret, hein ? insista-t-il, en lui adressant une œillade complice. Comment vous faites, le Prospect et toi ? »
Charlie releva la tête d'un coup, estomaquée. Qu'il ait compris qu'elle était la coupable pour la réserve, cela elle s'en doutait, mais de là à ce qu'il soit parvenu à en déduire pour elle et Kip… Nom de Dieu, il est fort ! songea-t-elle, ahurie.
― « Quoi ? De quoi tu parles ? bafouilla Bax en piquant un fard, alors que Jax lui adressait un regard signifiant de ne pas tourner autour du pot. Ok… D'accord, abdiqua-t-elle dans un souffle vaincu. Mais ne dis rien, s'il te plait, Jax, le supplia-t-elle, paniquée.
― Ton secret est bien gardé, petite sœur, la rassura Jax d'une voix posée. Alors, Kip et toi vous êtes ensemble, rigola-t-il doucement, encore surpris de cette révélation.
― Je ne sais pas. Je suis pas sûre de ce qu'on est, avoua-t-elle en abandonnant une fois pour toutes sa paperasse, s'affaissant sur son fauteuil, tout en allumant une cigarette.
― Ben ça alors ! s'exclama le VP, en acceptant la tige de tabac que lui tendait Charlie. Je n'ai rien vu venir entre vous deux
― Moi non plus pour être honnête, reconnut Baxie. Je ne sais pas comment c'est arrivé. C'est arrivé c'est tout. J'avais besoin de quelqu'un. Il était là, disponible, attentif… Il s'est occupé de moi. Et puis, une chose en entraînant une autre… tenta-t-elle d'expliquer, se sentant aussi gênée que quand elle était adolescente.
― J'imagine que c'est une bonne chose. Et c'est du sérieux ?
― J'en ai pas la moindre idée. Je sais juste que je me sens bien avec lui, et c'est quelque chose que je ne pensais voir m'arriver de nouveau. Je veux dire, ça va vraiment bien, et ce n'était pas arrivé depuis longtemps, avoua-t-elle avec un air épanoui. Alors pour le moment, je me laisse porter, j'essaie de simplement vivre les choses au jour le jour. Tout ça est arrivé après la mort de Donna, et je sais bien que j'étais au plus mal alors… C'est pour ça que je veux garder ça pour nous, pour le moment : je veux d'abord être sûre que ce n'était pas juste pour faire face à la mort de Done.
― Je suis vraiment content pour toi, chérie, assura affectueusement son frère en lui pressant doucement la main. Cela faisait longtemps que je ne t'avais pas vue sourire comme ça. Et si c'est grâce à Mi-couille, alors tant mieux. Mais il a intérêt à bien se comporter, sinon, je lui coupe la couille, menaça-t-il à demi sérieux.
― Tu sais Jax, tu peux me croire, au bout d'un moment cette menace perd de son charme, rigola Charlie. Je veux dire qu'à force de le menacer de l'émasculer, ce n'est même plus aussi drôle ! On va devoir trouver autre chose ! proposa-t-elle. Mais, ne t'en fais pas. Kip c'est vraiment un chic type. Et je n'en ai pas rencontré beaucoup alors je compte bien le garder, affirma-t-elle avec une conviction qui l'étonna elle-même. Même si je ne sais pas où on va comme ça, ni même comment on y va. Mais une chose est sûre, on y va ! lança-t-elle mi-enjouée, mi-craintive à l'idée de l'éventuel échec de leur relation.
― Waouh ! Tu te projettes dans le futur ou je rêve ? s'écria le VP, abasourdi. Qui êtes-vous, et qu'avez-vous fait de ma sœur, que le simple mot engagement fait détaler à l'autre bout du monde, plus vite que son ombre ? se moqua-t-il. »
Jax rigolait, mais n'en était pas moins complètement décontenancé. Était-il véritablement possible que sa sœur, autrefois si réticente à toute idée de couple et de relation durable – de surcroît avec un Son – ait à ce point changé, qu'elle envisageait à présent de se construire un avenir à deux ? Était-ce Kip la seule et unique raison de ce changement si opportun ? Si tel était le cas, alors Jax ferait tout ce qu'il pourrait pour l'encourager dans cette voie et pour protéger activement cette fragile liaison. Aujourd'hui, il voyait sa sœur heureuse, comme elle ne l'avait pas été depuis longtemps. Peut-être même jamais, songea-t-il. Alors, il était juste reconnaissant envers le Prospect, qu'importerait le temps que durerait leur histoire : Kip était bon pour Bax, et cela n'avait pas de prix aux yeux du VP.
Depuis trop longtemps, il désespérait de la voir seule : personne ne devrait être seul, il en était sûr. Quand lui avait trouvé Tara puis l'avait perdue, son monde s'était comme écroulé. Et maintenant qu'il l'avait retrouvée, plus jamais il ne voulait la laisser partir. Parce qu'être deux c'était tellement mieux. Aussi, qu'importait que ce fut Kip que Bax avait choisi : tout ce que souhaitait Jax c'était que sa sœur retrouve goût à la vie.
― « J'ai fait ça ? Je me suis projetée… répéta Charlie, l'air atterrée. Oh putain, je viens vraiment de le faire… C'est carrément flippant, grommela-t-elle, abasourdie.
― Moi, je trouve ça carrément encourageant, rectifia Jax avec un large sourire.
― Qu'est-ce qui est encourageant ? intervint la voix de Chibs qui pénétrait dans le bureau. »
L'instant de confiance et de confidence était brisé. Baxie ne se sentait pas encore capable de mettre Chibs dans le secret. Parce qu'il était trop protecteur, trop paternel et possessif aussi. Trop Chibs simplement. Et puis, Charlie savait qu'avec lui, elle devrait prendre mille précautions. Elle avait compris son erreur avec Juice, quand enfin l'Ecossais lui avait confié avoir eu peur. Peur que Juice ne lui vole sa gamine. Peur qu'elle ne l'aime plus comme avant. Peur qu'elle le délaisse.
Charlie avait été choquée de voir la torture interne que s'était infligé son daddy, pour une broutille. Pour quelque chose qui n'avait même jamais existé. Pour rien. Aussi, elle avait compris, qu'avant de le mettre dans la confidence, elle devrait le préparer ; lui assurer que rien ne changeait et que personne ne remplaçait personne. Foutu Écossais trop excessif, pensa-t-elle avec un sourire attendri.
Jax n'avait pas eu besoin d'un seul mot de la part de sa sœur pour comprendre qu'elle tenait à ce que leur conversation s'arrête là. Il savait aussi pourquoi : c'était le VP qui avait écouté les angoisses et les craintes de son aîné, au sujet de Juice et Bax. Le blond comprenait à quel point Chibs était encore enfermé dans le passé, et qu'il ne pouvait toujours pas admettre que Charlie ait grandi. Aussi, pour ne pas laisser le malaise s'installer, il dévia la conversation sur un sujet qui – il en était sûr – ne manquerait pas de mettre le feu aux poudres.
― « Eh bien certainement pas Jenny et ses dix-huit printemps ! s'exclama Jax, un sourire narquois et provocateur sur le visage.
― Elle en a dix-neuf ! protesta Chibs avec véhémence, avant de se figer, un rictus gêné sur le visage.
― Filip Telford ! s'indigna Charlie, outrée. Tu n'es vraiment qu'un vieux pervers dégueulasse !
― Moi aussi je t'aime, sweet heart, renchérit le vieux biker, la bouche en cœur.
― Holy shit, Chibs, c'est encore une gamine ! s'insurgea Baxie, horrifiée par l'attitude désinvolte et plus que limite de son père de cœur.
― Elle a raison, Chibs, c'est crade, appuya Jax, très amusé par l'inversion des rôles du vaudeville qui se jouait sous ses yeux. Même Bax est plus vieille qu'elle !
― L'âge, ça ne veut rien dire de nos jours, tu sais, se défendit piteusement Chibs.
― Elle pourrait être ta fille, Chibs, gronda la jeune femme, dégoûtée. Putain, elle pourrait être ma petite sœur ! s'offusqua-t-elle. Sérieusement Chibs, tu me fais honte, l'admonesta-t-elle avec une grimace.
― Tu sais, elle est très mûre pour son âge, riposta encore l'Ecossais.
― Oh chic alors ! ironisa Bax. Tu veux dire qu'elle ne joue déjà plus à la Barbie ! Voilà qui est très encourageant ! railla-t-elle.
― Bon, ça va, ça va, bougonna le plus vieux des bikers.
― Non, ça ne va pas. Tu vas me faire le plaisir de te trouver une poule qui soit au moins majeure, s'il te plait ! ordonna Charlie. Nom de Dieu, je ne suis même pas sûre que ce soit légal ! grogna-t-elle.
― On vend des armes de contrebande, et toi, ce qui t'inquiète, c'est un éventuel détournement de mineur ! se moqua ouvertement Jax.
― De toute façon, c'est légal : j'ai vérifié, marmonna Chibs, d'une petite voix. »
Charlie et Jax se figèrent, la bouche ouverte en un large O de stupéfaction, estomaqués. Puis le VP éclata de rire, tandis que Charlie secouait la tête, dépitée.
― « Tu as … vérifié... bafouilla Charlie, hésitant entre un éclat de rire hystérique, et un sanglot désabusé. Oh merde... souffla-t-elle. Ok. C'est une blague, c'est ça ? demanda-t-elle atterrée. Ou un pari débile et super craignos avec Tig, hein ? Tu n'es pas sérieux, daddy ?
― Oh allez, petite sœur, intervint Jax, toujours hilare. Rappelle-moi quel âge tu avais quand Happy et toi, vous...
― Ce n'est pas pareil ! s'exclama précipitamment la brunette, en voyant l'expression coupable de Chibs se muer en un rictus sévère.
― Et en quoi ce serait différent ? répliqua Chibs, glacial.
― Parce que... Il n'y avait pas trente ans d'écart avec … enfin lui, quoi, balbutia Charlie. Et puis, ce n'est pas comparable, c'est tout.
― Tu es d'une mauvaise foi, sweet heart, c'est navrant, rétorqua Chibs.
― Bax, de mauvaise foi ? Ce n'est pas un scoop ! se moqua grassement Happy en entrant à son tour dans le bureau.
― Alors toi, tu as vraiment un sens du timing merdique ! soupira Bax en fusillant l'Unholy One du regard.
― Quoi ? Qu'est-ce que j'ai encore fait ? s'indigna le grand tatoué.
― Tu as couché avec ma sœur, lui murmura Jax, avec une œillade complice.
― Jax ! gronda Baxie.
― Ah, ça, répliqua Happy.
― Ça ? s'offusqua Charlie. Ah bah, je te remercie : autant de considération me va droit au cœur, espèce d'enfoiré !
― Moi je trouve que tu tombes très bien, Happy, intervint Chibs. Bax dit qu'on ne peut pas comparer ce que je vis avec Jenny, à ce que vous... la première que vous avez... enfin, tu sais quoi...
― Je suis d'accord : Jenny, elle sait carrément s'y prendre, elle ! approuva Happy.
― Hap', je vais te descendre ! cria Charlie, furibonde.
― Holy shit, tu t'es tapé Jenny ! s'écria Chibs.
― Mais quel bordel ! soupira Jax, entre l'amusement et l'inquiétude que la situation ne tourne mal.
― Tu t'es fait la meuf de Chibs ! renchérit Bax. Mais c'est encore une gamine !
― Plus âgée que toi, la première fois, objecta Happy, avec sérieux. Et plus douée aussi !
― T'es mort, mec, le menaça Bax, furieuse.
― Ah tu vois, elle est plus vieille que tu ne l'étais ! reprit Chibs, victorieux.
― Tu as trente ans de plus qu'elle, Telford ! C'est dégueulasse ! s'insurgea Baxie.
― L'âge, ça ne compte pas, protesta simplement le Nomade.
― Bien sûr que si, ça compte, rétorqua la brunette, boudeuse.
― Pourtant, ça ne t'a pas dérangée, quand tu m'as sauté dessus… répliqua le grand tatoué, taquin.
― Va mourir, connard ! Et d'abord, qu'est-ce que tu fous là, toi ? cracha-t-elle, acerbe. Putain Chibs, même Happy lui est passé dessus : Dieu sait combien d'autres gars l'ont mise dans leur pieu avant ça ! se scandalisa la chasseuse.
― Bobby, Tig… commença à énumérer songeusement Happy.
― Juice, aussi, ajouta Jax, hilare.
― Quinn et Kozic, continua son compère Nomade.
― Je vais vomir, articula Charlie avec un rictus dégoûté. Vous êtes pathétiques. Et au fait, quand vous vous refilez les filles comme ça, vous vous refilez aussi les morpions et autres saloperies qui vont avec ? lança-t-elle, venimeuse, faisant naître un sourire amusé sur les trognes des trois bikers.
― Qui a des morpions ? intervint Kip, en émergeant du garage, un pile de factures dans la main, qu'il donna à la jeune femme.
― Oh, et lui aussi, souffla Happy, avant de ricaner franchement, devant la mine déconfite de la brunette.
― Formidable ! grogna Charlie en claquant la pile de papier sur le bureau, avec humeur. Avec Juice, en voilà deux sur huit qui n'ont pas l'âge d'être son père !
― Le père de qui ? Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Kip, complètement perdu. »
Kip ne comprenait absolument rien à ce qu'il se passait. Happy était hilare ; Chibs semblait hésiter entre la contrariété et le rire, tandis que Jax dardait un œil inquisiteur sur sa sœur. La sœur de Jax, justement... Baxie semblait tout d'un coup hors d'elle, un air de déception mêlé de colère peignant les traits de son visage. Qu'est-ce qui avait bien pu se passer, pour que sa jeune maîtresse se mette dans un tel état ? Le rouquin perçut le regard de son VP, et sans pouvoir expliquer comment il le savait, le Prospect en était sûr : Jax savait.
Il le voyait dans les yeux du blond, dans le regard compatissant et amical qu'il posait sur lui. Jax était au courant de sa relation avec Charlie. Sans doute sa jeune sœur avait-elle ressenti le besoin de s'en ouvrir à la lui : Kip les savait très liés. Alors, pourquoi donc Jax arborait-il cet air crispé ? Kip sentait bien qu'il essayait de lui faire passer un message, qu'il ne pouvait délivrer à haute voix, mais il n'en comprenait pas la teneur.
Au vu de l'état d'agacement contrarié de Baxie, cela avait sans nul doute rapport avec quelque chose qu'il avait dit ou fait, et que son amante avait mal pris. Mais Kip, ne savait pas : il venait d'arriver, et n'avait rien dit de significatif.
― « Jenny. Et son vagin, reprit Baxie, glacial, son regard noir fixant le bureau pour éviter de croiser celui de l'un des bikers. Fourré par la quasi-totalité des queues de Sons des alentours ! cracha-t-elle, avant de tourner brusquement les talons, le cahier de comptabilité dans les bras, quittant la pièce.
― Bax ! s'indigna Chibs.
― Bax... tenta d'apaiser Jax.
― Mais Bax, qu'est-ce que... demanda Kip, incrédule.
― Tu veux de la compagnie ? la taquina Happy, alors que Charlie s'éloignait sur le parking, en direction du Club.
― Crève, connard ! beugla la jeune femme avec fureur.
― Charlie ! gronda Clay, adossé à la porte du Club.
― Oh ça va ! bougonna la brunette avec humeur, avant de lancer le cahier de comptes à son père, et de s'asseoir sur l'une des tables de pic-nic pour allumer une cigarette. »
Pour ce premier chapitre, je vous épargne l'appel à la review, mais préparez-vous pour les prochains ! MOUHAHAHAHHAHAHA! t surtout, cela ne vous dispense pas d'une petite review, hein ! =)
