Ch 1. Le Poisson, la Gloire et la Richesse.
L'endroit était paisible et seul le bruit des vagues, aujourd'hui calmes, rompait de temps à autre le silence. Derrière les hauts arbres - ceux-là si caractéristique de l'île - proche de la rive se trouvait un petit radeau amarré à un bout de bois grossièrement taillé et planté dans le sol. Dans ce rafiot au bois usé et quelque peu délabré se trouvait allongé une jeune fille. Le grand chapeau de paille qui cachait son visage et ses pieds nus posés nonchalamment sur la rambarde la faisait paraître endormie. Soudain, un remous fit légèrement trembler le bateau, et l'occupante du navire se redressa brusquement en poussant un cri.
« Enfin ! »
Elle se saisit d'un harpon et se campa sur ses deux jambes, presque accroupie, regardant attentivement l'eau autour d'elle.
L'origine des secousses sortit brusquement de l'eau. Un poisson. Assez gros. Avec dextérité, elle le transperça, avec assez de force pour être certaine de bien tenir sa proie. Elle le remonta sur son bateau en souriant largement, fière de son exploit.
Ce poisson n'était pas n'importe lequel, il s'agissait d'un spécimen relativement rare et qui ici, à Awa, était presque introuvable. Vivant dans l'eau de mer mais proche des berges, il était en outre pénible de le pêcher, car il était rapide et possédait la faculté de se dissimuler sans difficulté.
Et elle avait réussi. Le traînant hors du radeau, elle le glissa dans un sac ressemblant à un filet de pêche, qu'elle mis sur ses épaules – non sans peine, car le poisson était lourd – et entreprit de retourner à son village, d'un pas conquérant et victorieux. Elle traversa la forêt rapidement – elle en avait tellement l'habitude - et déboucha sur son patelin. Sous les regards estomaqués des habitants et parfois envieux – le village étant réputé pour la pêche, tous connaissaient le prix du trésor qu'elle allait pouvoir toucher en le vendant - elle gagna le bar et appela avec une grande vigueur :
« Mummy ! Viens voir ! »
Une grande et belle femme, avec un large bandeau autour de sa tête apparu de la cuisine avec un plateau dans les mains.
« Un instant ma chérie et je suis toute à toi. »
Elle virevolta jusqu'à une table et déposa trois verres :
« Voilà pour vous Messieurs ! Elle leur fit un grand sourire tandis qu'ils riaient bêtement – ils l'adulaient tous et son physique n'y était pas pour rien. Elle se tourna vers la jeune femme.
- Alors, qu'est-ce qu'il y a mon poussin ? »
Elle sortit le poisson sur une des tables :
« Regarde ce que j'ai pêché ! Génial non ?
- Oh, Patty chérie, ne laisse pas le poisson traîner sur la table s'il-te-plait, pense aux clients ! Ils en voient déjà toute la journée... »
Patty leva les yeux au ciel en soupirant. Dans ce village de pêcheur, il n'y avait qu'une seule personne pour ne pas s'intéresser à la pêche et c'était sa mère. Avant qu'elle n'ait pu lui lancer une remarque acerbe, les clients du bar étaient déjà sur elle, touchant le poisson avec leurs grosses mains dévastatrices et après la félicitant à grands coups de poing sur l'épaule.
« Hey ! Ça suffit ! C'est mon poisson ! »
Elle n'avait probablement pas été entendue car cela n'empêchait pas les villageois de continuer et elle ne donnait pas cher de son omoplate, qui commençait à trop souffrir pour son propre bien. Elle aurait du cacher son trésor, les gens d'ici étaient des rustres, elle le savait très bien ! Elle entreprit alors de reprendre son poisson, n'hésitant pas à coller quelques claques par-ci par-là – au Diable les bonnes manières ! Et déguerpit dans la cuisine sans demander son reste. Tremblante de peur et de colère, elle fourra le poisson dans un des frigos du bar et ressortit voir ces grossiers personnages qu'elle connaissait depuis l'enfance, harpon à la main :
« Le prochain qui me dit bravo en essayant de me faire valdinguer à l'autre bout de la salle je l'enfourche sur mon arme ! »
Le silence se fit. Patty se redressa, bouffie d'orgueil à l'idée d'avoir enfin réussi à les faire taire quand des hurlements de rires retentirent partout dans la salle.
« Bwahaha ! Attention, Patty attaque !
- Elle risquerait de vous piquer !
- Bwahaha ! »
Elle soupira, vaincue, sans pouvoir s'empêcher de garder son sérieux. Leurs ricanements étaient tant communicatifs et elle avait tellement l'habitude de leurs taquineries à son égard qu'elle n'arrivait même plus à être crédible. Elle éclata de rire. Quand le sérieux revient peu à peu, un des villageois, Randle, un des plus grands pêcheurs du village prit la parole :
« Alors, qu'est-ce que tu vas en faire de ton sacré poiscaille ?
- Le vendre, par Roger ! Je vais aller à Pucci, j'en tirerai probablement un bon prix ! Je vais devenir riche ! Avec un équipement de pêche à la pointe, un navire parfait, un...
- Tu vas pouvoir rembourser tes dettes ! »
Ils éclatèrent de rire tandis que Patty grommela.
« Je pensais que tu aurais oublié...
- Et non ma petite, surtout que tu vas bientôt obtenir un joli petit pécule !
- Oh, je suis tellement fière de toi ma fille ! »
Pat' vit avec effarement sa mère fondre en larmes, clamant que sa fille deviendrait quelqu'un de respectable, qu'elle avait enfin fait ses preuves, qu'elle était la fierté de famille et qu'elle était heureuse d'avoir engendré une pareille enfant. En soupirant – ce genre de scène n'était pas rare, malheureusement pour elle – elle s'assit sur une chaise en tendant un mouchoir à sa mère, tandis que les ballots de pêcheurs à ses côtés hurlaient à nouveau de rire.
L'île d'Awa. C'était un petit village de pêcheurs, ridiculement minuscule dans Grandline, mais la vie y était agréable, et Patty était bien heureuse de vivre ici, sans problème et sans responsabilité majeure, hormis celle de pêcher un jour un beau poisson, chose qu'elle venait de réussir aujourd'hui. Avide de pouvoir récolter rapidement son argent, elle décida qu'elle prendrait le large dès le lendemain vers Pucci, la ville des Gourmets.
« Yosh ! J'ai l'éternal-pose, de quoi boire et manger, mon poisson, mon harpon, ma bourse... Je crois que c'est bon ! »
Le navire était petit mais largement suffisant pour elle tout seul. Randle avait fait preuve d'une grande gentillesse en lui prêtant et elle lui en était reconnaissante. Le voyage ne lui causerait donc à priori aucun problème ; le bateau était presque neuf – comparé à son vieux rafiot – et elle n'avait pas de doute quant à ses qualités de navigatrice, elle connaissait la mer par coeur et était déjà allée plusieurs fois à Pucci et les autres îles à proximité de cette dernière – le rare commerce qu'ils faisaient s'effectuant avec elles. Elle n'en aurait que pour quatre jours si les vents étaient favorables.
« Ne dépense pas tout là-bas gamine ! Tes parties de roulette doivent être remboursées ! »
Patty leva les yeux au ciel. Les jeux de hasard ne l'aimaient décidément pas et elle ne comptait plus le nombre de berrys qu'elle devait aux villageois, tant elle était endettée. De toute manière, son trésor vendu, elle pourrait les rembourser et jouer à la roulette toute sa vie sans avoir de nouvelles dettes. À priori.
« Je m'acquitterai de tout ce que je te dois, ne t'inquiète pas !
- Allez viens là gamine ! »
Tandis que Randle s'approchait un peu trop vite, elle s'accroupit rapidement afin d'éviter une des calottes dont lui seul avait le secret.
« Doucement le vioque, je veux pouvoir partir en bonne santé ! »
Ce dernier éclata de rire et l'enlaça, la portant comme si elle ne pesait rien, et l'étranglant comme le barbare bien vivant qu'il était.
« Randle, qu'est-ce que j'ai dit !
- Bwahaha ! Reviens-nous vite ! »
Patty lui sourit largement, lui donna un petit coup sur l'épaule avant d'étreindre sa mère qui sanglotait de nouveau à propos de choses obscures dont elle seule avait le secret.
« C'est l'histoire de deux semaines tout au plus Mummy, je reviens vite !
- Alors dépêches-toi ma chérie ! Ne traîne pas ici ! Allez allez !
- Yosh ! C'est parti ! »
Patty levait l'ancre. Pour le meilleur et pour le pire.
« Oh bordel ! »
En se levant ce matin, Patty savait déjà que la journée allait être longue et surtout peu amusante ; les nuages qui noircissaient au fur et à mesure et le vent qui soufflait de plus en plus lui avaient ôté l'espoir d'une journée tranquille et elle savait qu'une tempête se préparait. Cela faisait trois jours qu'elle naviguait, jusqu'ici sans problème, malgré la brise qui n'était pas assez puissante pour la faire avancer aussi vite qu'elle ne l'aurait voulu. Et maintenant, de grosses bourrasques réveillaient la mer et les vagues montaient de plus en plus haut, lui donnant l'impression qu'elle allait se faire engloutir d'un moment à l'autre et ses talents de navigatrice ne lui servaient strictement à rien. Pour plus de sûreté elle attacha autour de sa taille une corde, elle-même fixée au mât du bateau, qui, quelle que soit sa valeur, commençait à trembler dangereusement.
« Oh Roger... »
Une secousse plus brusque que les autres la fit s'écraser lamentablement contre le sol. Elle se releva, sentant la panique la gagner. Elle retomba à genoux, et portant sa main à son visage, s'aperçut que son éternal-pose n'avait tout juste pas apprécié sa chute.
« Une putain de tempête ! Forcément ! »
Patty se releva et courut se jeter sur le gouvernail. Logiquement, elle était proche de Saint Poplar, et en allant vers le nord elle pourrait probablement y arriver sans trop de dégât. La jeune femme leva la barre, avant qu'une nouvelle vague ne vienne s'échouer sur le pont. Toussotant et recrachant de l'eau de mer, elle se mit à hurler :
« Hasard de merde ! Bordel ! »
Elle avait réussi. Elle était vivante. Épuisée, totalement épuisée, mais en bonne santé. Patty lâcha le gouvernail, qu'elle tenait encore dans ses mains depuis ce qu'il lui semblait des jours. Elle n'avait jamais été aussi heureuse de revoir la terre ferme. La tempête s'était calmée depuis quelques heures, sans quoi elle n'aurait pas donné cher de sa peau vue l'état du navire, qui était tout juste bon à mettre à la décharge. Elle amarra son navire dans le petit port et posa avec plaisir ses pieds sur le béton, avant de s'y assoir sans aucune élégance, tandis qu'un petit bonhomme chauve courait vers elle :
« Vous étiez en mer ? Oh mon dieu, vous allez bien ? »
Patty hocha la tête, ne sachant si, à force d'avoir trop juré, sa voix ne s'était tout simplement pas envolée. Elle prit une grande inspiration, avant de se stopper net.
« Mon poisson ! »
La jeune femme délaissa le vieil homme sans plus de cérémonie avant de sauter sur le bateau et de s'engouffrer dans la cale. Cale qui était pleine d'eau et totalement saccagée.
« Non non non ! »
Elle entreprit de soulever les décombres, cherchant dans tout ce fatras son trésor. Elle poussa un cri de joie quand elle aperçut le frigo, avant de prendre conscience qu'il avait été tout bonnement écrasé par les autres objets présents dans la pièce. Elle souleva les caisses et ouvrit avec difficulté ce dernier.
Broyé. Son trésor, fabuleux trésor qui lui aurait valu la fortune – bon, peut-être un peu moins que ça – était tout simplement broyé. Patty poussa un gémissement.
« Tout ça pour rien ! »
Elle referma la glacière d'un coup sec – foutu garde-manger qui n'avait servi à rien – et de colère, attaqua férocement l'objet avant de se rendre compte qu'elle souffrait d'autant plus car désormais, ses orteils étaient atrocement douloureux. Remontant en grognant, elle rejoignit l'ancien, qui la fixait, ahuri par tout le bruit qu'il venait d'entendre et l'humeur manifestement épouvantable d'une si jeune femme, qui semblait revenir de loin, selon son point de vue.
« Heu, mademoiselle, vous allez bien ? »
« Un billet pour Blue Station, s'il vous plait.
- Cela vous fera 7000 berrys mademoiselle. »
Patty sortie sa bourse, qui était quasiment vide, en grimaçant. Le peu d'argent avec lequel elle était partie s'était rapidement épuisé et cela même si les habitants de Saint Poplart avaient été extrêmement généreux avec elle en apprenant ses malheurs. Elle paya avec un sourire crispé et se dirigea vers le quai indiqué, direction Waten Seven.
Deux jours avant, la jeune femme avait voulu retourner sur son île et oublier ce stupide hasard qui s'était défoulé sur elle sans aucune raison. Puis elle s'était rendue à l'évidence ; elle ne pouvait pas revenir à Awa, pas dans ces conditions. Pas de poisson, pas d'or, plus de bateau, des dettes à rembourser... Elle serait devenue la risée du village, la malchanceuse, celle qu'on pointait du doigt et où l'on était heureux de ne pas être comme elle – sans rire ! Oh non, elle ne voulait pas ça. Elle avait alors décidé de partir à la métropole aquatique, où elle espérait que Iceberg-san pourrait lui apporter son aide. Après tout, il la connaissait depuis longtemps – ce dernier venait souvent à Awa, bien qu'elle se demandait si c'était plus pour le commerce de bateaux de pêche qu'ils lui achetaient ou pour sa mère, qui semblait être merveilleusement à son goût. Peut-être pourrait-elle insister sur le fait que cette dernière lui en serait absolument reconnaissante s'il lui fournissait un de ses bateaux... Elle monta dans l'Umi Ressha, en espérant que le trajet ne serait pas trop long. Elle avait tout de même hâte de revoir l'homme à l'étrange chevelure bleu marine et les autres ingénieurs navals qui étaient tout simplement géniaux ainsi que l'île, qui était magnifique. De plus, elle n'avait pris ce train qu'une seule fois, et filer si vite sur l'eau était fantastique, bien qu'elle préférât tout de même un bon vieux bateau – sauf quand il y avait des tempêtes qui lui applatissaient ses poissons. Ah, il y avait quand même ce moment de perturbation, elle s'en souvenait, non loin de Shift Station, où un poisson géant, non, une grenouille, tentait tous les jours d'arrêter le passage du train, mais elle ne savait plus pourquoi. Une obscure histoire liée à la construction de la voie ferrée il lui semblait.
« Les voyageurs sont priés de s'assoir à leurs places respectives, une perturbation est à prévoir. Merci à vous, les contrôleurs de l'Umi Ressha s'excusent pour le dérangement occasionné. »
Quand on parlait du loup. Patty jeta un regard vers l'extérieur et se retint de pousser un cri digne d'une adolescente – ce qu'elle n'était plus bon sang, elle avait vingt ans ! En voyant l'énorme crapaud nager vers le train. Tiens d'ailleurs, il était assez surprenant de voir que la bête nageait en crawlant, elle ne pensait pas que les animaux le faisaient aussi – quoique, le monde où ils vivaient était tellement étrange... Elle regarda la grenouille s'approcher du train – par Roger, qu'elle était rapide ! Puis il y eut une forte secousse. Elle ricana quand elle vit un des agents du véhicule étalé de tout son long sur le sol, et tira la langue à la femme en face d'elle quand elle lui fit les grands yeux face à son comportement. Après tout, cela restait drôle, elle pouvait bien en rire un peu et tant pis si les gens étaient tellement coincés. Randle aurait été là, il n'aurait pas juste gloussé mais aurait fait tourner en ridicule le pauvre homme par ses railleries si singulières. Le train commença à ralentir, jusqu'à s'arrêter. Shift Station. Patty se souvenait que cet arrêt était totalement vide, que ce n'était juste qu'un point de surveillance tenue par une ivrogne et sa petite-fille. Oh, cela faisait bien cinq ans qu'elle n'était pas retournée sur l'île, préférant passer ses journées à pêcher son diner et lambiner sur son bateau que de naviguer constamment entre Water Seven, Saint Poplart, Pucci et San Faldo, avec qui son île natale faisait du commerce. Ils auraient pu avoir accès à l'Umi Ressha de leur île, cependant la fierté des pêcheurs d'Awa leur avait fait refuser. D'ailleurs, Patty avait toujours été d'accord sur ce point, d'autant plus que le bruit du train faisait fuir les poissons, mais si elle avait su qu'elle aurait perdu son poisson en naviguant, elle aurait sûrement fait signer une pétition avec tous les avantages d'avoir une station chez eux, se battant corps et âme pour l'avoir. Bon, elle exagérait un peu, surtout que la tranquillité de l'île venait du fait qu'il n'y avait que peu de tourisme – voir pas du tout.
Le train reparti, prenant de la vitesse, et Patty admira de nouveau la mer, qui était, en ce jour ensoleillé, superbe.
L'Umi Ressha arriva rapidement à bon port, si bien que la jeune femme se retrouva rapidement à louer un bull – un Yagara plus précisément – afin de longer tranquillement les canneaux et de rejoindre le chantier naval. Elle était toujours surprise de la convivialité des habitants de la métropole aquatique, mais il était vrai qu'avec les ingénieurs, ils ne pouvaient se sentir qu'en sécurité. Elle déboucha rapidement sur les quais et après avoir attaché son poisson-cheval, elle partit à la recherche de Iceberg-san. Arrivée devant l'entrée principale du bâtiment administratif – Le vieil homme était maire de la ville aussi – elle se dirigea vers un guichet.
« Bonjour, j'aimerais parler à Iceberg-san s'il vous plaît. »
La femme de l'officine releva la tête en la jugeant froidement.
« Monsieur Iceberg ne reçoit pas d'inconnue dans son bureau. Avez-vous rendez-vous ? »
Patty leva les yeux au ciel en entendant cette mégère qui se permettait de la mépriser.
« Dites-lui que Patty est là, il viendra.
- Si je devais faire la même chose avec toutes les midinettes de votre genre qui viennent le voir, Iceberg-sama ne pourrait jamais travailler. Maintenant je vais vous demander de sortir. »
La pêcheuse souffla bruyamment. La groupie était plutôt cette abominable secrétaire qui se croyait tout permis. N'ayant plus la moindre envie d'être courtoise, elle se pencha vers cette gourgandine et lui lança :
« Écoutez, vous pensez ce que vous voulez, mais j'ai besoin de le voir. Et croyez-moi, quand il saura que vous ne m'avez pas laissé entrer, il ne sera pas content, pas content du tout, et vous vous mordrez les doigts quand vous n'aurez plus de travail. »
La femme blanchit, et Patty se dit que finalement, elle pouvait parfois impressionner les gens – non parce que avec Randle et les autres, elle n'avait aucun pouvoir d'intimidation, et quand elle essayait cela donnait lieu à une crise de fou rire et de hurlements, en bons mufles qu'ils étaient.
« Patty ! Maa, cesse donc de traumatiser mes employés, miss Catarine fait juste son travail.
- Iceberg ! »
La jeune femme se jeta dans ses bras avec un énorme sourire.
« Ça fait longtemps ! s'exclama-t-elle.
- Maa oui... Toujours aussi bronzée dis-moi ! Qu'est-ce que tu viens foutre ici, je pensais que tu n'aimais pas quitter ton île ?
- Hum et bien c'est un peu compliqué, avoua-t-elle, crispée. Mais j'ai absolument besoin de toi.
- Maa... D'accord. »
Une ravissante femme, qui était arrivée avec l'homme s'approcha.
« Icerberg-san. Vous avez rendez-vous avec le maire de San Faldo dans 10 minutes, ensuite une conférence à l'esplanade Riburia et quand cela sera terminé, vous avez un dîner avec le directeur de l'usine de verre, au Chiza Hôtel.
- Maa, je vais plutôt profiter de la venue de la gamine...
- Très bien, j'annule tout. »
Patty éclata de rire.
« Je vois que tu es toujours aussi attaché à ton poste de maire !
- Maa, j'ai des choses bien plus intéressantes à faire...
- Dis, tu as une nouvelle secrétaire alors ?
- Maaa, cela fait cinq ans que Kalifa est ma secrétaire. Donc, que veux-tu ?
- Hum, et bien c'est un peu long à expliquer...
- J'ai tout mon temps quand il s'agit de la fille de Petra. Comment va-t-elle ?
- Oh bien, comme d'habitude.»
« Et donc voilà, tu sais tout. »
Patty, après lui avoir conté tous ses déboires, lui lança un regard plein d'espoir.
« Tu pourrais me prêter un navire alors ?
- Maa, je suppose que oui... Cependant, tu as conscience que chaque chose doit être payée ? »
La jeune femme eut un soupir.
« Je sais bien... Et je te jure que je te pairais dès que je pourrais ! »
L'homme éclata de rire.
« Allons gamine, je sais très bien comment ça marche... On promet mais on ne rembourse jamais ! Regarde Paulee ; les créanciers lui courent après depuis plusieurs années pour ses dettes de jeu, et il ne leur a jamais rendu un seul berry...
- Ah. »
La jeune femme cligna des yeux, essayant de paraître innocente. Le contremaître était comme elle et aux yeux du maire ça n'avait pas l'air de lui réussir. Cependant elle n'eut pas à argumenter plus :
« Maa, si ça avait été une autre que toi, cela aurait été un non catégorique. Cependant, depuis le nombre d'années que je te connais, et ayant pu juger plusieurs fois de l'intégrité de ton village... Maa, je t'accorde ton bateau gamine.
- Vrai ?! Oh, merci le vieux ! S'écria-t-elle en s'empêchant de courir partout. T'es génial ! »
Il lui fit un clin d'oeil.
« Tu es la fille de Petra, par procuration, je ne peux rien te refuser non plus... Mais si tu continues à m'appeler le vieux, tu pourrais éventuellement te retrouver avec une planche et des rames...
- Roger !
- Allez, je vais te montrer les bateaux que nous avons récemment construit pour ton village, je suis certain que tu trouveras ton bonheur... Paulee et Kaku, un des autres contremaîtres de Galley-la, les ont probablement déjà raboté... »
Ils sortirent tous les deux de la mairie et se dirigèrent vers le quai principal, en compagnie de la secrétaire, qui manifestement le surveillait de près, ayant probablement l'habitude de gérer cet homme aux sauts d'humeur généreux. Patty était soulagée de voir que finalement, cela n'avait pas été si difficile que ça de le convaincre – même si sa mère y était pour le moins pour beaucoup. En possédant de nouveau un bateau, elle pourrait ainsi continuer à naviguer, et espérer pouvoir revenir à son île comme elle l'avait prévue dès le départ, c'est-à-dire riche, car ayant vendu un gros poisson. Elle ne doutait pas de ses capacités de pêcheuse, et se savait assez patiente pour réussir à en pêcher des biens plus difficiles que ne pouvait le commun des mortels. Le seul problème était qu'il fallait s'aventurer loin, plus loin qu'elle ne l'aurait voulu, car un poisson tel que celui qu'elle avait pêché ne se trouvait normalement pas dans cette partie de l'océan, mais bien plus proche des falaises de Red-Line. Elle devrait donc naviguer plus longtemps, et surtout espérer ne pas croiser de ces pirates sanguinaires qui avaient déjà accosté sur son île. Oh, elle n'était pas assez crédule pour avoir compris que les pirates n'étaient pas forcément des fous furieux sadiques, mais aussi des individus qui souhaitaient partir afin d'être libre – oh Patty comprenait cela, être en mer était la plus belle chose qui soit – et aussi de réaliser certains de leurs rêves. Ces gens-là avaient une certaine étique, et respectaient les habitants des villages, s'autorisant les soirées alcoolisées dont ils avaient le secret et autres décadences – bon, ce terme n'était pas approprié, elle n'était absolument pas quelqu'un qui ne buvait pas – volant quelques babioles de temps à autre, mais sans jamais piller et détruire le village. Ces personnes-là étaient marrantes et vous faisaient voir la vie d'un pirate comme étant une aventure parfaite. Oh, étant petite, elle avait voulu devenir pirate, mais c'était avant de s'apercevoir qu'il fallait qu'elle sache se battre – et pas contre des poissons, mais contre des humains! alors elle avait abandonné – sans trop de tristesse cependant, car c'était bien trop éprouvant pour elle. Au moins, pêcher alliait la flemme, la patience et l'action d'un moment qui ne durait pas éternellement, pas comme un combat entre deux équipages de pirates, ou en plus – misère – il était possible de mourir – par Roger, même si pêcher était difficile, il y avait tout de même moins de chances de clamser – où alors il fallait ne vraiment pas avoir de chance et tomber seul sur un roi des mers. Mais de toute manière les sea kings ne vivaient généralement que sur Calm Belt, et il était rare qu'ils partent ailleurs. Elle aurait été plus forte, pêcher un de ces poissons lui aurait apporté une grande richesse – et popularité – car certaines de leurs écailles étaient excessivement rares et prisées par la population noble qui aimaient collectionner tout un tas de chose et prêt à payer une fortune pour cela. Elle était d'accord, la peau de ces poissons était magnifique, mais leur chair était tout simplement sensationnelle et elle se souvenait encore de la seule fois où elle avait pu en manger. Mais de toute manière, très peu d'individus s'y tentaient – sauf certain cinglé – et elle ne connaissait que Randle qui avait réussi – oui, elle idolâtrait littéralement cette personne. De toute manière, elle ne pouvait même pas imaginer pêcher ce genre de monstre – surtout qu'elle était seule. La seule chose qu'elle pourrait faire si elle en croisait un, c'était de fuir – Patty avait de bonnes compétences pour ce qui était de déguerpir. Dans tous les cas, elle devrait probablement aller loin, sauf si elle avait de la chance. Elle avait ouï dire que les îles derrière l'archipel Sabaody regroupaient de poissons assez prisés, elle irait peut-être tenter sa chance là-bas. Certains poissons valaient cher, parfois plus de 10 000 000 berrys, il lui suffisait d'en attraper ne serait-ce qu'un et elle aurait remboursé la totalité de ses dettes. Enfin, il lui faudrait tout de même un heureux hasard pour pêcher de nouveau un tel spécimen. De toute manière, elle ne retournerait pas à Awa si elle ne revenait pas riche. Elle tenait trop à sa fierté pour ça.
Elle sortit de ses pensées quand elle vit les ingénieurs navals et les deux contremaîtres, qui travaillaient sur plusieurs petits navires.
« Par Roger... Ils sont magnifiques ! Ils sont du tonnerre ! »
Les bateaux venaient d'être polis et, il fallait se rendre à l'évidence, celui de Randle à côté avait juste l'air d'un simple rafiot totalement has been.
« Yooo Patty ! Comment vas-tu ? »
La jeune femme tourna la tête vers Paulee.
« Bien mieux depuis que j'ai vu vos nouveaux bateaux ! Ils sont tous pour Awa ?
- Oui bien sûr ! On les a amélioré et regarde ce que Iceberg a inventé ; le processus ici va vous permettre de dérouler cet objet qui ainsi va pouvoir faire... Viens voir, que je t'explique ! »
Patty s'approcha, avide.
La jeune femme libéra le bull qui l'avait accompagné pendant une quinzaine de jours sur Water Seven dans l'enclos. La location de l'animal avait déjà été réglée et à présent, il ne lui restait plus qu'à charger tous ses achats ainsi qu'à dire adieu aux ingénieurs de Gally-la, particulièrement à Iceberg, Paulee, et Kaku et Kalifa – qui malgré qu'elle soit très sérieuse et à cheval sur certaines règles, la côtoyer régulièrement faisait ressortir son caractère qui était bien plus différent de ce que l'on pouvait croire. Cette dernière avait beau avoir cinq ans de plus que Patty, elles s'en étaient très bien accommodées et les soirées passées à Water Seven avaient été ponctué par leurs beuglements ivres, accompagnées de Paulee, Kaku et tous les autres contremaîtres. L'ingénieur blond avait plusieurs fois essayé de l'entraîner dans le casino de la ville, mais sous les regards de Iceberg et Lucci – Lorsqu'il était en colère, le ventriloque pouvait vraiment faire peur – ils avaient rapidement renoncé à leur plan, ce qui leur avaient permis d'éviter de perdre des sommes d'argents conséquentes. Dans tous les cas, rester à la métropole aquatique lui avait permis de travailler dans un petit bar en tant que serveuse – car l'époque était aux aquas laguna et de nombreux touristes venaient assister à la plongée de la ville sous l'eau et les pirates restaient toujours présents, après tout les bateaux de Iceberg-san et des autres étaient excessivement demandés. Elle avait ainsi amassé un peu d'argent, de quoi s'acheter des vivres pour le voyage, quelques vêtements ainsi qu'un log-pose afin de continuer sa route. Son navire, qui avait été construit selon les plans pour les bateaux à destination d'Awa, avait rapidement été bâti et était désormais prêt à naviguer. Il était simple, rapide, et assez confortable pour qu'elle puisse y vivre sans aucun problème. Le pont était plutôt long et l'intérieur du bateau était composé d'une petite cuisine, une salle de bain et une chambre à coucher, ainsi que d'une cale, relativement conséquente – ce qui était important pour un pêcheur. Par ailleurs, elle était aussi allée acheter des appâts et une canne à pêche – la sienne avait été détruite lors de la tempête. Elle entreprit de rejoindre le quai principal à pied, marchant paisiblement le long des canaux. Ce fut assez rapide et à peu près calme – elle avait tout de même vu une sorte de pervers en slip de bain et aux cheveux bleu clair qui braillait dans tous les sens ; certaines personnes ici étaient décidément bien étranges. Elle remercia alors les ingénieurs, Kalifa et Iceberg-san – en lui promettant qu'elle lui revaudrait tout ça – et prit rapidement le large, si bien que la ville ne fut plus qu'en un instant un point dans l'horizon. Patty se sentit tout à coup euphorique ; si elle avait aimé être à Water Seven, rien n'était comparable à ce qu'elle ressentait à cet instant ; le plaisir de retourner sur la mer, seule sur un navire qui était fait pour elle et avec qui naviguer serait fantastique. Oh, il fallait l'avouer, prendre le large seule, après son « accident » l'intimidait peut-être un peu au début, mais après tout, voguer sur l'eau comportait bien des risques et puis elle y était de loin habituée. D'excellente humeur, elle s'assit sur le pont et sortit sa canne à pêche.
